Cette relation fraternelle entre la Russie et la Corée du nord, voici une des évidences du monde multipolaire que nous tentons de faire comprendre dans notre livre, le fait qu’il faudrait changer de mentalité et avoir la lucidité de mesurer ce que ce monde multipolaire déjà là, exige de nous l’occident, la France. A quel point nous l’occident qui avons prétendu être la seule Histoire de l’humanité nous nous condamnons non seulement à ignorer l’histoire d’autres peuples mais à ne rien comprendre à celle qui s’impose à nous dans ce monde multipolaire. Ainsi en est-il en Asie de la relation entre le Chine, la Russie et la Corée, auxquelles il serait juste d’associer le Japon. Ces voisins ont leur propre vie, en particulier dans leur choix du socialisme, mais aussi la guerre et leur accès à la modernité. Nous esquissons cela dans notre livre, mais nous avons coupé une vingtaine de pages là et ailleurs parce qu’il y avait trop à décrire dans cette relation, leur profondeur historique, confrontée à ces stupides caricatures dont on nous abreuve et qui nous déshonorent dans notre impuissance inculte désormais dans un monde qui fait sans nous, sans avoir même à faire contre nous. (note de danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)
https://ria.ru/20250429/rossiya-2013930481.html
Les guerres de Corée : autrefois, cette expression nous évoquait les guerres que nous avons menées en Corée ou à cause de la Corée. Au siècle dernier, il y en a eu trois. La guerre russo-japonaise de 1904 a éclaté en grande partie à cause des contradictions autour de la Corée : l’influence russe s’était étendue non seulement à la Mandchourie chinoise, mais aussi progressivement à la péninsule coréenne, convoitée par le Japon. En 1945, nos troupes ont écrasé l’armée du Kwantung, libérant le Nord de la Corée de la domination japonaise, et cinq ans plus tard, nos pilotes ont combattu les Américains dans le ciel de la guerre de Corée (les Chinois se battaient sur terre). Mais aujourd’hui, les « guerres de Corée » sont aussi pour nous les soldats de l’Armée populaire coréenne qui ont participé aux combats dans la région de Koursk : des milliers de combattants du pays voisin ont aidé à chasser les forces armées ukrainiennes du sol russe. Et cela n’a pas de prix.
Dans une déclaration spéciale, Vladimir Poutine a rendu hommage « à l’héroïsme, au haut niveau de préparation spéciale et au dévouement des soldats coréens qui, aux côtés des combattants russes, ont défendu notre patrie comme la leur ». Le président a déclaré qu’ils avaient accompli leur devoir avec honneur et bravoure, se couvrant d’une gloire éternelle, et que notre peuple n’oublierait jamais leur exploit :
« Nous honorerons toujours les héros coréens qui ont donné leur vie pour la Russie, pour notre liberté commune, aux côtés de leurs frères d’armes russes. »
Poutine a exprimé sa sincère gratitude envers le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, qui a quant à lui qualifié ses soldats de héros ayant participé à une « mission sacrée » et promis d’ériger à Pyongyang un monument en l’honneur de leurs exploits militaires.
Il s’agit d’un événement sans précédent : pour la première fois dans l’histoire de la Russie (du moins au cours des derniers siècles), des soldats d’un autre État ont combattu à nos côtés sur notre sol. Certes, il s’agit d’un pays voisin, certes, traditionnellement ami, mais il n’en reste pas moins que cette situation est unique. Et il s’agit bien d’une aide mutuelle, non seulement conformément à la lettre et à l’esprit de l’accord signé en juin dernier à Pyongyang par Poutine et Kim, mais aussi dans l’intérêt des deux parties. Nous avons reçu de l’aide non seulement sous forme de munitions (dont les livraisons à grande échelle ont commencé avant même l’invasion de la région de Koursk par les forces armées ukrainiennes), mais aussi sous forme d’unités de combat, ce qui nous a permis de ne pas relâcher la pression sur d’autres secteurs du front, tandis que les forces spéciales de l’Armée populaire coréenne ont acquis une expérience inestimable de la guerre moderne, que personne d’autre au monde ne possède. Les combats ont également confirmé la sympathie (et la complémentarité) réciproques des deux peuples, que nous connaissons notamment parce que des centaines de milliers de Coréens vivent depuis longtemps dans les vastes étendues de l’URSS et de la Russie. En outre, malgré toutes les différences de caractère et de mode de vie entre nos deux États, nous sommes unis non seulement par l’histoire et la frontière commune le long du fleuve Tuman, mais aussi par le respect le plus sérieux de notre indépendance, de notre souveraineté et de notre autonomie. Il ne s’agit pas d’une fierté nationale prétentieuse ou d’une quelconque xénophobie, mais de la conséquence d’une expérience historique difficile.
