Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’Occident ne sait pas à quoi peut lui servir de faire la guerre à la Russie, par Piotr Akopov

Le cirque “électoraliste” qui partout dramatise, hystérise l’impasse d’un occident, qui à l’image des USA, ne débouche sur rien et ne sait même plus les enjeux de ses propres divisions pas plus que ceux des guerres qu’il mène, celle de tous contre tous, est à l’image de ce qui est décrit ici chez les conservateurs et travaillistes britanniques… Arrivé à ce stade on se demande qui a encore une once de bon sens ? Au titre des réalités du moment, je signale que plus il y a de votants plus ça risque de multiplier les triangulaires et donner du crédit au “Front républicain”, sauver de fait ceux qui sont prêts à sauver Macron donc à faire monter le fascisme puisqu’il n’y a visiblement pas la moindre réflexion sur la perspective. On voit même des groupuscules comme l’ANC (soutenu par le PRCF) qui ont présenté des listes contre le PCF au nom de la pureté révolutionnaire faire campagne avec enthousiasme pour le Front populaire de Hollande et Glucksmann, une démonstration parmi d’autres, et les liquidateurs refuser de distribuer le matériel électoral du PCF sous prétexte de défense de “l’unité” … La description de ce qui se passe en Grande-Bretagne ne le cède en rien à la comédie française dans laquelle tout le monde aussi s’entend sur l’atlantisme et fera tout de suite allégeance au MEDEF, si ce n’est déjà fait… Tous gaiement en route pour l’apocalypse nucléaire en se disputant un siège à Bécon-les-Bruyères… (note de danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)

https://ria.ru/20240625/zapad-1955166036.html

“Il s’agit d’une absurdité anti-historique déplorable et d’un nouvel élément de la propagande du Kremlin”, a déclaré l’ancien Premier ministre britannique Boris Johnson. Si vous pensez qu’il s’en prend à Russia Today ou qu’il réagit à une déclaration de Vladimir Poutine, vous vous trompez lourdement : Boris Johnson a été scandalisé par la déclaration du chef d’un parti qui, selon les sondages, est en train de rattraper le sien.
Les élections britanniques auront lieu dans un peu plus d’une semaine, et leur principal enjeu n’est pas de savoir qui les remportera, mais quelle sera l’ampleur de la défaite des conservateurs, aujourd’hui au pouvoir. Selon les sondages, ils sont talonnés par le parti Reform United Kingdom de Nigel Farage, dont la cote n’est pas loin, voire dépasse parfois celle des conservateurs (tous aux alentours de 20 %). Il y a huit ans, ce sont les efforts de Farage qui ont permis à la Grande-Bretagne de quitter l’Union européenne – il était le plus populaire et le seul partisan cohérent du Brexit. Aujourd’hui, il peut à nouveau réaliser l’exploit d’infliger une blessure mortelle aux conservateurs.

Le parti de Farage ne pourra pas les battre au Parlement. Même si, à la veille du 4 juillet, sa cote est toujours plus élevée que celle des conservateurs, Reform UK n’obtiendra que très peu de sièges à la Chambre des communes : les Britanniques élisent les députés par circonscription, et les Faragistes n’ont tout simplement pas assez de candidats populaires. Néanmoins, il semble que les conservateurs ne remporteront pas plus de 100 sièges, les scénarios les plus pessimistes leur attribuant même un peu plus de 50 sièges – dans un parlement de 650 sièges. Il s’agirait non seulement d’une défaite, mais aussi d’un verdict pour le parti, qui se retrouverait avec deux options les plus probables pour son avenir (à l’exception d’une troisième, à savoir la transformation progressive en un parti mineur).

La première est la plus favorable à l’establishment : le parti se retrouvera dans l’opposition, pansera ses plaies et, dans quelques années, pourra augmenter sa représentation à la Chambre des communes (mais pas revenir au pouvoir). Bien sûr, il devra changer beaucoup de choses, soit en renouvelant complètement son équipe dirigeante, soit en organisant une révolution par le haut, en ramenant Boris Johnson, inacceptable pour beaucoup, à la tête du parti. C’est ce sur quoi il compte, et c’est aussi pour cela qu’il s’en prend si durement à Nigel Farage. Car le deuxième scénario pour l’avenir du parti conservateur est sa reprise par Farage, c’est-à-dire inviter Nigel plutôt que Boris à être le sauveur des Tories.
Il n’est donc pas surprenant qu’au cours de la campagne actuelle, Johnson ait réagi si vivement à la déclaration de Farage, qu’il a qualifiée de “propagande du Kremlin” :

Il était évident pour moi que l’expansion constante de l’OTAN et de l’Union européenne vers l’Est donnait à cet homme (Vladimir Poutine) une excuse pour dire au peuple russe “Ils s’en prennent à nouveau à nous” et déclencher une guerre. <…> Je suis la seule personne dans la politique britannique à avoir prédit ce qui allait se passer, et bien sûr, tout le monde a dit que j’étais un paria pour avoir osé suggérer cela”.
Dans une interview accordée à la BBC, Farage a donc commenté une déclaration qu’il avait faite en 2014, selon laquelle l’expansion vers l’est de l’OTAN et de l’Union européenne était à blâmer pour le déclenchement du conflit en Ukraine. “Nous avons stupidement provoqué cette guerre. <…> Il a utilisé ce que nous avons fait comme excuse”, a déclaré M. Farage. Il s’est immédiatement attiré les foudres de l’élite britannique. Conservateurs et travaillistes – le Premier ministre Sunak, le ministre de l’intérieur James Cleverly (“Il répète l’ignoble justification de l’invasion brutale de l’Ukraine par Poutine”), et le secrétaire d’Etat “fantôme” à la défense John Healey, qui a qualifié M. Farage d'”apologiste de Poutine”.

