Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Est-ce que cette lettre de Fabien Roussel vous choque ? Au contraire, il y manque seulement…

Le secrétaire national du Parti communiste français adresse une lettre ouverte aux agents de la Police nationale, aux personnels de la Gendarmerie, et aux agents des douanes pour leur assurer son soutien mais aussi pour les inviter à travailler ensemble à une augmentation de leur budget pour une transformation complète du service public qu’ils représentent eux qui ont choisi de se mettre au service de la Nation. Ce n’est pas comme certains ne manqueront pas de le présenter un soutien inconditionnel à la police, aux forces de l’ordre, mais le nécessaire chemin pour aboutir là aussi à un service public au service de la nation et de tous les citoyens, résidents en France. Donc non seulement cette lettre ne me choque pas mais l’ouverture qu’elle préconise sur la concertation avec d’autres services public est indispensable. Pourtant je la signerai le jour où elle sera précédée d’un paragraphe sur la France socialiste que le PCF veut construire dans laquelle la police sera non pas l’instrument de la répression des travailleurs mais celle de leur défense, de leurs enfants contre ceux qui sont les véritables causes de l’insécurité, le chômage, les bas salaires, la fin des services publics, la guerre, les trafics d’armes et de drogue. (note de Danielle Bleitrach histoireetsociete) «L'éducation, le travail, le respect, la liberté, l'égalité, la fraternité, la laïcitésont des principes, des droits et des valeurs de notre République que nous voulons faire vivre pleinement pour nos enfants.»« L’éducation, le travail, le respect, la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité sont des principes, des droits et des valeurs de notre République que nous voulons faire vivre pleinement pour nos enfants. » © DIMITAR DILKOFF / AFP

Mesdames, Messieurs, 

Vous êtes 270.000 à assurer, chaque jour, le droit à la sécurité et à la tranquillité de nos concitoyens. Policiers, gendarmes, douaniers, toutes et tous agents du service public, vous avez fait le choix courageux de vous mettre au service de la nation et de garantir la paix civile. Vous avez su, lors des Jeux olympiques, garantir la sécurité et la sérénité de cet évènement international et ainsi permettre à la France, d’accueillir le monde, fraternellement, généreusement. Nous vous en sommes extrêmement reconnaissants.

Beaucoup de nos concitoyens auraient aimé qu’une telle parenthèse de concorde s’inscrive dans la durée. Mais les exigences du moment et les évolutions de la société pèsent sur nos vies à tous et affectent défavorablement votre travail quotidien. Des décennies de politique du chiffre, additionnées à des réductions budgétaires et des réorganisations perpétuelles ont affaibli votre capacité d’agir efficacement. 

Beaucoup d’entre vous se sentent découragés, avec l’impression de «vider l’océan à la petite cuillère» ajoutée à l’absence de reconnaissance de vos métiers. Tout cela nourrit de la déception, de la colère. Les démissions s’enchaînent à un rythme plus élevé que les recrutements. Pourtant, notre pays doit affronter des menaces toujours plus grandes : terrorisme, narco trafic, cyber attaques et cybercriminalité, blanchiment d’argent et corruption, délinquance en col blanc et délinquance tout court, racisme, antisémitisme, violence sexuelles et intrafamiliales

Nous surmonterons tous ces fléaux en mobilisant tous les moyens de la nation, ceux de la justice mais aussi l’ensemble de nos services publics et de leurs agents. Parce que la France a besoin d’un continuum de sécurité, l’État, à vos côtés, doit retrouver sa place, toute sa place pour garantir à chaque citoyen la sécurité, la tranquillité, la justice quel que soit son lieu d’habitation, son âge, sa classe sociale ou sa couleur de peau.

C’est pourquoi nous sommes tellement attachés à la construction d’un grand service public de la sécurité aux côtés d’un ministère de la Justice en capacité de faire appliquer rapidement ses décisions, toutes ses décisions. Nous défendons le recrutement dans un premier temps de 60.000 fonctionnaires dans la police, la gendarmerie et les douanes dont 30.000 nouveaux fonctionnaires de police dédiés à une police du quotidien, de proximité et de terrain. Nous devons aussi redonner tous ses moyens à la police judiciaire en abrogeant la dernière réforme afin qu’elle puisse pleinement travailler au service de la justice, mener des enquêtes, en toute indépendance du pouvoir politique

Alors que de nombreuses villes ont investi dans des polices municipales et dans la vidéo surveillance, les moyens de la police nationale reculent dans ces mêmes villes. Nous souhaitons donc revoir l’organisation en communautés de brigade ou circonscription d’agglomération en renforçant le maillage en commissariats et brigades de gendarmerie à travers le pays, dotés de moyens d’intervention, 24H/24H et des moyens d’investigation à la hauteur des besoins.

