Profitons de cette enquête sur la crise du logement en Europe, pour une fois de plus plaider en faveur de l’économie du “détour théorique” à quel point il évite de prétendre corriger une erreur pas une autre encore pire. Parce que le théorique quand il est “marxiste” est aussi la mémoire d’expériences pratiques et des conclusions qui en ont été tirées. En 1872, Engels écrivit trois articles sur la question du logement rassemblés sous ce titre en un volume. Le fond de la démonstration d’Engels est que la crise du logement ne peut pas être résolue dans le capitalisme et ceux qui comme la petite bourgeoisie proudhonienne le prétendent le font en général par l’accession à la propriété (1). Non seulement le coût de l’entretien du logement augmente dans des proportions qui exigent le sacrifice de tous les autres postes, mais les “proudhoniens” tentent de concilier cet accès à la propriété avec le maintien d’une sorte d’artisanat périphérique, là où les logements sont moins chers et alors on assiste à une autoexploitation, la propriété devient une manière de fixer le prolétaire sur une terre où les conditions de sa survie sont de plus en plus précaires. Si on suit le tableau qui est brossé ici à propos des ex-pays socialistes, par exemple de la Roumanie on trouve les mêmes caractéristiques à la fois la satisfaction d’avoir accédé à la propriété du logement et dans le même temps la difficulté en matière d’emploi et d’éducation des enfants, l’immigration… et dans tous les cas le poids trop lourd du logement dans le budget des familles (2).
Mais allons plus loin, en reprenant une intuition non dénuée de pertinence de Fabien Roussel. Ce jeudi 24 octobre oubliant totalement qu’en tant que secrétaire national il devrait au minimum exprimer une parole collective, ce grand spontané qui ne manque ni de bon sens ni de perspicacité s’est exclamé : «Si je devais me représenter, ce ne serait pas dans une alliance avec LFI», précisant que cette position «n’engage que (lui)». «Si j’avais pas fait cette alliance, j’aurais conservé mon poste», a estimé le numéro un du PCF. «Cet accord NFP, il fait élire dès le premier tour (Sandrine) Rousseau (à Paris) et battre Roussel. Ça doit nous interroger», «l’alliance, telle qu’elle a été construite, ne permet pas de gagner». «Elle permet des grands scores dans les grandes villes, mais des petits dans la ruralité et les sous-préfectures. Elle a même fait voter RN!», a taclé celui qui s’est incliné face à un candidat lepéniste dès le premier tour des législatives, dans une circonscription pourtant tenue par le PCF depuis 1962. Ce constat fait état d’une réalité du vote communiste actuel, qui avait été déjà présentée par Léon Deffontaine à l’université d’été, c’est un vote qui connait une croissance limitée mais réelle seulement dans le monde rural mais pas seulement paysan. Il y a un tissu industriel en particulier dans l’agroalimentaire et dans les services qui habite à la périphérie, se loge de plus en plus loin et quelquefois retape une ruine pour avoir un logement moins cher, c’est dans ces territoires que l’on retrouve le vote communiste avec des gens qui sont parfois diplômés mais se sont reconvertis dans l’artisanat, les services, la petite industrie…
Bref nous sommes totalement dans ce que Engels décrivait, à la seule différence près que cela loin de s’accompagner en France d’industrialisation s’est traduit par des délocalisations qui elles ont atterri dans les ex-pays socialistes où le prolétariat est confronté lui à des phénomènes à la fois de pertes massives d’emplois qui forcent à l’immigration, ou à l’arrivée de trusts qui leur payent des salaires de misère et avec tous les problèmes de logement qui en résultent pour tenter de faire face à des inflations massives avec des salaires qui n’ont aucun rapport avec le coût de la vie. Donc ce que décrit Fabien Roussel ne frappe pas seulement les terres du nord, de la Picardie ou même des Bouches du Rhône mais se retrouve en Europe et ne peut donc être exclu d’une analyse géopolitique. Le seul ennui c’est que l’expérience de Fabien Roussel et hélas de la plupart des communistes aujourd’hui est telle qu’elle risque par colère légitime face aux anarcho-sociaux-démocrates et autres proudhoniens d’aujourd’hui les faire se jeter dans les bras d’autres gens de la même espèce encore plus coupés de ces couches populaires, de ces travailleurs comme l’est le PS. Pour dire les choses clairement si l’on part des problèmes concrets, et de la question du logement entre autres, rompre avec LFI pour aller se jeter dans les bras de Glucksmann ou des copains de Hollande n’est vraiment pas non plus la solution. Il faut comme ils l’ont fait pour le budget qu’ils élaborent leur propre programme, qui d’ailleurs a un effet électoraliste immédiat comme on l’a vu à la manière dont Marion Aubry n’a cessé d’emprunter celui de Deffontaines lors des Européennes, siphonnant pour mieux revendiquer le vote utile et le sésame démagogique dans les banlieues et chez les bobos.
