Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’hyper-impérialisme : une nouvelle étape de l’évolution historique de l’impérialisme—Troisième partie

Cette analyse de l’évolution de l’impérialisme dans lequel intervient un néocolonialisme dans la phase dite néo-libérale, n’est pas nouvelle, elle est celle que nous avions, inspiré par Fidel Castro, faite dès 2004, mais la situation de la Grande Bretagne et celle de la France après leurs élections européennes puis législatives en sont l’illustration. Cette incroyable campagne électorale française est un condensé des contradictions.. L’ignorance du mouvement du monde (ou ne le voit que sur le thème de l’immigration, avec d’un côté la haine raciste sollicitée, de l’autre la charité “communautariste” qui divise elle aussi la classe ouvrière) participe de ce néo-colonialisme qui divise la classe ouvrière et interdit de voir l’origine du fascisme… le fait que se reproduit une situation qui rappelle celle d’il y a 100 ans (la Révolution bolchevique et ce qui a suivi) dans des conditions encore renouvelée par les rapports sud-sud est totalement occulté par un espèce de cirque nombriliste.. Les peuples sont en mouvement et les Français aussi mais sans issue politique, il y a la fois pression et incapacité à orienter l’intervention vers une issue… Une part de la crise a été la trahison de la gauche envers sa classe ouvrière et son choix néocolonial… La dimension internationale reste superbement ignorée par le politico-médiatique,qui continue à se croire seul au monde, occultation par le pouvoir, mais également par la gauche y compris le PCF… L’appel à Huguette Bello, une communiste mais issue de la Réunion, en apparait de l’ordre du symptôme, du lapsus…illustrant le paradoxe de l’absence de réflexion sur l’impossibilité actuelle de gouverner avec un si faible potentiel de force, l’inconscient de la lutte des classes qui travaille le peuple français… et son art du “solo funèbre” faute d’aller jusqu’au bout du véritable travail qui est d’empêcher le fascisme, tous les fascismes et ses liens avec l’hyper-impérialisme derrière un président inféodé à l’OTAN et qui les mène à la catastrophe pas seulement “parlementaire”… (note de Danielle Bleitrach traduction de Catherine Winch)

Gisela Cernadas, Mikaela Nhondo Erskog, Renata Moreno, & Deborah Veneziale

https://worldmarxistreview.org/index.php/wmr/article/view/25/19

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Paix entre les Nations par Anatoly Pavlovich Levitin 1977

4. Histoire et définition de l'”hyper-impérialisme” 

Pré-histoire


La préhistoire de l’impérialisme moderne commence en 1415 avec l’avènement de l’expansion maritime européenne. L’Afrique en fut la première victime, suivie par la colonisation des Amériques et le génocide de millions de peuples indigènes, puis par la dépendance rapide de l’Europe (et de ses États colonisateurs) à l’égard des capitaux gorgés de sang provenant de l’esclavage, qui a duré 400 ans. L’existence de la Grande-Bretagne en tant que puissance moderne a commencé par une dépendance vampirique au sang des esclaves et des travailleurs coloniaux. Les Britanniques ont été responsables de millions de morts dans le cadre de la traite atlantique des esclaves et de leurs conquêtes coloniales. Le labeur des esclaves dans les Amériques – ainsi que la capture par les Britanniques d’une bonne partie des surplus des colonies espagnoles et portugaises – a fourni l’ingrédient “spécial” de ce que l’on appelle l’accumulation primitive ou originelle (“ur-sprüngliche Akkumulation”, terme utilisé par Marx dans Le Capital) (Morris 2016).L’impérialisme américain, en plus d’avoir commencé comme un projet racial, a une trajectoire unique de développement capitaliste, y compris : Une forme capitaliste d’esclavage très rentable ; Un État qui s’étend sans entrave sur un vaste territoire, sans aucun vestige du féodalisme ; Le seul grand pays impérialiste dont le territoire n’a pas été attaqué militairement par d’autres impérialistes ; Une puissance impériale qui commence après que l’Europe a déjà divisé le monde ; Une puissance illimitée auto-définie par la Doctrine Monroe (1823), ainsi que des concepts tels que la Destinée Manifeste et l’exceptionnalisme des États-Unis. Depuis l’avènement de l’industrie moderne, le système mondial capitaliste a consisté en deux périodes successives de domination par une seule puissance capitaliste – d’abord le Royaume-Uni, puis les États-Unis. De la fin du XVIIIe siècle jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la Grande-Bretagne était considérée comme la force dominante de la finance internationale. Toutefois, cette position s’est manifestement effondrée lorsque la Grande-Bretagne a abandonné la convertibilité de la livre en or et a mis fin à l’étalon or/livre en 1931. En réalité, la domination des États-Unis était évidente depuis la Première Guerre mondiale et l’hégémonie américaine avérée a commencé en 1945, alors que l’Europe était en ruines. Au cœur du système impérialiste se trouve donc ce que l’on peut appeler le projet anglo-américain. La taille de l’économie américaine a dépassé celle de la Grande-Bretagne dans les années 1870, mais le PIB américain par habitant (PPA) n’a égalé celui de la Grande-Bretagne qu’au cours du XXe siècle. En 1913, l’économie américaine était deux fois plus importante que celle de la Grande-Bretagne en termes de PIB (PPA) (Larsen 2021). Toutefois, ce n’est qu’en 1945 (alors que les États-Unis sont cinq fois plus étendus que le Royaume-Uni) que l’hégémonie américaine est pleinement et formellement établie. À cette époque, les États-Unis fabriquent plus de la moitié des produits dans le monde.


