Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Un beau siècle (l’histoire de Taiwan)

Nous avons désormais la chance de pouvoir publier des textes de marxistes chinois, des dossiers historiques comme ici dans lequel nous découvrons l’histoire de Taïwan et la violence massive qui s’y est exercée contre les communistes, et des articles qui concernent l’actualité de la Chine. A mon retour de Corse, nous réfléchirons ensemble sur cette orientation d’histoireetsociete et les contributions diverses de chacun à notre combat collectif contre la propagande xénophobe russophobe, sinophobe et anticommuniste qui est de plus en plus dominante en France. C’est une situation très préoccupante contre laquelle il faut se mobiliser en étant bien conscient du fait qu’il n’existe aucune force politique, aucune presse qui n’ait choisi le consensus de la désinformation qui mène à la guerre. En revanche, au plan international, on assiste à une coordination des efforts en particulier au plan théorique et des recherches, nous allons contribuer à notre manière à ce renouveau, histoire et société a des liens divers avec ces pôles internationaux de coordination exigeants. Cela demande des efforts de tous et la même volonté d’approfondissement et de coopération. (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

7 FÉVR.ÉCRIT PAR LAN BOZHOU (藍博洲)

TRANSLATED BY KEVIN LI

Le Dr Guo Xiucong (à droite, assis dans un camion) lors d’une tournée à Taïwan pour traiter le choléra et promouvoir l’hygiène, avant le 28/02.

Cette traduction de l’interview narrative révolutionnaire de 1987 de Lan Bozhou sur deux survivants de la Terreur blanche offre un regard profondément personnel sur la période de la loi martiale et de la violence anticommuniste de masse à Taïwan. Lan retrace l’histoire du nationalisme et de l’anti-impérialisme chinois – et de sa répression par le KMT – à Taïwan à travers la biographie du Dr Guo Xiucong (郭琇琮), un martyr de la période de la loi martiale à Taïwan.


Présentation de l’éditeur

La défaite de l’armée impériale japonaise lors de la Seconde Guerre mondiale a marqué le retour de Taïwan à la souveraineté chinoise après cinquante ans. Pourtant, la célébration taïwanaise après cinq longues décennies de domination coloniale sera de courte durée : l’île a été rendue à un pays impliqué dans une lutte violente de plusieurs décennies entre le Parti communiste chinois (PCC) et le Kuomintang (KMT, Parti nationaliste). La coopération ténue entre le KMT et le PCC, qui a aidé la Chine à sortir victorieuse de la Seconde Guerre mondiale, s’est rapidement dissoute après le retrait du Japon impérial de la scène mondiale.

La guerre civile chinoise reprit en force en 1945. Cette période de l’histoire chinoise a été marquée par une inflation incontrôlée, la corruption et une série de traités inégaux. Le régime de droite du KMT avait un bilan de plusieurs décennies de mauvaise gestion et de corruption et dirigeait le pays semi-colonisé d’une main de fer. En échange de leur propre sécurité, les responsables du KMT ont essentiellement vendu la souveraineté de leur jeune nation aux États-Unis.

De l’autre côté du détroit de Taïwan, le régime du KMT a planté ses racines corrompues et pourries. Taïwan n’a pas été épargné par la situation économique difficile à laquelle le reste du pays est confronté. Le peuple taïwanais s’est rapidement rendu compte que s’il appartenait à nouveau à son propre pays, il était en fait revenu à une dictature fasciste de droite incapable de répondre aux besoins du peuple. La tension a commencé à monter entre les autorités nationales et provinciales du KMT et le peuple taïwanais, culminant dans ce qui est maintenant connu sous le nom d’« incident 2/28 ».

L’incident 2/28 a commencé le 27 février 1947, lorsqu’un trafiquant de cigarettes en vrac a été appréhendé et battu par les autorités du monopole du tabac. L’étincelle avait enflammé la lutte, et le lendemain, les Taïwanais de tous horizons sont descendus dans la rue pour protester contre le régime du KMT. Il s’en est suivi une série de mesures de répression strictes, qui ont finalement conduit à une déclaration de la loi martiale sur l’île qui a duré 40 ans. La fin de cette période – connue sous le nom de Terreur blanche – en 1987 a marqué l’expansion des libertés individuelles et le début des élections multipartites à Taïwan, actuellement dominées par le KMT et le Parti démocratique progressiste (DPP).

L’incident du 2/28, en tant que symbole de la Terreur blanche, est une pierre de touche de la mémoire politique taïwanaise contemporaine. Pourtant, dans le discours populaire, la mémoire de 2/28 est dominée par son utilisation par les deux partis pour enraciner la démocratie libérale et justifier la poursuite de l’anticommunisme. Ce cadrage dépouille l’incident 2/28 de la lutte plus large à l’échelle de la Chine contre le KMT en faveur des binaires libéraux de la démocratie contre l’autoritarisme et des wàishěngrén (外省人, arrivées affiliées au KMT à Taïwan depuis le continent) contre les běnshěngrén (本省人, migrants chinois du Fujian et Hakka qui peuplaient Taïwan depuis les dynasties Ming et Qing). Peut-être plus important encore, ce récit populaire efface violemment le caractère nationaliste et de classe de la résistance contre le KMT avant et après l’incident du 2/28. Des décennies d’éducation anticommuniste et anti-chinoise ont par conséquent anéanti tout pouvoir de gauche significatif à Taïwan. L’interprétation taïwanaise dominante de l’incident 2/28 sert donc un double objectif. Non seulement elle efface l’héritage de l’organisation communiste généralisée à Taïwan, mais elle s’approprie par la suite l’histoire de la résistance de gauche de Taïwan au service du langage du libéralisme occidental. Cela prend de nombreuses formes, de l’éducation explicitement anticommuniste sous le KMT à une histoire révisionniste anti-chinoise contemporaine transmise par le DPP.

Dans ce contexte, le Collectif Qiao a le plaisir de publier une traduction de « Un beau siècle » de Lan Bozhou. Cet article d’enquête historique a été publié à l’origine dans l’éphémère magazine de gauche Renjian en 1987, quelques semaines seulement après la fin de 40 ans de loi martiale brutale. Lan Bozhou, l’un des premiers journalistes à détailler publiquement l’incident 2/28 dans les médias taïwanais (la nouvelle de l’incident s’était répandue dans toute la Chine continentale au fur et à mesure que les événements se déroulaient), Lan Bozhou dresse le portrait du Dr Guo Xiucong (郭琇琮), un martyr de la période de la Terreur blanche, à travers les souvenirs de sa veuve, Chen Zhihui, et de son compagnon d’armes Cai Hanting, survivants de la même période. En racontant la vie de Guo et de sa famille, les camarades Chen Zhihui et Cai Hanting reconstituent les composantes d’une identité taïwanaise postcoloniale fermement enracinée dans l’héritage du mouvement chinois du 4 mai, du marxisme et du PCC.

Aussi révolutionnaire que soit l’article de Lan, le texte contient des signes douloureux du passé et du présent anticommunistes de Taïwan. Craignant d’être persécutés, les deux personnes interrogées se voient attribuer des pseudonymes. Les références au PCC et au communisme sont minimisées, voire carrément censurées, remplacées par de vagues allusions à une « organisation ». Au cours des trente-sept années qui ont suivi la publication originale de cet article, Lan Bozhou a donné plus de contexte autour de la vie de Guo Xiucong dans d’autres médias écrits et visuels. Notre traduction tente d’être textuellement fidèle à l’œuvre originale, et nous complétons certaines sections par des informations supplémentaires dans les notes de bas de page.

Alors que le DPP et les États-Unis continuent d’attiser les flammes des relations entre les deux rives du détroit, nous encourageons nos lecteurs à étudier attentivement l’histoire politique de Taïwan, une histoire à la fois unique et profondément liée à celle du continent. Pour plus d’informations, nous encourageons les lecteurs à explorer Taïwan : une ressource anti-impérialiste.


Avant-propos

Entre fin février et mi-mars 1947, le peuple taïwanais s’est soulevé contre l’administration de l’officier Chen Yi. Le soulèvement de l’époque de la restauration comprenait non seulement les masses taïwanaises, mais aussi une poignée de jeunes intellectuels taïwanais exceptionnels.

Le soulèvement, après avoir subi une répression violente, s’est terminé par une défaite tragique. Parmi ceux qui ont survécu, de nombreux intellectuels ont lutté dans leur désillusion, mais à travers leur angoisse, ils ont réussi à se frayer un chemin idéologique vers l’avant. Immédiatement, l’incident les a conduits à démanteler et à réexaminer davantage leur patrie, les aspirant dans le tourbillon intellectuel et politique de la guerre civile [chinoise], où ils se sont courageusement engagés dans la lutte ardue pour leur patrie nouvellement renaissante.