Oublier le passé et ses leçons fait renouveler les erreurs, et celle de retomber dans l’escarcelle d’une aile de la social démocratie pour en éviter une autre serait la pire, mais le second aspect du marxisme c’est qu’il n’en reste pas aux leçons du passé, il voit ce qui est en train de se transformer et comment agir par exemple pour recréer l’emploi industriel, les formations nécessaires dans un temps de grande mutation avec l’arrivée de l’intelligence artificielle et la manière dont cela transforme les aspirations… La question du logement a sa spécificité mais elle doit être pensée dans une relation consommation production de la lutte des classes. Bref comme disait Lénine, il faut étudier, étudier, étudier… individuellement et collectivement. Avoir le courage de présenter un budget mais le traduire également en une vision concrète par rapport aux préoccupations. Le PCF est bien placé pour aborder la crise du logement et la manière dont elle touche en priorité la jeunesse prolétarisée y compris celle qui tente d’acquérir des diplômes en pratiquant les co-locations et les petits boulots…
Danielle Bleitrach
(1) considérons la manière dont le socialisme chinois, pour rattraper son développement et concevoir une “modernité” sans exploitation coloniale, a joué sur l’immobilier d’une manière keynesienne comme facteur de régulation des contradictions de son développement et toutes les expérimentations autour de cette question et celle du passage du rural à l’urbain. C’est une des questions de la transition socialiste sous domination de fait de l’impérialisme…
(2) Engels a rassemblé ces textes dans un livre “parce que ces articles ne se limitent pas à une simple polémique contre Proudhon et son représentant allemand. Par suite de la division du travail entre Marx et moi, il me revenait de défendre nos points de vue dans la presse périodique, notamment en luttant contre les opinions adverses, afin que Marx gardât le temps nécessaire à l’élaboration de son grand ouvrage. Je me trouvai ainsi amené à exposer notre manière de voir le plus souvent sous une forme polémique, en m’opposant à d’autres façons de penser. Il en est de même ici. La première et la troisième parties renferment non seulement une critique de la conception proudhonienne de la question, mais aussi l’exposé de la nôtre. En deuxième lieu, Proudhon a joué un rôle bien trop important dans l’histoire du mouvement ouvrier européen pour tomber si vite dans l’oubli. Liquidé sur le plan de la théorie, évincé dans la pratique, il continue à présenter un intérêt historique. Celui qui veut approfondir tant soit peu le socialisme moderne doit apprendre à connaître également les “points de vue dépassés” du mouvement. Misère de la philosophie de Marx a paru plusieurs années avant que Proudhon ait exposé ses projets pratiques de réforme sociale ; ce n’est que l’embryon de la banque proudhonienne des échanges que Marx pouvait alors découvrir et critiquer. Sous ce rapport, son ouvrage sera donc complété par celui-ci, malheureusement assez imparfaitement. Marx l’aurait fait beaucoup mieux et avec des arguments plus frappants.” Il est évident que nous sommes dans une période où la petite bourgeoisie a totalement investi le mouvement ouvrier et a détruit toute référence théorique, toute référence à des expériences de lutte antérieures. Mais nous sommes également dans un moment où à l’inverse de 1872, le capital n’est plus le porteur du développement des forces productives de la révolution industrielle ni d’ailleurs des illusions sociales du bonapartisme.
Le New Housing Trend Report 2024, compilé par l’agence immobilière RE/MAX Europe, a révélé que plus d’un Européen sur dix a dû réduire sa consommation de nourriture et de produits de base pour payer son logement au cours de l’année écoulée.
L’enquête menée auprès de milliers de participants a révélé que le coût du logement a augmenté en moyenne de 54 % en Europe au cours des 12 derniers mois. Plus d’un tiers des Européens (37 %) ont déclaré que même s’ils s’en sortaient et qu’ils pouvaient payer leur logement, l’argent restait rare. Près d’un cinquième (19 %) ont déclaré avoir du mal à joindre les deux bouts.
En moyenne, les ménages européens consacrent 38 % de leurs revenus au paiement du loyer ou de l’hypothèque et des factures de services publics, les pourcentages les plus élevés étant enregistrés en Slovénie (43 %) et au Portugal (42 %). Toutefois, les personnes vivant en Suisse, par exemple, déclarent une charge moins élevée (30 %).
