Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les pourparlers entre la Russie et les États-Unis ont commencé, par Kirill Strelnikov

Ce weekend nous proposons à nos lecteurs une réflexion en profondeur moins soumise à l’événement que nous ne le sommes toute la semaine. Cette réflexion part comme souvent des questions politiques les plus urgentes et l’état de la France, la crise institutionnelle et surtout l’attaque généralisée contre l’emploi industriel, des services publics, le sacrifice de l’agriculture restent en toile de fond. Nous sommes face à cette situation très pessimiste parce que le mouvement social sans perspective politique n’est vraiment pas à la hauteur des coups portés et ne trouve que dans l’extrême droite matière à soulagement de sa colère et perte de la souveraineté. C’est l’autre versant de la même politique et l’aggravation des divisions, comme les pseudos radicalités clientélistes avec visées illusoires vers la présidentielle de la LFI. La seule piste ouverte est celle du PCF. Mais elle est au milieu du gué et c’est à cette incapacité encore à se situer dans la géopolitique, de concevoir à quel point nous avons perdu notre souveraineté à travers la vassalité à l’UE et l’UE dans un sauve-qui-peut face à la domination US. Actuellement sous les provocations et les escalades, il y a des “négociations” sur les bases habituelles de l’occident. Un marchandage dans lequel on achète les mandataires et aussi la souveraineté des nations mais dans lequel le seul interlocuteur qui compte est le suzerain, les USA. L’interview de Lavrov après le sommet de l’OSCE dit à quel point la Russie est peu émue par les menaces et défis qui accompagnent les redditions et en écartant tout parasitage (l’interview est en anglais) dit ce sur quoi on doit démarrer. Il y a des lignes rouges qui conditionnent la paix et si vous la voulez réellement il faut en tenir compte. Comme il faut tenir compte du monde qui nait à sa propre logique par rapport à celle qui commande le monde occidental. Explications (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)

https://ria.ru/20241206/peregovory-1987657778.html

L’entretien du ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov avec le célèbre journaliste américain Tucker Carlson, qui a déjà été regardé par des millions de personnes dans le monde ce matin, est un « point de bifurcation » essentiel qui déterminera en grande partie la manière dont le conflit en Ukraine sera résolu et ce que seront les relations de la Russie avec les États-Unis (et, par conséquent, avec l’ensemble de l’Occident collectif) à l’avenir.

Le sondage du positionnement de la Russie a commencé pendant la campagne électorale présidentielle américaine, lorsque Donald Trump lui-même, suivi par des membres de son équipe et des membres potentiels de la future administration, a émis diverses idées – de farfelues à plus ou moins réalistes – pour entamer des négociations avec Moscou avec une proposition qui serait aussi favorable que possible pour leur camp.

C’est pourquoi Sergueï Lavrov a clairement énoncé (et apparemment pour la dernière fois) la position de la Russie, qui ne changera en aucun cas, et a invité la partie américaine à faire un pas en avant à son tour.

Il convient de noter que M. Lavrov a donné l’interview en anglais. Ceci afin de s’assurer que nos messages parviennent aux destinataires sous la forme la plus précise possible et ne soient pas « perdus » dans la traduction, ainsi que pour souligner que cette « interview » est, en fait, le début de négociations officielles, ce qui signifie que tous les arguments exprimés doivent être pris très au sérieux.

Il est intéressant de noter que l’annonce de l’interview et la toute première question de Carlson à Lavrov concernaient toutes deux la possibilité d’une guerre nucléaire entre les États-Unis et la Russie. Étant donné que M. Carlson n’est pas seulement un journaliste, bien que très célèbre, mais aussi un membre de l’équipe de M. Trump, qui a été sérieusement envisagé comme futur vice-président des États-Unis au cours du second mandat de M. Trump, cette question est en effet très préoccupante pour certaines forces qui sont arrivées au pouvoir aux États-Unis à la suite des récentes élections, ainsi que pour l’écrasante majorité des Américains eux-mêmes.

La question principale est la suivante : sommes-nous (les États-Unis et l’Occident) allés trop loin ? Dans quelle mesure la situation est-elle irréversible ? Dans quelle mesure la Russie est-elle sérieuse et qu’est-ce qui pourrait la pousser à agir de manière irréversible ? Des négociations sont-elles encore possibles ?

Réponse de M. Lavrov : la situation n’est pas irréversible. Malgré la guerre hybride évidente menée contre nous par l’actuelle administration américaine, nous sommes catégoriquement opposés à un conflit « chaud », et plus encore à sa phase nucléaire. La base de notre doctrine militaire est précisément d’éviter une guerre nucléaire. Les négociations sont non seulement possibles, mais nécessaires.

La principale condition des négociations est que les États-Unis abandonnent leur objectif d’infliger une « défaite stratégique » à la Russie, faute de quoi Moscou « utilisera tous les moyens pour défendre ses intérêts légitimes ». Et nous nous battrons pour cela. Il ne s’agit pas d’une menace, mais simplement d’un fait.

