Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le temps de l’auto-critique : Ariane Mnouchkine…

Ce constat est aussi celui de bien des gens de notre génération, nous qui avons dilapidé comme des enfants gâtés, des “courtisans” tout l’héritage de ces millions de morts entassés pour que nous jouissions des temps les plus heureux depuis l’aube de l’humanité : « Macron est bien trop petit pour porter, à lui seul, la totalité du désastre ». Oui il faut payer la note de ce que nous avons enfanté, ce mépris du peuple et de ses souffrances… Elle a raison mais ce n’est pas seulement les “élites” de la culture qui ont perdu la confiance et qui sont en train d’un peu plus la brader c’est cette politicaillerie qui s’imagine que sauver leur siège de députés, leurs postes est vraiment ce qui mobilise le peuple ? Ariane, je me souviens de cette pièce de théâtre sur cet acteur méphisto, qui devenait le visage du nazisme, tandis qu’Hitler prenait la pose devant son miroir… Le mépris que Tu éprouves, tu as la dignité de le retourner contre toi.. Parce que ces politiciens sont trop petits effectivement pour leur attribuer tout le mal… le mal va bien au-delà de leurs volte-faces, de leurs crêpage de chignon et de leur réconciliation quand leur personne est en jeu, on s’étonne qu’ils nous méprisent assez pour croire nous intéresser encore… parce que cet échec, nous avons accepté plus ou moins de les croire, nous avons été incapables de créer plus et mieux en restant proches de ceux qui n’en pouvaient plus… Nous n’avons pas hurlé devant leurs mensonges, leurs opportunismes et leurs compromis… Pourtant nous avions connu une autre génération, d’autres combattants, ils nous avaient tout donné, leur vie et le droit à l’éducation, à la santé, qu’avons nous fait de ces jours heureux qu’ils avaient payés de leur vie, des pitreries, du snobisme digne de notre narcissisme et de nos courtisaneries… (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Ariane Mnouchkine photographiée en 2019.

Ariane Mnouchkine photographiée en 2019.© AFP or licensors

Cher monde de la culture – dans toute votre diversité, dans vos milliers de parcours, vos milliers de visages, figures en pleine lumière comme silhouettes œuvrant dans l’ombre –, quelqu’un s’adresse à vous dans une tribune publiée par le quotidien Libération. Une prise de parole essentielle, sur un ton inédit et précieux. Pas n’importe qui : Ariane Mnouchkine. L’une des vôtres. Une figure tutélaire. Une autorité morale.

Et voici, en substance, ce que cette grande dame du théâtre français, le cœur solidement ancré à gauche, vous dit, comme une aînée s’adresse à ses cadets : la très grave crise politique que traverse la France est aussi la vôtre, et vous n’êtes en rien exemptés du nécessaire travail d’introspection et d’auto-critique auxquels tous les corps de la société doivent se prêter de bonne foi. Et urgemment.

Mephisto. Geschrieben für das Théatre du Soleil nach Klaus Mann ...

« Macron le petit »

« Qu’est-ce qu’on n’a pas fait ? Ou fait que nous n’aurions pas dû faire ? », interroge d’abord la fondatrice du Théâtre du Soleil, aujourd’hui âgée de 85 ans (et toujours très active au sein de ce lieu magnifiquement atypique et humaniste qu’elle a créé en 1964, mais dont elle a beaucoup de mal, soit dit en passant, à transmettre les clés et l’héritage).

Dans les premières lignes de son texte, Ariane Mnouchkine fustige l’attitude d’Emmanuel Macron, et sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale dans l’urgence. Un « geste d’adolescent gâté, plein de fureur, de frustration et d’hubris ». Le chef de l’État « déverse un bidon d’essence sur le feu qui, déjà, couvait. Il met le feu à notre maison, à notre pays, à la France », écrit-t-elle… Avant d’ajouter : « Macron est bien trop petit pour porter, à lui seul, la totalité du désastre ».

