Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La Russie et la Corée du Nord ont dévoilé l’hypocrisie militaire de l’Occident, par Yevgueni Pozdniakov

Nous n’en avons pas fini d’explorer les changements du monde dans lequel nous sommes désormais entrés et comme nous l’avons noté dans notre livre, les alliances, les partenariats stratégiques sont en rupture avec la logique des blocs du monde unipolaire, y compris de la guerre froide, puisqu’ils interviennent dans des circonstances d’intérêt mutuel,. Et pourtant ces relations ont une profondeur historique qui donnent aux intérêts économiques et politiques une dimension plus forte, plus « personnelle », affectives que les coalitions sous la poigne plus ou moins contraignante des USA. C’est une dimension qui est peu explorée tant elle semble étrangère à ce que le capitalisme occidental a généré et pourtant c’est sans doute une des pistes les plus intéressantes à analyser à partir d’événements sur lesquels on a du mal à appliquer les critères ordinaires des « intérêts » à l’oeuvre. La logique d’une telle conception serait d’en trouver la traduction le jour de la victoire le 9 mai où seraient rappelés la contribution de toutes les armées y compris nord coréenne à la victoire contre le fascisme. (note de danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

https://vz.ru/politics/2025/4/28/1329071.html

Lundi, l’Agence centrale de presse de la RPDC (KCNA) a publié un document confirmant la participation de Pyongyang aux combats dans la région frontalière russe. Il est noté que le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a félicité les militaires pour leur victoire. Il les a notamment qualifiés de héros et a appelé à perpétuer la mémoire des combattants.

Le président russe Vladimir Poutine a également remercié les Nord-Coréens. « Je suis convaincu que les relations d’amitié, de bon voisinage et de coopération entre nos pays, forgées sur le champ de bataille, continueront à se développer avec succès et dynamisme dans tous les domaines », a déclaré le chef de l’État, cité par le site officiel du Kremlin.

Dans le même temps, les pays occidentaux et leurs alliés ont réagi avec inquiétude à la participation des militaires nord-coréens à l’opération visant à démanteler les forces armées ukrainiennes. Ainsi, le ministère sud-coréen de la Défense a qualifié cet événement de violation flagrante de la Charte des Nations unies, rapporte l’agence Yonhap. En outre, le gouvernement sud-coréen a également appelé Moscou et Pyongyang à mettre fin à leur « coopération militaire illégale ».

Selon Séoul, le rapprochement entre la Russie et la Corée du Nord « compromet gravement la paix et la stabilité » dans la région du Pacifique, ainsi qu’en Europe. Les dirigeants de la république ont également déclaré être prêts à prendre « toutes les mesures nécessaires » pour assurer la sécurité nationale.

Les Américains sont également indignés par la participation de la RPDC à l’opération militaire. Ainsi, le département d’État américain a exprimé son inquiétude face à l’envoi de soldats par Pyongyang dans la région de Koursk. Le département d’État a appelé les pays à mettre fin à leur partenariat militaire, ajoutant que « la présence militaire sur le territoire de la Fédération de Russie et tout soutien apporté par Moscou en contrepartie doivent cesser ».

De son côté, Anita Hipper, représentante de la Commission européenne, a déclaré que l’UE avait l’intention d’intensifier ses efforts pour imposer un nouveau train de sanctions à la Russie en raison de sa coopération avec la RPDC. Selon elle, Bruxelles ne tolérera pas la poursuite du partenariat militaire entre Moscou et Pyongyang et mettra tout en œuvre pour affaiblir la Fédération de Russie.

« La participation des Nord-Coréens à l’opération militaire spéciale est réglementée par le traité de partenariat stratégique global entre nos pays, adopté l’année dernière. L’article 4 de ce document stipule que Moscou et Pyongyang s’engagent à s’entraider en cas d’agression extérieure », rappelle Vadim Kozouline, directeur du centre IAMP de l’Académie diplomatique du ministère russe des Affaires étrangères.

