Il parle de Bachar el Assad. Oui mais ils l’on vidé de lui-même… Mon expérience internationale, en particulier celle vécue à Cuba me fait partager beaucoup d’analyses de Comaguer et, comme à lui, me rend souvent insupportables les jérémiades et les vertueuses protestations de la “gôche” française, la manière dont ils couvrent toujours les crimes de l’impérialisme made in USA et font chorus pour accabler ceux sur lesquels les USA ont mis un “contrat”, souvent d’anciens complices. Ce qui me distingue de Comaguer, c’est que justement j’ai découvert à Cuba la différence entre un dirigeant communiste comme Fidel Castro et un Saddam Hussein ou un Bachar el Assad. quand on a acquis cette expérience on sait exactement ce qui se trame, et on ne suit pas les excités du bocal qui inventent des triomphes et des héros, sans avoir la moindre idée de ce qu’est ce combat et à quel point ils n’y seraient pas adaptés avec leur goût de la publicité médiatique, fut-ce dans les réseaux sociaux et simplement se satisfaisant du nombre de “like”. Dans une certaine mesure Poutine en accueillant Assad s’est conduit à la soviétique et à la cubaine, mais réellement par expérience et non par dogme, j’ai appris le respect d’abord de son propre peuple, le refus de la corruption personnelle qui a été la première protection de Fidel Castro, seul un peuple aussi politiquement éduqué que son leader révolutionnaire est capable de créer des conditions de sécurité pour celui dont la tête est mise à prix par la CIA et les officines qui fonctionnent en collaboration sur tous les continents. Le principal problème de la France est d’avoir un peuple désarmé intellectuellement, soumis de ce fait à tous les leurres dans lesquels se jettent les gaucho-sociaux démocrates et l’extrême-droite dans une pseudo-opposition (1). (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
(1) paradoxalement dans la mini-crise française, j’ai eu la surprise de découvrir que Fabien Roussel était un communiste, il était un des rares à se conduire comme tel, il tirait de sa défaite la force d’assumer le rôle de secrétaire du PCF, un rôle qui ne lui réserve que des coups, totalement désintéressé… simplement il ignore totalement la relation au parti, à la base et il essaye dans une grande solitude à l’assumer… Il témoigne de ce fait comme je le répète de l’état de ce parti après des décennies de destruction en particulier du collectif et de la formation des militants.
Bulletin Comaguer 593
13.12.2024
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Ils ne l’ont pas tué
Dans la longue liste des dirigeants politiques voués à être liquidés par les Etats-Unis ou leurs tueurs à gage Bachar El Assad avait pris place dès 2001 en tant que membre éminent de l’axe du mal défini pas Bush Jr après les attentats du 11 septembre. En effet pour un chef d’Etat voir son pays inscrit sur la liste dressée par le Parrain signifiait avoir à affronter les sanctions et les opérations militaires directes ou indirectes destinées à étouffer son pays et appauvrir sa population et en dernière instance être assassiné. Il prenait probablement la place de son père. Il était et est encore le dernier survivant de cette liste.
Bashar El Assad a effectivement vu s’abattre sur son pays tous les types d’action visant à un changement régime et à sa ruine
Cela commence dès 2003 par le vote du Syria Accountability act par le Congrès à Washington
Dans ce document le Congrès est d’avis que :
1) le Gouvernement syrien devrait mettre fin à la mise au point et au déploiement de missiles sol-sol à moyenne et longue portée et cesser la mise au point et la production d’armes biologiques et chimiques ; et
2) les Gouvernements libanais et syrien devraient engager des négociations bilatérales sérieuses et inconditionnelles avec le Gouvernement israélien afin de parvenir à une paix complète et permanente.
Sont en cause dans le 2) les deux gouvernements libanais et syriens ce qui fait référence au fait qu’à l’époque l’armée syrienne était, à la demande du gouvernement libanais, présente dans le Nord et dans la plaine de la Bekaa ce qui était un obstacle aux tentatives réitérées d’invasion du Liban par Israël. Le Liban et la Syrie sont restés jusqu’à aujourd’hui les seuls états frontaliers d’Israël à ne pas avoir signé de traité de paix avec Israël.
Cela se poursuit en 2004 sous la forme de la résolution 1559 de l’ONU proposée par les Etats-Unis et la France ordonnant la fin de toute présence militaire autre que libanaise sur le territoire et le démantèlement des milices – entendons le Hezbollah.