Le point essentiel de sa prise de parole arrive alors. « Je nous pense, en partie, responsables, nous, gens de gauche, nous, gens de culture. On a lâché le peuple, on n’a pas voulu écouter les peurs, les angoisses. Quand les gens disaient ce qu’ils voyaient, on leur disait qu’ils se trompaient, qu’ils ne voyaient pas ce qu’ils voyaient. Ce n’était qu’un sentiment trompeur, leur disait-on. Puis, comme ils insistaient, on leur a dit qu’ils étaient des imbéciles, puis, comme ils insistaient de plus belle, on les a traités de salauds ».

Pour tout journaliste s’étant choisi comme spécialité d’écrire sur les disciplines culturelles et les créations qui en émanent (de la littérature au théâtre, du cinéma à la musique), le caractère cinglant des mots d’Ariane Mnouchkine n’a rien d’une surprise. Notre seul étonnement : que personne d’autre (ou presque) n’ait osé s’exprimer publiquement avec une telle franchise auparavant.

On écrit publiquement, car de manière moins formelle, on est certain d’avoir déjà entendu ces mots-là, de manière quasiment aussi crue, dans la bouche de personnalités comme Charles Berling, Agnès Jaoui, Vincent Lindon, Bruno Dumont, Miossec ou encore du regretté Jean-Louis Murat (les premiers noms qui nous viennent à l’esprit, mais évidemment il y en a d’autres…) Dans les faits, depuis des dizaines d’années, des figures du monde culturel ont alerté, et tenu un discours de vérité.

Par ailleurs, personne ne peut ignorer que dans un grand nombre d’institutions (musées, théâtres, festivals…), des milliers de « responsables des publics » ont tenté, vaillamment, de ne laisser aucun spectateur au bord de la route. Mais dans ces mêmes instances, n’a-t-on pas passé trop de temps à débattre des mérites et de la nécessité supposés de l’écriture inclusive, ou du besoin de privilégier les fameuses « mobilités douces » pour accueillir « le public », au lieu de se concentrer sur l’essentiel : les programmations, leur sens, leur vocation ?

« Notre narcissisme, notre sectarisme… »

À travers cette tribune, Ariane Mnouchkine, ne se contentant plus d’alerter, se fait largement plus « transgressive » lorsqu’elle se permet (là encore avec une lucidité qui force le respect) d’interroger le sens des mobilisations qui s’annoncent. Que faire dans les courtes semaines qui nous séparent des deux tours de vote aux législatives ? Continuer à se boucher le nez face aux « salauds » qui votent RN ? Se « contenter » de descendre dans la rue pour faire des marches de gauche, la main sur le cœur ? Comme avant ? Comme en 2002 ?

La dramaturge a clairement un avis radical sur la question, même si ses mots sont mesurés, précisant qu’elle n’est « pas certaine qu’une prise de parole collective des artistes soit utile ou productive », car « une partie de nos concitoyens en ont marre de nous : marre de notre impuissance, de nos peurs, de notre narcissisme, de notre sectarisme, de nos dénis ».

En vérité, écrit un peu plus tôt Ariane Mnouchkine, c’est l’ensemble du monde culturel qui se voit aujourd’hui projeté, contre son gré et sans s’y être assez suffisamment préparé, dans un grave état de « crise morale ». Et les dilemmes, les cas de consciences, vont être nombreux. « Oui, nous allons nous trouver très vite, immédiatement peut-être, devant un dilemme moral : que ferons-nous lorsque nous aurons un ministère de la Culture RN, un ministère de l’Éducation nationale RN, un ministère de la Santé RN ? Un ministère de l’Intérieur RN ? ».

Et de poursuivre : « Je parle du moment où nous risquons de devenir des collaborateurs (…) « Oui, à quel moment doit-on cesser de faire du théâtre sous un gouvernement RN ? » (…) « Concrètement (…), que fait-on à la première loi qui passe et qui restreint arbitrairement les libertés ? A quel moment j’arrête ? Quand décide-t-on de fermer le (Théâtre, ndlr) Soleil ? Ou, au contraire, va-t-on se raconter qu’on résiste de l’intérieur ? », demande-t-elle encore.

Un coup de poing qui ne vous veut que du bien

Une idée pour démarrer, même modestement : faire circuler la tribune d’Ariane Mnouchkine dans tous les lieux de culture. L’imprimer, l’afficher sur les murs, la mettre en discussion. Dans les théâtres, petits et grands, les lieux de musique, les musées, publics ou privés, les productions de films de cinéma, les écoles d’art et d’architecture. Mais aussi dans les couloirs du ministère de la Culture, comme au sein de toutes les commissions spécialisées qui accordent des bourses et des subventions (qu’il s’agisse de soutenir des romanciers, des musiciens ou des troupes de comédiens, au CNC, au CNL, etc).