Pour des raisons évidentes, le thème principal de l’interview était le conflit en Ukraine et les perspectives d’y mettre fin. Jusqu’à présent, plusieurs membres de l’équipe de Trump, dont le futur envoyé spécial pour l’Ukraine et la Russie, Keith Kellogg, ont fait des déclarations à ce sujet, qui se résumaient généralement à ce qui suit : geler la frontière le long de la ligne de contact actuelle ; reporter la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN à une période lointaine ; impliquer une sorte de « forces de maintien de la paix » occidentales ; suspendre la question du statut juridique de la Crimée et des nouveaux territoires russes avec la perspective éventuelle de leur restitution par des « moyens diplomatiques » ; et poursuivre le renforcement et la militarisation du reste du pays.

Le ministre russe des affaires étrangères a donné une réponse où il ne peut y avoir de divergences d’interprétation et où la position de Moscou est aussi concrète que possible : les États-Unis devraient cesser de proposer des options qui sont manifestement impossibles et inacceptables pour notre pays ; pas d’ultimatum.

Sur les territoires : La Crimée, la région de Donetsk, la région de Lougansk, la région de Kherson, la région de Zaporozhye font partie intégrante de la Russie et aucune option n’est possible ici – le train est parti. Pas de compromis sur la base de « lignes sur le terrain ».

L’Ukraine et l’Alliance de l’Atlantique Nord : pas question d’OTAN – sous aucune forme. Pas de report, pas de gel, pas de cataplasme ni de lotions. Pas de bases militaires, d’exercices militaires ou de troupes étrangères.
Population russophone d’Ukraine : protection totale des droits de l’homme et des libertés inscrits dans les documents internationaux, y compris le droit à la langue maternelle et à la liberté de religion.

Les futures autorités américaines doivent comprendre que les Ukrainiens sont nos frères et sœurs et que nous nous battrons pour eux.

La levée des sanctions : ce n’est plus d’actualité, la « carotte » est déjà pourrie – « plus nous vivons longtemps sous les sanctions, plus nous réalisons qu’il vaut mieux compter sur nous-mêmes » ; « ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort ». Les sanctions ne nous tueront jamais – c’est pourquoi elles nous rendent plus forts ». Nous ne renoncerons à aucune position en faveur de la levée des sanctions.

Quant aux menaces, au chantage et aux pressions, c’est simple : nous sommes prêts à toutes les options, mais nous préférons bien sûr les accords de paix négociés. Le déplacement constant des lignes rouges par l’Occident est une « très grave erreur ». Le principal message que nous envoyons en testant des missiles hypersoniques est « nous serons prêts à faire absolument tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger nos intérêts légitimes ». Une nuance importante : les Américains pensent qu’ils pourront rester en retrait de l’autre côté de l’océan, mais c’est une illusion.

Quant au futur président américain et à son administration, la Russie est même prête à prétendre qu’il n’y a rien de négatif entre nous (même si ce n’est pas le cas) pour que le nouveau-ancien président ait les mains déliées. Nous sommes même prêts à prétendre que la crise dans nos relations a été causée uniquement par la politique des démocrates. Les dirigeants russes sont positivement disposés à l’égard de l’élection américaine et personnellement à l’égard de Trump – mais c’est pour l’instant, parce que « la balle est de son côté », que cette positivité demeurera ou non dépendra des nouvelles autorités américaines. Toutes les portes sont ouvertes – à vous de jouer.

L’interview de Sergey Lavrov avec Tucker Carson a déjà provoqué des ondes tectoniques dans le monde entier, avec des milliers et des milliers de commentaires apparaissant sur les réseaux sociaux, l’idée principale étant que cette seule interview a fait plus pour la paix potentielle que les années de marche chaotique de l’Occident.

L’un des commentaires est le suivant : « Aïe, l’État profond ne va vraiment pas aimer ça ! ».

C’est très bien. Tout se déroule donc selon le plan.

***

Voici la vidéo en anglais, une heure vingt d’interview, avec sa transcription (en anglais aussi) publiées sur le site du Ministère des Affaires Étrangères russe : https://www.mid.ru/en/foreign_policy/news/1985783/

Et, en attendant d’avoir une traduction française, voici déjà une excellente vidéo, plus courte, en français, cette fois-ci il s’agit d’un discours à l’OSCE :

Vues : 501

Suite de l'article

1 Commentaire

  • Michel BEYER
    Michel BEYER

    En lisant la relation réalisée par Danielle et Marianne sur l’interview, je me dis que la Russie a de la chance d’avoir de grands diplomates et de grands dirigeants. En France, nous sommes sinistrés depuis des décennies.
    Sergueï Lavrov met les points sur les Ï . Si négociations il y a, il y aura bien un jour des négociations, il y aura des points qui ne sont pas discutables. La partie adverse est prévenue. La guerre, les sacrifices qui l’accompagnent , durent depuis prés de 3 ans. Le test “Oreshnik” trouve toute sa place dans la préparation à ces discussions. Tous les pays occidentaux, USA compris, peuvent être touchés. Venir dans des discussions avec des propositions insoutenables serait néfaste à tout accord. C’est le message de Lavrov aprés celui de V.Poutine.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.