En 1950, la guerre de Corée a éclaté et la septième flotte des États-Unis a encerclé le détroit de Taïwan.

Événement international apparemment éloigné du peuple taïwanais, cet incident a eu des conséquences considérables à Taïwan.

Le « monde libre », sous la bannière des Stars and Strips qui s’implantent en Asie, a discrètement mené une purge politique complète, approfondie et résolue qui s’est déroulée tranquillement sur le sol taïwanais.

Le Dr Xu Qiang (许强) de Jiali, Tainan, de la première promotion de l’École de médecine de l’Université impériale de Taihoku (actuellement École nationale de médecine de l’Université de Taïwan), a obtenu son doctorat à l’âge de 27 ans. Les Japonais l’ont félicité, le qualifiant de « premier candidat asiatique au prix Nobel de médecine ».

Wu Sihan de Baihe, Tainan a quitté l’école de médecine de l’Université impériale de Kyoto en secret pour rejoindre la résistance anti-japonaise clandestine en Chine continentale. Après son retour à Taïwan, il a abandonné la médecine pour rejoindre le mouvement ouvrier taïwanais.

Ces deux-là se sont intégrés dans le soulèvement de 1947 par des relations radicalement différentes, et tous deux ont été assassinés pendant la purge de 1950.

Novembre 1950. Le Dr Xu Qiang, Wu Sihan et d’autres sont arrivés à la fin d’un interrogatoire minutieux et prolongé. Ils ont été envoyés devant le tribunal de la loi martiale pour entendre leur condamnation.

Au cours des jours suivants, quatorze personnes ont été condamnées à mort. Parmi eux se trouvait le sujet de cette pièce, Guo Xiucong, dont l’histoire de la vie commencera à prendre forme, morceau par morceau…

Une tombe anonyme de l’histoire

Ces deux derniers mois, j’ai tâtonné dans ces terres désolées, trouvant des vestiges fragmentés, réduits au silence et traumatisés de l’histoire. J’ai ressenti en particulier, à une époque censurée, comment l’histoire divisait la « cour impériale » du « peuple ». Les premiers étaient de faibles tromperies, tandis que les seconds étaient indubitablement puissants dans leur vérité.

Je m’agenouille devant une histoire silencieuse et bâillonnée, mon cœur battant de honte, de remords et de dévotion. Peu à peu, j’ai écouté humblement l’histoire du peuple, une voix puissante dans son profond courage.

Suite à l’appel de Renjian en faveur d’une « histoire populaire » de Taïwan, je, mais à l’âge de 27 ans, il est tombé dans une tombe anonyme de l’histoire, usé par une dissimulation intentionnelle.

Par chance, j’ai fini par suivre les traces d’un groupe extraordinaire de personnes qui, dans leur jeunesse, ont été témoins de la fin de la Seconde Guerre mondiale et de la restauration de Taïwan.1 Ils étaient tous diplômés en médecine de l’impérial Taihoku Université ou d’universités bien connues au Japon ; ils étaient tous des vétérans de la résistance anti-japonaise ; et leurs espoirs de restauration taïwanaise ont été aigries par l’administration Chen Yi et canalisées dans la rage et la rébellion. Ils ont tous participé au soulèvement de février 1947, et ont été témoins dans l’angoisse et la déception de son échec final. À l’époque, au milieu de l’intensité de la guerre civile chinoise, ils ont redécouvert ce qu’il y avait destiné à avoir un pays. En 1950, la guerre de Corée éclate, marquant le début de la grand conflit de puissance entre l’Est et l’Ouest. Dans le cadre d’une purge complète, de jeunes partisans taïwanais et leurs familles ont été pourchassés à terre et tués. Ces jeunes incendiaires, sous le violent cyclone de l’histoire ont ensuite été enterrés profondément sous terre par le rugissement d’un société en pleine croissance. Le passage du temps a continué à éroder leur mémoire et ils ont disparu, apparemment sans laisser de trace.

L’espoir d’une nouvelle identité

Leur résistance anti-japonaise ; étudiant secrètement le chinois vernaculaire (白话文) et le mandarin (普通话) sous domination japonaise ; leur joie en apprenant la capitulation japonaise et le retour de la liberté à Taïwan ; leur rage et leur résistance au régime corrompu de Chen Yi… Moi, écrivain qui n’ai pas encore 30 ans, je vois une idéologie unificatrice soulignant leur résistance : que nous sommes une seule et même chose [本是同根]. Après la répression violente du 2/28, ils restèrent réticents. Qu’est-ce que la Chine ? Qu’est-ce que la mère patrie ? Où va Taïwan à partir de maintenant ? C’étaient des questions lourdes qui pesaient sur leurs cœurs, avides de réponses. Après 1947, alors que la guerre civile chinoise changeait brusquement de cours, ils ont envisagé le rôle de Taïwan dans la complexité infinie de l’histoire chinoise moderne.

Avec leur étude, la brume se dissipa devant leurs yeux. Ils sont arrivés à une nouvelle identité, une découverte de soi qui leur avait donné la réponse et leur avait montré l’espoir et le grand travail à venir. L’avenir de Taïwan, l’avenir de la Chine, ils ont trouvé une réponse claire et résolue.

Pourtant, en 1950, dans le cadre d’une guerre froide naissante, ils ont été capturés et tués lors d’une purge mondiale. Sous la bannière de la « liberté », ils ont été réduits au silence, éradiqués, laissés à pourrir.

En 1948, un an après l’incident du 2/28, les habitants de l’île de Jeju se sont soulevés. Les États-Unis se sont associés au régime de Syngman Rhee pour réprimer violemment et complètement le mouvement, tuant 70 000 personnes.

À mesure que j’approchais de cette époque oubliée, des concepts autrefois clairs comme le jour se sont estompés. « Liberté » et « esclavage » ; « libérateurs » et « massacreurs ». Pourtant, au milieu d’une telle confusion est apparue une idéologie et une histoire vivantes.

De cette tombe anonyme de l’histoire, à ma grande surprise, j’ai trouvé une autre sorte de pouvoir. Sous la menace d’une dissimulation, la vérité a insufflé la vie à l’histoire du peuple.

Ceux qui dénonçaient les meurtres du 2/28 ne faisaient que pelleter plus de terre sur la tombe. Ils se sont appropriés la tombe et ont placé une pierre tombale adaptée à leurs propres besoins, loin du peuple. Ils n’ont pas osé exhumer les souvenirs vivants qui ont constitué l’histoire populaire de Taïwan.

Mon cœur tremblait en m’approchant de la tombe, joignant les mains, m’agenouillant en prière. Cette histoire laissée derrière moi était apparemment sans limite dans ce qu’elle pouvait m’apprendre, enterrée dans la tombe du cœur le plus courageux, le plus altruiste, le plus passionné et le plus pur de Taïwan. En enquêtant sur ces moments de l’histoire, c’était comme si j’avais vaincu ma désillusion et surmonté ma peur. J’ai lavé de leurs noms les sables du temps, et leurs souvenirs ont refait surface. Une nouvelle génération de jeunes taïwanais peut désormais revisiter une histoire bouleversée et trouver en elle-même une nouvelle identité, pleine d’espoir et de vie.

Un champ de linge suspendu

Chen Zhihui (陈至慧) : Je m’appelle Chen Zhihui. En 1950, j’ai été détenu aux côtés du Dr Guo Xiucong, et nous avons tous les deux été envoyés dans un centre de détention militaire.2

J’avais droit à du temps libre une fois par jour. J’inventais l’excuse d’ “utiliser les toilettes” et me dirigeais vers la place où les détenus masculins faisaient sécher leur linge. Chaque jour, je reconnaissais les vêtements de Xiucong et je pêchais à travers le ceinture de ses sous-vêtements pour sa note. Notes de passage en détention militaire, ils vous exécuteraient pour avoir été pris ! Et nous étions là, Xiucong et moi, risquant nos vies pour nous parler. Ce jour-là, il a laissé une courte note de six mots : « Article deux, clause un. Condamnation à mort.”

Le Dr Guo a été puni en vertu de l’article deux, clause un. À ce moment-là, pour cela, la seule route menait à la mort.

J’ai agrippé la note, le cœur serré. Je pouvais à peine rester debout. Mais je suis parti prudemment. En détention militaire, nous avions l’habitude de voir des camarades jeunes condamnés à mort. Après six mois, tôt le matin, nous entendions d’autres prisonniers politiques s’éloigner vers les pelotons d’exécution. Dans leur dernier souffle, ils criaient des slogans de toutes leurs forces. En vérité, je savais dès le début, que le Dr Guo Xiucong n’allait pas s’en sortir. Et pourtant, à ce jour dès que je fis face à cette vérité tellement cruelle, elle m’apporta une douleur insupportable. Cela nuit, je n’ai pas pu dormir parmi les sanglots des 47 personnes qui partageaient ma cellule.

