Alors que comme nous l’avons vu récemment même les Polonais – pourtant bien ancrés historiquement dans l’antisémitisme et la russophobie- sont de moins en moins prêts à croire à la nécessité de se ranger derrière l’OTAN et zelensky, c’est un mouvement beaucoup plus général en Europe, en particulier dans les ex-pays socialistes et ceux qui ont eu un parti communiste influent. Peut-être cyniquement peut-on se dire que en Pologne, en Hongrie, en Roumanie et autres lieux, la haine des juifs a enfin trouvé dans l’antisionisme une justification qui l’emporte sur la russophobie, la figure honnie du judéobolchevique, ce qui permait une évaluation plus réaliste des intérêts. Mais ni la Tchéquie, ni la Moldavie, la Serbie n’avaient ces a priori antisémites et russophobes simplement le souvenir des horreurs de la deuxième guerre mondiale et de l’apport du socialisme. On entend fréquemment “les communistes oui! ceux de hier! pas ceux d’aujourd’hui!” Les Slovaques eux ont tranché en faveur de ceux qui se réclament du socialisme,pour les Tchèques comme d’autres pays le vote “utile” s’est joué entre des pro-européens qui participent comme dans les pays baltes, en Moldavie à un enfumage qui n’a aucun rapport avec y compris la “nostalgie” de la vie sous le socialisme a cédé sous le coup de boutoir du vote moldave… Mais la fiction continue à prospérer celle du désaveu du socialisme, en fait si certains “théoriciens” proche d’un trotskisme moins atlantiste, continent à déplorer “la raideur”, le manque d’écoute des dirigeants communistes, on s’aperçoit que ceux qui sont considérés commes les “pires” bureaucrates obtus ne sont pas ceux que l’on imagine… Gorbatchev mais aussi Khrouchtchev sont bien ceux qui ont trahi l’esprit initial… La vraie question demeure est-ce que l’on peut avoir confiance et en qui ? Tout cela n’est pas aussi éloigné de la France que l’on croit (note de danielle Bleitrach histoireetsociete)
Radio Prague fait un bilan globalement positif…
Cette nouvelle revue de presse propose quelques réflexions sur l’élection présidentielle en Tchéquie, à une semaine de son deuxième tour. Le passé communiste des deux candidats sortis vainqueurs du premier tour, les clivages électoraux, la division de la société et ses tensions ont également retenu notre attention. Une nouvelle chance pour la gauche en Tchéquie ? Réponse à cette question également à son menu.
« Les erreurs commises dans les années 1970 et 1980, à l’époque de la ‘normalisation’ communiste, ne sont plus très importantes pour les électeurs tchèques », indique un texte mis en ligne sur le site aktualne.cz :
« Le soutien massif à deux anciens membres du parti communiste, Petr Pavel et Andrej Babiš, au premier tour de l’élection présidentielle a définitivement tranché la question de savoir si collaborer avec le régime d’avant 1989 représentait pour les Tchèques un défaut de caractère ou une faute irréparable. Au deuxième tour de l’élection présidentielle en effet, les gens vont devoir choisir entre deux figures de la ‘normalisation’, laissant de côté leurs très nombreux concitoyens et concitoyennes, expérimentés, érudits, capables et talentueux. Un constat dont l’absurdité s’affirme au moment où l’un et l’autre cherchent à rappeler à son adversaire son passé peu glorieux. »
En effet, les Tchèques ne veulent plus se préoccuper de ce que les gens ont fait avant la révolution de Velours et dans quelle mesure, ils se sont inclinés devant le régime. La preuve, comme l’observe l’éditorialiste du site aktualne.cz, c’est qu’ils n’ont pas demandé aux deux candidats d’explication pertinente de leur passé :
« Si l’appartenance au parti communiste ne représente pas un sujet clé pour la majorité de la société, il faut se demander si cela a jamais été vraiment le cas. Avant la chute du régime en novembre 1989, le parti communiste comptait dans le pays 1,7 millions de membres. Certains d’entre eux ont par la suite basculé à droite pour s’imposer dans les hautes sphères politiques. Or, même si dans les discours, collaborer avec le régime de ‘normalisation’ est considéré comme une faute impardonnable, en pratique, la demande en aptitudes et en capacités des anciens membres du parti ne s’est jamais amoindrie. »
Cette collaboration, comme l’indique en conclusion le texte, avait de multiples facettes entre lesquelles il faut faire tant bien que mal une distinction. « Par ailleurs, c’est ce que confirment non seulement les candidats eux-mêmes mais aussi leurs critiques », remarque-t-il.
Ces fossés qui divisent la Tchéquie
Le journal en ligne Forum24.cz prévoit que la semaine précédant le deuxième tour de l’élection présidentielle sera marquée par un conflit plus dur que jamais. Il explique : Photo illustrative: Štěpánka Budková, Radio Prague Int.
« Andrej Babiš domine haut la main les campagnes, notamment en Moravie, mais aussi la majorité des villages et des petites villes tchèques. La position de Petr Pavel est forte dans les grandes villes, au sein de la population ayant un certain niveau d’éducation. Il a su convaincre en outre un plus grand nombre d’électeurs par rapport à ce que les sondages prévoyaient. D’un autre côté, on doit s’attendre à une mobilisation considérable de la population par Andrej Babiš au moyen d’une puissante campagne anti-gouvernementale. »
« Un taux de participation élevé aux élections dans les petites villes et dans les campagnes est le signe du mécontentement et du désaccord de leurs habitants avec la ville libérale », ajoute encore le chroniqueur du journal.