L’histoire
L’ouvrage de Vladimir Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme (Lénine [1916] 2020), qui s’inspire largement du livre de Rudolf Hilferding, Le capital financier (Hilferding [1910] 1985), explique l’essor du capital financier au cours de la dernière période du XIXe siècle, marquant le passage du capitalisme libéral classique à l’impérialisme financier. L’augmentation de la composition organique du capital signifiait que des mises de fonds de plus en plus importantes étaient nécessaires pour accroître la production. Cela dépassait les capacités de la plupart des capitalistes individuels engagés dans la concurrence classique, conduisant à la domination des oligopoles et des monopoles avec la réorganisation du système financier pour répondre à leurs exigences.

Parallèlement, des changements technologiques sont intervenus. Le passage de l’énergie à vapeur à l’énergie électrique dans les années 1890 a entraîné un bond des forces productives et de la production industrielle : efficacité énergétique accrue, réduction de la maintenance, décentralisation, reconfiguration des ateliers, production de masse et augmentation massive de la division et de la socialisation du travail. Ce type de changement rapide des forces productives s’est reproduit plus tard avec l’invention du transistor et l’essor des ordinateurs. Lénine a relevé cinq caractéristiques de cette nouvelle étape : la montée du capital financier et de l’oligarchie financière ; la concentration de la production et des monopoles ; l’exportation des capitaux ; la montée des cartels monopolistes, qui se “partagent” le monde ; et l’achèvement de la division territoriale du monde entier entre les plus grandes puissances capitalistes, ainsi que le conflit croissant entre les États impérialistes. Ces développements signifient qu’une nouvelle, vaste et dernière étape du capitalisme a commencé, c’est-à-dire l’étape de l’impérialisme moderne. Il n8 Le livre de Lénine a été écrit à la veille de la révolution russe. Une fois l’Union soviétique formée, le conflit entre le travail et le capital a changé qualitativement et n’était plus seulement une contradiction interne au sein des pays, mais incluait des contradictions entre des États ayant une base de classe différente. L’impérialisme moderne hérite entièrement de l’histoire de la domination et de l’exploitation du monde par le projet européen. Lénine définit les superprofits, résultat de l’impérialisme moderne, comme “un surplus de profits par rapport aux profits capitalistes qui sont normaux et habituels dans le monde entier” (Lénine [1916] 1979). Après la Première Guerre mondiale, les divisions capitalistiques internationales se sont à nouveau intensifiées pendant la Grande Dépression (1929-1939), alors que les différentes puissances impérialistes enfermaient leurs économies dans des barrières tarifaires et autres. Avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, la réorganisation du système financier mondial sous l’égide des États-Unis a été décidée à Bretton Woods en juillet 1944. La convertibilité des principales monnaies en dollar américain et du dollar américain en or a établi la suprématie du nouvel “or vert”. Le Fonds monétaire international et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), devenue plus tard la Banque mondiale, ont été créés pour veiller à la mise en œuvre et au respect de ses règles. Depuis lors, ces deux institutions sont les principaux piliers de la domination américaine sur le Sud Global.