Nous souhaitons accroître les moyens dédiés à la police technique, scientifique, au renseignement, aux unités en charge du narcotrafic, de la délinquance financière, du trafic d’êtres humains et du démantèlement des réseaux mafieux, de toute cette délinquance qui gâte la vie des gens. Nous voulons retrouver le contrôle de nos frontières et empêcher autant que possible l’entrée des substances illicites comme celle des armes. Les moyens humains et techniques que nous devons développer sont considérables mais nous devons en faire une priorité. Car c’est en contrôlant beaucoup plus les marchandises qui entrent par nos ports, nos aéroports que nous arriverons à tarir la source, dans l’hexagone comme dans les territoires d’Outre-Mer.

Nous relèverons ce défi par un plan pluriannuel d’embauches et de formations. Et nous y parviendrons en rendant plus attractives toutes vos missions. Nous proposons de revaloriser vos salaires, par la hausse de 10% du point d’indice, par la transformation de nombreuses primes en salaires, par l’accès à une retraite anticipée, par la fin de la politique du chiffre, par la protection de vos vies comme de celle de vos familles. Nous faisons de la lutte contre le haut du spectre des trafiquants de drogues, d’armes ou d’êtres humains notre priorité. En cela, nous exigerons un haut niveau de réciprocité entre nos services et ceux notamment des monarchies du Golfe, comme ceux d’Afrique du Nord et d’Amérique Latine pour tarir à la source l’arrivée de la drogue, mettre fin à l’impunité pour les criminels en exil et rendre ainsi effectif le démantèlement des filières. 

Nous activerons tous les leviers qu’ils soient économiques, diplomatiques ou politiques, loin de la timidité affichée par la France ces dernières années. Nous souhaitons également revoir et allonger la formation des policiers et agir contre la surpopulation carcérale, assurer des conditions dignes de détention et donner les moyens à l’administration pénitentiaire et judiciaire de réaliser sa mission en toute sécurité.

Nous devrons investir beaucoup plus fortement dans notre jeunesse pour la préparer à relever les beaux défis de notre pays. L’éducation, le travail, le respect, la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité sont des principes, des droits et des valeurs de notre République que nous voulons faire vivre pleinement pour nos enfants. C’est aussi le meilleur moyen pour lutter contre la délinquance avec des services de l’État, de la justice, de l’éducation nationale à la hauteur. Aucune mesure d’économie ne doit les toucher, à l’image de celles subies par la Protection judiciaire de la jeunesse. 

Vous le constatez vous-même : quand l’État recule, c’est l’ensemble des services publics qui disparaît et, à travers cet affaiblissement orchestré, c’est la cohésion nationale qui est menacée. C’est pourquoi le budget de l’État doit se mettre au service de ces choix. Nous irons chercher l’argent là où il se trouve. Mais certainement pas dans les poches de celles et ceux qui travaillent et contribuent déjà beaucoup, comme vous toutes et vous tous. 

Les communistes sont pleinement à votre disposition pour échanger sur cette ambition que nous portons pour la France et l’ensemble de nos concitoyens. 

Je vous prie de bien vouloir agréer, Mesdames, Messieurs, l’expression de mes salutations républicaines.

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1 Commentaire

  • Xuan

    Il est compliqué de concevoir ensemble la défense de la police et le souvenir des gilets jaunes éborgnés par les BRAV. Vue depuis le slogan « tout le monde déteste la police ! » la lettre de Roussel paraît évidemment une provocation.

    Pour les communistes, l’ensemble de l’appareil d’Etat constitue une machine d’oppression dont Lénine disait
    «… l’Etat se ramène précisément à cet appareil de gouvernement qui s’est dégagé de la société. C’est quand apparaît ce groupe d’hommes spécial dont la seule fonction est de gouverner, et qui pour ce faire a besoin d’un appareil coercitif particulier, – prisons, détachements spéciaux, troupes, etc., afin de contraindre la volonté d’autrui par la violence, alors apparaît l’Etat ». [De l’Etat – conférence faite le 11 juillet 1919 à l’Université Sverdlov]
    C’est l’aspect principal de l’Etat du point de vue de la lutte des classes et de la révolution prolétarienne.

    La réalité que vit le peuple est aussi la drogue et l’insécurité, d’abord dans les quartiers les plus pauvres, et c’est une conséquence de l’abandon total de l’ensemble des services publics par la bourgeoisie, au même titre que les transports publics, l’école publique, la santé publique, etc. Pour ne citer qu’un exemple récent le rebond du covid depuis le mois de juin n’a fait l’objet d’aucune campagne de prévention ni de vaccination. Et si on interroge notre entourage le sentiment qui domine est que le pays est laissé à l’abandon.
    Ceci laisse évidemment la porte ouverte à toutes les démagogies de division qui servent encore le capital.
    Mais il faut étudier avec application cette nature contradictoire de l’Etat.

    Lénine poursuit :
    «La refonte de la société rendit tous les citoyens égaux en principe, abolit l’ancienne division en esclavagistes et en esclaves, établit l’égalité de tous devant la loi indépendamment du capital possédé : propriétaire du sol ou gueux n’ayant que ses bras pour vivre, tous deviennent égaux devant la loi. La loi protège tout le monde dans la même mesure : elle protège la propriété de ceux qui en ont contre tout attentat de la masse de ceux qui n’en ont pas, qui n’ont que leurs bras et qui peu à peu tombent dans la misère, se ruinent et deviennent des prolétaires. Telle est la société capitaliste ».
    […]
    Ainsi la protection idéale de tous selon une loi commune s’avère l’oppression du plus grand nombre à cause de la propriété privé des moyens sociaux de production. C’est la cause fondamentale.
    Mais cela ne dépend pas de la forme plus ou moins démocratique de l’Etat.