Contrairement à Israël qui se moque de toute résolution de l’ONU le concernant, la Syrie va respecter cette résolution. Israël peut donc envisager plus sereinement une nouvelle invasion du Liban pour en finir avec le Hezbollah. Cette tentative aura lieu en 2006 et tournera à l’avantage du Hezbollah. La nouvelle tentative n’aura lieu que très récemment et échouera.
Ensuite va venir le temps des « printemps arabes » révolutions de couleur lancées par Obama en Égypte et destinées à favoriser la mise en place de gouvernements tenus par les Frères musulmans. S’ensuivront le renversement de Moubarak et celui de Ben Ali qui l’un et l’autre seront remplacés par des membres des Frères musulmans : Morsi d’un côté et Ghannouchi de l’autre. L’un et l’autre seront assez vite chassés du pouvoir. La fameuse guerre civile syrienne lancée au printemps 2011 était un de ces printemps arabes germés à Washington et visait le même objectif mais elle échoua car le gouvernement syrien savait d’expérience que la « guerre civile » était organisée et financée de l’extérieur par le Qatar, banquier des Frères musulmans et que la Turquie facilitait l’arrivée des djihadistes armés sur le sol syrien. La guerre en Syrie sanctionnant la non signature d’un traité de paix avec Israël commençait. Les Etats-Unis allaient même à partir de 2014 y intervenir militairement mais sans affronter l’armée arabe syrienne. Ils installaient la base d’Al Tanf aux confins de la Syrie et de la Jordanie qui permettait la pénétration des hommes et du matériel sur le sol syrien et une autre au Nord-Est pour protéger la société pétrolière étasunienne CONOCO venue piller le pétrole syrien, autant que l’armée syrienne n’aurait pas pour faire rouler ses chars et voler ses avions. La réplique à cette intervention militaire directe fut l’appel à l’aide de l’allié russe à partir de 2015 qui a installé une base maritime et une base aérienne sur la côte méditerranéenne et qui permit au gouvernement syrien de garder la maitrise d’une bonne moitié de son territoire et en particulier de récupérer Alep la capitale économique du pays.
Mais cela ne suffisait pas il fallait faire encore plus souffrir la population et asséner le dernier coup : l’embargo total comme contre Cuba. Avec la loi César (2018) la vie allait devenir de plus en plus difficile pour le peuple syrien.
Or ce que montre le tout récent article du journaliste étasunien Aaron Mate dont suit la traduction c’est que la Syrie a pu pendant et malgré cette guerre hybride de 20 ans continuer à faire fonctionner une économie et à organiser une société de qualité sans équivalent dans la région et sans un dollar du FMI. Ce rapide survol des évènements sans mentionner l’apparition de l’Etat islamique et du califat de Al Jolani justifiant la création de la « coalition » militaire Etats-Unis, France Grande-Bretagne pour le combattre est utile pour démontrer l’acharnement sous toutes les formes possibles de l’impérialisme pour faire tomber le gouvernement de Bashar El Assad. Il ne manquait plus que le dernier clou sur le cercueil de la République Arabe Syrienne : la dépouille du président. Raté ! La Russie l’accueille comme elle a accueilli Snowden. C’est une bonne protection contre les tueurs occidentaux mais la protection absolue n’existe pas.
La liste des dirigeants opposés à tuer est en permanence sur le bureau du Président à la Maison Blanche et le verdict tombe lorsqu’il pointe un nom sur la « Kill List ». La Kill List existe depuis longtemps mais ce titre a été repris dans un livre de Luca Trenta *chercheur britannique (gallois) publié début 2024
La liste présidentielle des Assassinats et la Politique étrangère des États-Unis depuis 1945
Luca Trenta Edinburgh University Press 2024
Ont déjà « bénéficié » de ce traitement : Patrice Lumumba, Kadhafi, Saddam Hussein, Salvador Allende et quelques autres. Fidel Castro a réussi à échapper à ce destin tragique. D’autres chutes d’avion sont extrêmement suspectes qui ont entrainé la mort d’Omar Torrijos président du Panama qui avait réussi à enlever la gestion du canal aux Etats-Unis, Dag Hammarskjöld secrétaire général de l’ONU qui soutenait la décolonisation des pays africains.