Après la Seconde Guerre mondiale
En 1945, les États-Unis remportent une victoire décisive parmi les puissances capitalistes, et le dollar américain commence à dominer le monde. La période de 1945 à 1971 a été une phase d’expansion de l’impérialisme américain. Les États-Unis ont subi d’importantes pertes politiques au cours de cette période, y compris un certain nombre de projets socialistes nouvellement formés. Cependant, confiants dans leur suprématie productive, les États-Unis ont entamé une réorganisation radicale du système capitaliste mondial après la Seconde Guerre mondiale. Ils ont démantelé les droits de douane et autres mesures protectionnistes qu’ils jugeaient inutiles à leur propre avancement (tout en conservant les mesures de subvention qui avantageaient leurs propres entreprises capitalistes). La nouvelle organisation “mondialisée” du capitalisme mondial après la Seconde Guerre mondiale diffère sensiblement, dans sa structure internationale, du système capitaliste d’avant 1945. Elle a permis un développement plus rapide des forces productives qu’à l’époque des précédents empires coloniaux. Tout au long des XIXe et XXe siècles, derrière le vernis du libre-échange, il y a toujours eu des monopoles, comme l’a dit Karl Marx à propos de la Grande-Bretagne. 

Les États-Unis ont développé cette domination par le biais de monopoles impérialistes protégés par un appareil militaire international. Créée en 1949, l’OTAN avait initialement trois objectifs : Premièrement, arrêter la propagation du spectre communiste en Europe occidentale ; deuxièmement, garantir la subordination militaire de tous les autres impérialistes aux États-Unis ; et troisièmement, créer un bloc militaire pour contenir et éventuellement renverser les pays du bloc socialiste. Les États-Unis ont également commencé à domestiquer l’élite européenne et à obtenir son soutien au projet de l’Atlantique Nord par le biais de l’intégration économique et de la dépendance (symbolisées par le plan Marshall à partir de 1948) et de la subordination politique (par le biais d’institutions telles que la réunion de Bilderberg, à partir de 1954). Les États-Unis avaient trois objectifs dans le monde colonial. Premièrement, finaliser la défaite du contrôle européen et éliminer les obstacles aux intérêts économiques américains. Deuxièmement, interdire leur alignement sur le bloc socialiste. Troisièmement, faire échouer tout projet révolutionnaire d’inspiration ou de direction communiste. En dehors de quelques exceptions, comme Cuba et les Philippines au tournant du XXe siècle, les États-Unis n’ont jamais eu l’intention ou le désir de régir ou de gérer l’ensemble des relations politiques, économiques et sociales au niveau local dans ce que l’on appelait alors le tiers monde. En utilisant la puissance militaire, les opérations secrètes, les incitations économiques et le “soft power” américain, les États-Unis ont développé une stratégie de néocolonialisme : indépendance politique nominale et subordination économique quasi-totale. La première institution responsable de l’enrôlement des Européens dans le projet hégémonique américain après la Seconde Guerre mondiale, la BIRD, s’est tournée vers le Sud une fois que le plan Marshall a été mis en œuvre.


