Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La crise de la monnaie comme moment à potentialités « révolutionnaires », par Danielle Bleitrach

La profondeur de la perspective historique est aussi essentielle que l’analyse des bouleversements économiques et sociaux, territoriaux dans une démarche « marxiste » d’élucidation des contraditions du présent. C’est la perspective adoptée dans notre livre Quand la France s’éveillera à la Chine, la longue marche vers un monde multipolaire. Un choix théorico-pratique intellectuel et militant.

Certaines questions envisagées dans ces dimensions spatio-temporelles aboutissent parfois à des convictions : l’une d’entre elles commence à faire des adeptes, l’idée que nous n’allons pas vers des changements profonds, irréversibles mais que nous y sommes déjà et qu’il s’agit d’un monde multipolaire.

Mais cette idée appelle des développements et ceux-ci sont aussi déjà à l’oeuvre. Par exemple en ce qui concerne la dédollarisation et son « remplacement ». Nous sommes déjà dans ce débat puisque la conscience de la crise irréversible et très dangereuse du dollar a déjà entraîné des réponses possibles, le retour à l’étalon or, la monnaie chinoise, le Yuan, des crypto-monnaies, l’euro ou une monnaie commune…

En fait, ce qui nous semble essentiel c’est de comprendre quelle mise en chantier de la tranformation sociale s’exprime à travers les crises financières y compris « monétaires ». Marx n’a cessé d’élucider cette question y compris en reprenant les exemples historiques dans leur dimension « anthropologique » comparable selon lui à ce que Darwin a réussi à définir comme l’évolution de l’animal dans le vivant.

La chute de l’empire romain, qui est la référence qui revient sans cesse, a été on le sait accompagnée par des désordres monétaires, la monnaie celle avec laquelle étaient payés les légions qui allaient à la conquête et ramenaient les esclaves dont l’empire et ses grands domaines avaient besoin… Ce qui hante la réflexion actuelle sur la chute de l’empire américain est son caractère multiforme, cet ébranlement depuis l’infrastructure économique jusqu’aux formes idéologiques, politiques à travers lesquelles les êtres humains perçoivent leurs rapports sociaux, leur histoire, leur être et la nécessité du changement. Il y a d’autres analogies, la manière dont la crise monétaire, celle du dollar traduit cet ébranlement et à quel point la manchardisation, la « monnaie », le développement scientifique et technique, sont aussi des « fétichismes » dans lesquels le travail ou plutôt la force de travail est à la fois centrale (par exemple la question de l’immigration, de l’industrialisation, la formation, l’éducation, etc..) et fétichisée (la monnaie, la religion, la relation contractuelle, relire le livre I du Capital avec toutes ses premières sections sur la valeur).

Pourtant la référence historique ne doit pas nous faire concevoir une simple analogie. L’empire romain laisse la place à une autre societé de classe, non marchande mais dans laquelle se développent du marchand qui renaitra le long des villes, avec la bourgeoisie. L’empire effondré ne cesse de hanter l’imaginaire des royaumes qui se sont constitués et vont déterminer les espaces nationaux ; ceux-ci ne feront la paix que dans le partage du reste du monde en niant totalement la réalité politique et culturelle de continents entiers. Mais là aussi arrive un moment où les crises financières traduisent une pression et un pouvoir impérialiste qui n’a plus l’assise économique, sociale et même militaire de son expansion, la monnaie d’un tel empire qui a choisi l’expansion au-delà de sa base productive réelle combiné avec l’épuisement minier qu’il s’agisse de l’or ou de l’argent devient inflation et crise.