Mais c’est Boris Johnson, bien sûr, qui a été le plus contrarié, parce qu’il était le premier ministre en 2022 :
“Personne n’a provoqué Poutine. Personne n’a “donné un coup de bâton à l’ours”. En 1991, le peuple ukrainien a voté à une écrasante majorité en faveur de son accession au statut de pays souverain et indépendant. Il avait parfaitement le droit de demander l’adhésion à l’OTAN et à l’UE. Il n’y a qu’une seule personne responsable de l’agression russe contre l’Ukraine – en 2014 et en 2022 – et c’est Poutine. Les tentatives de répartition des responsabilités sont moralement indignes et répètent les mensonges de Poutine. Curieusement, l’auteur suggère également que nous devrions réduire notre soutien à l’Ukraine maintenant, alors que la solution au conflit est en fait claire : les Ukrainiens doivent gagner et repousser l’invasion de Poutine. Ils peuvent le faire et le feront”.

Oui, Farage propose également à l’Occident de négocier avec la Russie, en affirmant que “la guerre est dans une impasse totale” – et il se fait taper dessus pour cela aussi. Alors pourquoi continue-t-il à en parler ?
Parce qu’il pense que cela “plaît” aux électeurs, comme on dit, c’est-à-dire que Farage utilise la question ukrainienne pour marquer des points dans la lutte électorale. En critiquant la position des autorités, il critique les conservateurs et réduit ainsi le nombre de leurs électeurs.
D’ailleurs, son compère Donald Trump se comporte exactement de la même manière et pour les mêmes raisons électorales. L’ancien et très probable futur président s’en est pris récemment à Joe Biden pour sa politique à l’égard de la Russie :
“La Russie n’allait pas entrer en Ukraine. Dès que j’ai quitté la Maison Blanche, ils ont commencé à amasser des forces aux frontières. Et j’ai pensé que Poutine <…> le faisait dans le but de négocier. <…> Biden a dit le contraire de ce qu’il aurait dû dire. L’une de ses erreurs a été de dire : “L’Ukraine fera partie de l’OTAN.” Quand je l’ai entendu, j’ai dit : “Ce type va déclencher une guerre.” <…>

Les choses qu’il a dites et qu’il continue de dire sont insensées. Cela fait 20 ans que j’entends dire que si l’Ukraine rejoint l’OTAN, ce sera un vrai problème pour la Russie. <…> Si vous étiez à la tête de la Russie, vous ne seriez pas content. Cela n’a jamais été négocié, c’est une ligne rouge. Il a toujours été clair que ce n’était pas possible”.

On peut douter de la capacité de Trump, s’il revient à la Maison Blanche, à réduire fortement son soutien à l’Ukraine et à tenter de mettre fin au conflit, mais on ne peut pas douter de sa capacité à bien sentir l’humeur de l’électorat. Il dit ce qu’ils veulent l’entendre dire : un nombre croissant d’Américains (comme de Britanniques) sont en effet favorables à la fin de la guerre par procuration avec la Russie et commencent à réaliser que l’Occident a bel et bien provoqué notre pays par l’expansion de l’OTAN vers l’Est.
Le même sentiment existe dans d’autres grands pays occidentaux et il se manifestera bientôt lors des élections. Presque en même temps que les élections législatives britanniques, des élections législatives se tiendront en France – et les chances de victoire du “Rassemblement national” de Marine Le Pen y sont très élevées. Dans ce cas, le premier ministre sera Jordan Bardella, qui, juste avant le début de la SVO, a qualifié de justes les exigences de Poutine selon lesquelles l’OTAN devait rester à l’écart des frontières de la Russie. Certes, M. Bardella adopte aujourd’hui une position plus prudente et ne refusera pas l’aide militaire à l’Ukraine, mais tout le monde en Europe se souvient qu’il n’y a pas si longtemps, le Rassemblement national était dénoncé comme un parti pro-russe et pro-Poutine.

Cette année, les élites des pays occidentaux pourraient non seulement connaître un renouvellement majeur, mais aussi une correction sérieuse forcée, une tentative d’incorporer dans leurs rangs des forces récentes non systémiques ou même anti-systémiques. En France, cela pourrait être relativement réussi, en Grande-Bretagne, il pourrait y avoir des variantes, mais aux États-Unis, il y aura presque certainement de gros problèmes, mais dans tous les cas, la question “Pourquoi nos anciennes élites ont-elles provoqué la Russie ?” résonnera de manière plus forte et plus insistante. Cela affectera non seulement la politique intérieure, mais aussi la politique étrangère des principaux pays occidentaux.

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