Entretien avec le secrétaire général du Parti communiste suisse, Maximilian Ay. . . Notre “correspondant en Chine Pietro Fiocchi, un Italien résidant en Chine et ici avec un collaborateur chinois Chen, nous a envoyé quelques interviews de dirigeants du mouvement communiste international qui se sont rendus au IIIe plenum du PCC et en disent l’importance. Nous commençons par le parti communiste suisse, ce qui nous permet de mieux connaitre ces nouveaux dirigeants souvent jeunes qui sont en train d’apparaître. Il est difficile de ne pas voir le rôle joué par la Chine au niveau diplomatique international et il faut être la gauche française, et pire encore le secteur international du PCF pour être aussi aveugle et soumis à l’atlantisme au point de faire totalement silence quand ce n’est pas adhérer aux thèses de monsieur Glucksmann à qui son propre parti semble inviter à un peu plus de discrétion… C’est un des points que l’actualité devrait nous inviter à aborder ; on ne peut pas continuer à feindre à ignorer le rôle de la Chine à ce point … (note de Danielle Bleitrach, traduction de l’espéranto de Marianne Dunlop)
« C’est pourquoi il est urgent que la coopération sino-européenne entre les partis communistes, les mouvements pacifistes et les syndicats trouve également un nouvel élan… »
par Chen Ji et Pietro Fiocchi
Massimiliano Ay, né en 1982, après une expérience syndicale, est secrétaire général du Parti communiste suisse (www.partitocomunista.ch) depuis quinze ans. Sur le plan institutionnel, il est conseiller municipal de Bellinzone, sa ville natale, depuis 2008. Depuis 2015, il est également élu député de la République et du Canton du Tessin, la région italophone de la Confédération suisse.
Ce jeune et brillant leader politique partage avec nous ses évaluations et perspectives sur l’un des événements les plus importants de l’actualité…
Monsieur le Secrétaire Ay, la troisième session plénière du 20e Comité central du Parti communiste chinois (PCC), qui vient de s’achever, elle s’est concentrée sur l’approfondissement des réformes visant à promouvoir la modernisation de la Chine. Comment pensez-vous que cette session affectera l’économie chinoise ? Créera-t-elle de nouvelles opportunités de coopération économique entre la Chine et la Suisse ?
Avant d’évaluer s’il y aura effectivement plus d’opportunités de coopération économique avec mon pays, ce que j’espère bien sûr, nous devons d’abord identifier les défis prioritaires du moment historique actuel qui, à notre avis en tant que communistes suisses, sont les suivants :
(a) la sauvegarde de l’accord de libre-échange entre la Chine et la Suisse, qui permet à cette dernière de diversifier ses partenaires commerciaux et donc de moins dépendre du marché de l’UE/des États-Unis, et (b) la défense de notre neutralité, pour éviter que les secteurs atlantistes de la bourgeoisie suisse qui voudraient abolir celle-ci ne se joignent à d’éventuelles sanctions contre Pékin, comme le menacent déjà certains hauts fonctionnaires irresponsables à Berne.
Cela dit, je suis convaincu que les résultats du troisième plénum auront une influence positive sur l’économie chinoise : le Comité central a décidé non seulement de « rester fermement sur la voie du progrès politique socialiste » et que le marché devait devenir « plus équitable » et mieux réglementé, mais aussi que le système de sécurité sociale et de distribution des revenus devait être amélioré.
Il ne faut donc pas sous-estimer, tant du point de vue de la fiabilité économique pour les investisseurs suisses que du point de vue de la démocratisation socialiste, la volonté du Parti communiste chinois d’approfondir l’État de droit et la sécurité des lois, qui a d’ailleurs déjà fait d’énormes progrès avec le nouveau Code civil (auquel a collaboré mon ami et camarade Oliviero Diliberto).