Le lendemain matin, j’ai griffonné sur un petit morceau de papier : « Si je m’en sors ici vivant, j’écrirai l’histoire de votre vie. En 33 petites années, vous avez accompli Ce que les autres n’ont pas pu faire en 50 ans – non, 100 ans. J’ai déjà pensé à un titre : Un beau siècle [japonais : 美しき世紀 ; Chinois : 美好的世纪]. Je suis inquiet c’est un peu ringard, que vous n’aimeriez pas ça.”

Je suis retourné sur la place le lendemain et j’ai trouvé la note de Xiucong : « Ne vous inquiétez pas à propos d’un titre de mauvais goût. Tant que vous écrivez mes idéaux, mes croyances et mes actions, Je peux dormir tranquille !”

Rêver de Schweitzer

Pour autant que je sache, le Dr Guo vient d’une famille de diplômés de l’examen provincial impérial (举人). Le clan Guo, aux côtés les clans Pan et He, étaient trois familles distinguées de Shilin [district, Taipei]. Peu de temps après l’occupation japonaise de Taïwan, le grand-père du Dr Guo Xiucong dirigeait une milice de personnes valides des hommes qui, comme lui, refusaient de devenir des esclaves japonais. Se cachant à Zhishanyan (芝山岩), ils ont tué six enseignants japonais. L’aîné Guo a ensuite caché toute sa famille à Mengjia (艋舺, aujourd’hui Wanhua 万华, Taipei).

Le Dr Guo Xiucong a été influencé dès son plus jeune âge et a grandi avec sentiments nationalistes anti-japonais. Parce que sa famille était aisée, il a pu étudier à l’école primaire de Huashan (桦山小学), une école pour la noblesse japonaise. Après avoir obtenu son diplôme, il est entré au lycée n ° 1 de Taipei (aujourd’hui lycée municipal de Taipei Jianguo). En vertu du Système éducatif colonial japonais, les étudiants taïwanais au lycée n° 1 étaient rares. Ses camarades de classe comprenaient Koo Chen-fu et Lin Tingsheng… des personnes qui ont fait des choix différents et qui ont vécu des circonstances différentes à travers les rebondissements de l’histoire. Imaginez, le Dr Xiucong est décédé il y a près de 40 ans, et ces personnes vivent dans la dignité! Qui a de la chance ? Qui n’a pas de chance ? Laissons l’histoire parler d’elle-même.

Avant l’incident du 2/28, une épidémie de choléra a éclaté dans tout le pays. Le Dr Xiucong a parcouru toute la province pour traiter les patients et promouvoir les pratiques de santé publique. Il s’enfonça profondément dans les montagnes, servir nos compatriotes autochtones en soignant leur maladie et en les initiant à la lecture. Il a gagné leur confiance en tant qu’ami. J’ai travaillé comme son assistant. Je me souviens qu’un jour, il s’est tourné vers moi et a soupiré. “Je voudrais pourrait rester ici dans ces montagnes, et faire ce que Schweitzer avait fait en Afrique !3 Mais non, pas en ces temps chaotiques. Nous devons changer, pour la poursuite de la survie et du respect de soi de tous les Taïwanais. Ce n’est qu’alors que mes souhaits pourront se réaliser. Ce n’est qu’alors que je pourrai servir en tant que médecin dans ces contrées lointaines.

Ô patrie !

Après avoir obtenu son diplôme du lycée n° 1 de Taipei, l’idéologie de Guo Xiucong a été façonnée par l’arrivée du Mouvement du 4 mai à Taïwan. Il était inébranlable dans sa conviction de sauver la Chine grâce à la science et, grâce à son travail acharné, a obtenu son diplôme en tête de sa classe. Il est entré à l’Institut de technologie de Tokyo. Mais son père ne l’a pas soutenu dans ses études d’ingénieur et est même allé lui-même au Japon pour ramener son fils à Taïwan.

Son père lui a dit : « Tu étudies l’ingénierie maintenant, et que feras-tu à l’avenir ? »

Guo Xiucong répondit : « Je retournerai sur le continent et construirai la Chine. Je vais travailler pour le développement scientifique de la Chine !

Son père l’a alors menacé. “Si tu ne reviens pas à Taïwan et que tu ne vas pas à Taïwan l’école de médecine, je te coupe les vivres !”4

Guo Xiucong rit : « Je ne ferai pas d’argent pour toi en tant que médecin ! »

Son père a dit : « C’est à toi de décider, tant que tu reviens à Taïwan pour l’école de médecine ! »

En vérité, le Dr Guo était une personne exceptionnellement douée et brillante, tout ce que son père voulait, c’était que son fils soit à ses côtés. Après un mois d’études au Japon, Guo Xiucong a fait ses valises et est retourné à Taïwan.

De retour à Taïwan, Guo Xiucong est entré au Taihoku College [aujourd’hui l’Université normale nationale de Taïwan]. Au cours de ses trois années d’études, il était un gentleman et un érudit, excellant dans des activités allant de l’équitation à la natation et à l’athlétisme, de la musique à l’idéologie.

En 1942, Guo Xiucong a commencé la faculté de médecine de l’Université impériale de Taihoku. En tant qu’étudiant en médecine, il est devenu nationaliste, ferme dans son identité de Chinois. Cela était dû en grande partie à un certain professeur Xu, qui est arrivé à Taïwan en provenance de l’Université de Pékin.

En 1941, le professeur Xu a été recruté par Mitsui et Mitsubishi pour enseigner le chinois vernaculaire et le mandarin à leurs hommes d’affaires.5 Lorsqu’il n’enseignait pas, le professeur Xu recrutait des jeunes progressistes et nationalistes et leur enseignait le chinois écrit et le mandarin parlé. Il a apporté avec lui la littérature des années 1930, des œuvres d’auteurs tels que Lu Xun, Ba Jin et Lao She.

La Société Synergie (协志会)

Dr. Cai Hanting (蔡汉廷): Je m’appelle Cai Hanting. Dans les années 1950, dans le cadre de l’affaire des étudiants en médecine de l’université de Taïwan, j’ai été arrêté, condamné à 15 ans de prison et j’y ai survécu.

J’ai dû entendre le nom de Guo Xiucong pour la première fois lorsque j’étudiais au lycée n° 1 de Taipei ! Les élèves des classes supérieures parlaient du frère Guo, qui s’était fait un nom dans tout Taipei lorsqu’il était à l’école primaire Huashan, où il avait un jour maudit les fonctionnaires coloniaux japonais lors d’une inspection. Lorsque je suis entré au cours préparatoire de médecine de l’université impériale de Taihoku à Zhishanyan, j’ai enfin eu l’occasion de faire la connaissance de l’homme que j’avais fini par admirer. C’était dans une église presbytérienne près de la gare de Shilin. Sous la direction du pasteur Chen Sizhi, la « Synergy Society » utilisait la musique, y compris le chant et les instruments, pour organiser les étudiants de la région de Shilin.6

Chaque matin, le frère Guo, alors étudiant en médecine à Taihoku Imperial, emmenait sa petite sœur, élève au lycée de jeunes filles n° 3 (actuellement lycée municipal de jeunes filles Zhongshan de Taipei), attendre le train à la gare de Shilin. Chaque fois qu’il portait son chapeau à quatre pointes – symbole de la plus haute distinction pour nous, étudiants – et qu’il se promenait dans les rues de Shilin, les voisins et les badauds lui faisaient des compliments.

En effet, au cours des dernières années de la domination japonaise, parmi les jeunes taïwanais, Guo Xiucong s’est distingué comme le meilleur des meilleurs. Dans la « Synergy Society », il y avait également d’autres jeunes taïwanais idéalistes. Je me souviens d’un camarade de classe nommé He Bin (何斌), un étudiant en médecine qui excellait également en littérature, en philosophie et dans les arts. Résident de l’avenue Shilin, il avait trois années d’avance sur son frère Guo.

Après avoir obtenu son diplôme, He Bin a travaillé comme dermatologue à la NTU. À la suite de l’incident du 2/28, il s’est senti désillusionné, comme tous les jeunes Taïwanais éduqués. La dictature bureaucratique corrompue et violente a brisé son amour pour la mère patrie. Dans son désespoir, il a commencé à réfléchir. Il réfléchit à l’histoire moderne de la Chine et à la guerre civile en cours avant de trouver une nouvelle orientation. S’accrochant à des idéaux ambitieux, He Bin a foncé tête baissée et a quitté Hong Kong pour retourner en Chine continentale à la recherche d’une nouvelle conscience nationale.