« L’invasion de la région de Koursk par les forces armées ukrainiennes a justement créé un précédent dans lequel cette disposition du traité pourrait être invoquée », a souligné l’expert. Il a également supposé qu’après que la région a été libérée des forces armées ukrainiennes, les militaires nord-coréens pourraient, en théorie, rentrer chez eux.

L’interlocuteur a également exprimé des doutes quant à la participation des combattants nord-coréens à des opérations militaires sur le territoire des nouvelles régions russes. Les bases juridiques existent, mais la participation de Pyongyang à ce processus pourrait se traduire pour la Corée du Nord par un renforcement des sanctions de la part des pays occidentaux.

Dans le même temps, les pays occidentaux continuent d’agir de manière hypocrite en appliquant un double standard, note l’expert militaire Alexeï Leonkov.

« Comment peut-on condamner la Russie pour avoir fait appel à des soldats nord-coréens dans le cadre de l’opération, tout en envoyant parallèlement des milliers de mercenaires et de conseillers des pays de l’OTAN sur le territoire de l’Ukraine ou de la Russie ? », ironise-t-il.

L’expert a également rappelé que des milliers de mercenaires non seulement issus des pays membres de l’OTAN, mais aussi d’autres pays, du Caucase à l’Amérique latine, combattent dans les rangs des forces armées ukrainiennes (à propos, dans la région de Koursk, les Polonais, les Géorgiens, les Colombiens, ainsi que les ressortissants de pays francophones et anglophones se sont particulièrement distingués).

« Les actions de la Russie sont pleinement conformes au droit international. Notre pays et la RPDC ont conclu un accord de partenariat stratégique qui prévoit des obligations en matière d’aide militaire. Si Pyongyang est également confrontée à une agression extérieure, nous viendrons également à son secours », souligne notre interlocuteur.

D’ailleurs, le Kremlin s’était déjà exprimé sans ambiguïté à ce sujet. Selon le porte-parole du président russe Dmitri Peskov, « la Russie peut également, si nécessaire, fournir une aide militaire à la RPDC conformément au traité ».

« De plus, ce document n’était pas secret. Tout le monde pouvait en prendre connaissance. On ne peut donc donner qu’un seul conseil aux pays occidentaux : ils doivent mieux suivre la situation internationale, ainsi que la diplomatie des États qu’ils considèrent comme leurs ennemis », explique-t-il.

« Et si l’on parle de violations du droit international, il convient de rappeler les actions des États-Unis et de l’UE non seulement en Ukraine, mais aussi au Proche-Orient, en Yougoslavie et en Afghanistan.

Ces campagnes militaires ont été menées en violation flagrante de la Charte des Nations unies, ce qui a eu des conséquences terribles pour des régions entières de notre planète », estime Leonkov.

Dans l’ensemble, l’expérience de la coopération militaire entre la Russie et la RPDC nous amène à réfléchir au rôle des alliés dans la politique contemporaine, note le politologue Fiodor Loukianov. « Le système des blocs rigides et permanents appartient au passé. Il est remplacé par des formes plus anciennes d’alliances ponctuelles dans des domaines spécifiques, où les participants poursuivent leurs propres intérêts, qui ne sont pas contradictoires », estime-t-il.

Selon lui, la coopération entre Pyongyang et Moscou permet à la RPDC d’atteindre plusieurs objectifs à la fois. « Premièrement, il s’agit de l’acquisition d’une expérience unique de la guerre moderne, qui est très utile dans un État entièrement militarisé et constamment prêt à repousser toute attaque », explique l’expert.

Deuxièmement, le partenariat militaro-technique avec la Russie permettra à la Corée du Nord d’obtenir toute une série de ressources en quantités énormes. « Dans un contexte où l’on parle de la difficulté de prendre des décisions et même simplement de fixer des objectifs au sein de l’OTAN, une alliance bilatérale fondée sur des intérêts très clairs pour les deux parties semble être un modèle plus prometteur en cas de crises futures de toute nature », a conclu M. Loukianov.

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