Les bases d’une plus grande coopération économique sino-helvétique seraient donc là, au moins du côté chinois. Je ne cache cependant pas mes craintes quant à l’évolution de la volonté de coopération du côté suisse : cette partie de la bourgeoisie « compradore » aux ordres des USA, de l’UE et de l’OTAN est en effet plus que jamais à l’offensive pour ruiner les liens historiques d’amitié entre Berne et Pékin, et elle a même réussi à s’infiltrer dans la social-démocratie.
C’est pourquoi, en tant que communistes, nous construisons une politique de Front uni pour organiser aussi ceux qui ne sont pas communistes mais qui veulent défendre une Suisse neutre, souveraine et multipolaire.
Comment évaluez-vous la modernisation chinoise et quelle influence cette modernisation a-t-elle, selon vous, sur le reste du monde ?
Il existe différentes « modernisations » : dans les pays capitalistes, par exemple, elle est essentiellement basée sur des indicateurs économiques, visant le profit maximum et favorisant de fait une partie minoritaire de la population. La modernisation chinoise, en revanche, présente deux caractéristiques substantielles : il s’agit d’une modernisation socialiste et elle est dirigée par un parti qui s’inspire explicitement du marxisme-léninisme.
Ces caractéristiques font que la modernisation chinoise est orientée vers la recherche d’une harmonie toujours plus grande dans les domaines environnemental, social, ethnique, etc., ce qui se traduit concrètement par la redistribution des richesses, mais aussi par la visite du Pays dans ses régions périphériques qui ne sont pas laissées à elles-mêmes.
Tout cela représente, surtout pour les pays dits du Sud, non pas un modèle à importer, mais une expérience dont il faut s’inspirer. L’émancipation économique et sociale des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine est la chose la plus concrètement anti-impérialiste que l’on puisse espérer et représente la base de la nouvelle géopolitique multipolaire qui permettra également au socialisme de se renouveler et de redevenir une perspective sur le plan des masses.
Dans le quatrième volume du livre « Xi Jinping : Gouverner la Chine », le président chinois Xi Jinping a proposé de laisser la politique d’ouverture de la Chine stimuler l’économie mondiale. La Chine continuera à mettre en œuvre un niveau élevé d’ouverture et à faciliter le libre-échange avec le reste du monde : comment cette politique affecte-t-elle l’économie mondiale ?
Commençons par dire qu’en se développant, l’économie de la République populaire a non seulement sorti des millions de Chinois de la pauvreté, mais a permis – grâce aussi à la nouvelle route de la soie – aux pays les plus pauvres, victimes des politiques de pillage du nécolonialisme occidental, de s’émanciper. C’est pourquoi, et ce n’est pas un hasard, lors d’une récente réunion avec le Département international du Comité central du Parti communiste chinois, j’ai décrit l’initiative « la Ceinture et la Route » comme un nouveau type d’internationalisme adapté à l’ère historique du multipolarisme.
Je ne doute donc pas de la volonté de la Chine de poursuivre dans cette voie : le problème se situe plutôt en Occident où les signes ne sont pas encourageants.
Comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer dans une récente interview sur CGTN, de nombreux gouvernements de pays européens sont subordonnés aux intérêts des États-Unis et de l’OTAN, ils ne pensent pas à leurs intérêts nationaux et privilégient une politique de blocs, voyant en la Chine, au-delà des formules de courtoisie diplomatique, non pas un partenaire mais un adversaire à diaboliser et à combattre.
Les propos de la présidente de la Commission européenne, Mme Von der Leyen, sur ce que l’on appelle le « de-risking » sont malheureusement clairs : boycotter, taxer avec des droits de douane, empêcher toute forme de coopération économique entre l’Europe et la Chine et, en fait, fomenter une escalade qui pourrait même être de nature guerrière.
C’est pourquoi il est urgent que la coopération sino-européenne entre les partis communistes, les mouvements pacifistes et les syndicats trouve un nouvel élan.
Source : EL POPOLA ĈINIO – CHINA.ORG.CN
http://esperanto.china.org.cn/2024-07/24/content_117328718.htm
http://espero.chinareports.org.cn/2024-07/24/content_117328777.htm
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