Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La Corée et pas que ? cinéma et propagande, ou les scénarios bien rodés, par Danielle Bleitrach

Nous Français qui contemplons avec stupeur jusqu’où nous a mené le “coup d’Etat permanent” de la Constitution de la Ve à travers l’étrange spectacle de Macron, son gouvernement, son parlement et le chantage “c’est moi ou le chaos” des marchés financiers, la guerre ou l’invasion, alors que le Macronisme est le chaos, la guerre avec l’invite à payer pour que d’autres encaissent. Ce système ne date pas d’hier mais il a atteint le niveau de la parodie et il se reproduit sur toute la planète. L’impérialisme à son stade suprême nous fait son cinéma et ce qui se passe en Corée du sud n’est que l’écho de ce qu’exige l’hégémonisme de ses alliés. Parce que pour goûter le spectacle il faut que vous vous souveniez que la seule excuse de la poursuite de la guerre en Ukraine derrière l’OTAN repose sur la présence supposée des Coréens du nord (l’éternel communisme) en Russie en train d’affronter l’opération Koursk (qui se reproduit en Syrie). Souvenez-vous que la seule preuve de cette présence est l’allégation du président de la Corée du sud dont nous avions tenté de vous expliquer qu’il était encore plus impopulaire que Macron. Alors allons jusqu’au bout pour contempler la manière dont tous ces gens-là nous font leur cinéma. Paradoxalement il faut lire la parodie pour ce qu’elle révèle au-delà de la propagande ordinaire d’une réalité. Ce qui se passe en Corée doit nous mettre en alerte sur ce qui est déjà à l’œuvre dans l’ingouvernabilité française. Démonstration.

1) Orange mécanique ou la tronçonneuse des Etats… La démocratie devenue la proie des individualismes libérés..

Alex orange mécanique

Regardez bien Milei, sa ressemblance est frappante avec le héros d’Orange mécanique de Kubrick, et il ne s’agit pas seulement d’une coïncidence. En effet, le film de Kubrick était une description, une anticipation des instincts déchaînés d’une bande de sociopathes imposant leur loi à un pays terrorisé et le personnage central était le sosie du président argentin. Dans quel rêve fou peut-on imaginer voir un candidat puis un président, délirant avec une tronçonneuse coupant dans le service public, sinon celui où des capricieux adeptes du docteur Frankenstein et de citizen Kane, s’étant approprié le budget de l’État à la Elon Musk, font ripaille dansent à la manière des djihadistes débarquant à Alep armés par les mêmes et détruisant tout ce qui parasite cette main mise… Cet anarchisme culmine dans la guerre et son appareil de torture. En fait le paradoxe de la situation est que la séquence de ce type de pouvoir n’est plus celui de la guerre froide et du docteur fol amour, elle commence là où paraissait finir le film de Stanley Kubrick. Le héros Alex et sa bande de sociopathes dont les références mélangent l’argot londonien au russe a été temporairement mis hors d’état de nuire et soumis à des manipulations, il est interné par un pouvoir déconsidéré, qui ne sait quoi en faire. Alex qui a subi un traitement psychiatrique est recyclé, il doit devenir le chargé des relations publiques du parti au pouvoir en vue d’atténuer l’image déplorable du gouvernement auprès des électeurs à la suite de cette affaire. Comme signe de bonne volonté, le ministre fait installer une chaîne stéréo dernier cri jouant la Neuvième Symphonie dans sa chambre d’hôpital. Tandis que la presse immortalise l’événement.

Cela c’était la Fin de la guerre froide et de la dictature sanglante sud-Coréenne, nous sommes entrés dans l’ère de la réconciliation universelle et de la paix Américaine, avec la chute du mur de Berlin.

Oui mais voilà Alex a ressurgi plus fou que jamais et pas seulement en Argentine… Toute cette période n’a été qu’un recyclage pour réinterpréter non seulement l’histoire de l’URSS, de la victoire sur le nazisme mais y compris ces années de pillage et d’interventions dites humanitaires…

En 2012, Zelenski incarnait déjà un Napoléon parodique dans une comédie russe et il était à cette époque comme quand il a été élu comme un critique de la politique de l’OTAN cherchant à obliger l’Ukraine à mener une guerre désastreuse contre la Russie, il a été élu sur son projet de paix. Le pitre a été par peur et pas corruption retourné et depuis il nous la joue héros de la résistance ukrainienne.

