Ces vacances n’en seront pas ni pour Marianne, ni moi et peut-être même pas pour le collectif de lecteurs contributeurs que nous formons. Simplement ces jours correspondent à mon incursion dans l’Université d’été du PCF. Il m’a été refusé le droit d’une intervention à une tribune sur la paix et l’internationalisme. Soyons réalistes : de la salle il est difficile d’excéder les trois minutes… pour exposer la démarche qui est la nôtre ici et les conclusions auxquelles nous sommes parvenues… Plusieurs années de travail, d’approfondissement et d’expérimentation individuelle et collective sont rassemblées dans ce site… une intervention de trois minutes qui ira a contrario d’un consensus actuel prendra l’allure d’une provocation, donc je suis forcée de renoncer à faire autre chose qu’à écouter pour vous livrer à partir de la semaine prochaine le bilan de cette écoute. Mais vous lecteurs, contributeurs il vous reste sans doute beaucoup de textes à exploiter donc l’absence de nouvelles parutions jusqu’à lundi vous donne l’occasion d’un approfondissement.
Je comptais d’ailleurs intervenir sur ce problème de l’approfondissement nécessaire et ma communication aurait porté le titre de Théorie et internationalisme. Imaginez ce qu’un tel titre peut avoir d’inadapté pour une université qui s’annonce comme le lancement d’une campagne du Nouveau Front Populaire autour de la sympathique Lucie Castets, ce qui évitera le plus possible toute référence à l’international qui ferait voler en éclat une telle union et insisterait sur les limites de ce qui peut être réalisé par elle…
Mais pourquoi le théorique et qu’est-ce que cela signifie, à cela il se trouvera certainement des tas de gens pour dire que ça suffit d’ergoter, le panier de la ménagère est vide et c’est ça qui compte… Mobiliser les mécontents sur des bases concrètes c’est là l’essentiel… les champions de l’inertie ont toujours en réserve de type de proclamation quand on les conteste avec des arguments auxquels ils ne peuvent répondre… Ce discours se combine aisément avec celui de leur “théoricien” préféré qui leur démontre que le communisme est déjà là et qu’il n’a pas besoin de cette transition de lutte qu’est le socialisme avec le changement de pouvoir passant de la bourgeoisie au prolétariat… les champions de l’opportunisme électoralistes ont toujours une étrange fascination pour les rêveurs à condition qu’il soit économisé l’âpreté des luttes.
Le théorique est simplement l’aspect le plus conscient du mouvement révolutionnaire. Si l’on est d’accord avec le fait que les sociétés, les modes de production sont en perpétuelle transformation comme tout le vivant, le marxisme a simplement pour ambition de rendre les hommes conscients de la nature de cette transformation et donc d’intervenir dessus d’une manière “scientifique” en connaissant la réalité et le sens de sa transformation. Les êtres humains peuvent-ils agir sur leur propre histoire, ils l’ont toujours fait, c’est le sens de la lutte des classes mais peuvent-ils le faire consciemment et comment ?
Le marxisme a apporté une méthode pour connaitre et elle est marxisme dialectique et historique, la connaitre et la pratiquer suppose déjà une initiation et une pratique… Cette méthode donne à l’expérience individuelle et collective une puissance toujours grandissante. C’est grâce à cela qu’il peut exister cet aspect le plus conscient de l’avant garde révolutionnaire. C’est le sens de cette affirmation de Lénine, pas de mouvement révolutionnaire sans théorie.
Après cette brève définition de ce que l’on entend par théorie on peut effectivement voir dans notre actualité politique ce que signifie aujourd’hui 23 août 2024 l’absence de la théorie. Il y a dans l’air du temps, celui qui flotte ici même dans cette “université” le refus de la théorie, un amoindrissement de l’intérêt pour cet élément conscient auquel a succédé un sorte de bon sens : celui-ci nous fait dire des “vérités” de ce type, les “gens” ne sont pas mûrs pour le socialisme pas plus d’ailleurs que pour la dénonciation du rôle de l’impérialisme dans ce qui nous mène à la guerre. Les deux questions vaguement théoriques qu’il était prévu d’explorer au 39e congrès à savoir le socialisme et la dénonciation de l’OTAN sont renvoyés aux calendes grecques parce que l’essentiel est de conserver nos élus, de garder un pied à travers eux dans la vie politique française, éviter la marginalisation. D’ailleurs le PCF a des “représentants”, Fabien Roussel a incontestablement plus de talent, plus de bon sens populaire que Pierre Laurent mais ils ont tous les deux le même mépris de la théorie ce qui les conduit à ne pas s’intéresser à la question du parti autrement qu’en tant qu’auxiliaire des campagnes électorales.
