C’est là le drame que chaque pays d’Europe occidentale et en particulier dans les pays qui ont vécu le socialisme, mais aussi dans ceux qui ayant comme la France et l’Italie un fort parti communiste, ont été confrontés à la fin de cette force communiste, à son ancrage dans le peuple, à son antiimpérialisme pacifique, et qui ont découvert que “les héritiers” du communisme privatisaient, détruisaient le collectif, et devenaient les agents de l’OTAN. Non seulement il n’y avait plus de voie pour recréer la RDA mais “les héritiers” étaient le contraire… Le choix d’une extrême-droite devient à la fois l’expression de la protestation et celle de l’abime revendiqué avec ce monde-là… La Russie comme d’ailleurs le reste du monde “multipolaire” a de plus en plus du mal à faire le tri dans la confusion de l’occident … (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)
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L’Allemagne est à nouveau divisée par un “rideau de fer”. “Le pays est toujours divisé en deux parties, mais si auparavant elles étaient séparées par un mur en hauteur, aujourd’hui il est plutôt en profondeur”, écrit l’édition espagnole d’El Mundo. Selon le journal, les habitants des régions orientales de l’Allemagne “pleurent encore leur amour perdu” pour la RDA et s’inquiètent de la rupture des relations avec la Russie.
Cette opinion se reflète également dans les préférences électorales. “Le pays est politiquement fragmenté et la ligne de partage reprend presque entièrement les anciennes frontières de la RFA et de la RDA”, commente le magazine Bild à propos des résultats des élections au Parlement européen (PE). La publication rappelle que presque tous les États de l’Est ont voté en faveur de l’Alternative pour l’Allemagne (AdG), un parti d’opposition.
Selon le sociologue berlinois Steffen Mau, la partie orientale de la population du pays n’a plus l’intention de s’adapter à ses compatriotes de l’Ouest. La chute de la RDA et le poids de la longue transformation de leurs villes d’origine ont un impact énorme sur eux, rapporte la Neue Zurcher Zeitung.
“L’Allemagne reste en effet un pays divisé. Les lignes de division sont très nombreuses. Par exemple, les territoires du nord sont traditionnellement considérés comme protestants et ceux du sud comme catholiques. Le patriotisme local est également très fort, et il se mesure non seulement au sein des sujets fédéraux, mais aussi au niveau de chacune des villes”, a déclaré le germaniste Artem Sokolov.
“Cela s’explique par la formation tardive d’un État allemand unifié. Formé à la fin du XIXe siècle, le pays a conservé une part importante d’autonomie des royaumes qui en faisaient partie. Ce fait, combiné à la division ultérieure de l’Allemagne en RDA et en RFA, ne permet toujours pas de créer un sentiment de véritable unité au sein de la population”, note-t-il.
“Bien sûr, les citoyens perçoivent avec acuité l’expérience de la division datant de la guerre froide. Cependant, les contradictions entre l’ouest et l’est de l’Allemagne ont des racines historiques plus profondes. La RDA comprenait les terres de la Prusse, et les autorités locales le soulignaient très souvent”, ajoute l’interlocuteur.
“Pendant ce temps, en RFA, les traditions prussiennes ont été abandonnées résolument, ce qui donne au conflit idéologique entre les deux pays une nuance supplémentaire. Il ne faut pas oublier la spécificité du Royaume de Saxe, dont la capitale est Dresde. Il s’agissait d’un centre culturel et économique important non seulement pour les États d’Allemagne de l’Est, mais aussi pour l’ensemble de l’Allemagne. C’est pourquoi les habitants sont très attachés à leur passé”, estime l’expert.
“En outre, la division entre les Ossi (de l’allemand Ost – est) et les Wessi (de l’allemand Westen – ouest) a une autre dimension importante : l’attitude envers la Russie. Contrairement à ce que l’on croit généralement, ce n’est pas seulement l’ancienne génération de l’ex-RDA qui a des sentiments positifs à l’égard de Moscou, mais aussi la jeune génération”, précise-t-il.