Dans la crise palestinienne la liste s’est récemment allongée. Ont été exécutés, Soleiman Soleimani sur ordre de Trump puis plus récemment avec le feu vert de Biden : Ismaël Haniyeh dirigeant du Hamas en visite officielle à Téhéran, Hassan Nasrallah dirigeant du Hezbollah atteint à Beyrouth dans un souterrain profond par une bombe dévastatrice spécialement fournie par les Etats-Unis, et Yaya Sinwar dirigeant du Hamas à Gaza. L’Iran frappé, le Hamas frappé, le Hezbollah frappé, il ne restait plus qu’à frapper le président du seul pays arabe n’ayant jamais reconnu Israël : Bashar El Assad. Son nom a été coché sur la liste dès le cessez-le-feu au Liban dans les derniers jours de novembre et aussitôt a lancée une mise en garde explicite « Prends garde ». Aussitôt les djihadistes d’Idleb choyés formés et équipés par la Turquie se sont mis en chasse. Hama, Homs n’étaient que des étapes ils faisaient peur, tiraient au hasard, quelques décapitations ont même été rapportées mais « on » leur a demandé de présenter un visage plus civilisé d’où l’interview de leur leader Al Jolani par CNN et ils ont continué leur chevauchée vers Damas avec la mission de mettre la main sur le Président syrien et de lui faire un sort à lui et à son entourage immédiat. Entretemps il était approché par ses pairs arabes pour accepter de partager le pouvoir avec tous ses adversaires.
Souvenons-nous de ce que signifie ce genre de proposition :
- Pareille proposition avait été faite au Président ukrainien Ianoukovitch au début de l’opération Maidan en 2014. Il l’avait acceptée mais s’est rendu compte in extremis que ses nouveaux « partenaires » au gouvernement sélectionnés par Mme Nuland au nom de Barak Obama allaient le liquider. Il s’est enfui avec sa voiture et son chauffeur, a été poursuivi mais a réussi à rallier vivant le territoire russe.
- En 2001 Dominique de Villepin avait convoqué à Marcoussis tous les opposants politiques à Laurent Gbagbo nouveau président de la Côte d’Ivoire et avait exigé que les dits opposants soient intégrés au gouvernement choisi par le nouveau président. Laurent Gbagbo accepta et donc la politique qu’il put suivre dans l’affirmation de la souveraineté réelle de son pays s’en trouva fortement atténuée. Malgré ces conditions très difficiles qui lui compliquèrent singulièrement la tâche il acheva son mandat sans avoir perdu le soutien populaire. Il allait donc se présenter à nouveau à l’élection présidentielle de 2010 qu’il gagna. La France de Sarkozy et les Etats-Unis d’Obama décidèrent de l’empêcher par tout moyen d’exercer le pouvoir : émeutes de rue, proclamation de faux résultats de l’élection, mise sous embargo de l’économie ivoirienne et pour finir après trois mois de désordre organisé installation au pouvoir du vaincu de l’élection Alassane Dramane Ouattara, enlèvement et incarcération du président avant de le livrer à la Cour pénale internationale. Il allait passer dix ans dans ses geôles et à l’issue d’un long procès être finalement acquitté.
Bashar El Assad a refusé de gouverner avec ses adversaires politiques c’est-à-dire de gouverner avec des représentants ou des agents des pays qui ont agressé la Syrie pendant 12 ans qui ont tué, égorgé, détruit : Etats-Unis Grande-Bretagne, France, Turquie, Israël, qui ont financé formé et équipé les terroristes islamistes qui ont combattu l’armée syrienne, qui ont mis le pays sous embargo, qui ont organisé le pillage de son pétrole et l’accaparement de ses meilleurs terres agricoles et ont appauvri sa population sans oublier des bombardements quasi quotidiens du pays par l’aviation israélienne.
Il est parti en évitant de faire encore couler le sang des Syriens dans un combat devenu trop inégal et que ses alliés, Russie et Iran, préoccupés de leurs propres intérêts immédiats ne voulaient pas poursuivre à ses côtés. Le ministère des Affaires étrangères russe a confirmé que l’asile politique lui avait été accordé.
La Syrie est aujourd’hui dans une situation hors de l’ordinaire ravagée par la guerre sans gouvernement réel et occupée par des groupes armés aux intérêts contradictoires voire opposés avec sur son sol des troupes de 3 états étrangers ; Etats-Unis, Israël et Turquie bref sur fond de destructions massives une véritable poudrière dont ceux qui l’ont installé par arrogance impérialiste démesurée pourraient bien être aussi les victimes. La souffrance des Syriens rejoint maintenant celle des Palestiniens
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Dans la sale guerre en Syrie, « notre camp » a gagné
Le renversement du président syrien Bachar el-Assad et son remplacement par le chef d’une « scission d’Al-Qaïda » s’inscrit dans une campagne de changement de régime menée par les États-Unis depuis plus de dix ans.