Il y avait aussi Jiang Wenkeng (姜文铿), qui a étudié au lycée privé de Taipei [actuellement lycée privé de Taibei [泰北]]. Lui aussi était un idéologue précoce, un jeune progressiste. Hakka du canton de Guanxi, Xinzhu, il a connu la sœur du frère Chen Xiucong par l’intermédiaire de la « Société de synergie » du pasteur Chen. Plus tard, il est entré à la faculté de droit de NTU et a commencé à fréquenter la petite sœur de Chen ? Lors de l’incident 2/28, il a présidé l’Alliance pour l’autodétermination de la NTU et a été arrêté et condamné à 15 ans de prison. Il a passé 15 ans sur l’île verte [colonie pénitentiaire officielle]. Séparée de lui par une grande mer, la petite sœur de Guo a passé ces 15 années dans une solitude prolongée avant de revoir Wenkeng. Aujourd’hui encore, je ne sais pas comment ils vont tous les deux.

Repenser à l’époque où je chantais à la « Synergy Society » me remplit de chaleur et de joie ! Frère Guo et moi avons tous deux chanté en tant que ténor. Vous savez, à l’époque, je n’avais aucune idée de la façon dont frère Guo était devenu si bon en mandarin. Pendant les dernières années de la domination japonaise, frère Guo, l’étudiant impérial de Taihoku, utilisait le mandarin pour chanter Su Wu Mu Yang (苏武牧羊) et Man Jiang Hong (满江红). Ce n’est que plus tard que j’ai appris qu’il avait appris la langue et les caractères de notre patrie sous la direction du professeur Xu depuis 1941.

Un jour, après l’école, je me rendais comme d’habitude à la « Synergy Society » lorsque j’ai entendu quelqu’un dire que le frère Guo avait disparu ! Ils ont dit que c’était parce qu’il était avec le professeur Xu de la mère patrie, et qu’ils parlaient mandarin et acclamaient les « Trois principes du peuple » lorsque la police militaire japonaise les a capturés.7

Frère Guo a été libéré après la restauration. Les tortures japonaises lui avaient brisé les côtes et il a été envoyé à l’hôpital pour y subir une intervention chirurgicale. On lui a enlevé les côtes qui suppuraient et il a fallu deux semaines à l’hôpital pour qu’il se rétablisse.

A cette époque, même si Taïwan avait déjà été récupérée, l’armée japonaise contrôlait toujours Taïwan. Le 10 octobre de cette année-là, la première fête nationale après la restauration, les étudiants de Shilin se sont réunis et ont célébré publiquement la fête nationale.8 C’était la première fois que les compatriotes taïwanais étaient autorisés à célébrer la fête nationale après la fondation de la République par M. Sun Yat-sen. Tout le monde était en extase. Lors de la célébration, j’ai vu le frère Guo diriger la foule pour chanter notre hymne national et l’hymne de notre drapeau national dans son dialecte pékinois parfait et sans accent. Je me suis dit que Guo avait dû suivre une formation spéciale, sinon comment aurait-il pu connaître ces chansons ?

Avant le 2/28, le frère Guo que je connaissais était encore un nationaliste antijaponais…

Shattered Dreams


Every day Taiwanese people, who once welcomed the motherland’s leadership into Taiwan, gradually grew disappointed. The political repression and economic dictatorship brought upon by Chen Yi of the central government had pushed the Taiwanese people to their limits.


Chen Zhihui: Dr. Guo Xiucong had been in prison for three years at the time of restoration. He was freed personally by Colonel Zhang Shide of the Taiwan Branch of the Three Principles Youth Corps.

The KMT knew that Dr. Guo Xiucong knew how to rally the educated youths of Taiwan, and tried their best to recruit him. But he didn’t have political ambitions, and declined, citing his unfinished degree.

After release, Dr. Guo Xiucong went back to school to study for a makeup graduation exam. He passed without a hitch and finished school as a part of the first graduation class of a post-restoration NTU. After graduation, he worked at the NTU hospital as a surgeon, lecturer, and chief of the Taiwanese provincial public health authority’s office of epidemic prevention. By then, Taiwan had been restored for over a year.

Every day Taiwanese people, who once welcomed the motherland’s leadership into Taiwan, gradually grew disappointed. The political repression and economic dictatorship brought upon by Chen Yi of the central government had pushed the Taiwanese people to their limits.

At this time, a ship that arrived in Taiwan from the Mainland brought cholera. Dr. Guo Xiucong occasionally published columns in the paper encouraging vaccination and other sanitary measures.

This must have been when I first met Dr. Guo Xiucong! Before the war, I had studied nutrition in Japan, and paid a lot of attention to the cholera epidemic. It worried me a lot. As a professional and person of character, he was well-respected and admired. I met Dr. Guo Xiucong through Zhang Yuefeng, a high school classmate of mine. At the time, she was coworkers with Dr. Guo Xiucong at the ministry of health.

I still remember our first date at Taipei New Park [presently 228 Peace Park]. That day, we shared with each other our views towards the cholera epidemic and public health. It was also at that time when Dr. Guo Xiucong invited me to join their ranks, which I accepted.

I was so naive back then, I really thought that he wanted me to work with them at the public health authority. I had no idea that the job entailed traveling around the entire province, investigating both medical and social conditions. This even included investigating changes post-228.

Dr. Guo Xiucong had a warm soul and was a profoundly deep person. I think of myself as someone who matured early. When I was in fourth grade, I had already read classics La Dame aux camélias and Jane Eyre, which I had taken from my dad’s bookshelf. Nonetheless, on our dates, I could feel Dr. Guo Xiucong’s growing worries, I felt powerless. I could feel a latent fire growing within, waiting to burst.

Every time we went out on a date, Dr. Guo would hand me a book. The next time we saw each other, like an academic advisor, he would carefully and patiently pick at my brain, dissecting any new insights I had picked up from the reading. I remember that the books were mostly Chinese works from the 1930s, works by authors like Lu Xun, Ba Jin, Lao She, Ding Ling, among others. It was then, under his guidance, when my nationalist consciousness grew.

Dr. Guo Xiucong, who had once traveled all the way to the Keelung Port to welcome our motherland’s leadership into Taiwan, began criticizing Chen Yi’s corrupt, arrogant, bureaucratic dictatorship. In early 1947, before the 228 incident, Dr. Guo Xiucong published an article in the Shin Sheng Daily. He wrote about how he had grown hopeless in the face of Chen Yi’s governance, writing from a nationalist angle, with hopes to reform Taiwanese society democratically.

At that time, Dr. Guo Xiucong’s father, who was high up in the Chang Hwa Bank, grew increasingly anxious regarding his son’s political statements. He worried that his son’s politics would be disastrous for his family; and thus a great rift had formed between father and son.

His father had trouble understanding: their family was rich. They enjoyed status and lived well. How did he produce such an “anti-government” son?

Dr. Guo Xiucong told his father: “The Guo family has a proud tradition of opposing oppressive governments.” He criticized his father’s “obedience and conservatism, worrying only about the needs of the family.” “Didn’t you want me to grow into an accomplished, capable person? Didn’t I listen to you when you told me to study medicine? Father, there are three types of doctors. The first stops at treating illness. The second not only treats illness, but finds the root cause. The third is like Dr. Sun Yat-Sen. He sees the people’s illness, the country’s illness. He’s a doctor who saves our country. That is the kind of doctor I aspire to be.”

This is how Dr. Guo spoke to his father.

2/28

Cai Hanting: I woke up early on the morning of February 28, 1947 and my father told me that the night before at Taiping Ding (Presently, North Yanping Street), the Chen Yi regime killed a woman running a cigarette street stall. Nearby, the people rose up, having endured over a year of rage. They rushed towards the police station and demanded that the killer be tried for execution. My father also told me, it was chaotic outside, and to stay inside if possible.

That day, I had errands to run near the NTU main campus, so I had to go out. I waited an hour for a bus that never arrived, and decided to walk to school instead. Approaching Roosevelt Street, I heard others on the street heading towards the State Monopoly Bureau, petition in hand. Out of curiosity, I joined them.

The petition didn’t have that many signatories (maybe 20-30, who were all neighbors with the cigarette seller). But the employees of the Monopoly Bureau were so scared, they nearly emptied the entire building! With nobody to submit their petition to, the people grew angry, and took a few boxes of tobacco and torched them on the spot.

Later on, the people, led by a wooden two-wheel cart loaded with a large drum as it was pulled along the street. They had taken to the streets in protest. I saw a middle-aged man vigorously beating the drum. He was wearing a white headband, on which he had written “XX PETITION BRIGADE.”

When the march reached the radio station next to New Park, some people suggested that they rush the station building and broadcast news of the incident throughout the entire province. As a result, the spontaneous representatives of the people entered the radio station and explained their demands to the announcer. The announcer had no other option but to broadcast them.