Pour pouvoir faire face à l’augmentation des coûts du logement, 80 % des personnes interrogées ont déclaré avoir commencé à réduire leurs dépenses.
Quelque 41 % des personnes interrogées ont décidé d’économiser sur les activités sociales, tandis que 40 % ont réduit leurs dépenses en matière de vacances et d’articles de luxe.
Parmi les personnes ayant répondu à l’enquête, quelque 16 % ont déclaré avoir réduit leurs dépenses alimentaires, la proportion la plus élevée (26 %) étant observée en Autriche et en Finlande.
Quand réduire les dépenses ne suffit pas…
Par ailleurs, 15 % des Européens ont déclaré avoir été contraints de recourir à une forme d’emprunt pour couvrir leurs dépenses de logement. Cette tendance est la plus marquée en Turquie (32 %), en Bulgarie (22 %) et en Roumanie (20 %).
Environ un tiers des personnes ayant recours à des prêts ont choisi de financer leurs dépenses de logement à l’aide de cartes de crédit, et un peu moins, 27 %, se sont tournés vers la famille et les amis pour obtenir les fonds nécessaires. Un quart des personnes interrogées ont eu recours à des découverts, et un peu moins (23 %) ont choisi de demander des prêts bancaires non garantis pour couvrir les frais de logement.
Face à un avenir incertain, près de la moitié (48 %) des personnes interrogées en Europe ont déclaré qu’elles s’attendaient à de nouvelles augmentations des coûts du logement au cours des 12 prochains mois.
En réponse à ces sombres perspectives, une proportion significative d’Européens envisage des changements radicaux : une vie plus abordable suffirait à 32 % des personnes interrogées pour déménager dans une ville plus petite, et 24 % sont prêtes à s’installer à l’étranger pour la même raison. Toutefois, 21 % d’entre eux ne sont pas du tout disposés à déménager.
Le développement durable n’est pas une priorité pour les ménages
Parmi les personnes interrogées en Europe, 18 % ont déclaré avoir du mal à payer leurs factures d’énergie, et cette proportion était particulièrement élevée en Grèce, où 36 % des habitants éprouvent de graves difficultés à gérer leurs dépenses énergétiques.
En raison des coûts déjà élevés, les améliorations écologiques des habitations ont été reléguées au second plan dans de nombreux ménages, dont la priorité reste le paiement des factures immédiates, plutôt que la durabilité à long terme.
Plus d’un quart des personnes interrogées (27 %) envisagent encore d’installer des panneaux solaires, et un peu moins (25 %) d’installer du double vitrage. Les mesures de récupération des eaux de pluie et les pompes à chaleur sont moins prioritaires, un cinquième seulement des personnes interrogées déclarant qu’elles envisageraient de les installer.
Près de la moitié des personnes interrogées ont déclaré qu’une augmentation des aides publiques ou des subventions pourrait les inciter à installer des mesures d’efficacité énergétique.
Où, en Europe, les gens sont-ils satisfaits du coût de leur logement ?
Malgré les inquiétudes suscitées par le coût du logement, le taux de satisfaction à l’égard du logement reste élevé dans de nombreuses régions d’Europe.
Les Néerlandais et les Roumains sont les plus satisfaits de leur situation en matière de logement, 84 % des personnes interrogées se déclarant satisfaites. Le taux relativement élevé d’accession à la propriété et la bonne qualité des logements disponibles dans ces pays peuvent expliquer ce résultat.
En moyenne, 76 % des Européens sont satisfaits de leur logement. À l’autre bout de l’échelle, on trouve Malte, la République tchèque, la Slovénie, la Hongrie, la Turquie, la Grèce et l’Irlande.
L’insatisfaction provient de différents facteurs. Par exemple, le besoin de plus d’espace est une préoccupation majeure, en particulier en Pologne, où 58 % des résidents citent ce facteur comme la cause de leur insatisfaction, alors que la moyenne européenne est de 37 %.
Le coût est un autre problème majeur : un tiers (33 %) des personnes insatisfaites déclarent que leur logement est trop cher. Ce taux atteint 53 % à Malte, 48 % en Irlande et 48 % en Finlande.
En outre, près de la moitié des résidents insatisfaits au Portugal ont signalé des problèmes d’humidité ou de moisissure, tandis qu’un cinquième d’entre eux ont cité des problèmes d’hygiène et de parasites comme étant le principal problème aux Pays-Bas.
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