Il existe aux Etats-Unis et dans le monde anglo-saxon un nombre grandissant d’intellectuels qui adoptent par rapport à l’OTAN et à “l’occident global” une attitude de dénonciation radicale qui ne cesse de croître. Nous analysons par ailleurs le bougé du chancelier Scholz qui s’explique à la fois par les récentes élections à l’est avec un bougé à droite vers l’extrême, la débâcle des verts et de la social démocratie. La récession économique et le bellicisme anti-russe sont les facteurs de cette évolution au niveau européen. Mais ici Sevim Dagdelen, cette députée du Bundestag choisit dans un langage simple, direct de tenter d’alerter le peuple allemand sur ce qui se trame et de quoi l’OTAN est le nom : les démons qui se sont réveillés. (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
par Biljana VankovskaSur FacebookGazouillerRedditMessagerie électronique
Dire la vérité en temps de tromperie générale
Peu de gens dans la gauche européenne ignorent l’activisme politique inébranlable de Sevim Dagdelen et ses critiques franches du militarisme, de l’OTAN et des politiques interventionnistes occidentales. En tant que membre de longue date du Bundestag allemand et militant dévoué, Dagdelen a toujours défendu l’anti-impérialisme, la justice sociale et la protection des droits de l’homme et de la souveraineté nationale pendant plus d’une décennie. La publication de son livre NATO : A Reckoning with the Atlantic Alliance (LeftWord Books, juillet 2024) semble, à première vue, être un prolongement naturel de son travail politique. Cependant, ce livre relativement concis offre quelque chose que de nombreux universitaires et universitaires ne peuvent ou ne veulent pas faire : Dagdelen se débarrasse de tout semblant de retenue et déconstruit avec audace la mythologie qui entoure l’OTAN depuis 75 ans. En effet, l’image publique de l’OTAN a évolué vers une sorte d’idéologie laïque, non seulement dans ses États membres, mais encore plus dans les pays aspirants à la périphérie de l’Europe.
Les apologistes de l’OTAN ont élaboré un récit orwellien, présentant deux positions apparemment irréconciliables : l’OTAN est la force militaire (et nucléaire) la plus puissante de l’histoire de l’humanité, mais en même temps une force pour la paix, la démocratie et les droits de l’homme. Dans son livre, Sevim Dagdelen livre une vivisection inébranlable de l’Alliance de l’Atlantique Nord, retraçant son essence depuis sa création jusqu’à l’ère actuelle d’une « OTAN mondialisée ». Alors que de nombreux spécialistes des études de sécurité ont consacré d’innombrables mots et pages à légitimer l’existence continue de ce « dinosaure » militaire – en particulier après la fin de la guerre froide et la dissolution de son adversaire, le Pacte de Varsovie – Dagdelen va au-delà de la rhétorique. Elle contourne les documents stratégiques et les nobles déclarations des dirigeants de l’OTAN pour se concentrer sur le cœur du problème : une critique convaincante des actions de l’OTAN, fondée sur des faits bruts et indéniables.
Les critiques diront peut-être qu’il ne s’agit pas d’un livre savant, mais c’est précisément ce dont le monde a besoin à ce moment historique crucial. Le monde universitaire a été détourné par une épistémologie militaire au cours des dernières décennies, créant ce qui ne peut être décrit que comme un MIMAC – le complexe militaire-industriel-médiatique-universitaire. Dans de telles conditions, à quelques exceptions près, la soi-disant « érudition sérieuse » s’est inclinée devant le pouvoir et l’argent. Les examens critiques de l’OTAN qui existent sont souvent insuffisants ; ils remettent rarement en question l’existence continue de l’OTAN ou son rôle dans l’alimentation de l’impérialisme occidental et le déclenchement d’une nouvelle course aux armements mondiale. Pour être accepté dans le milieu universitaire sérieux », il faut être politiquement correct, en marchant doucement autour du Léviathan militaire alors même qu’il menace d’engloutir le monde entier.