Oui, la Corée, petite selon nos critères, et la Russie, immense, ont suivi des chemins historiques différents, mais nos deux pays ont été constamment exposés à des menaces extérieures. Et pas n’importe lesquelles, mais des menaces existentielles : pendant presque toute la première moitié du siècle dernier, les Coréens ont été privés de leur identité nationale. Les Japonais qui avaient occupé le pays leur ont refusé le droit d’exister, menant une politique à la fois de discrimination sévère et d’assimilation forcée (japonisation des Coréens). Les plans de Hitler à l’égard de la Russie étaient plus « simples », mais le fond était le même : conquérir un nouvel espace vital pour sa nation en éliminant, en soumettant ou en rééduquant la population locale. Nous assistons aujourd’hui au même phénomène en Ukraine, où les Russes et les Ukrainiens de souche sont transformés en Ukrainiens Anti-Russes.
La division de la Corée après la Seconde Guerre mondiale n’était pas tant le résultat des différences existant entre le Nord et le Sud (différences certes perceptibles, mais pas trop importantes – elles sont bien plus marquées chez les Allemands) que le résultat d’une lutte entre superpuissances : l’URSS contrôlait le Nord et les États-Unis le Sud. Mais les troupes étrangères ont ensuite été retirées et une tentative de réunification de la péninsule a suivi. Cependant, après le début de l’intervention américaine, la guerre de Corée s’est rapidement transformée en une bataille entre les États-Unis d’un côté, la Chine et l’URSS de l’autre. La division de la Corée en deux États, qui s’est consolidée après la fin de la guerre, est à notre époque la plus longue coexistence séparée de deux États d’un même peuple et a favorisé l’accroissement des différences entre les Nord-Coréens et les Sud-Coréens. Et si, jusqu’à récemment, l’objectif d’une « réunification pacifique de la patrie » était encore proclamé tant par Séoul que par Pyongyang, l’année dernière, les dirigeants nord-coréens ont définitivement renoncé à ce discours, déclarant la Corée du Sud un État étranger et hostile.
Aujourd’hui, le « modèle coréen » est souvent cité comme exemple pour mettre fin au conflit ukrainien : que la Russie et l’Ukraine cessent les hostilités et stabilisent la situation sur la ligne de front, même sans conclure de paix (après tout, il n’y a toujours pas d’accord de paix entre la Corée du Nord et la Corée du Sud). Et ainsi, on pourrait soi-disant vivre pendant des années, voire des décennies – les Coréens le font bien.
Mais l’essence de la leçon coréenne est tout autre. Un conflit non résolu au sein d’un même peuple, dans lequel interviennent des forces extérieures (comme les Américains en 1950), conduit à la division, à la désintégration de ce peuple en différentes parties. Les Coréens, quelle que soit l’évaluation du développement du Sud et du Nord, n’ont pas réussi à préserver leur unité, principalement en raison d’influences extérieures. La Russie a une histoire différente, un parcours différent et un poids différent, et nous ne permettrons pas que la division du monde russe, de la grande Russie historique, se consolide, avec pour conséquence l’européanisation de l’Ukraine et sa transformation en une anti-Russie. La leçon coréenne nous y aidera, tout comme nos frères d’armes nord-coréens.
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