After the broadcast, the march marched towards the regime office via the NTU hospital. At this time, the crowd had grown larger and larger. Of those that had joined the march, many were unemployed. I stood at the edges of the crowd and looked from afar. The people’s representatives had nearly entered the administrative building. The doors then shut, and suddenly we heard the sound of gunfire from the roof sweep through the crowd. A handful of protesters were shot and fell to the ground.

In the plaza, the center of the crowd crouched down; others fled out of fear. I hid behind a tree, my body in a cold sweat. Even after the gunfire subsided, the crowd were too scared to get up.

At this time, I suddenly saw a Jeep emblazoned with American flags approaching, piloted by a young American soldier. I saw a man, around 40-50 years old, signal the Jeep to stop. The Jeep slowed down and inched forward, and they collected the bodies of the wounded and dead before slowly driving off.

I took the chance to run towards the train station. By then, the streets had fallen into chaos. The people would pull over and assault any wàishěngrén passing by. Near the station, I saw an elderly wàishěngrén dressed in a Cheongsam. An angry běnshěngrén called at him to stop, another went and struck him. The old man sank to his knees, begging for forgiveness, and he was let go.

Near the north gate, I saw a man wearing military pants crouching in a gutter holding a dossier. A chill ran down my spine and instead I hurried back home.

That night, I turned on the radio receiver. The police announced a state of martial law in Taipei. But back then, radios were uncommon, and the news didn’t travel quickly. After martial law, from time to time stories about the Chen Yi regime taking advantage of the situation to loot and plunder.

The radio played music all night. I later heard that Dr. Xie E (谢娥), a National Politician on the radio.9 She announced to the public that there had been no gunfire by the central government. She said that the injuries were caused by the large crowd and the subsequent trampling.

The morning of the second day, an enraged crowd surrounded her hospital and demanded that she explain the previous night’s broadcast. Some of the more firebrand members of the crowd took her furniture and other assets and threw them into the street before setting them on fire. On the walls of her home, they hung a large poster that said “This is the end of the corrupt and degenerate officials and their running dogs!” Her neighbors responded immediately, and hung up their own poster, which said “Many thanks to the people, who have punished a toxic insect for us!”

Chen Zhihui: It finally happened. The monopoly office inspector incident ignited the people’s rage, which had built up over a year of suppression. At that time, Dr. Chen Xiucong and I were deeply in love. He would show up at my door and give me updates.

It must have been the day of February 28th. Using connections he had built up as a traveling physician, he quickly called forth our indigenous compatriots from Xindian.10 With a line of banana farmers, workers, and fishermen from Tamsui alongside students from Shilin to join the people in their march. He made preparations to go to militarized zones in the outskirts of town to obtain weapons for a protracted war.

On March 1st, nervous and excited, I accompanied Dr. Guo Xiucong to Shiqiao Tou (presently, an intersection of North Yanping Road and West Chang’an Road). We met up with Wang Tiandeng and Lin Miesheng, among others. We prepared to march towards the regime office to protest. I remember that Mr. Lin Miesheng spoke to Dr. Guo Xiucong in his capacity as the Chair of Humanities at NTU. He told him that we absolutely cannot hurt any innocent wàishěngrén compatriots.

In the afternoon, we arrived at the radio station to link up with Song Feiwo (宋非我). He was born and raised in Taipei City. In his early years, he worked in a mine in Keelung, and participated in the Taiwanese New Drama movement in the 1930s. In 1946, he starred in Walls (壁) and Luohan Fuhui which played at Zhongshan Hall in Taipei City, which led him to his censure and ban from acting. He had a radio program, “Tudi Gong Travels Taiwan,” where he publicly criticized the government, which was well-received by the public. Through his radio program, he called forth the people from across the province, “Unite in our fight!”

That day, along the streets of Taipei, walls were plastered with slogans and fliers. “Down with the Chen Yi Kingdom.” “Wake up, Taiwanese Compatriots! Fight for bread! For freedom! For democracy!” “No compromises, only armed struggle!” “We won’t sit as our compatriots are shot and detained!”

In Taipei, everywhere you looked, there were soldiers, military security guards, and police, all armed. Patrol cars cruised back and forth. We heard the sound of constant gunfire, and blood flowed down the street, glimmering in the sunlight. Students walked out of their classes, factories were on strike, and merchants closed their storefronts. Everything had come to a halt; Taipei was a dead city.

On March 2nd, at 10 am, NTU, Yanping High School, the Law and Commerce College (presently, Taipei City University, the Normal College, and many other high schools convened a student meeting at Zhongshan Hall. There were thousands in attendance. At the meeting, they attacked the rampant corruption in the Chen Yi regime and demanded “political democracy” and “freedom of education.” At the meeting, they produced fliers to pass to city residents and encouraged the people to unite in armed struggle.

Dr. Guo Xiucong saw that Chen Yi was biding time. Dr. Guo believed that victory would only come through armed struggle. And so, he organized a covert meeting, where he assigned Xu Qiang to the student movement and Wu Sihan to organize workers and farmers. He ensured that they all stayed in contact and arm themselves as soon as possible.

At this time, Dr. Guo Xiucong even urged me to organize the female students and form a team of medics to join the front lines. But my father, worried about my safety, forbade me from leaving the house. So I’m not familiar with the specifics of the armed struggle.11


In Taipei, everywhere you looked, there were soldiers, military security guards, and police, all armed. Patrol cars cruised back and forth. We heard the sound of constant gunfire, and blood flowed down the street, glimmering in the sunlight. Students walked out of their classes, factories were on strike, and merchants closed their storefronts. Everything had come to a halt; Taipei was a dead city.


Cai Hanting: Between February 28th and March 4th, Taipei was in constant downpour. Under these conditions, the streets fell quiet. The Organizing Committee held a meeting at Zhongshan Hall and decided to “unite all the people in the province; to reform the political system and address the 228 incident.”12 At this time, the entire province is facing a swarm; governing agencies have been paralyzed. The Taipei Organizing Committee sensed the need to unite the province and immediately decided to notify all 17 province-level cities to form their management committees and deepen their own work.

In the afternoon, a classmate passed on to me an order from the Student Alliance. I was to arrive at an assembly at 6 pm that day. After linking up with classmates there, as a group, we were to be brought to the old hall at the Normal University. There were already hundreds of people seated in the hall, sitting in groups on the floor. It was an orderly meeting. I remember that night it was windy and a little chilly. Suddenly, I saw a person with a handkerchief covering their face, guiding the constant inflow of student brigades streaming into the hall. I recognized the voice as that of brother Guo. We recognized each other at the same time, and he put his index finger over his lips, urging me to keep quiet. To this day, I remember looking past his glasses into his two eyes, glimmering with a mythical light.

Later on, Brother Guo stood at the front of the brigade and with a roaring voice, announced there had been infighting within the Organizing Committee. He shared that some may have compromised with Chen Yi. In response, he said, we must tighten our organizing and strengthen our power and struggle till the end.

That night, our task was to seize the armaments from the police stationed at the southern airport. At Xindian, our indigenous compatriots arrived, bringing with them Japanese swords, hunting rifles, and bamboo poles. Unarmed students took bamboo poles and fashioned them into weapons, sharpening the ends one by one. We had prepared to our fullest and waited for the remaining brigades to arrive before departing. We waited until 4 in the morning, and nobody had come. Brother Guo then resolutely gave the order to retreat, and for everybody to return home.

After that day, I didn’t see the elusive brother Guo for a while.

Chen Zhihui: On March 6th, instigations by vigilantes, led by Detective Lin Dingli, and the loyalist service led by Xu Dehui, Taipei City descended into chaos. Lootings followed assaults one after the other. I didn’t see Dr. Guo Xiucong for several days. Word on the street was that there were large shipments of weapons from Shanghai that arrived in Taipei to suppress the revolt. These rumors, bit by bit, revealed themselves to be true.

My father insisted that I do not leave the house. He said to me, “Look outside, this situation is untenable. If Xiucong shows up, tell him to hide until after things calm down! The organizing committee is on Chen Yi’s hitlist!”

At dinnertime on March 7th, I heard a broadcast from the Organizing Committee’s communications lead, Wang Tiandeng. He reported that the Organizing Committee’s “Handling Outline” and the 42 proposals outlined in the Proposal for Reforms were rejected by Chen Yi and Ke Yuanfen (Chief of Police). At the end, he solemnly called upon all peoples of the province and announced, “the Organizing Committee has completed its mission. From now on, all peoples in the province must unite. Only together can our strength stand tall in the face of oppression!”

But those two days, I heard no news of Dr. Guo Xiucong. I heard he had ordered students to lay low, to avoid pointless martyrdom.

Cai Hanting: On March 8th, the situation had taken a sharp turn for the worse. Military police arrived in Keelung from Fuzhou. The residents of Taipei oscillated between fear and rage. Before the sun had gone down, the streets had gone quiet, and everyone shut their doors and turned off their lights. It was a dead city, though you’d occasionally hear a crying infant.