Aaron Maté (blogueur étasunien) 12 déc. 2024
Dans ses premières remarques sur l’éviction du président syrien Bachar el-Assad, le président Biden a fait valoir qu’une part de ce succès lui revenait.
Les « principaux alliés » d’Assad – l’Iran, le Hezbollah et la Russie – « sont beaucoup plus faibles aujourd’hui qu’ils ne l’étaient lorsque j’ai pris mes fonctions », a déclaré Biden. Par conséquent, leur incapacité à sauver Assad de l’avancée radicale des insurgés soutenus par la Turquie était « le résultat direct des coups que l’Ukraine et Israël ont portés pour leur propre défense, avec un soutien indéfectible des États-Unis ». Au-delà des coups infligés par les États clients des États-Unis, Biden a également noté qu’il avait maintenu des sanctions américaines écrasantes ; il a maintenu des troupes américaines dans le nord-est de la Syrie, il a « ordonné l’utilisation de la force militaire contre les réseaux iraniens » en Syrie et il a soutenu la « liberté d’action » d’Israël pour mener encore plus de frappes militaires contre des cibles similaires.
Saluant ce qu’il a appelé « un jour historique » – et utilisant le même langage que Biden – le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a également affirmé que le changement de régime à Damas « est le résultat direct des coups que nous avons infligés à l’Iran et au Hezbollah, les principaux soutiens du régime d’Assad ».). Biden et Netanyahu ont en effet de nombreuses raisons de participer à la célébration. Pourtant, aucun d’entre eux n’a mentionné le coup le plus critique porté au gouvernement d’Assad : la sale guerre menée par les États-Unis contre la Syrie qui a commencé en 2011.
Capitalisant sur les manifestations antigouvernementales qui ont éclaté dans le cadre du Printemps arabe, les États-Unis se sont associés à Israël, aux monarchies du Golfe, à la Turquie et à d’autres États de l’OTAN pour mener une campagne de changement de régime visant Assad. L’opération dirigée par la CIA, dont le nom de code est Timber Sycamore, s’est avérée être « l’un des programmes d’action secrète les plus coûteux de l’histoire de la CIA », a rapporté le New York Times en 2017. Des documents de la NSA ayant fait l’objet d’une fuite ont révélé un budget de près d’un milliard de dollars par an, soit environ 1 dollar sur 15 dollars de dépenses de la CIA. La CIA a armé et formé près de 10 000 insurgés, dépensant « environ 100 000 dollars par an pour chaque rebelle anti-Assad qui a participé au programme », ont déclaré des responsables américains au Washington Post en 2015. Deux ans plus tard, un responsable américain a estimé que les milices financées par la CIA « pourraient avoir tué ou blessé 100 000 soldats syriens et leurs alliés ».
Les racines de cette campagne remontent à l’administration Bush. Selon l’ancien commandant de l’OTAN Wesley Clark, au lendemain du 11 septembre, l’équipe Bush a désigné la Syrie pour un changement de régime aux côtés de l’Irak. Un câble de l’ambassade des États-Unis à Damas de 2006 qui a fait l’objet d’une fuite a estimé que les « vulnérabilités » d’Assad comprenaient « la menace potentielle pour le régime de la présence croissante d’extrémistes islamistes en transit », et a détaillé comment les États-Unis pourraient « améliorer la probabilité que de telles opportunités se présentent ». L’année suivante, Seymour Hersh a rapporté dans le New Yorker que les États-Unis et l’Arabie saoudite avaient convenu de « fournir des fonds et une aide logistique pour affaiblir » le gouvernement d’Assad en Syrie.
En tant que membre de « l’Axe de la Résistance » situé entre l’Iran et le Liban, la Syrie a fourni un pont terrestre par lequel Téhéran pouvait armer le Hezbollah. Pour cette raison, aux yeux des États-Unis, Damas devait être séparé de ses alliés. « La meilleure façon d’aider Israël à faire face à la capacité nucléaire croissante de l’Iran est d’aider le peuple syrien à renverser le régime de Bachar el-Assad », a déclaré un courriel du département d’État à Hillary Clinton en 2012. « C’est la relation stratégique entre l’Iran et le régime de Bachar el-Assad en Syrie qui permet à l’Iran de saper la sécurité d’Israël […] La fin du régime d’Assad mettrait fin à cette alliance dangereuse ».