À cet égard, Dagdelen est comme l’enfant du conte d’Andersen sur les Habits neufs de l’empereur. Elle ose crier ce que les autres ne feront pas : l’Empereur est nu. Elle expose la vraie nature de l’OTAN, ses actions et l’orgueil démesuré qui pourrait conduire le monde à la catastrophe. L’œuvre de Dagdelen est une critique nécessaire et intrépide à une époque où dire la vérité est devenu un acte radical.
Le livre de Dagdelen est plus qu’une simple critique. C’est une leçon pour de nombreux universitaires et une révélation pour le grand public. Il est à la fois complet et provocateur, un peu comme Dagdelen elle-même. Au lieu de se contenter de retracer la transformation de l’OTAN au fil du temps, elle se plonge dans ses origines pendant la guerre froide pour exposer la nature profondément enracinée de l’alliance en tant que force interventionniste et offensive dès le départ.
L’ouvrage examine avec rigueur l’implication de l’OTAN dans divers conflits, des Balkans au Moyen-Orient, remettant en question l’engagement de l’Alliance en faveur de la paix et de la sécurité. Dagdelen soutient de manière convaincante que l’OTAN a de plus en plus servi d’instrument de l’hégémonie occidentale, donnant souvent la priorité aux intérêts de quelques États membres puissants au détriment de la stabilité mondiale. Son travail dissipe les mythes qui entourent l’OTAN et offre une évaluation qui donne à réfléchir de son impact réel sur le monde.
L’une des principales forces du livre est son exploration des développements récents, en particulier l’implication dangereuse de l’OTAN dans la guerre par procuration en Ukraine et sa contribution éhontée au génocide à Gaza. Dagdelen n’hésite pas à exposer les liens profonds qui font de l’OTAN et de l’Union européenne comme des jumelles siamoises, toutes deux servant les intérêts de l’Empire américain. Elle élucide de manière convaincante les rouages internes de cette relation, révélant comment même les États membres de l’OTAN sont soumis à une forme de traitement colonial de la part de l’alliance.
En outre, Dagdelen met en évidence l’expansion de la soi-disant « OTAN mondiale », qui menace de transformer d’autres États à travers le monde en nouveaux pions pour l’hégémonie occidentale, tout cela à travers les mécanismes du complexe militaire-industriel-médiatique-universitaire (MIMAC) basé en Occident. Son analyse met en lumière les dynamiques souvent cachées du pouvoir et du contrôle au sein de l’OTAN, montrant comment l’alliance non seulement sape la stabilité mondiale, mais soumet également ses propres membres à l’agenda impérialiste plus large. Cette exploration ajoute une dimension essentielle au livre, ce qui en fait une lecture captivante pour quiconque cherche à comprendre la véritable nature de l’OTAN et ses conséquences de grande portée.
Dans le dernier chapitre de son livre, Dagdelen va au-delà de la simple critique pour offrir un pas en avant audacieux. Contrairement à de nombreux analystes qui terminent leurs travaux par un diagnostic mais pas de remède, Dagdelen s’aventure à proposer une voie vers un avenir plus pacifique. Bien que sa proposition ne soit pas élaborée dans les moindres détails, il est significatif qu’elle franchisse cette étape, suggérant la possibilité de transformer progressivement l’OTAN de l’intérieur. Elle envisage cette transformation stimulée par le réveil des États membres – ou plus précisément, des mouvements sociaux et politiques en leur sein – qui exigeront « plus de beurre que d’armes » et privilégieront la justice sociale plutôt que les victoires militaires à la Pyrrhus.
Dagdelen souligne que malgré l’expansion récente de l’OTAN, avec l’inclusion de la Suède et de la Finlande, le déclin de l’alliance est de plus en plus évident. Cependant, elle met en garde contre l’espoir d’une auto-dissolution de l’OTAN, avertissant qu’un tel effondrement pourrait entraîner une destruction généralisée. Elle soutient qu’il est crucial de développer des alternatives viables pour éviter une telle catastrophe. Cette prudence est fondée, car le sort de l’OTAN, avec son arsenal militaire massif – y compris les armes nucléaires – reste étroitement lié à la stabilité de l’Empire américain.