La Chine et le déplacement du centre de gravité de la « mondialisation »

Nous faisons débuter notre analyse sur ce que représente aujourd’hui la Chine dans ce monde multipolaire par des textes peu connus de Marx où il analyse la Chine et la compare à l’Inde. Ce qui nous intéresse c’est la manière dont Marx voit le « déplacement de centre de gravité du monde ». Il y a eu l’antiquité avec la Méditerranée, puis avec le capitalisme l’Océan atlantique et le traitement différent des « colonies », celles dont on été niés les territoires, les rapports sociaux et de pouvoir, comme l’Afrique, l’Amérique latine et celles qui en Asie ont été soumises en protectorats et celles qui ont été admises dans le corps des maîtres, les Etats-Unis et dans une moindre mesure le Canada. Marx envisage le déplacement du centre de gravité vers le Pacifique dans une relation Etats-Unis/Chine. Et il le fait à partir d’un constat par lequel notre livre débute : « Nous en venons maintenant à l’Amérique, où est survenu un fait plus important que la révolution de février (1848): la découvert des mines d’or californiennes« , p. 23.

Immédiatement il relie cette ruée vers l’or (et l’immigration chinoise liée à la guerre de l’opium et des cotons de Manchester qui a ruiné le vieil empire « immobile » et florissant chinois) au percement du canal du Panama et à une nouvelle expansion du capitalisme dominé par les USA. Nous vous laissons découvrir la raison pour laquelle il distingue la Chine, son potentiel révolutionnaire, de l’Inde aliénée. Mais ce qui nous intéresse est le rôle que Marx attribue aux crises financières dans leur potentialité révolutionnaire alors même que le marxisme n’est jamais un simple économisme.

Nous sommes au coeur des réflexions dans lesquelles ce qui est appelé le marxisme et qui est le matérialisme historique et dialectique, l’expérience théorico-pratique du mouvement communiste international, s’avère être le seul en capacité d’envisager la nature de ladite crise mais cela nécessite beaucoup d’approfondissement et de débats (qui ne doivent pas être conçus sur le mode religieux, mais en confrontant les propositions en tant qu’elles constituent ou non des réponses, parce que les termes en sont posés d’une manière réaliste dans les buts et les moyens) aux problèmes qui se posent à la classe ouvrière, au monde du travail, à l’immense majorité.

La dédollarisation et la chute de l’empire étasunien

Ainsi en est-il de la dédollarisation et des choix « erratiques » de l’hégémon occidental, des USA. Partir du « travail » , approfondir ce qu’il y a derrière ce terme est indispensable, et c’est en ce sens que nous avons rallié la démarche initiée par le PCF et par son secrétaire Fabien Roussel.

Mais notre livre ouvre le débat sur le contexte géopolitique d’une telle initiative. Dernièrement Franck Marsal a précisé à propos de la proposition de Frédéric Boccara et de la section économique du PCF concernant « la base commune » (qui n’est pas une monnaie universelle comme le dollar, mais qui est plus proche de ce qui avait été défini comme « l’écu ») notre propre position qui va dans le sens de ce qui se construit non seulement dans les BRICS, mais dans la BRI (la route de la soie) et des accords bi-latéraux qui se nouent partout pour résister à la folie tarifaire de Trump. En effet, la vassalisation se poursuit et s’aggrave en France en même temps que la désindustrialisation et l’engagement dans des expéditions militaires.

Franck a eu tout à fait raison d’insister sur le fait qu’il y a aujourd’hui dans ce contexte multipolaire de multiples expériences dans lesquelles la Chine même si elle renforce le yuan ne tient pas à remplacer le dollar. Le seul remplacement équivalent serait un retour à l’or et on tend vers ce retour, ce qui exposerait le fonctionnement réel de l’hégémon sous domination du dollar. La plupart des mesures statistiques actuelles y compris le PIB volerait en éclat.

Encore un record pour la Chine : un gisement d’or qui affole les analystes | Armees.com

Encore un record pour la Chine : un gisement d’or qui affole les analystes | Armees.com© Armees.com

Est-ce que l’euro pourrait remplacer le dollar ?

Au titre d’une Europe qui pourrait assurer la survie d’un système de domination occidental, baptisé pour les besoins de la chose « démocratie » contre autocratie ou totalitarisme, il y a l’idée que l’euro pourrait remplacer le dollar, ce qui par parenthèse en faisant « monter » l’euro rend les productions des pays européens encore plus chères et donc moins compétitives, ce qui encourage la désindustrialisation, même si par ailleurs cela favorise les speculations des investisseurs (sic).