Zelenski en 2012 se moque des envahisseurs de la Russie

2) Obligés à négocier : conserver la guerre comme fondement pour ses bénéfices et pour la peur citoyenne…

Partout l’empire tente d’installer des situations comme celles de Corée, au Moyen-Orient mais aussi en Ukraine et dans toute l’Asie. Face à la raclée prise en Ukraine, Zelenski qui risque de finir comme le dictateur coréen plaide effectivement pour cette situation. Et comme ils ont un manque total d’imagination ils mobilisent le président de la Corée du sud pour justifier un tel projet. Mais savez-vous qui est ce président ?

Rares sont ceux qui en France ont la moindre idée de l’horreur du régime sud-coréen sous mandat américain, les assassinats, les tortures d’opposants “communistes”. En 1975, afin de préparer la candidature de la Corée du Sud à l’organisation des Jeux olympiques de 1988, on donna l’ordre à la police de « purifier » les rues et d’en expulser mendiants, vagabonds et marchands à la sauvette qui donnaient une mauvaise image du pays à l’étranger. Les victimes de cette campagne de nettoyage social, au nombre de plusieurs dizaines de milliers, furent envoyées dans des camps et soumises aux travaux forcés, sans être payées, et exposées à la torture et à des viols répétés. Officiellement, 513 personnes sont mortes d’épuisement dans ces camps, mais leur nombre pourrait être beaucoup plus élevé. Park fut lui-même assassiné le 26 octobre 1979 par Kim Jae-gyu, son ami de longue date, alors à la tête de la KCIA (Agence centrale du renseignement coréenne), la police secrète sud-coréenne. Kim Jae-kyu et d’autres membres de la KCIA accusés de participation au complot sont torturés et exécutés en fait il s’agit d’une opération menée par la CIA qui se débarrassa d’une marionnette encombrante pour installer un régime plus “présentable” mais avec la même ligne antichinoise et anti Corée du nord et réconciliation soumission au Japon avec développement économique renforçant les inégalités. Alors que la propagande que nous subissons s’empare de tous les fake news des officines d’extrême-droite installées par la CIA pour nous peindre le visage le plus ignoble possible de “la dictature de la Corée du nord” il n’y a guère que le cinéma coréen pour nous présenter à la fois la brutalité de la dictature et les contradictions réelles à l’œuvre en Corée du sud comme l’immense succès que fut Parasite.

La décision de Yoon est un geste désespéré et illégitime de la part d’un président extrêmement impopulaire, nous avions signalé qu’il avait un taux d’approbation de moins de 20%, il battait Macron. Il avait perdu toute majorité au parlement et face à sa politique autant qu’à son bellicisme nous vous avions expliqué que se multipliaient les manifestations. Nous avions tenté de vous faire relativiser les propos du personnage qui étaient l’unique référence de la bande de cinglés du politico-médiatique français qui tient absolument à s’engouffrer derrière les perdants, ceux qui comme Macron et les siens n’arrivent plus à gouverner leur propre peuple et ne voient d’issue que dans l’escalade guerrière.

En Corée du sud donc, le Parti démocrate de l’opposition se montrait aussi peu coopératif que les “oppositions” du parlement français mais lui était en situation de présenter une alternative. Il jouait donc le jeu qui est considéré comme l’essence de la démocratie celui d’une opposition. Les accuser d’être des « forces anti-étatiques » alignées sur la Corée du Nord est absurde, personne ne peut y croire.

Selon les critères de la démocratie représentative, Yoon abuse de son pouvoir de manière flagrante, et cela devrait être la fin de sa présidence. Même le chef du Parti du pouvoir du peuple de Yoon, Han Dong-hoon, a déclaré que la déclaration de la loi martiale était erronée. L’Assemblée nationale a le pouvoir d’annuler une déclaration de loi martiale, et les membres se prépareraient déjà à le faire.

