Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’héritage d’Amilcar Cabral

Là aussi l’évocation doit se combiner (comme dans la lettre de Guy Mocquet, la panthéisation de Manouchian ou même la transformation d’Ambroise Croizat en chantre de l’eurocommunisme) avec l’alignement sur les reniements d’aujourd’hui, et ce qui se passe au Portugal est un phénomène beaucoup plus général en Europe. On n’en finirait pas de voir à quel point le passé émasculé est utilisé pour tenter face au mouvement géopolitique planétaire de conserver quelques apparences de “gôche” au choix réel de l’atlantisme aujourd’hui. Roubaud Qashie est bien capable de confondre le combat pour la Palestine avec celui pour l’Ukraine de Zelensky et de clôturer l’université d’été sur l’incroyable prestation d’une “chercheuse” qui a pour unique feuille de route la diabolisation de Poutine sur le modèle imposé par la CIA, tout cela passant par la censure sur ce que disent les communistes russes et les peuples concernés puisqu’ils nous décrivent tout autre chose que les termes du débat tels qu’ils nous sont imposés avec d’autres défis, d’autres enjeux que ceux à travers lesquels se rejoue éternellement “la fin de l’histoire”.. Oui mais il y a désormais un monde entre les BHL, voire les RQ et ceux qui à titre individuel parfois ont affronté le monstre : Julien Assange a fait la démonstration claire de ce que peut “l’individu” dans un tel système. Le fondateur de WikiLeaks est revenu sur ses conditions d’incarcération : « L’expérience d’isolement pour des années dans une petite cellule est difficile à exprimer. Elle dépouille l’individu de son identité, ne laissant subsister que l’essence brute de l’existence. » Et face à cela pour y échapper il a choisi sa liberté en sacrifiant la justice. Nous sommes dans le temps de ce genre de démonstration. Nous n’en sommes pas encore à celui de la liberté et de la justice allant d’un même pas par l’intervention des masses, une révolution. Mais nous en sommes à l’idée énoncée par Assange : je ne suis pas ici parce que le système a bien fonctionné mais parce qu’on m’a obligé à le cautionner. Mais il est souligné que la persécution d’un tel système n’en finit jamais. « Sous la direction explicite de Pompeo, la CIA a élaboré un plan pour m’enlever et m’assassiner au sein de l’ambassade d’Équateur à Londres. » Accompagné de sa femme Stella, Julian Assange est apparu combatif. Il a dénoncé l’impunité qui entoure la mort de plus de cent journalistes en Ukraine et à Gaza. A l’inverse d’un Roubaud Qashie qui soutient l’Ukraine de Zelensky mais voudrait bien que cela s’arrête à Gaza, Assange et ceux qui veulent réellement un autre monde même s’il ne sont pas comme RQ étiqueté “communistes” ne se trompent pas, c’est là le changement. (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

 Gustavo Carneiro     23.Sep.24 Autres auteurs


Ici, les derniers mois ont été riches en évocations, publications, congrès et expositions sur Amílcar Cabral, promus par les universités, les éditeurs, les médias, les associations d’immigrants, les mouvements sociaux et les partis politiques, tels que le PCP. Mais comme cela arrive souvent dans ces situations (comme s’il n’y avait pas la lutte pour la mémoire plus sur le présent que sur le passé), il y a ceux qui évoquent un Amílcar Cabral qui n’a pas existé : dépouillé de ses conceptions antifascistes, révolutionnaires et internationalistes, une figure édulcorée et consensuelle.

Un siècle après la naissance d’Amílcar Cabral, le 12 septembre 1924, sa mémoire est vivante – et c’est une bonne nouvelle. Figure de proue du mouvement anti-impérialiste et de libération nationale qui, dans la seconde moitié du XXe siècle, a balayé le monde et mis fin au colonialisme, Amílcar Cabral a laissé un héritage théorique et pratique qui suscite aujourd’hui un regain d’attention, en Afrique et au-delà.

En Guinée-Bissau et au Cap-Vert, la bataille pour la mémoire du leader révolutionnaire est intense, le PAIGC et le PAICV faisant face à des interdictions, à la censure et à la dissimulation de toutes sortes (encore plus les premières que les secondes). Ici, les derniers mois ont été riches en évocations, publications, congrès et expositions sur Amílcar Cabral, promus par les universités, les éditeurs, les médias, les associations d’immigrants, les mouvements sociaux et les partis politiques, tels que le PCP.

Mais comme cela arrive souvent dans ces situations (ou s’il n’y avait pas la lutte pour la mémoire plus sur le présent que sur le passé), il y a ceux qui évoquent un Amílcar Cabral qui n’a pas existé : dépouillé de ses conceptions antifascistes, révolutionnaires et internationalistes, une figure édulcorée et consensuelle. Rien de tout cela n’est nouveau : nous avons déjà vu des « marxistes » séparer la théorie de Marx de la pratique révolutionnaire et Che Guevara transformé en un produit pop pour les rebelles sans cause – quand le communisme était la cause du révolutionnaire argentin-cubain.

Si l’on peut observer l’héritage d’Amílcar Cabral à partir de multiples points de vue légitimes et complémentaires, il y a des abus manifestes. Il n’est pas possible, par exemple, d’évoquer Cabral et de tolérer l’occupation de la Palestine et le génocide dans la bande de Gaza. Amílcar Cabral, en effet, a défendu le droit du peuple palestinien à « retrouver sa dignité, son indépendance, son droit à la vie ». Il en est de même de l’OTAN, combattue par des patriotes guinéens et capverdiens, qui, dans la lutte contre le colonialisme portugais, ont affronté les armes envoyées par les membres de ce bloc politico-militaire. Et Amílcar Cabral, encore étudiant à Lisbonne, n’a-t-il pas été appelé à la PIDE précisément parce qu’il a signé une pétition contre l’OTAN ?

L’éloge de Cabral ne rime pas non plus avec la critique de Cuba et de sa révolution, avec laquelle le PAIGC a partagé une « lutte difficile mais glorieuse contre l’ennemi commun ». Ni avec l’anticommunisme, puisque l’Union soviétique a apporté « un soutien moral, politique et matériel aux mouvements de libération » et que le PCP était « un allié et, jusqu’à présent [1961], le seul dépositaire et interprète de la volonté du peuple portugais de vivre en amitié et en collaboration avec tous les peuples du monde sur la base de l’égalité des droits et des devoirs ».

Amílcar Cabral reste un symbole de la lutte contre le colonialisme, le néocolonialisme et l’impérialisme – en Afrique comme dans le monde. Et cette lutte est là, vivante et actuelle.

Source : https://www.avante.pt/pt/2651/opiniao/176963/O-legado.htm?tpl=179

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