Il faut mesurer que l’Euro a suivi la trajectoire du dollar :

L’Euro a perdu 85% de sa valeur en 20 ans.

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L’or a franchi la barre des 3 000 $ pour la toute première fois de l’histoire.

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Et les premières pénuries apparaissent…

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Tous ces éléments sont d’actualité.

Et c’est la raison pour laquelle certaines societés d’investissement sont absolument convaincues de l’effondrement proche de toutes les monnaies couplées avec le dollar, aboutissant au retour à l’étalon or.

Cette transition pourrait faire exploser l’or bien au-delà des 10 000 $.

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Carte du monde relative à la production d’or par État, exprimée en kilogrammes (kg). L’or (symbole Au) est un métal noble et précieux de couleur « jaune d’or », principalement utilisé en orfèvrerie (50 % de la production mondiale) et en investissements (40 %). Les 10 % restants sont employés dans l’industrie électronique (ordinateurs, téléphones portables, moteurs d’avion…), le blindage infrarouge, la production de verre coloré, la dorure à la feuille et la restauration dentaire (odontologie).

Même avec l’or, la Chine qui avec le Japon possède la plus grande réserve d’obligations des USA, ne va pas avancer de la même manière que les USA avec la ruée de l’or de Californie…

Une annonce de géologues chinois vient de faire grand bruit : un vaste gisement d’or massif a été trouvé dans la province du Liaoning, au nord-est du pays. Selon les estimations, le site recèle 1 000 tonnes d’or et renforcerait la place de la Chine sur le marché mondial de l’or, tout en jouant un rôle déterminant dans le développement économique et industriel. Et ce d’autant plus que tout ce qui est minier appartient à l’Etat chinois.

La Chine, premier producteur mondial d’or avec près de 380 tonnes produites en 2024, tente désormais de réduire l’écart avec des pays possédant des réserves plus importantes comme l’Afrique du Sud ou l’Australie. L’or est utilisé dans la fabrication de batteries et d’électronique et contribue à la stabilisation de l’économie nationale. Ce nouveau gisement s’étend sur plus de 3 kilomètres d’est en ouest et 2,5 kilomètres du nord au sud. Ce qui le rend particulièrement notable, c’est qu’il est qualifié de “facile à exploiter”. Les détails complets de cette trouvaille ont été publiés dans le China Mining Magazine, soulignant ainsi son importance stratégique et économique. Il faut savoir que cette découverte survient peu de temps après celle effectuée en novembre 2024 dans la province du Hunan, où environ 80 milliards de dollars d’or ont été repérés dans le champ aurifère de Wangu. Dans cette zone, l’Institut Géologique Provincial de Hunan a mis au jour 40 veines aurifères à environ 1,6 km sous terre, avec une estimation initiale de 300 tonnes d’or extractibles. Les découvertes de gisements récentes en Chine sont largement attribuées aux progrès en matière de prospection minérale. Ces nouvelles techniques permettent d’explorer plus en profondeur et de manière ciblée dans les régions riches en minéraux du pays. Une stratégie d’exploration mise en place en 2024 combine des méthodes générales avec des approches plus pointues pour maximiser la capacité de repérage, contrastant avec les techniques minières anciennes. Les avancées dans les domaines de l’exploration et de la recherche de gisements ont ouvert la voie à ces trouvailles successives (ce qui facilite aussi bien la détection que l’exploitation) avec des implications économiques notables. Le développement de ces technologies a non seulement aidé à identifier les réserves d’or, mais rend également leur exploitation plus efficace.

Comme les jeux boursiers, le taux des crédits de la FED et d’autres banques émettant de fait monnaie, sont des armes aux mains d’Etats devenus ceux des monopoles financiarisés, et nous sommes dans ce moment où c’est la réalité de l’antagonisme capital/travail qui est le facteur pricipal de la « régulation » , ce que porte la Chine et qui nous semble devoir nécessiter une réflexion stratégique sur ce bouleversment géopolitique, les potentialités qu’il ouvre pour un « socialisme à la française », et notre livre pose simplement quelques jalons de cette démarche théorico-pratique.

danielle Bleitrach

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