L’année qui a suivi le déclenchement du conflit en Syrie en 2011, le ministre israélien de la Défense de l’époque, Ehud Barak, allait dans le même sens. « Le renversement d’Assad sera un coup majeur pour l’axe radical, un coup majeur pour l’Iran », a déclaré Barak. « C’est le seul avant-poste de l’influence iranienne dans le monde arabe… et cela affaiblira considérablement à la fois le Hezbollah au Liban et le Hamas et le Jihad islamique à Gaza ».
Alors que l’administration Obama prétendait armer « l’opposition modérée » qui combattait Assad, Joe Biden a accidentellement révélé la véritable histoire. En Syrie, le vice-président de l’époque a déclaré à Harvard en septembre 2014 qu’« il n’y avait pas de milieu modéré » combattant le gouvernement d’Assad. Au lieu de cela, « des centaines de millions de dollars et des milliers de tonnes d’armes » ont été fournis à une insurrection dominée par « Al-Qaïda et les éléments extrémistes des djihadistes venant d’autres parties du monde ».
Le lapsus public de Biden – pour lequel il s’est rapidement excusé – selon lequel les États-Unis et leurs alliés soutenaient une insurrection dominée par Al-Qaïda est survenu plus de deux ans après qu’un autre aveu critique ait été fait en privé. Dans un courriel de février 2012 adressé à Hillary Clinton, Jake Sullivan, qui est aujourd’hui conseiller à la sécurité nationale de Biden, a écrit : « Al-Qaïda est de notre côté en Syrie. »
Douze ans plus tard, « notre camp » a finalement gagné. Hayat Tahrir al-Sham (HTS), le groupe d’insurgés qui a chassé Assad, est dirigé par Abou Mohammed al-Jolani, né en Syrie. Tout en se présentant aujourd’hui comme un modéré, al-Jolani est le chef fondateur de la franchise d’Al-Qaïda en Syrie, Jabhat al-Nusra (Front Al-Nusra). En 2016, Jolani s’est officiellement séparé d’Al-Qaïda et a changé le nom du groupe en Jabhat Fatah al Sham. L’année suivante, le nom final est devenu HTS.
Comme l’a dit la semaine dernière l’attaché de presse du Pentagone, le major général Pat Ryder : « Ce groupe est essentiellement un dérivé du front d’al-Nosra, qui était un dérivé d’al-Qaïda. »
Jolani – qui porte maintenant son vrai nom, Ahmed al-Shara – insiste sur le fait qu’il a tourné la page avec Al-Qaïda et l’EI. « Je crois que tout le monde dans la vie passe par des phases et des expériences », a déclaré Jolani à CNN la semaine dernière. « En grandissant, on apprend, et on continue d’apprendre jusqu’au tout dernier jour de sa vie. »
Malgré l’appel à une nouvelle conscience de soi, Jolani ne s’est pas excusé pour les atrocités commises par les forces sous son commandement. Il s’agit notamment d’une série de meurtres perpétrés en août 2013 dans des dizaines de villages de Lattaquié, le cœur de la minorité alaouite de Syrie. Selon Human Rights Watch, al-Nosra et d’autres groupes d’insurgés, dont l’EI et l’Armée syrienne libre armée par la CIA, se sont livrés au « meurtre systématique de familles entières ».
Lorsque les forces de Jolani, toujours en coopération avec des groupes armés de la CIA, se sont emparées de la province syrienne d’Idlib en mai 2015, d’autres meurtres ont eu lieu. Les combattants d’Al-Nosra ont assassiné au moins 20 membres druzes et forcé des centaines d’entre eux à se convertir à l’islam sunnite. Confrontés aux mêmes menaces, la quasi-totalité des 1 200 chrétiens restants d’Idlib ont fui la province. « La province d’Idlib », a déclaré en 2017 Brett McGurk, actuellement haut responsable de Biden pour le Moyen-Orient, « est le plus grand refuge d’Al-Qaïda depuis le 11 septembre ». Dans un rapport récent, le département d’État note que « HTS a commis des abus contre des membres de groupes religieux et ethniques minoritaires, y compris la saisie de biens appartenant à des chrétiens déplacés ».
