Piotr Akopov n’est pas un communiste mais un partisan enthousiaste de Poutine. Ce qu’il décrit ici reflète néanmoins une filiation affirmée et qui souvent s’oppose aux communistes à qui il est reproché d’avoir avec Gorbatchev et toute la nomenklatura de l’époque trahi l’URSS et l’avoir laissé dépecer y compris dans ce qui formait la Russie depuis les origines comme l’Ukraine… Mais à travers la lutte contre l’OTAN, le rapprochement avec la Chine, Cuba, le Venezuela que reflète la conduite des BRICS dans le respect des souverainetés et la résolution des conflits par la négociation, revient en force la diplomatie soviétique et celui qui à la chute de l’URSS, comme le décrit l’article, a œuvré pour maintenir en particulier en Afrique et au Moyen orient l’audience de l’URSS, son rôle dans le tiers monde. Et à travers Primakov, montrer que Poutine est le véritable héritier de l’union soviétique ce qui n’est pas totalement inexact mais semble oublier que Poutine a été longtemps l’ombre d’Eltsine et qu’à ce titre il a été chargé de l’exécution politique du retour de Primakov… Mais c’est aussi une manière de retrouver une “idéologie” qui manque sérieusement à ceux qui veulent résister à l’impérialisme occidental sans pour autant comme le veut le KPRF revenir au socialisme. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)
https://ria.ru/20241029/primakov-1980531785.html
Après l’effondrement de l’URSS, la Russie ne comptait que deux hommes d’État dont les politiques auraient constamment bénéficié du soutien d’une majorité absolue de la population – et l’un d’entre eux a disparu depuis neuf ans. Aujourd’hui, Evgueni Primakov aurait eu 95 ans et son rôle dans l’histoire post-soviétique de la Russie ne peut être surestimé. En fait, Primakov était le prédécesseur de Poutine – et ils étaient unis non seulement par le soutien populaire, mais aussi par l’idée de servir la patrie, par un patriotisme réel et non conventionnel.
En même temps, Primakov a été le seul haut fonctionnaire soviétique à trouver sa place à la tête de la Russie post-soviétique. Au moment de l’effondrement de l’URSS, il était membre du Conseil de sécurité et, dans la Fédération de Russie, il dirigeait le Service de renseignement extérieur. Certes, la majeure partie de la carrière politique active de Primakov s’est déroulée pendant la période soviétique, mais ses plus importantes contributions appartiennent aux années 1990.
Après août-décembre 1991, l’élite politique et managériale soviétique a été pratiquement chassée, purgée du pouvoir de la nouvelle Russie, mais Primakov est resté à la tête du pays. Et il a rempli sa mission la plus importante : il a non seulement mené une bataille inégale avec les libéraux occidentaux et les fonctionnaires corrompus pour influencer le président Eltsine sous influence, mais il a également préparé le terrain idéologique pour l’arrivée de Vladimir Poutine. Le paradoxe est qu’une partie des élites pro-occidentales et oligarchiques, au moment de la nomination de Poutine par Eltsine, voyait en lui une alternative, un antidote à Primakov, un moyen d’empêcher Evgueni Maximovitch de prendre le pouvoir – mais il s’est avéré que c’était exactement l’inverse. Poutine est devenu le continuateur de Primakov, qui était assez âgé pour être son père et qui possédait une vaste expérience internationale et des qualités d’homme d’État.
Primakov était à la fois en avance sur son temps et arrivé trop tard. Il était en avance sur son temps pour les fringantes (et en fait fourbes) années 1990, mais il est arrivé trop tard pour sauver l’URSS. Primakov n’est apparu au plus haut niveau politique qu’en 1989, lorsqu’il a dirigé l’une des deux chambres du Soviet suprême, le Parlement de l’Union. À cette époque, il avait déjà un tiers de siècle de travail à l’Est à son actif : Primakov était devenu l’un de nos plus grands orientalistes. Pendant vingt ans, il a rempli des missions secrètes et délicates pour le compte des hauts dirigeants de l’URSS. Les intérêts et l’attention de Primakov étaient centrés sur le Moyen-Orient – et non seulement il avait une excellente compréhension de la situation, non seulement il conseillait les dirigeants soviétiques, mais il connaissait également de nombreux dirigeants des différents pays de la région, de Mouammar Kadhafi à Saddam Hussein. Primakov n’était pas un officier de renseignement classique à plein temps, mais en travaillant comme universitaire et journaliste, il était un véritable analyste qui combinait une analyse stratégique approfondie avec des missions spéciales pour le Kremlin. L’une d’entre elles consistait, par exemple, à établir des contacts officieux avec les dirigeants israéliens. Plusieurs années après la rupture des relations diplomatiques en 1967, c’est Primakov qui tient des consultations secrètes avec les dirigeants de l’État juif. Moscou n’entend pas renoncer à ses alliés arabes, elle veut pouvoir contrer le jeu de Washington qui consiste à diviser l’unité arabe et pousser Israël à trouver un compromis avec les Arabes. Le rôle de Primakov était unique : non seulement il était le porte-parole du Kremlin, mais il était aussi l’un de ceux qui formulaient la politique du pays au Moyen-Orient.