Lire cette tribune, donc, et accepter de la recevoir comme un coup de poing qui ne vous veut que du bien. En débattre au sein de tous ces lieux, toutes ces instances. Oser admettre que quelque chose a dysfonctionné. Que l’entre-soi, trop souvent, a aveuglé les artistes, les créateurs. Oser parler du mépris social, du dédain qui a trop longtemps servi de pare-feu. Oser, enfin, se dire que le peuple français est libre, sanguin, indocile, fragile et éruptif – et parfois tout cela à la fois –, et qu’il serait grand temps que la majorité des artistes de ce pays regardent cette réalité droit dans les yeux, avec décence, avec humilité.

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3 Commentaires

  • Etoilerouge
    Etoilerouge

    Il y a longtemps que des lois scélérates prises contre les libertés civiles et de pensée ont été prises, votées et s’appliquent. Elles s’appliqueront mieux avec le RN assurément. Lorsque je travaillais j’expliquais que certaines loi étaient identiques à celles prises à la veille d’un conflit. Cela fait des années. Des années que,par mépris du peuple, la liberté de circulation est entravée en France par exemple lors de matches de foot où l’on ns explique doctement qu’un marseillais ne peut côtoyer un parisien! Mépris du peuple ,de ses plaisirs,de ses droits. Déplacement avec jusqu’à aujourd’hui le plan Vigipirate que j’appelle Vigipirate. Depuis 1984 sauf erreur on arrête des trains pour un bagage. Ds les bus aussi. Cet état de fait est la conséquence des très bonnes relations internationales de la France avec le monde non occidental comme ts les pays colonisateurs. Et là aussi mépris du peuple. Le citoyen devient seul responsable de la désorganisation et de la militarisation de la vie conséquence des politiques des gouvernements euro atlantistes. Mais chut silence. Les journaleux bousculés, arrêtés menaces c’est le RN? Non les sociaux démocrates et la droite et ont peu multiplié les exemples que je choisis banals, banal voulant dire habituels,normaux quoi. Les intellectuels? Une poignée ne se st pas vendus, tous les autres comme les élites, cadres , hauts fonctionnaires,commissaires, mépris du peuple et stupidité comme pensée. Dernièrement Toulouse, ville jeune et étudiante, la plus gde librairie,la plus courue vs fait cadeau pour quelques livres achetés de Céline, l’ignoble collabo,antisémite, paraît il génie littéraire! Police de la pensée. Pdt ce temps Aragon dort en coulisses. Le RN a bon dos. Donc Mnouchkine qui fut courtisane de Mitterrand se réveille. Je me souviens de ses attaques contre marchais, contre le socialisme et depuis tant de pays vivent ds la misère l’as t on entendue Ariane. Certes je suis sourd!

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  • Xuan

    Ces intellectuels pourraient s’interroger sur certain revirement au nom de la “liberté”, lorsqu’un compagnon de route s’offrait un show télévisé “vive la crise”!
    Ils devraient se remémorer cette séquence télévisée elle aussi, un soir de Noël, où les époux Ceaucescu était abattus sans sommation pendant une pause de leur “procès”.
    Il devraient s’interroger sur la signification de leur croisade contre le “totalitarisme”, et en quoi elle a fait d’eux des ennemis du peuple.

    Un peuple qu’elle a pris pour des jambons, caricaturés en “Deschiens” loosers.
    Et un peuple qui les assimile maintenant aux grands bourgeois en les appelant tous des “élites”.

    Oui, changez de camp, redescendez sur terre. Le socialisme existe et sa puissance “suproductive” fait trembler le G7.

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  • Falakia
    Falakia

    Réponse a Etoilerouge . En effet il y a eu l’antisėmitisme dans l’affaire Dreyfus et dans les propos et écrits de Céline dont les Nazis s’en réjouissaient .
    Heureusement aujourd’hui des librairies anti fascistes existe et ne publient jamais les livres de Céline .

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