C’est la première fois que la loi martiale est décrétée en Corée du Sud depuis la fin de la dictature il y a près de quarante ans. Cela devrait susciter une opposition généralisée et des protestations massives contre la déclaration de Yoon, et je m’attends à ce qu’il y ait une pression écrasante sur Yoon pour qu’il démissionne. Il a été un président catastrophique dans tous les domaines et après ce coup d’éclat, il devra partir. En effet, cela ne date pas d’aujourd’hui, la caution de Zelenski et de Macron pour poursuivre la guerre en Ukraine n’en est pas à son premier signe de dérive et même aux Etats-Unis quelques voix se sont élevées. E. Tammy Kim a écrit l’année dernière que « Yoon, lui aussi, pousse la Corée du Sud dans une direction répressive, revenant au mauvais vieux temps de la dictature, sans aucune protestation de la part de ses partenaires américains ». L’administration Biden a adopté Yoon parce qu’elle pensait qu’il serait utile à son programme d’endiguement de la Chine et parce qu’il était prêt à s’attirer les faveurs du Japon alors que les Coréens du sud jusqu’ici avaient une haine sacrée et unanime de ce pays et de ce qu’il avait été capable d’infliger au Coréens durant la deuxième guerre mondiale mais aussi la guerre de Corée qui avait laissé la péninsule dans l’état politique où certains rêvent de laisser l’Ukraine. C’est parce que Yoon était la clé d’une solution de ce type et de l’endiguement de la Russie et de la Chine que Biden a soutenu ce dirigeant comme partout il a soutenu des dirigeants aventuriers, autoritaires, erratiques, susceptible de répondre à leur vision hégémonique.

Partout l’’administration Biden s’est liée elle-même et ses ambitions en Asie de l’Est comme dans le reste du monde à des pouvoirs chancelants, à des bellicistes autoritaires pratiquant la fuite en avant devant la montée des mécontentements de leurs propres peuples. Mais mettre ça sur le compte de l’administration Biden c’est laisser croire que Trump peut agir autrement ce qui serait erroné, il franchit simplement un seuil dans ce qu’il estime pouvoir exiger d’eux. Et tout ce que les gens sensés s’il en reste devraient pouvoir espérer c’est que les Coréens du sud traitent entre eux cette affaire d’abus de pouvoir au point que quand dans un mois Trump s’installera tout sera fini et Yoon sera chassé et le Pld installé au pouvoir même s’il présente l’inconvénient pour le “système” d’être beaucoup moins soumis aux Japonais et aux Etats-Unis en particulier dans l’hostilité à l’égard de la Corée du nord et donc dans l’appui à l’endiguement de la Chine.

C’est bien là d’ailleurs ce qui est inquiétant, le “système” hégémonique dont les USA sont le bras armé économiquement autant que militairement ne laissera pas cette crise se calmer et on peut compter sur les vassaux britanniques, français et autres pour l’attiser. Ils sont un peu esseulés parce que la politique de Biden poussée à l’extrême par Trump qui consiste à asphyxier les économies des vassaux par les sanctions, les tarifs douaniers, dont ils deviennent les premières victimes et qui se doublent par des exigences d’armement commencent à créer en sous main des résistances non seulement celle des peuples mais y compris celles des milieux d’affaires.

Le côté grotesque de ces situations à savoir la dénonciation d’un ennemi intérieur communiste manipulé par la Chine et par la Russie en fait est la révélation d’une situation que l’on a cru la “fin de l’histoire” et dans laquelle les révolutions de couleur installaient par coup d’Etat ce qu’on prétendait être la démocratie. C’est l’hommage dira-t-on du vice à la vertu.

3) Mais cette parodie, ce cinéma doit nous inquiéter parce qu’aucun des éléments du scénario n’est sans importance y compris en France aujourd’hui :

C’est la première fois en 44 ans que la loi martiale est déclarée en Corée du Sud. L’article 77 de la Constitution coréenne stipule que le président peut déclarer la loi martiale en réponse à la guerre, à des incidents ou à d’autres urgences nationales. La loi martiale est divisée en deux types : la loi martiale d’urgence et la loi martiale de sécurité. Lorsque la loi martiale d’urgence est déclarée, comme ici, des mesures telles que la restriction de la liberté d’expression, de publication, de réunion et d’association, des modifications spéciales de l’autorité des gouvernements ou des tribunaux et un système de mandat conformément aux dispositions des lois connexes sont rendues possibles. S’il déclare la loi martiale, le président doit en informer l’Assemblée nationale sans délai, et lorsque l’Assemblée nationale demande la levée de la loi martiale avec le consentement d’une majorité de ses membres, le président doit la lever.