Around or after 10 pm, the sound of machine gun fire pierced the sky. It came from around Yuanshan, and subsequent sounds of gunfire dispersed into the clouds. We heard no signs of humans. I hid in the dark and dared not sleep. The army really did come, and I was anxious, not knowing what had become of brother Guo or my other comrades.

On the second day, the radio announced martial law once again. Hundreds of unarmed corpses lay before the Yuanshan Armory, all high school students, 18-19 years old…

Chen Zhihui: The 21st Division had arrived. From the 9th onward, Taipei was covered by the sounds of gunfire. The streets were lined with bloodied bodies. Every day, the radio announced new orders from the garrison headquarters: civil servants must return to work. Workers must return to work. Students must return to the classroom. But many of those who left the house never came back. There was an omnipresent melancholy and all-encompassing fear that blanketed the city.

Brother Guo had finally sent a messenger, who told us that he had evacuated by boat to Sanchong.

Depression

Chen Zhihui: Following a suggestion from Professor Xu, throughout this time period Dr. Guo Xiucong organized under the alias Lin Yijun (林逸俊). He kept his face covered and luckily avoided arrest and assassination. Nonetheless, he hid in Sanchong for over a month.

In April of 1947, Dr. Guo Xiucong’s father passed away from a lung illness. Dr. Guo took off his glasses and grew a beard. He also wore a workers uniform, and covertly returned to his family’s home, where almost nobody recognized him. For an entire year afterwards, he roamed throughout with this disguise.

Dr. Guo Xiucong later told me that up until the arrival of the 21st Division, the student brigade only had 50-something guns and very little gunpowder. The Huashan Armory, which they had seized, was low on stock. Considering the massive supply deficit, he knew that if they continued the fight, they would pay an even greater, bloodier price. And so, he ordered all indigenous, worker, peasant, and student brigades into hiding. After March 9th, numerous student leaders were killed, one after the other.

Nowadays, I often think, Dr. Guo must have been remorseful. After the incident, he entered a long ideological depression. Where would Taiwan go? Dr. Guo Xiucong painstakingly contemplated this question…

This was May of 1947. His teacher, Professor Xu introduced him to a person by the last name Cai.13 Undoubtedly, for Dr. Guo, meeting Cai marked another turning point in his life. I’m not clear on the details, but I do know that Cai led him to redefine his understanding of the Chinese’s people’s struggle.14 His heart, on the search for a national consciousness, had found a new home.

After his father’s death, the Guo estate in Shilin, which consisted of 11 mansions, served as a shelter for Guo Xuicong’s friends, who came from all walks of life. The Dr. Guo Xiucong that I knew had few materialistic desires; he looked up to Tolstoy’s compassion. Every holiday, Xiucong’s father provided aid to Shilin’s impoverished. Xiucong once told his father, to his face, “true charity would be to take our family’s property and land, and redistribute it to these people…”

After the both of us were detained, I once passed him a note which read, “I can’t tell you how much I wish that one day, future generations will rename the East Road in Shilin after you.”

Dr. Guo Xiucong chastised me. “Individualist heroism is a worthless ideology, we have to work on our worldviews, Zhihui.”

Mais croyez-le ou non, l’altruiste Xiucong était en fait extrêmement avare. Avant de nous marier, alors que nous sortions encore ensemble, tout ce qu’il apportait était un sac de cacahuètes ou une tige de canne à sucre ! Quand nous allions au cinéma, je devais acheter des billets ! Je n’ai jamais pu comprendre cela. Comment l’héritier de la famille Guo pouvait-il être comme ça ? Une fois, il m’a demandé d’emprunter mon collier. Je lui ai demandé ce qu’il en ferait, et il m’a répondu qu’un de ses amis avait grand besoin d’argent, et qu’il mettrait d’abord le collier en gage et prêterait l’argent à son ami. Après le chèque de paie de son ami, il me le rendait.

Il a réussi à se cacher à Sanchong, évitant ainsi le sommet de la violence. Après son retour à Shilin, le Dr Guo Xiucong a été embauché par le ministère de la Santé. Le ministre de la Santé était le Dr Jing Libin (经利彬), qui était arrivé du continent, auparavant doyen du Peking Union Medical College. Il admirait l’éthique de travail et la passion du Dr Guo Xiucong et l’a chargé de promouvoir la santé et l’assainissement de base dans la région. À l’époque, les gens disaient à Xiucong : « Continuez comme ça, et vous serez le doyen de l’hôpital NTU en un rien de temps ! » Ils ne savaient pas qu’il ne pensait pas à ces poursuites individualistes !

En 1948, le Dr Guo Xiucong a passé un certain temps à l’étranger.15 Il est rentré en Chine rajeuni ! D’une manière ou d’une autre, il a mis encore plus de temps dans son travail, et était plus occupé que jamais ! Le nuage noir de 228 avait été Emporté. J’ai vu dans ses yeux une nouvelle lumière brillante.

« Opéra taïwanais réformé »

À l’époque, le Dr Guo Xiucong et moi, déjà mariés, nous nous rendions souvent dans les quartiers les plus ombragés de Taipei. Nous avons été chargés d’enquêter sur les conditions sociales de Wanhua et de l’hôtel Kang San et de ses environs. Il traversait ces anciennes ruelles presque tous les jours. Peut-être par peur d’être dénoncé, il me demandait de m’habiller en Madame et de l’accompagner. Assis à des stands de nourriture, nous discutions avec les filles qui y travaillaient. Après un certain temps, il a finalement terminé son rapport d’enquête. Il a enquêté sur leurs antécédents familiaux et leurs problèmes de santé, et a présenté une analyse détaillée et approfondie.

Le Dr Guo Xiucong travaillait toujours sur lui-même. Pour améliorer son propre travail, il a appris à parler et à s’habiller comme la classe ouvrière. En peu de temps, il s’est intégré aux autres. Il aimait chanter de la musique folklorique taïwanaise, en particulier des œuvres de Lyu Quansheng (吕泉生). Après la naissance de notre fille, il la berçait dans ses bras avant de se coucher, en lui chantant des berceuses. Il aimait la musique populaire taïwanaise, comme Mayflower (五月花) et He bian chun meng (河边春梦). Je lui ai demandé un jour pourquoi, un intellectuel bien éduqué, il avait choisi de chanter de la musique folklorique simple. Il m’a regardé sévèrement et m’a corrigé. “Ces chansons ne sont pas humbles… Ce sont des chansons aimées par les travailleurs. Si nous voulons travailler avec les gens, nous devons bien sûr aimer leur musique aussi !

Plus tard, le Dr Guo Xiucong a rejoint le Syndicat provincial des travailleurs des postes et des télécommunications de Taïwan. Dans leur école, il utilisait le divertissement pour éduquer les travailleurs. Au cours de l’été 1948, nous avons mis en scène cinq représentations d’une interprétation réformée de l’opéra traditionnel taïwanais, Madame White Snake (白蛇传), au Zhongshan Hall.

Le Dr Guo Xiucong a servi de scénariste et de réalisateur. Le directeur musical était Jiang Wenye (江文也), qui a adapté la musique pour un orchestre avec des instruments chinois et occidentaux. Les acteurs étaient un mélange d’étudiants de la NTU et de travailleurs syndiqués. Je me souviens que le Dr Guo Xiucong a même enseigné la danse folklorique du Jiangxi en utilisant des chansons traditionnelles de cueillette de thé Hakka. La performance d’opéra des cinq travailleurs a fait une brève incision dans les cercles culturels de Taipei. Le Dr Guo Xiucong a ensuite quitté le syndicat après s’être heurté à un professeur de mandarin surnommé Ji, qui était arrivé du continent.

Purger

Cela devait être l’éducation petite-bourgeoise du Dr Guo Xiucong – Cai ne l’a pas amené tout de suite dans le travail clandestin. À cette époque, le gouvernement faisait de son mieux pour courtiser Guo. S’il était une personne normale avec des ambitions normales et égoïstes, aujourd’hui, il pourrait être un vétéran et un politicien expert siégeant au Yuan législatif, à l’âge mûr de 69 ans ! Après une période d’observation attentive, Cai a finalement organisé le Dr Guo pour qu’il fasse du travail.

Les compétences d’organisation actives de Xiucong ainsi que sa réputation existante parmi les masses ont attiré une foule d’étudiants passionnés et idéalistes. Il m’a même amené à présider un club de lecture, où je lisais de vieux auteurs russes, comme Tolstoï, Dostoïevski et Gorki, avec une poignée d’étudiants.