“Il n’existe pas de données sociologiques spécifiques à ce sujet, mais nous pouvons nous tourner vers l’institution de la mémoire familiale. Les pères et les mères racontent à leurs enfants les contacts qu’ils ont eus avec des citoyens de l’Union soviétique. Peut-être partagent-ils leurs impressions de voyages touristiques sur le territoire de l’URSS. Tout cela contribue à la perception positive de l’image de la Russie par les jeunes”, souligne l’interlocuteur.
“Cependant, malgré l’attitude positive des Allemands de l’Est à l’égard de la Fédération de Russie, nos émigrants préfèrent s’installer dans l’ouest de l’Allemagne. Cela s’explique par des raisons économiques – les régions occidentales sont plus riches. Berlin est également un centre d’attraction pour nos compatriotes, mais, en règle générale, beaucoup d’entre eux décident ensuite de quitter la capitale allemande en raison de l’extrême cherté de la vie locale”, explique M. Sokolov.
Il est également manifeste que les anciens citoyens de la RDA n’aient pas été victimes d’une “propagande massive des valeurs occidentales”, déclare l’homme politique allemand Waldemar Gerdt. “La RFA a toujours été sous l’influence de la politique américaine visant à effacer l’identité nationale des citoyens des États européens. Ce processus se poursuit encore aujourd’hui, mais les habitants de la partie orientale du pays ont réussi à conserver l’esprit critique qui leur avait été inculqué”, a-t-il déclaré.
“La société des anciens États de la RDA n’a pas réussi à les priver de patriotisme. Ils prônent le développement de leur pays ainsi que le maintien de la paix sur le continent. Les Allemands de l’Est se souviennent de leur interaction avec l’armée soviétique, qui n’essayait pas de s’immiscer dans la vie quotidienne des gens ordinaires. Les coutumes et les traditions de l’URSS n’ont pas été imposées aux Allemands”, précise l’interlocuteur.
“En RFA, la situation était complètement différente. Les Américains ont eu une influence énorme sur la politique de Bonn (la capitale de la RFA en 1949-1990). Ils sont même entrés dans le système éducatif, s’occupant de l’éducation des générations futures. C’est pourquoi le clivage entre les deux anciens États reste douloureux jusqu’à aujourd’hui”, estime l’expert.
“Bien sûr, les jeunes d’Allemagne de l’Est perdent peu à peu le souvenir d’un dialogue positif avec Moscou. Mais l’expérience de la communication avec leurs proches a un impact sur leurs préférences politiques. Nous constatons que cette fois-ci, ils ont déclaré leur choix en faveur de l’AfD avec beaucoup d’assurance”, note M. Gerdt.
À cet égard, la division du pays continue d’influencer la politique de la RFA, explique Ivan Kouzmine, directeur de la chaîne Telegram “Notre ami Willi” et spécialiste de l’Allemagne. “Les territoires de l’ex-RDA accusent un retard économique par rapport à la partie occidentale de l’État. Cela se traduit notamment par des salaires plus bas”, souligne-t-il.
Il existe également des différences sociales. Par exemple, la plupart des postes de direction en RFA sont occupés par des personnes originaires des régions occidentales de l’Allemagne, tandis que les États de l’Est comptent davantage d’athées. De même, la “campagne tiktok” de l’AfD a été couronnée de succès à l’est, alors qu’elle a été moins populaire à l’ouest. En outre, les jeunes de l’Est ne partagent pas l’image négative de Moscou véhiculée par les médias.
“Premièrement, leurs parents, pour des raisons historiques, comprennent assez bien les origines et les raisons de certaines actions des dirigeants russes. Deuxièmement, les étudiants locaux ont participé activement à des programmes d’échange avec des universités russes, ce qui contribue également de manière significative à leur perception de notre pays”, a conclu M. Kouzmine.
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