Lors d’un discours non annoncé et diffusé en direct ce mercredi 3 décembre, Yoon Suk Yeol a décrété la loi martiale en Corée du Sud, fustigeant l’attitude de l’opposition, qui a rejeté une proposition de budget du gouvernement. Toutes les activités politiques sont interdites et le Parlement a été placé sous scellés, selon l’agence de presse « Yonhap » rapporte Reuters« Je déclare la loi martiale pour protéger la République de Corée libre de la menace des forces communistes nord-coréennes, pour éradiquer les abjectes forces antiétatiques pro-nord-coréennes qui mettent à sac la liberté et le bonheur de notre peuple, et pour protéger l’ordre constitutionnel libre », a-t-il déclaré, lors d’un discours non annoncé et diffusé en direct dans la nuit sur la chaîne de télévision YTN. Dans un contexte d’impopularité croissante du président mais aussi de la manière dont le “jeu démocratique” ne tient pas compte de la situation populaire qui se dégrade.

Ne pas sous-estimer donc la volonté de déconsidérer les “institutions” d’un point de vue idéologique en leur attribuant le désordre que le système a généré. « Sans se soucier des moyens de subsistance du peuple, le parti d’opposition a paralysé le gouvernement, à des fins de destitutions, d’enquêtes spéciales et pour protéger son leader de poursuites judiciaires », a poursuivi le président sud-coréen. On retrouve ici un grand classique : c’est le jeu parlementaire qui est la cause de ce que le gouvernement inféodé à la politique néolibérale, à ce qui a surgi de la chute de l’URSS a cru pouvoir appliquer partout. Cette intervention surprise intervient alors que le Parti du Pouvoir au Peuple de Yoon Suk Yeol continue de batailler avec le principal parti d’opposition, le Parti Démocrate, sur le projet de budget de l’année prochaine. On s’y croirait. Les députés de l’opposition ont approuvé la semaine dernière, à travers une commission, un programme budgétaire considérablement réduit.

« Notre Assemblée nationale est devenue un refuge de criminels, un repaire de dictature législative qui cherche à paralyser les systèmes administratif et judiciaire et à renverser notre ordre démocratique libéral », a affirmé le président, accusant les élus de l’opposition de couper « tous les budgets essentiels aux fonctions premières de la nation qui sont la lutte contre les crimes liés à la drogue et le maintien de la sécurité publique […] transformant le pays en un paradis de la drogue et en un lieu de chaos pour la sécurité publique. »

Effectivement partout et le plus souvent en liaison avec les bases et expéditions des USA, le trafic de drogue s’est étendu et il est dans le sillage du trafic d’armes et de divers blanchiments dans les paradis fiscaux comme il se traduit par la prolifération de commerces créés pour cet usage et l’enrôlement mafieux des chômeurs et déclassés. Il faut donc faire très attention à ce thème tel qu’il est manié par les ministères de l’intérieur. Ne pas nier le problème mais le replacer dans son contexte réel.

Danielle Bleitrach

Lors d’un discours non annoncé et diffusé en direct ce mardi 3 décembre 2024, Yoon Suk Yeol a décrété la loi martiale en Corée du Sud.

Lors d’un discours non annoncé et diffusé en direct ce mardi 3 décembre 2024, Yoon Suk Yeol a décrété la loi martiale en Corée du Sud.© Handout / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP

« Notre Assemblée nationale est devenue un refuge de criminels »

Une première depuis 44 ans

Yoon Suk Yeol a assuré que sa décision était « inévitable »« Je rétablirai la normalité dans le pays en me débarrassant de ces forces hostiles à l’État dès que possible », a-t-il ajouté, sans préciser dans son discours quelles mesures spécifiques seraient mises en place.

Selon l’agence de presse sud-coréenne Yonhap, relayée par Reuters, toutes les activités politiques sont désormais interdites et le Parlement est placé sous scellés, alors que le Parti démocrate a appelé ses députés à s’y rendre. En direct à la télévision, des hélicoptères sont vus sur le toit de l’Assemblée.

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