Dagdelen suggère qu’une réorientation significative de la mission de l’OTAN pourrait impliquer de s’éloigner de l’interventionnisme militaire et de se concentrer sur la diplomatie, la prévention des conflits et le désarmement – des objectifs qui, bien que cruciaux, restent insaisissables. Elle plaide pour que l’OTAN privilégie un véritable multilatéralisme et collabore plus étroitement avec des organisations internationales comme les Nations Unies, en mettant l’accent sur les résolutions pacifiques plutôt que sur le recours à la force. Ces propositions s’alignent sur la lettre et l’esprit de la Charte des Nations Unies, soulignant un engagement envers un monde où la coopération internationale et la résolution pacifique des conflits priment sur la puissance militaire.
La vision de Dagdelen, bien que présentée avec prudence, offre un aperçu d’un avenir où l’OTAN pourrait passer d’une force dominante à une force de coopération et de paix. Son appel à la transformation n’est pas seulement une critique du présent, mais un plan d’espoir, bien que provisoire, pour un monde meilleur – un monde où les principes de justice sociale et de diplomatie guident les relations internationales plutôt que la poursuite de la suprématie militaire.
Bien que certains lecteurs puissent trouver les propositions de Dagdelen idéalistes ou difficiles à mettre en œuvre dans le climat géopolitique actuel, ses idées offrent un contrepoint nécessaire aux récits dominants entourant l’avenir de l’OTAN. L’impérialisme occidental, comme le soutient Dagdelen, prospère sur une forme d’« hégémonie culturelle » qu’il impose à ses vassaux à travers le monde. Pour contester cette domination, tout mouvement contre-culturel doit commencer par un nouveau récit enraciné dans le principe qu’« il y a des milliers d’alternatives » (TATA). La réalité troublante pour les intellectuels et le grand public d’aujourd’hui est que nous avons oublié comment imaginer de nouvelles possibilités, comment créer des visions alternatives qui remettent en question la « vérité dominante » perpétuée par Big Brother. À tout le moins, ce livre sert d’exemple concret de la façon dont nous pouvons repenser un monde qui se précipite vers son propre abîme. Dans cette lutte, Sevim Dagdelen n’est pas seule. Elle fait partie d’un mouvement plus large qui appelle à la prudence, à la détermination et au courage personnel et collectif.
Dans l’ensemble, NATO : A Reckoning with the Atlantic Alliance est une lecture stimulante qui remet en question les points de vue conventionnels sur l’Alliance de l’Atlantique Nord et son impact sur la scène mondiale. En tant que femme politique allemande chevronnée ayant une longue expérience de la remise en question des récits dominants, M. Dagdelen offre aux lecteurs une analyse incisive du rôle de l’OTAN dans les affaires mondiales, en s’interrogeant sur le fondement même de son existence et de son objectif dans le monde contemporain. Le livre déconstruit méticuleusement la puissance militaire de l’OTAN, révélant comment son expansion et ses ambitions mondiales ont souvent apporté plus d’insécurité que de paix.
Le travail de Dagdelen est essentiel pour les lecteurs qui cherchent à mieux comprendre l’histoire de l’alliance, ses défis actuels et les voies potentielles à suivre. Sa critique de la militarisation et des ambitions mondiales de l’OTAN est à la fois opportune et nécessaire, et soulève d’importantes questions sur l’avenir de la sécurité internationale et le rôle des alliances militaires dans un monde en évolution rapide. La vision de Dagdelen pour une OTAN transformée nous invite à imaginer un autre type d’ordre international, un ordre où la paix, la justice et la coopération priment sur la guerre, le pouvoir et la domination. Ce livre n’est pas seulement une critique. C’est un appel à l’action, qui nous exhorte à remettre en question le statu quo et à envisager un monde construit sur les principes d’un multilatéralisme véritable et d’une sécurité collective.
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