Au 38e Congrès a été franchi un pas de géant dans la conscience on se demande encore pourquoi et comment, c’est encore aujourd’hui la base minimale : la nécessité d’un parti communiste et son autonomie par rapport aux nécessaires alliances politiques sur des questions précises. Fabien Roussel représente assez bien cet accord minimal et il l’a défendu avec talent dans diverses campagnes mais personne ne s’est réellement intéressé à l’utilité du dit parti et à cette autonomie, le retour vers les classes populaires a été celui du bon sens avec une indifférence totale à la théorie, à l’organisation et par voie de conséquence à l’international…
Nous sommes loin d’une “avant-garde” scientifique ce à quoi renvoie le terme d’Université, en fait la référence à l’université s’appuie plutôt sur la sélection par le coût de l’opération 200 euros plus les frais de voyage alors que la “rentrée” nous confronte aux incontournables difficultés de ce qu’il va falloir payer… la ressemblance avec l’université se ferait plutôt par les plus mauvais aspects de la crise de notre système éducatif et de recherche…
Sur le plan “scientifique” avec le renoncement à la théorie, l’exaltation de la pratique, celle dont le rapport est évident pour ses adeptes, celle d’un patronat qui exige des recettes, c’est plutôt une “arrière-garde” parce que qu’on le veuille ou non tout amoindrissement de la théorie, du rôle de l’élément conscient signifie comme le dit Lénine un renforcement de l’idéologie bourgeoise sur la classe ouvrière. Nous sommes dans une période où cette idéologie bourgeoise est de plus en plus déconnectée de la réalité, de plus en plus prise dans le tourbillon de sa propre survie. Tous ceux qui croient puiser dans ce renforcement la moindre lucidité se trompent et nous trompent. Quel que soit “le mouvement” dans lequel est prise la classe ouvrière s’il se contente de ce que pensent “les gens” ou ce qu’il est dit qu’ils pensent risque fort d’être complètement de l’ordre de l’idéologie dominante qui est celle de la classe dominante et qui donne en ce moment l’image d’un désarroi mortifère.
Ce que l’on nous raconte tous les jours dans les médias est l’art et la manière de nous convaincre que ses propres incapacités, son propre déclin est une réalité indépassable dans laquelle nous sommes condamnés à agir. Le mouvement “spontané” du mouvement ouvrier dit Lénine aboutit justement à la subordonner à l’idéologie bourgeoise… Pour aboutir au marxisme il a fallu une lutte acharnée contre la “spontanéité” et l’expérience de tous les échecs de ce mouvement, la France y a joué un très grand rôle parce que ce pays a le don de pousser le plus loin possible dans l’action ce qui va déterminer justement l’échec et de l’enseigner internationalement.
Je vais donc en toute bonne foi essayer de surmonter mes a priori sur l’état réel de la conscience de ce parti pour voir ce qui est en train de naître… mes a priori je les résumerai en ce constat provocateur :
Se lancer dans cette opération visant à imposer Lucie Castets comme premier ministre est plus invraisemblable que de se battre pour la perspective socialiste… Au niveau des objectifs réels face à ce qu’est la France réelle celle qui vient de voter comme des choix qui traduisent mal les aspirations réelles ne serait-ce qu’à la sécurité et à celle des enfants (sécurité qui a donc de multiples dimensions) répondre par une campagne autour d’une première ministre comme celle proposée réclame un effort dément de conviction dans une France qui se dit qu’une direction démissionnaire, chargée des affaires courantes et n’inventant pas chaque jour une nouvelle réforme qu détruise le statu quo auquel on finit par tenir parce que le pire est toujours prévisible, parce que c’est ça le mouvement réel de la France qui ne supporte plus Macron et ses prédécesseurs. Mettre toute une université et tout le parti, voir le syndicat et le tissu associatif dans l’imposition de ce premier ministre et de ce qu’il pourra réaliser se heurte que vous le vouliez ou non au bon sens français… sans parler de l’aspect délirant de cet opportunisme qui exige la démission de Macron.
Cette absence totale de perspective auquel nous mène le vide “théorique” celui d’une stratégie de transformation sociale par l’intervention consciente des masses multiplie les formes grotesques de l’impuissance réelle, un peu à la manière dont Zelensky se lance dans l’opération de Koursk et nous y implique, ou bombarde des centrales nucléaires… la conscience est par nature internationaliste. Le prolétariat doit arracher sa propre conception de la nation au chauvinisme national. Il s’ensuit que plus nous avons perdu pied dans la théorie plus nous avons besoin d’assimiler d’autres expériences. Il ne s’agit pas de répéter des dogmes il s’agit d’une expérience critique des erreurs comme des victoires…
Nous avons une immense réserve en jachère frappée de censure de fait… et nous devons nous en nourrir pour mieux envisager notre mission révolutionnaire libérer notre propre peuple français de la classe qui nous mène à l’acceptation de notre exploitation et à la guerre ce qui va avec.
Voilà ce que je ne dirai pas à l’université d’été mais qui me fera observer des gens qui au moins sont convaincus qu’ils ont un rôle à jouer dans cette libération.
Danielle Bleitrach
Vues : 337
Francis
Bravo Danielle,tes textes sont pertinents .Je les partage .
Leur publication ici est une très bonne idée comme celle de candidater comme conférencière, malheureusement refusée à ces universités d’été.Elles n’ont aucune conséquence sauf cette décision d’empêcher le véritable débat que tu proposais.Dommage mais il ne faut pas que le découragement l’emporte.Bonne fin d’été à toi et ton équipe.