Dans une interview amicale accordée à CNN, Jolani a minimisé les crimes sectaires de son groupe. « Il y a eu quelques violations contre eux [les minorités] par certains individus pendant les périodes de chaos, mais nous avons affronté ces problèmes », a-t-il déclaré. Il a également promis de protéger les groupes minoritaires de Syrie à l’avenir. Pour montrer qu’il a tourné la page, Jolani a annoncé une amnistie pour tous les soldats syriens de bas niveau, ordonné à ses forces de protéger les groupes minoritaires et juré de ne pas forcer les femmes à porter des vêtements islamiques.
Les messages de Jolani visent non seulement à rassurer les Syriens, mais aussi les responsables à Washington. Les États-Unis ont inscrit al-Nosra/HTS sur la liste des organisations terroristes depuis décembre 2012 et ont offert une récompense de 10 millions de dollars pour sa capture. Lorsque Jolani a publiquement coupé les liens avec Al-Qaïda et changé le nom de son groupe en 2016, James Clapper, alors directeur du renseignement national d’Obama, a rejeté ce qu’il a appelé « un coup de relations publiques ». Al-Nusra, a déclaré Clapper, « aimerait donner de lui une image modérée », parce qu’« il est préoccupé par le fait d’être ciblé » par les frappes russes. En effet, alors même qu’il annonçait sa séparation d’Al-Qaïda, Jolani a déclaré qu’il se séparerait « sans compromettre ni sacrifier nos convictions solides ».
Maintenant que les forces de Jolani ont finalement renversé Assad, certains à Washington sont désireux de le récompenser pour une mission accomplie. « Il y a une énorme bousculade pour voir si, comment et quand nous pouvons retirer HTS de la liste », a déclaré un responsable américain à Politico. Selon le New York Times, les responsables américains « croient maintenant que le virage du groupe vers une approche plus pragmatique est authentique », car « ses dirigeants savent qu’ils ne peuvent pas réaliser leurs aspirations à rejoindre ou à diriger le gouvernement syrien si le groupe est considéré comme une organisation djihadiste ». Les États-Unis communiquent déjà avec HTS par le biais d’intermédiaires. « Nous ne pouvons pas attendre que tout le monde soit Mère Teresa pour leur parler », a expliqué Elizabeth Richard, la plus haute responsable du département d’État pour la lutte contre le terrorisme.
Comme l’illustrent les victimes de torture dans ses prisons vides, Assad n’était pas non plus Mère Teresa. Pourtant, s’il n’avait pas fait partie d’un bloc qui résiste à l’hégémonie américano-israélienne, les États-Unis n’auraient pas mené un effort implacable pour renverser son gouvernement. Cette campagne s’est poursuivie même après le gel du conflit en 2018, lorsque les forces d’Assad ont repris du territoire avec l’aide de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah.
Alors que Donald Trump a mis fin à la sale guerre de la CIA lors de son entrée en fonction en 2017, les hauts gradés de l’armée ont ignoré ses ordres de retirer les troupes américaines du nord-est de la Syrie. Cela a permis aux États-Unis de poursuivre une stratégie de pillage des réserves de pétrole et de blé les plus précieuses de la Syrie, appauvrissant ainsi davantage les Syriens ordinaires dans les territoires contrôlés par le gouvernement.
Comme l’a expliqué en 2019 Dana Stroul, haute responsable du Pentagone sous Biden, l’occupation militaire américaine persistante signifiait qu’« un tiers du territoire syrien » était désormais « possédé » par le gouvernement américain. Selon Stroul, en possédant la région « riche en ressources » du nord-est de la Syrie – qui contient les « hydrocarbures » du pays et est sa « puissance agricole » – le gouvernement américain avait maintenu une « influence plus large » pour influencer « un résultat politique en Syrie » conforme aux diktats américains. Pour Stroul, les États-Unis pourraient non seulement « posséder » le territoire syrien, mais aussi laisser le reste en ruines : les zones contrôlées par le gouvernement où vivent la plupart des Syriens « sont des décombres », a-t-elle dit, et les sanctions américaines pourraient donc « limiter l’idée d’empêcher l’aide à la reconstruction et l’expertise technique de retourner en Syrie ».