Il n’aspirait pas à un grand pouvoir public, mais la perestroïka a changé son destin. Malheureusement il a accédé à la direction du pays trop tard, en 1989, alors que l’incompétence et les intrigues de Gorbatchev avaient déjà plongé la situation dans une crise profonde. Primakov n’était pas un allié, ni pour Gorbatchev, désorienté, ni pour ses adversaires du parti et de la direction de l’État qui s’en sont rendu compte tardivement. C’est pourquoi il a réussi à survivre politiquement en août 1991, d’abord en ne soutenant pas le GKChP, voué à l’échec, puis en allant chercher Gorbatchev à Foros.
En fin de compte, l’académicien est devenu le chef des services de renseignements étrangers, c’est-à-dire le premier vice-président du KGB. Et à la fin de l’année, après l’effondrement de l’URSS, il est devenu le premier chef du service de renseignement extérieur russe. Primakov n’a dirigé le SVR que pendant trois ans, mais ce fut une période extrêmement importante non seulement pour le pays, mais aussi pour les services de renseignement. Homme strictement civil, Primakov n’a pas permis les coupes sombres au sein du personnel à Yasenevo et a fait de son mieux pour préserver ce qui restait du plus puissant service de renseignement soviétique. Rien que pour cela, la postérité devrait lui être reconnaissante, mais son œuvre principale était encore à venir.
Au début de 1995, Primakov a pris la tête du ministère des affaires étrangères et, pendant les trois ans et demi qu’a duré son mandat, il a montré que la Russie ne rêvait pas d’être un partenaire mineur de l’Occident et qu’elle ne refusait certainement pas de défendre ses intérêts nationaux. Certes, nous n’avions pas la force (non seulement économique, mais surtout morale), et ceux qui pensaient comme Primakov au sein de la direction du pays étaient alors nettement minoritaires – mais c’est lui qui a fait naître l’espoir que la période d’occidentalisme, de recul et d’effondrement de la politique étrangère était en train de s’achever. Primakov a été le premier à parler d’un tournant vers l’Est et de la nécessité de construire un trio de RIC – Russie, Inde, Chine, c’est-à-dire le précurseur des BRICS.
En tant que ministre des affaires étrangères, Primakov a fait de son mieux dans les conditions les plus difficiles en matière de politique étrangère, de politique intérieure et même de pouvoir intérieur – démentant le dicton selon lequel il n’est pas de guerrier seul sur le champ de bataille. Bien entendu, Evgueni Maximovitch n’était pas le seul homme politique géopolitiquement compétent et patriote au sein de l’élite russe de l’époque, mais il était le plus ancien, le plus courageux et il ne cachait pas ses opinions.
Cependant, le ministère des affaires étrangères n’a pas été le point culminant de sa carrière, qui survint huit mois après le début de son mandat de premier ministre. Primakov n’aspirait pas au poste de « numéro deux », mais le ‘défaut’ de 1998 et la panique dans l’entourage d’Eltsine l’ont amené au pouvoir. Il s’est vu confier l’essentiel du sauvetage du pays, et il n’a pas fui ses responsabilités. Mais les libéraux occidentaux n’allaient pas tolérer longtemps un premier ministre indépendant ayant des idées complètement différentes sur la Russie et le monde, et ils ont immédiatement commencé à intriguer contre Primakov. Lorsque l’économie et la situation du pays ont commencé à s’améliorer, l’entourage d’Eltsine, les oligarques et les libéraux pro-occidentaux ont craint que Primakov ne devienne le successeur d’Eltsine – l’élection présidentielle n’avait lieu que dans un an et la popularité du Premier ministre rendait son élection pratiquement certaine. Eltsine a été persuadé que Primakov était dangereux pour lui personnellement (et en même temps pour « l’avenir démocratique de la Russie ») – et le président a renvoyé le premier ministre. Cette mesure n’a en rien compromis la victoire d’Evgueni Maximovitch aux prochaines élections, un an plus tard – sa popularité auprès de la population s’était accrue depuis le « demi-tour sur l’Atlantique » de mars 1999 (lorsque le premier ministre a annulé sa visite aux États-Unis après avoir appris la décision américaine de bombarder Belgrade), et la démission à laquelle l’a envoyé l’impopulaire Eltsine n’a fait que renforcer la sympathie à l’égard de Primakov.
La « famille » d’Eltsine s’est mise à chercher frénétiquement des alternatives à Primakov – et la force de caractère d’Eltsine a joué un rôle à cet égard : parmi tous les candidats possibles, le président a choisi Vladimir Poutine d’instinct. La « famille », qui avait une peur bleue de la présidence de Primakov, a soutenu cette candidature, mais il s’est avéré que « l’on fuit le loup et l’on tombe sur l’ours ». Non seulement il n’a pas été possible d’opposer Primakov et Poutine, mais après les élections à la Douma, le vieil académicien a soutenu le jeune tchékiste. Parce qu’il voyait en lui un homme qui défendrait les intérêts nationaux de la Russie, qui ne reculerait jamais et ne trahirait jamais son peuple, c’est-à-dire un digne remplaçant de lui-même.
Et notre peuple sera toujours reconnaissant à Evgueni Maximovitch pour ce qu’il a fait pour le pays – en particulier dans les années 90, où, malgré « l’esprit du temps », il est resté celui qui n’a pas trahi et qui ne s’est pas vendu.
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