Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Réalités parallèles et guerres entretenues, un simple plaidoyer pour le retour à la raison, par Danielle Bleitrach

Dans la guerre qui se livre en Ukraine mais qui en fait tend à développer des foyers partout, le fait est qu’il y a le champ de bataille et il y a la propagande qui monte des réalités parallèles qui favorisent le fait que les conflits soient insolubles. Le premier travail que nous devons avoir à cœur de faire c’est de favoriser le dialogue entre communistes quitte à avoir au départ des positions divergentes liées au récit national qui nous est imposé sans avoir toujours les moyens de le contredire.

Commençons d’abord par « nos propres généraux » et leur propagande.

Ce sont des « montages » dont il n’est jamais dénoncé l’aspect totalement artificiel. Le caractère le plus manifeste nous a été fourni par cette photo qui a fait le tour de la planète de Zelenski assis au cœur de la basilique Saint pierre sur des chaises de jardin et à la suite de quoi Trump frappé de la grâce et de la sainteté des lieux ralliait les arguments des trois bellicistes Macron, Starmer et Zelenski. Il y a bien eu quelques voix pour noter les positions en zig zag du président des Etats-Unis qui en 15 minutes changeait d’opinion. A moins que les mots prononcés par Zelenski aient été : « on te livre gratis toute l’Ukraine et l’Europe paye pour cet Etat en faillite!, affirmation aussitôt cautionnée par les deux autres illuminés de service le Français et le Britannique affirmant que l’Allemand est OK, on voit mal ce qui aurait pu emporter la conviction aussi rapidement et dans de telles circonstances.

Parce que l’intimité supposée de la photo était qui en doute un pur montage, et ce que l’on ne voyait pas était la foule des caméras et micros chargés de diffuser cette mise en scène qui nous a été servie comme un moment historique pour la paix, en fait il s’agissait de cautionner les délires de ces trois boutefeux de tenter de leur donner un minimum de crédibilité… qu’ont-ils sacrifié en échange nul ne le sait…

L’une des conséquences les plus troublantes de la guerre de l’information est la création de réalités parallèles.

En Russie, l’invasion de l’Ukraine est largement considérée comme une « opération militaire spéciale » visant à protéger les Russes ethniques et à contrer l’agression de l’OTAN. En Occident, elle est considérée comme une violation flagrante du droit international. Créer des convictions sur une telle polarisation rend la paix totalement impossible. Et elles sont destinées aux populations incitées à la guerre en violation de tous leurs intérêts. Le résultat en est soit la haine , soit plus vraisemblablement le désintérêt et dans tous les cas « diviser pour régner ».

Cette polarisation rend le dialogue diplomatique presque impossible. Lorsque les populations sont nourries de visions du monde mutuellement exclusives, le compromis devient un signe de faiblesse et non de progrès. Seule la réalité de la guerre et de ses conséquences peut faire évoluer la situation. Le sens de cette évolution peut d’ailleurs être différent.

Comme le savent les lecteurs d’histoire et societe, nous sommes convaincues Marianne Dunlop et moi Danielle Bleitrach pour avoir été sur le terrain dès les débuts du conflit en 2015 (1) que le récit côté russe est nettement plus véridique que le tissu de mensonges invraisemblables que l’on nous sert en France. Ce n’est pas la comédie jouée hier au Vatican – sans le moindre respect du pape que l’on enterrait et dont le moins que l’on puisse dire était qu’il ne partageait pas la vision du monde des protagonistes de la photo.

Il y a incontestablement dans une propagande arrivée à ce niveau là un mépris total du peuple auquel elle s’adresse(2), l’opinion du peuple français, si elle n’est vraiment pas pour les Russes et pour Poutine, n’a aucun enthousiasme pour l’adversaire, en tous les cas pas au point ni de faire la guerre, ni d’assumer sa faillite.

Il est difficile de se fier aux sources mais l’opinion publique ukrainienne serait restée largement pro-occidentale. Un sondage réalisé en 2023, par l’Institut international de sociologie de Kiev il est vrai, affirmait que 89 % des Ukrainiens soutiennent l’adhésion à l’OTAN. Il s’agissait bien évidemment d’un sondage dans les zones non contrôlées par la Russie mais les même sources affirmaient que même dans les zones historiquement pro-russes, le soutien à la souveraineté ukrainienne augmentait.

Cependant, l’institut de sondage Gallup a rapporté que le soutien à la lutte jusqu’à la victoire totale est passé de 73 % en 2022 à 38 % en 2023 dans ces mêmes zones ukrainiennes. Il est vrai que ces zones jusque là épargnées depuis 2014 par la guerre étaient gagnées par celle-ci et même si le recrutement forcé y était peu pratiqué. C’est si vrai que même si le régime ukrainien a interdit 14 partis, si les communistes sont interdits, mis en prison, et donc si « l’opposition » tolérée l’est sur une base de lutte des places qui tente de se vanter de ses soutiens occidentaux plus que de définir une ligne autre que la seule admise, celle d’une russophobie militante, Zelenski est désormais minoritaire et la plupart des factions s’unissent pour le dégommer quitte à faire une propagande totalement antisémite en sous main: c’est parce qu’il est juif qu’il a trahi la patrie (soit en envoyant l’Ukraine dans une pareille guerre, soit en perdant les faveurs des USA, soit en voulant céder la Crimée).

Donc il nous paraît déjà plus juste de désamorcer cette propagande telle qu’elle est menée en France en tablant au moins sur le bon sens français pour aboutir là aussi à un rassemblement qui ne se nourrisse pas des divisions dans le domaine de la guerre comme dans tous les autres.
danielle Bleitrach

(1) voir notre livre Danielle Bleitrach et Marianne Dunlop URSS vingt ans après, retour de l’Ukraine en guerre, DELGA. 2015

(2) L’affirmation de Trump sur le fait qu’il serait en négociation avec la Chine et que le président Xi et lui se parleraient fréquemment au téléphone, totalement dénoncée comme un mensonge par la Chine mais son entourage n’ose même pas cofirmer. Selon l’agence américaine Reuters : Le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, n’a pas confirmé dimanche l’affirmation du président Donald Trump selon laquelle des négociations sur les droits de douane avec la Chine étaient en cours et a dit ne pas savoir pas si le président américain s’était entretenu avec son homologue chinois Xi Jinping. La semaine dernière, l’administration américaine s’est montrée plus favorable à une baisse des tensions commerciales entre les deux principales puissances économiques du monde, Donald Trump en personne ayant déclaré que des discussions sur les droits de douane étaient en cours avec la Chine et qu’il s’était entretenu avec Xi Jinping. Pékin comme nous le publions aujourd’hui a démenti l’existence de telles discussions. Scott Bessent, qui joue un rôle clé dans les négociations commerciales entre les Etats-Unis et plusieurs pays, a dit dimanche avoir eu des échanges avec ses homologues chinois la semaine dernière sans faire mention des droits de douane, à l’occasion des réunions du Fonds monétaire international (FMI) à Washington. « J’ai eu des échanges avec mon homologue chinois, mais ils portaient davantage sur des sujets traditionnels tels que la stabilité financière et les alertes économiques dans le monde », a-t-il déclaré sur la chaîne ABC. Ce qui dit la manière dont le dit Trump confond le marchandage dans l’immobilier avec la diplomatie. Visiblement il fait des adeptes ou plutôt il aide à ce qui n’était qu’une tendance masquée sous une langue de bois, soit assumé sans état d’âme.

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