Une nuit de l’automne 1949, alors que nous étions allongés dans notre lit ensemble, pas encore endormis, le Dr Guo Xiucong m’a soudainement dit : « Vous devez vous préparer mentalement, il y aura peut-être un jour où nous serons tous les deux martyrisés. »

En tant que nouvelle mère qui était aussi terriblement ignorante politiquement, c’étaient certainement des mots que je ne voulais pas entendre. Je me suis accroché à notre nouveau-né. Même sous la domination japonaise, je n’avais jamais entendu parler de meurtres pour des raisons idéologiques.

Le Dr Guo Xiucong s’est rendu au bureau et a sorti un exemplaire du livre de Pearl S. Buck, The Patriot. Il s’est tourné vers une section pour que je la lise. Le texte décrivait plus d’une centaine de jeunes patriotes condamnés à mort par le fleuve Yangtze. J’ai alors compris qu’en des temps chaotiques et dans un environnement politique sauvage, c’était effectivement une possibilité…

Cai Hanting : Le 13 mai 1950, les agences de renseignement demandèrent au président de la NTU, Fu Sinian (傅斯年, également romanisé en Fu Ssu-nien) d’organiser une réunion entre les responsables du renseignement et quelques doyens de la faculté de médecine. Fu Sinian accepta et en informa Wei Huoyao (魏火曜), chef de l’hôpital NTU. C’était un samedi et il y avait une réunion prévue entre les directeurs de département. Des agents du renseignement se tenaient devant le bureau du président et attendaient Xu Qiang, président de la médecine interne, Hu Xinlin (胡鑫麟) (le père du violoniste Hu Naiyuan 胡乃元), président du département d’ophtalmologie, et Weng Tingfan (翁庭藩), premier président de la médecine interne…

Xu Qiang et Hu Xinlin ont été détenus dans le salon. Weng Tingfan a dû s’occuper d’affaires familiales et est retourné à Miaoli, évitant temporairement l’arrestation. Les agents des services de renseignement ont d’abord emmené Xu Qiang et d’autres détenus dans un lieu inconnu. J’étais récemment diplômé à l’époque et je venais de commencer à travailler à l’hôpital. Mais parce que j’avais emprunté quelques livres au Dr Xu Qiang, j’ai également été emprisonné. En fait, nous n’avons rien fait, à part lire une poignée de livres interdits politiques et idéologiques.

Chen Zhihui : Politiquement, nous n’étions pas vigilants, et nous n’avait aucune idée que l’appareil de sécurité nous suivait depuis notre représentation de Madame White Snake. Après que le NTU Guangming Daily et le collège de Keelung aient tous deux été reniflés, d’innombrables jeunes aux yeux brillants ont été détenus. Ce n’est qu’alors que le Dr Guo Xiucong et moi avons fui Taipei pour esquiver arrestation.16

Le Dr Guo Xiucong était un tel bourreau de travail ! Nous avions fui pour éviter la persécution, mais partout où il allait, il se connectait à l’organisation locale et continuait travaillant.17 Nous avons passé à travers Taichung, Tainan, Kaohsiung et Lanyang et j’ai visité presque tous les village indigène. Plus tard, notre nouveau-né et le Dr Guo Xiucong ont commencé à me manquer a dû me ramener à Taipei.

Quelqu’un a dû se retourner contre nous. Quand nous sommes rentrés chez nous, cette nuit-là, des agents de renseignement ont encerclé les quatre coins de notre maison. J’ai une fois de plus laissé derrière moi notre nouveau-né de 6 mois, nous nous sommes échappés par un tunnel souterrain dans sa maison. J’ai entendu nos voisins nous couvrir, disant aux espions : « J’ai entendu dire qu’ils étaient allés sur le continent. »

Cai a été arrêté à la fin du mois d’avril 1950. À l’époque, nous n’en avions aucune idée. Ce n’est qu’après avoir été détenus et jetés en prison que j’ai découvert que Cai avait tout avoué. Il a été le premier à dénoncer le Dr Guo Xiucong. Je ne sais pas si le Dr Guo était au courant, et je suis encore moins sûr de la façon dont il prendrait la nouvelle. Son mentor idéologique, son modèle politique l’ont dénoncé ! Comment pourriez-vous expliquer cela ?

Cai Hanting : Cet après-midi-là, nous avons été arrêtés. J’ai rempli les papiers et j’ai remis mes vêtements, ma ceinture et mes chaussures à la police pour une fouille à nu. J’entrai dans la cellule, et derrière moi j’entendis le bruit sourd d’une porte de fer qui se refermait. À ce moment-là, j’étais paralysé par la peur.

Je me suis appuyé contre le mur près de la porte de la cellule. Soudain, j’ai vu un homme sortir d’une cellule étroite, traînant les pieds dans le couloir. Il s’est accroché au mur pour se soutenir alors qu’il boitait lentement pour sortir. J’ai vu du sang couler le long de ses jambes, qui étaient rouges et enflées. C’est là que j’ai vu ces yeux brillants derrière les lunettes.

— Ah ! Frère Guo ! Je n’ai pas pu m’empêcher d’appeler son nom. En silence, ce sont ses yeux dans leur compassion résolue qui ont apporté la paix à mon état de choc. La police l’a escorté dehors, toujours en boitant.

« Assez, c’est assez »

Dans le centre de détention, la cellule de Cai était en diagonale de la nôtre. Lorsqu’il a été appelé pour être interrogé, presque tous les détenus l’ont hué alors qu’il passait devant leurs cellules. Mais pas Frère Guo. Il ne montra aucune trace de méchanceté envers Cai. Non seulement il a refusé de maudire Cai, contrairement au reste d’entre nous, mais il m’a même dit une fois que Cai était la personne qu’il respectait le plus dans ce monde.

Après sa détention, Cai a dénoncé toute l’organisation, ce qui a conduit à l’apogée des purges des années 1950. Lorsque les révolutionnaires deviennent des traîtres, le peuple ne les regardera plus jamais de la même manière. Mais Frère Guo voyait toujours le meilleur chez les gens, même les mouchards. Je n’ai jamais compris comment il regardait Cai, un homme haï jusqu’à l’os par tant d’entre nous, avec tant de pardon et de respect. Un personnage d’une telle générosité ! Cai a donné d’innombrables vies patriotiques précieuses en échange d’un poste de premier plan dans le bureau du renseignement, et n’est décédé que récemment.

Il y avait un schéma clair, chaque fois que Cai quittait l’interrogatoire, un nouveau groupe de camarades était emprisonné. Même Frère Guo atteignait sa limite. Un jour, alors que Cai était escorté dehors, alors qu’il passait devant la cellule que nous partagions, Frère Guo prit la parole : « Frère Cai, n’en dis pas plus, trop c’est trop…

One day, Brother Guo suddenly turned to me and laughed, “It all makes sense to me now. This time, I think I’ve met my match. All you all did was read a few books, you should be out of here in a few months! But me, I’ve already lived an extra seven years. I should have died at the hands of the Japanese military police. I got lucky, that’s all. It’s unfortunate though, I wish I could have lived a few more years, done some more work. There’s so much to be done!”

Later, the central government offered him to confess to the entire province in exchange for a second chance.18 They tempted him with a cushy official job, and even brought up Chen Duxiu as an example. They told him, a petit bourgeois guy like him would surely be criticized and fall from grace one day. But Brother Guo stood resolute, unwavering.

In the end, Brother Guo, Xu Qiang and other core leadership were sent to the Green Island military court, and I never saw him again.


I’ve already lived an extra seven years. I should have died at the hands of the Japanese military police. I got lucky, that’s all. It’s unfortunate though, I wish I could have lived a few more years, done some more work. There’s so much to be done!


Bloodstained Gold

Chen Zhihui: We were hiding in Chiayi at a friend’s house in May of that year. It was the night of May 2nd! After the lights went out, the police knocked on the door with the butt of their rifle, and pulled us out of bed. Our friends, the Xu brothers, were both graduates of the NTU Faculty of Law. Later on they were both shot dead.

That night we were taken to the detention center in Yanping Road in Taipei. Shortly after jailing him, they cuffed together Dr. Guo Xiucong’s legs together with 11-pound cuffs. I couldn’t take it. He would occasionally pass me notes to keep me comforted.

It was only later on that I found out that we had escaped Shilin by a thread. The police searched the entire nearly 18,000 square foot estate. My father was forcibly taken in for questioning, and my younger brother was taken to Taichung to search for us. My father was locked up for three months, where they pressured him for our whereabouts and travel history. After Dr. Guo Xiucong and I were detained.

A few degenerate officers tried to extort my father, saying they had to call three different people to get him out. Each call would cost 20 bars of gold. He believed them and sent 60 bars before they left him out.

After Dr. Guo Xiucong, my loving husband, was sentenced to death, the same lowlifes approached me. They said that they could save Xiucong’s life in exchange for 80 bars of gold. My father knew that it was a scam, but out of desperation for his son-in-law he sold 4 buildings and paid them off, but Xiucong’s fate was already sealed.