Ce regard n’est pas partagé par le site echo24.cz qui refuse l’idée répandue selon laquelle les campagnes constituent des bastions électoraux de Babiš et, précédemment, du président sortant Miloš Zeman. « Les résultats montrent qu’il ne s’agit là que de mythes et de clichés » :
« Certes, la Tchéquie est divisée. Mais le fossé n’existe pas entre les campagnes et les villes. Ce qui influence le plus les décisions des électeurs, ce sont le niveau de vie et de satisfaction, la richesse et la pauvreté, la prospérité, les opportunités de travail et les perspectives d’avenir. Petr Pavel l’emporte dans des localités riches, Andrej Babiš dans celles qui sont plus pauvres. Même les grandes villes dans le nord de la Bohême et de la Moravie, dans des régions frontalières pauvres, votent pour ce dernier, tandis que les petites communes des régions riches favorisent Petr Pavel. »
Pavel-Babiš : des sympathisants inconciliables
Le quotidien Mladá fronta Dnes de ce jeudi titre que « la haine électorale sur les réseaux sociaux se propage comme une avalanche ». Cette élection présidentielle donne effectivement lieu à des discordes, voire à des ruptures même au sein des familles et entre amis : Andrej Babiš devant l’affiche de Petr Pavel|Photo: Radek Petrášek, ČTK
« Evidemment, on pouvait s’attendre à une campagne exacerbée accompagnée d’agressivité verbale et d’accusations mensongères. Ce qui ne laisse pas d’étonner pourtant, c’est l’ampleur de la lutte entre les sympathisants des candidats dont le ton n’a de cesse de se durcir notamment sur les réseaux sociaux. Jusqu’où cette animosité et cette haine peuvent-elles aller ? Doit-on s’attendre, par exemple, à ce que les électeurs déçus prennent d’assaut le Château de Prague après l’annonce des résultats à l’instar de ce qu’ont fait les partisans de Donald Trump au Capitole ? »
Malgré ces divisions au sein de la société, les sociologues cités par Mladá fronta Dnes rejettent de tels scénarios catastrophes. « D’éventuelles manifestations, même nombreuses, sont possibles. Mais elles se dérouleront en paix », prétendent-ils.
L’élection présidentielle tchèque, une nouvelle chance pour la gauche ?
« La gauche est presque absente sur l’échiquier politique local. Elle n’est représentée ni à la Chambre des députés, ni au gouvernement et elle le sera encore moins au Château (siège de la chancellerie présidentielle), car elle n’avait pas de candidat présidentiel. » Un constat dressé dans l’entre-deux-tours de la présidentielle par l’éditorialiste de l’hebdomadaire Respekt qui estime néanmoins qu’une chance s’ouvre désormais à elle. Il explique pourquoi : Source: Radio Prague Int.
« Selon un sondage de l’agence CVVM effectuée il y a deux ans, il n’y avait en Tchéquie que 10% des jeunes entre quinze et vingt-neuf ans qui semblaient favoriser la gauche. Pourtant, les jeunes défendent souvent des arguments et des positions, qu’il s’agisse de questions liées aux minorités, à l’environnement ou à l’habitation, qui les situent plutôt à gauche. Si, pourtant, ils ne se réfèrent pas à la gauche, c’est parce pour eux elle est incarnée par le président sortant Miloš Zeman, les communistes totalitaires et les sociaux-démocrates cyniques. Certes, le clivage gauche-droite dans le monde s’affaiblit, le conflit principal se déroulant entre les populistes autoritaires et les démocrates. Mais il existe toujours beaucoup de sujets qui revendiquent des pôles politiques traditionnels. »
« La Tchéquie a besoin de la gauche pour voir émerger un conflit de pensées et d’idées comme c’est le cas en Occident», souligne encore l’éditorialiste. Et d’émettre le vœu qu’« avec la disparition des modèles décourageants de ce spectre politique, l’étiquette honteuse attribuée à la gauche en Tchéquie puisse également s’estomper. »
Le mouvement ANO dans les pas du Rassemblement national ?
Dans ce même contexte, l’éditorialiste du site Seznam Zprávy a noté : « Au premier tour de l’élection présidentielle, Andrej Babiš a obtenu près de deux millions de voix, soit un demi-million de plus comparé aux dernières élections législatives. C’est un point de départ assez fort pour que le mouvement ANO devienne le leader local de la gauche ». Selon lui, la politique tchèque pourrait évoluer suivant le modèle français : ANO|Photo: ČT24
« Evidemment, Babiš ne va pas jouer le rôle du président français Emmanuel Macron qu’il se plaît à désigner comme son ‘ami’, mais celui de sa concurrente Marine Le Pen. Son parti le Rassemblement national est traditionnellement un parti d’extrême-droite, mais depuis quelques années il a pris sur soi d’endosser un rôle qui appartient habituellement à la gauche. C’est donc dans des régions touchées particulièrement par la crise qu’il a réussi le plus ».
Un scénario pas très éloigné de celui qui se dessine pour Babiš, car il fait à son tour appel à des régions et à des catégories défavorisées. L’éditorialiste rappelle qu’il peut compter également, contrairement à ce que l’on voit en France, sur les retraités dont ils se déclarent être le patron. « Dès que le mouvement ANO mettra l’accent sur les problèmes des gens et sur leur ignorance par les partis au pouvoir, il deviendra un leader de la gauche », lit-on en conclusion dans ce texte.Auteur:Alena Gebertová
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