Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Festival de Cannes : le coût de la fête

Faire état des contenus, donner envie d’aller au cinéma ce que fait notre blog ne doit pas masquer l’état réel de la profession, la culture est un secteur sinistré. Le fond en est là aussi la rupture avec les couches populaires et une politique du gouvernement qui va avec cet abandon d’ambition. Si visiblement, à travers son palmarès et sa palme d’or le jury a choisi le cinéma le plus “commercial”, à l’écart des polémiques ce n’est pas un hasard, mais ce manque d’ambition (sans déshonneur pour le palmarès) pèse lourdement sur la remise en cause partout de ceux qui font le spectacle dont la “précarité” s’accroit. Les “saltimbanques” sont aussi depuis toujours des gens qui savent avec la CGT mener un combat. Cannes, une fois de plus a été comme à son origine le lieu d’une véritable contestation trop ignorée et que les Cahiers du cinéma, décidément en train de renouer avec le meilleur de leur histoire, nous racontent … (note de Danielle Bleitrach histoireetsociete)


Cahiers du Cinéma
 / 23mai2024 / Le coût de la fêt

Publié le 26 mai 2024 par Olivia Cooper-Hadjian

Le coût de la fête

« Sous les écrans la dèche » : le slogan a été plus visible que jamais cette année à Cannes, à travers des badges portés par des travailleuses (le féminin l’emporte largement) du festival de Cannes et d’autres manifestations, et autres festivaliers solidaires. Le soir de l’ouverture, il a aussi flotté sur une banderole, finalement arrachée au pied des marches par les gendarmes. Qu’importe, une autre serait brandie quelques jours plus tard pour accueillir Rachida Dati et Dominique Boutonnat sur la Croisette, puis de nouveau ce mardi 21 dans le cadre d’un rassemblement organisé en conjonction avec la CGT, à l’occasion d’un rendez-vous que le collectif des précaires des festivals de cinéma avait obtenu avec les ministères du travail et de la culture, en présence de représentants des différentes sections cannoises et de l’association Carrefour des festivals. Ce rendez-vous d’urgence avait été fixé suite à un appel à la grève lancé en amont de la manifestation, suivi d’une tribune signée à ce jour par 780 cinéastes et autres professionnels du cinéma et publiée dans Libération.

La médiatisation du festival et son importance pour l’industrie en font évidemment un moment clé pour rendre visibles les conditions de travail précaires sur lesquels de tels événements se fondent – voire souvent abusives, en l’absence de convention collective spécifique aux festivals de cinéma. Il s’agissait particulièrement cette année d’attirer l’attention du milieu sur le coup que va porter à ces travailleuses une nouvelle réforme de l’assurance chômage, annoncée pour le 1er juillet. C’est suite à une première réforme, en juin 2019, que le collectif a été créé. En effet, en raison de la courte durée de la plupart des contrats de programmation et d’organisation de festivals, et des rémunérations modestes, les travailleuses de festival ont besoin de l’assurance-chômage pour survivre entre deux missions. La réforme de 2019 a commencé à mettre en péril l’équilibre de tout un secteur : depuis lors, le calcul des indemnités prend en compte les périodes d’inactivité, résultant en des baisses drastiques de revenus. Il va sans dire que le changement du seuil d’ouverture des droits à l’indemnisation, passé de 4 à 6 mois, met également en difficulté de nombreuses personnes qui ne travaillent parfois que quelques semaines à la fois. Suite à la prochaine réforme, il risque de devenir de plus en plus difficile pour les festivals de recruter des professionnelles compétentes et expérimentées. Sauf exceptions, les structures organisatrices de festivals de cinéma n’ont pas la possibilité de rémunérer leurs salariées en cachets, et ceux-ci ne bénéficient donc pas de l’intermittence hors de leurs périodes d’activité.

Mardi, le collectif n’a pas obtenu de la part des ministères l’affiliation des salariées de festivals de cinéma à ce régime, le seul adapté à leur situation. Ils ne proposent pour le moment qu’un accompagnement pour l’élaboration d’une convention collective propre au secteur, renvoyant les structures à la nécessité d’améliorer la rémunération de leurs employées. Mais puisque c’est aussi le ministère de la culture qui finance en partie ces festivals, et que les subventions n’augmentent pas, l’argument se mord la queue. Les employeurs, eux, tendent à exprimer un soutien de façade, qui se traduit cependant trop rarement par des revalorisations des salaires. À cette image, le Festival de Cannes a affiché une solidarité avec le mouvement et mené en parallèle des tentatives d’intimidation (certains badges « Sous les écrans la dèche » ont été confisqués par les agents de sécurité à l’entrée du Palais). Cela n’a pas empêché certaines membres du collectif d’afficher le slogan sur le tapis rouge, stickers collés à même les tenues de soirée, voire même sur le front, pour venir rappeler le coût humain de la grande fête du cinéma.

Olivia Cooper-Hadjian

Vues : 213

Suite de l'article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.