    « La forme que revêt la domination de l’Etat peut différer : le capital manifeste sa puissance d’une certaine façon là où existe une certaine forme, d’une autre façon là où la forme est autre; mais, somme toute, le pouvoir reste aux mains du capital, que le régime soit censitaire ou non, même si la république est démocratique ; mieux encore : cette domination du capitalisme est d’autant plus brutale, d’autant plus cynique que la république est plus démocratique ».
    […]
    Et il cite l’exemple de la Suisse et de l’Amérique :
    « Ces pays sont ceux qui ont le moins de soldats, de troupes permanentes ; en Suisse il existe une milice, et tout Suisse a un fusil chez lui ; jusqu’à ces derniers temps, l’Amérique n’avait pas d’armée permanente. C’est pourquoi, quand une grève éclate, la bourgeoisie s’arme, recrute des soldats et réprime la grève ; et nulle part le mouvement ouvrier n’est aussi férocement réprimé qu’en Suisse et en Amérique, nulle part l’influence du capital ne se fait aussi fortement sentir au Parlement. La force du capital est tout, la Bourse est tout ; le Parlement, les élections ne sont que des marionnettes, des fantoches… »
    […]
    « Quelles que soient les formes revêtues par la république, fût-elle la plus démocratique, si c’est une république bourgeoise, si la propriété privée de la terre, des usines et des fabriques y subsiste, et si le capital privé y maintient toute la société dans l’esclavage salarié, autrement dit si l’on n’y réalise pas ce que proclament le programme de notre Parti et la Constitution soviétique, cet Etat est une machine qui permet aux uns d’opprimer les autres ».

    Ainsi la machine d’Etat n’est pas en elle-même la domination du capital, elle n’en est que l’instrument, et le caractère plus ou moins « démocratique » de l’Etat ne nous dit rien de l’oppression et de l’exploitation réelle de la classe dominante. Ainsi les USA apparaissent toujours comme un « modèle » de démocratie bourgeoise, où chaque citoyen peut posséder une arme. Cependant nous avons vu que l’Etat appartient de fait à trois pôles du grand capital le complexe militaro industriel, les monopoles des matières premières et ceux de la rente immobilière (peut-être faut-il ajouter ceux de la high tech et de l’IA mais ça ne change rien au principe). Et les USA sont aujourd’hui les donneurs d’ordre du terrorisme et du fascisme et les promoteurs de la guerre dans le monde entier, tandis que leur démocratie fume de toute part comme une cocotte minute.

    Puis il conclut :
    “Et cette machine, nous la remettrons aux mains de la classe qui doit renverser le pouvoir du capital ».
    […]
    « Cette machine, nous l’avons enlevée aux capitalistes, nous nous en sommes emparés. Avec cette machine, ou avec ce gourdin, nous anéantirons toute exploitation ; et quand il ne restera plus sur la terre aucune possibilité d’exploiter autrui, qu’il ne restera plus ni propriétaires fonciers, ni propriétaires de fabriques, qu’il n’y aura plus de gavés d’un côté et d’affamés de l’autre, quand cela sera devenu impossible, alors seulement nous mettrons cette machine à la ferraille. Alors, il n’y aura plus d’Etat, plus d’exploitation.
    Tel est le point de vue de notre Parti communiste. »
    Ainsi l’Etat ne disparaît pas avec la victoire du prolétariat, on ne saute pas « comme un cabri » du capitalisme au socialisme, on ne « dépasse » pas le capitalisme pour sauter dans un mystère gazeux, mais il faut utiliser le gourdin de la police, de l’armée, de la justice et de toutes les institutions de l’Etat pour exercer la dictature du prolétariat sur le capital.
    Cette position léniniste est donc opposée au révisionnisme visant à réformer l’Etat bourgeois pour le rendre plus « démocratique », pour créer une 6e république bourgeoise plus parlementaire.
    Elle est aussi opposée à la mobilisation des masses contre la police ou de l’armée comme si elles étaient la cause de l’oppression et non son instrument. Le slogan « tout le monde déteste la police » épargne le capital.

    Il serait par exemple intéressant d’étudier soigneusement comment le grand capital et son représentant De Gaulle parvint à dissoudre les milices patriotiques et à nettoyer les rangs des CRS de la présence communiste, afin de les utiliser en 1948 comme des chiens de garde du capital, de sorte que les mineurs grévistes inventèrent le slogan « CRS = SS ».

    L’objectif des communistes n’est pas de détruire la police, ni l’armée. La destruction de l’Etat bourgeois est son changement de propriétaire et la transformation de sa finalité, de ses institutions et de ses lois. Ce n’est pas d’abord la disparition de l’Etat : c’est d’abord le socialisme.

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