Le néolibéralisme
La phase suivante de l’impérialisme est généralement appelée néolibéralisme. Elle est apparue en réponse à la stagnation économique qui a commencé dans les années 1960 (et qui s’est aggravée avec la crise de 1974) et à la menace politique que représentaient les projets du tiers-monde menés par la gauche. Le néolibéralisme a été expérimenté pour la première fois au Chili (1973) et en Argentine (1976) par les “Chicago Boys” de Milton Friedman. Dans les deux cas, des coups d’État sanglants ont tué des dizaines de milliers de personnes afin d’éradiquer le soutien aux projets de gauche, avec l’appui des États-Unis. Les élections de Margaret Thatcher (1979) au Royaume-Uni et de Ronald Reagan (1980) aux États-Unis ont ouvert la voie à leur ascension mondiale. En 1981, les États-Unis étaient devenus, en termes courants, une nation débitrice. La chute de l’Union soviétique en 1991 a permis aux États-Unis de s’engager dans une projection impérialiste plus flagrante, en particulier dans le domaine militaire. Les principales caractéristiques du néolibéralisme sont les suivantes :
– Le monde a connu la mondialisation économique et la financiarisation du capitalisme monopoliste, avec des privilèges de monopole financier “super-impérialistes” créés par les États-Unis pour soutenir le dollar américain apres son retrait de l’étalon-or.
– Les États-Unis ont agressivement étendu leurs droits de propriété intellectuelle au monde entier et ont obtenu des monopoles mondiaux quasi perpétuels. L’économie des biens matériels a été subordonnée à l’économie virtuelle. De vastes zones de petite production ont été impitoyablement détruites.
– Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont constamment mené des politiques d’austérité qui ont appauvri le Sud Global et l’ont accablé d’une dette considérable. Cette dette ne pouvait être remboursée que par l’exportation de produits que le Nord mondial payait en dollars américains. Contrairement à toute autre banque, la Banque mondiale a eu le droit de définir la politique économique de ses créanciers, de réduire l’État et de dévaluer les monnaies locales afin de garantir la primauté du dollar américain. La privatisation, la fermeture du secteur public, le retrait du rôle de l’État dans l’économie et la société (en particulier dans les pays du Sud global) et la précarisation accrue de la main-d’œuvre étaient les principales exigences de leurs politiques. Il en a résulté une augmentation de la pauvreté et des inégalités, comme l’intensification du travail reproductif non rémunéré des femmes (Faria 2005).
– La désarticulation de la production industrielle et des chaînes d’approvisionnement (favorisée par d’énormes changements technologiques et les prix du pétrole subventionnés par les États-Unis) a entraîné non seulement des augmentations massives de la productivité, mais aussi d’énormes avantages pour le capital mondial et ses sociétés multinationales, aux dépens de la classe ouvrière. Le capital a pu facilement déplacer des parties de la production entre divers petits pays faibles du Sud, et les pays du Sud à l’industrialisation tardive, comme le Brésil et l’Afrique du Sud, ont souffert de désindustrialisation. Le socialisme et la grande taille de la Chine l’ont protégée de ce sort.
– La production a été délaissée au profit de la finance spéculative et du capital à la recherche d’une rente de monopole. Une forte déréglementation des marchés financiers dans le monde entier – et une révolution dans les technologies de la communication – ont rendu possibles d’énormes flux de capitaux financiers spéculatifs en temps réel.
– Une nouvelle forme avancée de production et de circulation monopolistiques est devenue évidente dans de multiples secteurs de l’économie. Notamment, dans le cadre de l’essor du capital monopolistique numérique, quelques monopoles et oligopoles, tels que Google, dominent le monde entier (à l’exception de la Chine, de la Russie, de l’Iran, de la RPD de Corée, de Cuba et de quelques autres).
– L’État coercitif s’est développé, les inégalités se sont creusées et le populisme néo-fasciste a pris de l’ampleur.
– La montée de l’hégémonie culturelle, politique et étrangère de l’Occident a été rendue possible par l’omniprésence et le monopole économique des technologies américaines, notamment Google, Facebook, WhatsApp, Instagram et Twitter (Assange 2016).
– Le bloc militaire dirigé par les États-Unis, l’OTAN et d’autres puissances impérialistes étroitement intégrées comme le Japon et Israël, ainsi que des colonies militaires des États-Unis comme la Corée du Sud, ont continué à accroître leurs capacités militaires et, en 2022, représentaient 74,3 % du total des dépenses militaires mondiales, selon les calculs de Global South Insights (2024). L’ouvrage de Michael Hudson sur le super-impérialisme décrit la grande défaite du reste du monde lorsque les États-Unis ont abandonné l’étalon-or (Hudson [1972] 2003). Plutôt que d’acheter de l’or pour maintenir leur monnaie, les États-Unis ont forcé les autres banques centrales à recycler leurs excédents en dollars en achetant des bons du Trésor américain. Cela leur a permis de forcer le reste du monde à payer leurs dettes, y compris celles contractées dans le cadre de la guerre contre le peuple vietnamien. Les États-Unis sont devenus une nation débitrice, mais ont pu externaliser leur dette grâce à l’instrument du complexe dollar-Wall Street.

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