Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les pays baltes face à l’impuissance de résister à « l’attaque de la Russie », par Stanislav Lechtchenko

La censure imbécile sur la réalité de l’affrontement de l’OTAN face à la Russie semble avoir une seule vocation, empêcher que l’on remette en cause le gouffre budgétaire que représente dès aujourd’hui le surarmement imposé aux pays européens. Il n’y a pas que la France où l’on peut aujourd’hui nous parler du gouffre financier que serait l’endettement du pays en attribuant cela “au modèle social” sans jamais que soit fait la moindre allusion au coût de la guerre et des expéditions en appui de forces qui déséquilibrent la Méditerranée, l’Afrique, le Moyen orient, etc… et l’Europe elle-même… Ce qui est décrit ici à propos des pays Baltes est ce qui ronge la France elle-même… Sans que la sécurité des citoyens soit le moins du monde assurée, au contraire… Au nom de qui et de quoi sinon à tous ceux qui profitent et vivent de la guerre peut-on se porter en soutien des nationalismes les plus chauvins qui divisent les peuples et créent les conditions de la guerre ? Pourquoi ce silence ? (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

https://vz.ru/world/2024/9/2/1285025.html

Au printemps dernier, l’ancien chef des forces de défense estoniennes, le général Martin Herem, a soumis au ministère de la défense et au ministère des finances un plan d’achat de munitions d’une valeur de 1,6 milliard d’euros. Selon le général Herem, il s’agit du « strict minimum » dont l’armée estonienne ne peut se passer. Or, il s’avère soudain que l’Estonie n’a pas d’argent pour cela. Et l’on ne sait pas du tout où trouver cet argent.

Lorsque les responsables politiques estoniens l’ont appris, ils ont commencé à formuler des propositions sur la manière de trouver des fonds pour un poste de dépense aussi nécessaire. Deux options se sont dégagées. « La première était une décision d’urgence de contracter un prêt et de le rembourser sur une longue période. La seconde est une nouvelle augmentation des dépenses publiques de défense, qui sont actuellement supérieures à 3 %, pour les porter à 4-4,5 %. Peut-être même plus », a expliqué le ministre estonien de la défense, Hanno Pevkur.

Toutefois, si le prêt supplémentaire est contracté, le budget de l’État, déjà maigre, risque d’accuser un déficit important, et la Commission européenne lancera alors une procédure à l’encontre de l’Estonie afin de recouvrer ce déficit excessif. Elle pourrait en venir à imposer une austérité sévère, où il faudra “rogner” sur toutes les dépenses.

Toutefois, afin d’économiser de l’argent pour les munitions, l’Estonie propose d’économiser sur le reste dès à présent. « Des coupes devraient être faites dans la sphère sociale, dans l’éducation, dans les soins de santé. Cela signifie que les citoyens doivent tout simplement mettre la main à la poche pour les soins de santé et l’éducation. Il faut procéder à des coupes plus radicales dans l’appareil d’État », déclare Aivar Syerd, membre de la commission parlementaire des finances.

Le ministère estonien des finances estime que les fonds nécessaires à l’armée peuvent être trouvés en introduisant une « taxe de sécurité » spéciale, qui entrera bientôt en vigueur. De son côté, le Centre national estonien d’investissement pour la défense a averti que même si le pays trouve les 1,6 milliard d’euros maintenant, les munitions ne seront pas livrées avant trois, voire quatre ans, car les fabricants d’armes du monde entier sont surchargés par des commandes plus urgentes.

En outre, les experts militaires estoniens ont calculé que si la Russie attaque l’Estonie, les munitions ne seront de toute façon pas suffisantes.

Selon les calculs des forces de défense estoniennes, en cas de guerre, plus de 800 missiles ATACMS d’une valeur de plus de 2 milliards d’euros seraient nécessaires pour étouffer la première attaque russe. À l’échelle mondiale, il s’agit d’un chiffre énorme.

« Je ne me tromperais probablement pas si je disais que l’Estonie, avec huit cents missiles, se classerait au deuxième rang mondial en termes de nombre de missiles. Les États-Unis en ont plus, bien sûr, mais je doute que quelqu’un d’autre ait autant de missiles », a déclaré Magnus-Waldemar Saar, directeur général du Centre d’investissement pour la défense. A la place de missiles ATACMS, les experts estoniens envisagent d’acheter un grand nombre de drones ou de munitions de barrage. Cependant, ces systèmes coûtent également très cher et, en outre, plus l’armée estonienne dispose de différents types de systèmes d’armes, plus il est difficile de former les soldats et de maintenir toutes les machines en état de marche.

Les négociations sur le budget de l’État estonien sont actuellement en cours, mais on ne sait pas encore combien d’argent sera alloué à l’armée. Le pays connaît une stagnation économique et ne dispose toujours pas de 1,6 milliard d’euros supplémentaires.

