Face à la “réunion” du secteur international du PCF, j’ai réagi en tant qu’électrice communiste en m’étonnant que la direction du PCF à la veille d’une élection européenne prenne le risque d’une provocation face à une partie de son électorat que son “atlantisme” ne peut que choquer… Mais des militants et cadres du PCF mettent en cause avec beaucoup de pertinence les limites du dernier congrès qui faute d’avoir donné aux questions internationales l’importance nécessaire se retrouvent avec un parti qui n’a pas de cohérence sur ces questions et loin de baisser les bras se préoccupent de créer les conditions d’un approfondissement. A ce titre, voici donc la réflexion critique de Jean-Paul Legrand. Ainsi que l’annonce d’une conférence vidéo sur le sujet. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
RÉFLEXION CRITIQUE SUR LA SITUATION INTERNATIONALE ET LE PCF par Jean-Paul Legrand
Un congrès qui n’a pas vraiment travaillé une analyse marxiste de la situation internationale donne un parti qui n’a pas une compréhension cohérente et suffisante relevant les contradictions en cours du mouvement du monde.
L’impérialisme tente de démolir tous les acquis progressistes partout dans le monde et surtout de détruire toutes les expériences de construction de sociétés socialistes. Depuis 30 ans le PCF n’a fait aucune analyse sérieuse de ce qui se passait en Chine et en Russie, ni de son propre échec de la stratégie développée en France ces 40 dernières années qui l’ont conduit au bord du gouffre de la disparition même si fort heureusement les éléments progressistes et révolutionnaires du parti ont évité le pire en rejetant l’orientation que voulaient imposer les huistes-laurentistes en 2018.
L’impérialisme américain est en train de perdre progressivement son hégémonie économique tout en maintenant son arsenal nucléaire et son contrôle de l’information pour tenter d’imposer par la force militaire et idéologique sa dictature sur les peuples. Mais l’arsenal russe et la puissance économique chinoise font que les Etats-Unis ne peuvent pas agir à leur guise, sans compter l’émergence de l’organisation des BRICS qui peut jouer un rôle de frein aux visées de l’hégémonie de l’impérialisme.
Les pays d’Afrique se tournent de plus en plus vers la Chine et la Russie qui quoi qu’en disent les idéologues des bourgeoisies occidentales n’ont pas le même comportement que les ex-colonisateurs, et l’Inde aspire à devenir une très grande puissance tenant compte de ses progrès technologiques et de sa nombreuse population.
Le monde n’est plus du tout, dans les faits, un monde bi-polaire partagé en deux sphères d’influence, il est d’une part composé de plusieurs sphères qui s’organisent face au bloc impérialiste de façon multipolaire entre des systèmes aux modes de production divers et d’autre part les pays de l’Otan dont la politique est de plus en plus rejetée par le reste du monde.
Une telle vision à mon avis n’est pas loin de la réalité mais il ne me semble pas que le PCF porte celle-ci. Ainsi le PCF ne s’est jamais vraiment interrogé sur le fait que les critiques du PC chinois à l’égard du PC de l’URSS avaient sans doute beaucoup de pertinence et que la réflexion des communistes chinois a permis d’éviter que l’impérialisme agisse à l’intérieur de leur propre pays pour en saper le pouvoir avec un parti communiste qui a consacré d’énormes efforts au développement des forces productives et à un bond qualitatif gigantesque pour l’amélioration des conditions de vie d’un milliard 400 millions d’individus, un défi colossal quant on se souvient de ce qu’était la Chine entre 1949 et 1980.
Même si le PCF est la seule organisation politique dans laquelle agissent des progressistes et des marxistes conséquents qui ne font pas que théoriser mais transforment la théorie en actes militants, pour le moment, de mon point de vue, on ne trouve pas une réflexion marxiste cohérente et critique sur le mouvement du monde au sein du conseil national du PCF à la hauteur de ce qui se transforme rapidement dans tous les modes de production dans le monde et cela est bien préoccupant.
La dernière intervention de Fabien Roussel sur la situation internationale me laisse assez dubitatif quant à l’analyse qu’elle développe même si on ne peut que partager les objectifs de relations de coopération et de paix dans le monde. Mais ce qui me pose question c’est de ne pas qualifier l’impérialisme américain comme le principal responsable des dominations actuelles qui a provoqué et conduit à des réactions nationalistes qui sont de mon point de vue, qu’on le veuille ou non, des oppositions politiques en contradiction avec cet impérialisme mais qui mènent et mèneront à des impasses si les peuples ne construisent pas leurs propres voies au socialisme. Je reste très insatisfait de la faiblesse de l’analyse de l’impérialisme américain dont la puissance militaire reste hégémonique mais dont la puissance économique est de plus en plus contestée et mise à mal par son propre exercice destructeur sur les autres nations.
Il appartient à chaque communiste de travailler, de se documenter et de réfléchir par lui-même, mais aussi de participer à une élaboration collective d’une pensée marxiste critique afin de secouer les vieilles idées qui correspondent à l’ancien monde et qui cachent la naissance d’un monde dans lequel l’impérialisme qui commence à être en grande difficulté pourrait utiliser dans son nihilisme de toute éthique humaniste l’arme atomique (comme il l’a déjà fait) pour empêcher l’émergence d’un monde de paix et de coopération qui commencerait à remettre en cause partout le capitalisme.
Jean-Paul LEGRAND
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