Be Brave and Live On

Chen Zhihui: It was four or five in the morning on November 28th, 1950. Shouts and political slogans roared throughout the prison cells. The detention rooms, normally dead silent, flared up in rage.

I was crowded in a cell and peered through the tiny window. The sky yearned to be clear. I had already lost my mind. I knew that it was the last cry of Brother Xiucong and his comrades, Xu Qiang and Wu Sihan.

The day before their execution, in the laundry field I received Xiucong’s last note. On a tiny strip of paper, he wrote a few short words.

“Zhihui, take care of mom and dad. Please have me cremated, and spread my ashes across this land. Maybe it will help someone grow ong choy one day! Please, be brave, and live on…”


  1. Chinese: 光复 (restoration, retrocession, return) arrow_upward
  2. When published, this article changed the names of the interviewees. Her real name, which is used openly in other texts/interviews, is Lin Xuejiao (林雪娇). arrow_upward
  3. Referring to Albert Schweitzer, Alsatian physician and theologist. arrow_upward
  4. Guo Xiucong, alongside many of his Taiwanese comrades, were trained as medical doctors. In a later interview, Lan Bozhou explained that in Japanese-occupied Taiwan, local Taiwanese faced intense job discrimination. Medicine was one of the few professions accessible by the Taiwanese population. And thus, the young vanguard of the anti-Japanese and anti-KMT resistance largely consisted of medical doctors. arrow_upward
  5. As Lan Bozhou explains in a 2023 interview, as the Japanese Empire expanded across Asia, they needed to train and teach Mandarin to a colonial civil service in Southern China and Southeast Asia. arrow_upward
  6. Lan Bozhou in a later piece emphasizes that the Synergy Society was founded by He Bin as a youth organized aimed at promoting local Han Taiwanese culture. It was organized under the context of the Japanese-directed kōminka (皇民化, lit. “becoming subjects of the emperor”) movement in Taiwan, which aimed to fully convert colonial subjects in Japanese-occupied territories such as Korea and Taiwan into Japanese citizens. This included the adoption of Japanese names, customs, and the renunciation of one’s ancestors and heritage. Many of Taiwan’s past and present leadership, such as Lee Teng-hui and Tsai Ing-wen hail from families who have undergone this procedure.

    He Bin and later on, Guo Xiucong, used Synergy Society to promote local Taiwanese culture and resistance to the Japanese regime during amidst the kōminka movement. They did this through the use of the arts, promoting local Chinese music in botMandarin and Minnan dialects. In addition to cultural work, the Synergy Society also hosted more overtly political activity. Guo Xiucong and other core leadership of the Synergy Society covertly studied Dr. Sun Yat-sen’s Three Principles of the People. They were ardent believers in several key elements of the Three Principles, including land reform, limits on Capital, and anti-imperialist resistance.

    Following the restoration of Taiwan, the Synergy Society’s organizing activities reached a new apex. It transformed into a site of political education, Mandarin lessons, and political music and art. Guo Xiucong was heavily involved in these activities, which including teaching Shilin resident’s the ROC national anthem as well as March of the Volunteers, an anti-Japanese song written during the WWII and later became the national anthem of the PRC. arrow_upward
  7. Lan Bozhou later clarifies that his arrest occurred after the US enters WWII, and was preparing for armed resistance once Chinese troops reached Taiwan. The Japanese military police arrested Guo Xiucong, Cai Zhongru, and many other anti-Japanese student leaders for their research of Chinese literature, study of Mandarin, and other anti-Japanese activities.

    In 1943, after the IJA retreated from Southeast Asian, Japan ramped up its recruitment of infantry from Taiwan, an important line of defense for the Japanese empire. In January 1944, the Japanese authorities in Taiwan began to actively encourage Taiwanese subjects on the island to adopt Japanese surnames, signifying the peak of the kōminka movement. At the same time, Allied forces were also bombing Taiwan. arrow_upward
  8. As Japanese occupation came to a close, the details of their surveillance over anti-Japanese activity in secondary and post-secondary schools were revealed to the public. Per Lan Bozhou, this led to (1) rapid expansion of student organizing and (2) the widespread recognition of Guo Xiucong as a student leader. Guo Xiucong and the Synergy Society organized the first celebration of the Double 10 National Day in Taiwan. arrow_upward
  9. Guo’s contemporary. Alongside Guo, she was a physician who developed a Chinese nationalist consciousness — studying Mandarin, etc. arrow_upward
  10. Refers to the Taiwanese yuánzhùmín (台湾原住民, lit. “original peoples of Taiwan”). See Notes on Terminology #3 in Taiwan: An Anti-Imperialist Resource for more information. arrow_upward
  11. On March 4th, underground CPC member Li Zhongzhi (李忠志) organized a cohort of former prisoners of the Japanese occupation, including Guo Xiucong. Organizing through universities including NTU main campus, the Normal College, the NTU College of Business, Yanping College, they created three squadrons, of which Guo Xiucong commanded the second, which assembled at the Normal College. On March 5th at 2AM, the third squadron led by Li Zhongzhi consisting of Atayal fighters stormed the Jingwei Military Armory, taking it over with relative ease. They then joined the second squadron and attacked the Machangding Armory. The two squadrons had assembled a sizeable collection of weapons, and proceeded to attack nearby military and police stations. At dawn, the three squadrons marched on the Central Administrative Office. arrow_upward
  12. Beginning on March 1st, the 228 struggle was conducted on two fronts. The first front consisted of the Organizing Committee meeting at Zhongshan hall, which was consisted primarily of the local gentry and people’s representatives. The second, in response to the inaction of the Organizing Committee, began preparing the public for an armed struggle. At the heart of the armed was the Taiwan Working Group of the Communist Party of China, at that time an underground organization, which was tasked with supplying weaponry to the resistance. arrow_upward
  13. Refers to Cai Xiaoqian (蔡孝乾) (1906-1982), then-Taiwan Provincial Secretary of the Communist Party of China. Born under Japanese occupation, Cai Xiaoqian participated in left-wing organizing in Taiwan and was an early member of the CPC Youth League and Taiwanese Communist Party. After the Taiwanese Communist Party was broken up by Japanese authorities, he joined the Communist Party of China, and was the lone Taiwanese participant in the Long March. He returned to Taiwan in 1946 and served as an organizer of the underground CPC. He is referred to solely by his last name in the text. arrow_upward
  14. Even prior to 228, the Taiwan Working Committee of the CPC had already been eyeing Guo Xiucong. The underground party secretary, Liao Ruifa (廖瑞发), a survivor of leprosy, approached the Guo household one afternoon with a box of cash disguised as a cake. Guo was away at work at the time. Liao bet that Guo Xiucong, as a man of principle, would be unable to accept such a bribe, and personally hand-delivered the package, unopened, back to Liao that night. Liao used the opportunity to recruit Guo Xiucong into the CPC. Guo Xiucong, at Liao’s invitation, formally joined the Communist Party of China in June of 1947, where he led various youth groups. arrow_upward
  15. Dans une interview ultérieure, Lan Bozhou précise que cela fait référence à un voyage que Guo a Xiucong s’est rendu à Hong Kong, où il a rencontré d’autres organisateurs clés du PCC. C’était à Hong Kong où Guo Xiucong a assisté à une projection de La Fille aux cheveux blancs (白毛女), l’inspirant à utiliser les arts pour favoriser l’éducation politique à son retour à Taïwan. arrow_upward
  16. En octobre, Guo Xiucong conspira avec Lin Qiuxing (林秋兴) pour apporter une de Taïwan à Hong Kong, où elle serait transportée à la Continent. Avant de quitter le port de Keelung, Lin Qiuxing a été attrapé et arrêté avant le départ. arrow_upward
  17. Alors que Guo Xiucong échappait aux autorités du KMT à Taïwan, il a continué à s’organiser avec le PCC. Il a fondé le groupe de travail Lanyang lors de son voyage à travers Yilan et Luodong. arrow_upward
  18. Les autorités auraient exigé que Guo Xiucong avoue dans une pour une seconde chance, démontrant le niveau d’influence Guo Xiucong avait le dessus sur le peuple de Taïwan à l’époque. arrow_upward

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1 Commentaire

  • Martine Garcin
    Martine Garcin

    « La guerre, à nouveau le recours des grandes puissances » contre « la désintégration du monde économique libéral ». C’est encore la presse patronale qui nous rappelle, à la une du NE du 17 mai 2024, quelques vérités oubliées par la presse dite de gauche. D’autres éléments d’analyse sont bien sûr contestables, mais ce qui est dit là est essentiel. Quelques articles échappent encore au « consensus de la désinformation » évoqué avec raison par Danielle Bleitrach.

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