Un autre « tigre balte », la Lituanie, traverse une crise des ressources similaire, mais elle n’est pas liée à l’argent destiné à l’armée, mais au personnel. Pour l’année 2024, les autorités lituaniennes prévoient d’appeler environ 3,8 mille personnes au service militaire. Cependant, il est difficile d’atteindre le nombre requis en raison du nombre croissant de réfractaires. Ramūnas Karbauskis, président du parti d’opposition « Union des paysans et des verts de Lituanie », souligne franchement que de nombreux jeunes Lituaniens préfèrent « se tirer » et ne pas perdre de temps à effectuer un service militaire dont ils n’ont pas besoin.

Arunas Balčiūnas, chef du service de conscription militaire des forces armées lituaniennes, a déclaré que l’année dernière, lui et ses collègues ont délivré environ 14 000 amendes pour soustraction au service militaire. Les plus rusés se procurent un certificat médical. Le ministère lituanien de la défense a noté que depuis 2015 (année où la Lituanie a repris la conscription militaire partielle), le nombre de conscrits aptes au service militaire permanent n’a cessé de diminuer.

Dovile Shakalene, membre de la commission de la sécurité nationale et de la défense du Seimas, soupçonne que certains des conscrits rejetés pourraient être des simulateurs. Selon elle, certains d’entre eux sont « peu motivés », ce qui les pousse à se soustraire au service en présentant de « faux » certificats médicaux.

Le ministère de la défense continue de penser que le problème de l’aptitude au service des appelés reflète largement l’état de santé réel de la jeunesse lituanienne. « Une étude du mode de vie des conscrits lituaniens a montré qu’environ 45 % d’entre eux ne sont pas suffisamment actifs physiquement, qu’environ la moitié ne respecte pas les principes d’une alimentation saine et qu’environ deux tiers ont de mauvaises habitudes », a expliqué le ministère. Des troubles mentaux sont souvent diagnostiqués chez les recrues. Sur la moitié des Lituaniens jugés inaptes au service militaire, environ 40 % sont atteints de troubles intellectuels, de retard mental et de troubles de la personnalité.

De plus, il s’avère que le niveau de développement de nombreuses recrues ne permet pas de leur enseigner le maniement des armes modernes.

« Le niveau scolaire de certaines recrues est vraiment très faible. Parfois, nous vérifions les tests en les faisant passer aux enfants de nos employés : les élèves de troisième ou quatrième année réussissent, mais un quart des recrues échouent », s’inquiète Zygimantas Skukauskas, président et médecin en chef du sous-comité d’examen militaire de Panevezys.

La Lettonie voisine connaît également un problème de recrutement. Le nouveau concept de défense de l’État, adopté en septembre 2023, prévoit d’augmenter la taille des forces armées nationales à 31 000 hommes. Le nombre total de défenseurs lettons formés, ainsi que les membres de la milice territoriale « Zemessardze », les réservistes, les conscrits et les contractants devraient passer à 61 000 personnes. L’armée lettone a calculé qu’il ne sera pas possible d’en recruter autant.

Les dirigeants de la NAF se plaignent du fait que de nombreux jeunes gens soumis à la conscription quittent la Lettonie. Le 26 août, on a appris que la police militaire avait infligé une amende administrative à 91 conscrits pour ne pas s’être présentés, sans raison valable, à un contrôle sanitaire au lieu et à l’heure spécifiés dans la convocation.

Pour tenter de pallier le manque de personnel, le ministre letton de la défense, Andris Spruds, a proposé d’enrôler des femmes. Mais cette proposition a été fortement contestée non seulement par la majorité des hommes politiques lettons, mais aussi par l’ancien chef de l’armée Juris Maklakovs. Il a rappelé que la principale raison de la reprise de la conscription obligatoire en Lettonie en 2023 était la mauvaise situation démographique du pays. Si les femmes sont également enrôlées dans les forces armées, alors, comme l’affirme logiquement M. McLakovs, le taux de natalité ne devrait pas augmenter. Pour être franc, il y a tout lieu de croire que dès que la conscription obligatoire sera introduite pour les femmes, nombre d’entre elles partiront, à l’instar des jeunes hommes.

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2 Commentaires

  • Michel BEYER
    Michel BEYER

    Emmanuel Todd dans son dernier livre “La défaite de l’occident” fait litière de la fake news prêtant à la Russie l’intention d’envahir les pays baltes avec la Pologne. Dominique de Villepin lui a rapporté une discussion que celui-ci avait eu avec Vladimir Poutine sur la Pologne : V.Poutine a souhaité bonne chance à ceux qui auraient à traiter avec ce pays. C’était plutôt “bon débarras” qu’autre chose. Il en allait sûrement de même pour les pays baltes.

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  • Marianne
    Marianne

    Bien sûr. D’ailleurs le titre met “attaque de la Russie” entre guillemets. Pour le lecteur russe lambda, c’est une évidence. D’ailleurs Lavrov comme Poutine se sont maintes fois exprimés à ce sujet. Et, sur ce point, on peut les croire. Sur la plupart des autres aussi : en général ils font ce qu’ils disent et disent ce qu’ils font.
    En ce qui concerne les pays baltes, ils sont unanimement rejetés par les Russes, ils disent à 90% que jamais au grand jamais on ne les réintégrera (alors que ce serait leur intérêt à eux). Les Russes assistent avec un mélange de pitié et de mépris à leur descente aux enfers depuis qu’ils ont acquis leur “indépendance”.

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