Histoireetsociete c’est un collectif de réflexion. Dans la nuit, de mercredi à jeudi 7 novembre Jean-Claude Delaunay envoie ce message en commentaire de notre position sur la déclaration de Roussel… petit dialogue suit, nul doute qu’il va préfigurer celui qui peu à peu s’ouvre au sein du PCF et à chaud avec Michelin, Auchan qui ferment, la guerre qui menace etc…
JCD : C’est curieux, mais je n’arrive pas à comprendre que l’élection de Biden aurait été une bonne nouvelle. Ce que je crois observer est le pourrissement de la démocratie bourgeoise (à ce propos, Fabien Roussel est certainement en train de tirer des conclusions) et dans ce pourrissement l’absence complète d’avenir pour des “petits blancs”, qui peuvent être aussi bien des “petits noirs” que des “petits bronzés”. Cette absence d’avenir, et le manque également complet de capacité d’analyse de masse d’une situation pour eux renversante, les poussent à croire dans des prédicateurs MAGA, qui ne sont pas moins dangereux que leur prédécesseur. Voilà, en gros, comment je ressens ce résultat (à confirmer). Mais de là à dire que l’élection de Trump est une mauvaise nouvelle en soi, non. Essayons seulement de projeter ce qui vient de se passer aux USA sur d’autres pays d’Europe et tirons-en de vraies conséquences, OK. Mais se lamenter que Trump soit élu, NON.
Réponse de Danielle Bleitrach
Bonjour Jean-Claude, soit tu parles en général des turpitudes françaises et de la gauche – un conglomérat à visée électoraliste dans laquelle les groupuscules jouent un rôle certain – et là tu as raison parce que c’est un bourdonnement permanent avec les lubies de progressistes et les idéologues en chambre (cf l’article de la revue Jacobin). Soit tu parles des auteurs-commentateurs d’histoire et societe et là tu te trompes et cela m’étonne de toi : tu joues suffisamment un rôle dans ce blog pour savoir que nous nous lamentions parce que TRUMP n’est pas élu est un contresens absolu pour nous qui avons dit que c’était bonnet blanc et blanc bonnet.
Autre chose est de ne pas voir ce dans quoi se jette la classe ouvrière des Etats-Unis et là faire comme si le vote en faveur de TRUMP était une issue est autre chose, il y a là une voie vers le fascisme qui a ses racines dans la collaboration de classe des bureaucraties syndicales face au néocolonialisme et qui aboutit à Orban ou pire Meloni. On peut être irrité par le wokisme et ses délires, trouver odieux le clientélisme des banlieues de la LFI on ne peut pas les confondre avec Trump.
Quand nous dénonçons le populisme de Mélenchon qui vaut mieux que celui de Le Pen mais qui est de même nature que celui de Macron en disant que cela mène au fascisme nous n’établissons pas des signes d’égalité entre chacun mais nous mettons l’accent sur ce qui manque à tous ces constats de la rupture avec la classe ouvrière : le Que faire, l’outil de la transformation donc le retour à une classe ouvrière, un peuple français capable d’intervenir non pour “voter” mais bien au-delà.
C’est en ce sens que nous nos réjouissons de la position de Roussel pas parce qu’elle est intellectuellement la plus satisfaisante mais celle qui peut aller vers le Que faire, là où les analyses les plus ancrées les plus passionnantes deviennent enfin réalité.
Ton apport en ce qui concerne la Chine, sa “modernité” il est incontournable justement parce que tu conserves ce souci de communiste… Alors je te propose de nous aider à amplifier et discuter ce qu’a dit hier Xuan à propos de Trump et du fait que “le protectionnisme était une des bases du fascisme face à la crise de l’accumulation au stade impérialiste”. Je résume … Mais déjà tu as les Dupont Aignan, et autres “conservateurs fascisants” voire Asselineau qui partent sur le thème du “protectionnisme” … et bien sûr contre la concurrence déloyale de la Chine…
Danielle Bleitrach
Commentaire de Franck Marsal
Il ne s’agit pas de dire que l’élection de Kamala Harris aurait été une victoire. Et le ton du communiqué n’est pas à la lamentation. L’élection de Trump n°2, qui sera nécessairement autre chose que Trump n°1 appelle à la lucidité et à l’action et il me semble que c’est ce qui est fait ici.
Les choses s’accélèrent puisqu’au même moment, quasiment, la coalition allemande a explosé et les prochaines élections produiront probablement les mêmes résultats qu’ailleurs (notamment Royaume Uni, Pologne, Slovaquie, Pays-Bas, France et désormais USA) : les gouvernements de l’OTAN qui ont poussé à la guerre en Ukraine perdu toutes les élections.
On peut raisonnablement penser que la situation de l’Ukraine ne serait pas différentes si des élections s’y tenaient mais le régime Zelenski a la prudence de ne pas s’y risquer et tient le pouvoir par la loi martiale. La perspective n’est néanmoins pas autre. Le moral était déjà bas dans l’armée ukrainienne que le régime de Kiev s’obstine à sacrifier dans des manœuvres insensées de contre-offensive et qui perd chaque jour un peu plus de terrain. Il est probable que Biden et l’OTAN ont livré suffisamment de matériel à Kiev pour tenir quelque temps. Le problème est que maintenant, plus personne ne peut éluder la possibilité d’une négociation en des conditions plutôt favorables pour la Russie, voire d’une défaite rapide de l’Ukraine ou d’un renversement de Zelenski ouvrant la voie à un changement politique majeur à Kiev. Et le seul fait de devoir envisager cela change la situation :
1) Il est évident que la motivation au combat va être très difficile à tenir, de même que la cohésion des forces et du pays.
2) Il va être difficile désormais pour l’OTAN d’envoyer du matériel sophistiqué avec le risque que ce matériel tombe in fine aux mains des Russes. Même si les F16 livrés à Kiev ou les batteries Patriot et autres systèmes de défense anti-aérienne européens ne sont pas du dernier cri, je pense que les ingénieurs russes seraient très intéressés à les démonter et à les scanner. Beaucoup d’armées utilisent encore de tels systèmes d’armement.
3) Même chose pour les aspects financiers. Beaucoup du financement de Kiev (complètement sous perfusion depuis 2 ans et demi) a été apporté sous forme de prêt, garanti par divers gouvernements occidentaux. L’enjeu pour le système financier et pour les gouvernements occidentaux est colossal. Là aussi, chacun va devoir faire ses comptes et mesurer ses risques. Les mouvements boursiers d’hier sont éclairants : forte hausse à New York, nette baisse en Europe.
Au fond, cela illustre la politique proposée par Trump : lâcher l’Europe, qui coûte cher aux USA et qui peut être sacrifiée pour sauver l’industrie US ; concentrer toutes les forces pour la défense et le retour de la suprématie US.
Quoiqu’on pense de la politique de Biden / Harris, maintenant, c’est cela qu’il faut se préparer à affronter, dans un certain nombre de régions du monde : Amérique Latine au premier chef, Proche-Orient, Afrique et Asie également. A mon sens, cette politique est vouée à l’échec, mais elle peut faire de gros dégâts, jusqu’au risque d’une guerre nucléaire.
Pour nous, cette situation pose la nécessité d’ouvrir un certain nombre de combats, et ce communiqué les annonce (UE, OTAN, …). Il va falloir rentrer dans le concret et cela va inévitablement nous amener à préciser les modalités possibles d’une transition vers une société socialiste, à poser la question de la relation de la France avec les BRICS+, à reformuler un projet de développement national radicalement nouveau et différent.
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