En effet, plutôt que de laisser la Syrie se reconstruire après le conflit dévastateur, les États-Unis ont imposé des sanctions qui ont « écrasé » l’économie syrienne et « exacerbé les pénuries de carburant et de nourriture pour les Syriens ordinaires », selon les mots de deux autres responsables américains vantards sous Trump, James Jeffrey et Andrew Tabler. Lorsqu’il a pris fin en tant que coordinateur humanitaire de l’ONU pour la Syrie l’année dernière, El-Mostafa Benlamlih a noté l’évidence : « Les sanctions américaines et européennes, malgré toutes les affirmations contraires, ont puni les pauvres et les vulnérables. »
Puni par la sale guerre menée par les États-Unis, les sanctions et l’occupation militaire, tout en étant en même temps vidé de sa substance par la corruption, la brutalité et l’inertie de ses dirigeants, l’État syrien tel qu’il existait sous Assad s’est finalement effondré.
Bien qu’il existe de nombreuses documentations sur la répression du gouvernement Assad, il convient de reconnaître ce qui a été perdu. En plus d’être un État pluraliste dans lequel les minorités étaient protégées, la Syrie jouissait autrefois de certains des niveaux médicaux, éducatifs et de production alimentaire les plus élevés du Moyen-Orient. Avant la guerre, « la Syrie avait l’un des systèmes de santé les mieux développés du monde arabe », a noté l’Organisation mondiale de la santé en 2015. Offrant « des soins de santé universels et gratuits à tous ses citoyens », le rapporteur spécial de l’ONU sur les sanctions a écrit trois ans plus tard : « La Syrie bénéficiait de certains des niveaux de soins les plus élevés de la région ». Mais la guerre « a submergé le système et a créé des niveaux de besoins extraordinairement élevés ».
Sous le contrôle gouvernemental de l’agriculture, le même rapport note que « la Syrie est le seul pays de la région du Moyen-Orient à être autosuffisant en matière de production alimentaire ». Cela a conduit à un « secteur agricole florissant » qui fournissait aux Syriens des aliments « abordables » et un apport calorique quotidien « comparable à celui de nombreux pays occidentaux ». Il en va de même pour l’industrie pharmaceutique syrienne, qui répond aux besoins nationaux et régionaux, ainsi que pour son système éducatif, qui compte 97 % de scolarisation pour les enfants en âge de primaire et des taux d’alphabétisation supérieurs à 90 % pour les adultes, selon les chiffres de l’UNICEF.
Pour de nombreux Syriens, la destruction par l’étranger d’un appareil d’État répressif qui étouffait la dissidence et torturait les prisonniers politiques vaudra bien ces pertes dans d’autres domaines de la vie. Ceux qui ont souffert de la répression d’Assad se félicitent sans aucun doute de son départ et espèrent un avenir meilleur. Pourtant, il y a aussi des Syriens – en particulier des groupes minoritaires chiites, alaouites, chrétiens et druzes, mais aussi sunnites – qui vivent maintenant dans la peur des nouveaux dirigeants et des insurgés sectaires, en grande partie étrangers, nouvellement renforcés par le changement de régime.
Dans le meilleur des cas, les nouveaux dirigeants syriens dérivées d’Al-Qaïda reconnaîtront que leur sectarisme sera intenable s’ils veulent rester au pouvoir et donner à leur pays une chance de survie. Mais même si Jolani, l’ancien chef d’Al-Qaïda et adjoint de l’EI, s’avère être le « rebelle modéré » tant recherché que les responsables américains ont vendu au public, la Syrie reste un pays déchiré par la guerre, inondé d’armes et de milices sectaires avec des combattants du monde entier. Israël et la Turquie ont déjà profité du chaos en s’emparant de territoires et, dans le cas d’Israël, en anéantissant l’infrastructure militaire syrienne. À ce jour, le nouveau gouvernement a refusé de condamner le déchaînement d’Israël.
Biden et son équipe de vétérans de l’administration Obama, qui ont commencé la guerre de la CIA contre la Syrie en 2011, se retrouvent maintenant à quitter leurs fonctions au moment même où leur projet de changement de régime atteint son objectif. Après des centaines de milliers de morts, des millions de réfugiés et un pays décimé – tout cela pour qu’un dictateur laïc puisse être remplacé par un ancien chef d’Al-Qaïda – il ne sera pas surprenant que Biden et ses collaborateurs cessent bientôt de s’attribuer le mérite du fait que « notre camp » a gagné.
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Remarque de Comaguer : nous avons choisi de traduire et de publier l’intégralité du texte car sa lecture conduit à souligner un énorme paradoxe. Comme si les énormes moyens mis en œuvre pendant 25 ans par la puissance étasunienne et ses alliés sur le terrain pour renverser Bachar El Assad et qui sont bien décrits n’allaient pas inévitablement engendrer une politique gouvernementale sécuritaire sévère seule voie restant et de plus en plus étroite pour essayer d’assurer la survie du gouvernement.
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Franck Marsal
Ce n’est pas seulement (contrairement à ce que claironnent les médias et intellectuels bourgeois) le “régime d’Assad” qui est détruit. C’est la Syrie même comme état. On sait ce que vaut la perte de la souveraineté en échange de la soi-disant liberté et de la soi-disant démocratie : vous perdez la souveraineté mais vous ne gagnez jamais ni la liberté, ni la démocratie (qui est juste le nom qu’on donne à un système de pouvoir dans lequel le peuple n’a jamais la parole). J’ai vu une vidéo d’un homme qui prenait la parole devant la foule à Alep, je crois. On lui laisse le micro, jusqu’au moment où il met en cause la domination des USA et la nécessité de la combattre. A ce moment, quelqu’un lui prend le micro et il disparait de la tribune. Voilà le sort de la Syrie.
Mais il me semble que cette situation nouvelle en Syrie va changer quelque chose de fondamental, car elle intervient dans un contexte radicalement nouveau par rapport à l’Irak ou à la Libye : nous venons de vivre une longue période durant laquelle la résistance anti-impérialiste se groupait par nécessité autour de forces nationalistes (Russie, Syrie, Palestine s’agissant de la partie OLP) ou islamiste (à des degrés divers, Iran, Hezbollah, et dans une moindre mesure Irak). Des forces qui se rattachaient à quelque chose issu du passé et qui semblait submerger au milieu de ce tsunami impérialiste, qui, au nom de la démocratie, rétablit une forme de colonialisme dégénéré, et fait régner la mafia des milices concurrentes sur des pays entiers.
Car, comme le montre les puissantes attaques d’Israël, Al-Jolani sera comme Zelenski la marionnette qu’on promène dans les capitales, mais il ne sera en aucune manière autorisé à reconstruire un état solide. Comme en Irak ou en Libye (on pourrait citer aussi la Yougoslavie plus proche, et détailler les projets impérialistes pour l’Ukraine), on entend laisser le pays divisé et affaibli, espace de prédation pour l’empire et ses satellites, étatiques (Israël) ou mafieux.
Ce qui est nouveau donc, me semble-t-il, c’est que cette situation marque la limite du combat anti-impérialiste mené sur la défensive, sous le couvert de forces nationalistes ou religieuses, exprimant davantage le passé que l’avenir. Ces forces montrent leur incapacité à formuler la lutte dans la plénitude de sa perspective, dans sa capacité la plus unifiante, seule à même de porter à l’impérialisme les coups les plus décisifs, à le dénoncer pour ce qu’il est dans la plus grande clarté.
En d’autres termes, il est nécessaire désormais de revendiquer la lutte contre l’impérialisme au nom de la lutte pour le socialisme et de développer ou construire des forces communistes capables d’expliciter cette lutte, d’ entraîner les masses dans leur diversité d’origines, de nationalités, de religons pour un commun combat, pour une société fraternelle débarassée de l’exploitation et en marche vers un nouveau stade de développement matériel et humain.
Cette étape est très importante et elle doit se développer internationalement, sans que nous ayons encore les outils suffisants pour le faire. C’est normal, les véritables outils de la lutte sont toujours à forger dans la lutte elle-même. Ce qui se passse avant n’est que préparatifs.
Seule une direction communiste véritable peut conduire à la victoire contre l’impérialisme. Cette direction ne peut exister par avant, elle est elle-même le fruit des prises de conscience qui se déroulent dans la lutte elle-même et particulièrement face aux échecs et aux limites rencontrées. Elle sera longue à émerger mais je suis convaincu que l’effondrement syrien est le premier véritable signal de sa nécessité désormais urgente et que ce signal sera largement compris.
admin5319
mille fois d’accord avec ton analyse et je dirai que c’est ce qui motive l’existence d’Histoireetsociete depuis pas mal d’années… Il n’y a pas un texte publié, une analyse qui sur le fond ne renvoie pas à ce que tu énonces…
Y compris tout ce que j’écris sur la Chine…
danielle Bleitrach
Victor Sarkis
Excellente analyse cher camarade. Nous avons modestement tenté de développer quelque chose d’analogue dans les pages suivantes, pour ceux qui seraient intéressés : https://grosrougequitache.fr/syrie-le-tombeau-des-contradictions/