Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Entretien avec Boris Litvinov, dirigeant communiste de Donetsk, à l’occasion du 10e anniversaire de la République populaire de Donetsk

Au titre de cette réalité que le politico-médiatique se refuse à concevoir, ce qui va avec tous les mensonges dont on continue à nous bercer: la nécessité de voir la vertu et la démocratie triompher avec la marionnette de l’OTAN, la possibilité de jouer l’OTAN et sa victoire en même temps que la négociation diplomatique, la manière de transformer une bande de mercenaires d’Azov qui ont massacré dans le Donbass en héros de la démocratie, un régime dont la corruption devient de plus en plus grotesque toute cette propagande infâme, la même qui nous a été servie partout par les Gluksmann au nom de la gauche et dont on se demande par quel opportunisme, lâcheté on continue à censurer les communistes russes, ceux du Donbass, ceux de Moldavie pour mieux prétendre sauver le conseiller d’arrondissement communiste dans une liste municipale… à Paris ou dans une province soumise aux mêmes contraintes de feindre croire à la propagande… C’est stupide parce que si une position plus courageuse avait été prise elle n’aurait en rien freiné les unions locales, mais quel besoin a-t-on d’un atlantisme supplémentaire, d’une lâcheté de plus? Pourquoi avoir choisi la censure et le mensonge ? Alors même que notre étroitesse provinciale atlantiste nous empêche de mensurer ce qui est déjà en train de conditionner la transformation du monde. (note de Danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop)

https://kprf.ru/dep/gosduma/activities/225466.html

Il y a dix ans, le 7 avril 2014, la souveraineté de l’État de la République populaire de Donetsk a été proclamée. Une nouvelle page de l’histoire du Donbass, de la Russie et du monde entier s’ouvrait. Boris Litvinov, l’un des organisateurs du mouvement pour l’autodétermination du Donbass, auteur de l’Acte et de la Déclaration d’indépendance de la DNR, ancien président du Conseil suprême de la DNR, chef de la faction KPRF au sein du Conseil populaire de la République populaire de Donetsk et dirigeant des communistes de Donetsk, partage ses souvenirs sur la manière dont les événements se sont déroulés.

– Boris Alekseevich, la situation dans la région de Donetsk au début du mois d’avril 2014 peut difficilement être qualifiée de calme. Et pourtant, qu’est-ce qui a exactement motivé les événements ultérieurs qui ont joué un rôle clé dans son destin ?

– Le 6 avril, un dimanche, un grand rassemblement a été organisé sur la place Lénine à Donetsk, auquel ont participé des représentants de la grande majorité des villes et des districts de la région de Donetsk, des partis politiques et des organisations publiques. Nous avons insisté pour rencontrer le chef de l’administration régionale et les députés du conseil régional. Naturellement, personne n’est venu, qui sait ce que les gens auraient encore réclamé ? Les participants à la réunion ont alors décidé de se rendre au bâtiment du conseil régional, d’y entrer et d’y attendre le début de la session du conseil régional qui, selon notre demande, devait se tenir le lundi. La police n’a d’ailleurs pas fait obstacle à notre entrée. Nous – environ 300 personnes – nous sommes rendus dans la salle des sessions, nous nous sommes assis sur les chaises en scandant “Hurrah-urrah-urrah !” Vers la fin de la soirée, le groupe qui avait assumé le rôle d’organisateur de la manifestation populaire s’est demandé ce qu’il fallait faire si les députés ne se réunissaient pas pour leur séance du lendemain. Il était impossible de temporiser et nous avons décidé de prendre en main le sort de la population de notre région. Il fallait préparer les documents nécessaires. Les membres du groupe de pilotage ont commencé à exprimer leur opinion sur l’éventuelle création d’un nouvel État, en dehors de l’Ukraine. J’ai écouté attentivement les différentes propositions, j’ai pris des notes, j’ai suggéré de construire ce nouvel État sur la base des principes du pouvoir populaire, des principes socialistes, en alliance avec les peuples frères qui faisaient autrefois partie de l’URSS. Presque toutes les personnes présentes étaient d’accord pour un tel État. J’ai été chargé de rédiger dans la matinée l’Acte de proclamation de la République souveraine, la Déclaration des principes fondamentaux du nouvel État et la Décision du Congrès des représentants des collectivités territoriales, des partis politiques et des organisations publiques. En une nuit, les documents fondamentaux du nouvel État – la République populaire de Donetsk – ont donc été créés.

Comme nous nous y attendions, à 12 heures, seules cinq personnes sont venues parmi les députés du conseil régional, dont quatre étaient des communistes. Nous avons imprimé et distribué les documents préparés, procédé à l’enregistrement des personnes présentes, qui représentaient d’ailleurs presque toutes les unités administratives et territoriales. Mais des partis politiques, il y avait seulement des représentants du Parti communiste d’Ukraine, mais ce n’était pas une décision des organes directeurs du Parti communiste d’Ukraine, c’était une décision individuelle des communistes qui participaient au soulèvement populaire. En outre, la direction régionale du parti communiste a exprimé des critiques quant à ma participation active et à celle d’autres communistes à ce processus.

Il faisait sombre dans la salle – seules deux ou trois ampoules étaient allumées, il n’y avait pas de sono. Heureusement, nous avons trouvé un mégaphone. Nous avons chargé Vladimir Makovitch de lire la Déclaration et l’Acte – il n’était ni politicien ni militant, il se trouvait simplement au cœur de l’action au moment de la révolution. J’ai été chargé de lire la décision de reconnaître l’Acte et la Déclaration de souveraineté. On m’a confié cette tâche parce que je l’avais rédigée moi-même et qu’en cas de problème, je pouvais donner les explications nécessaires, et il fallait organiser le vote sur le projet de documents….

À ce moment, 5 à 6 000 personnes se trouvaient sur la place devant le siège du gouvernement, ne pouvant tout simplement pas entrer dans le bâtiment. Beaucoup d’entre elles avaient dormi sur place. Vers 13 heures, nous nous sommes rendus sur la place et avons lu les documents adoptés. Les gens étaient enthousiastes quant à nos décisions, en particulier en ce qui concernait l’organisation du référendum le 11 mai.

– Pourquoi cette date a-t-elle été choisie ?

– Il était évident que nous ne pouvions pas l’organiser plus tôt que le 11 mai. Mais il était impossible de reporter le référendum à une date ultérieure. Le lendemain, huit co-présidents du gouvernement de la DNR ont été élus, dont Andrei Pourguine, Denis Poushiline, Igor Khakimzyanov, moi-même en tant qu’auteur des documents adoptés, et plusieurs autres personnes. Nous nous sommes répartis les pouvoirs, mais notre tâche la plus importante était d’organiser le référendum. J’ai été chargé de me concentrer sur les préparatifs de l’organisation de l’expression de la volonté du peuple. J’avais de l’expérience, j’ai commencé à constituer une équipe. Et les structures survivantes du parti communiste m’ont soutenu.

Peu avant la date du référendum, les autorités de Kiev ont décidé d’organiser des élections présidentielles le 25 mai. On nous a proposé de faire coïncider notre référendum avec cette date. Nous n’avons pas accepté. En effet, si l’élection présidentielle et notre référendum avaient lieu le même jour, personne ne prêterait attention à notre référendum. Et le fait que l’élection présidentielle ukrainienne ait lieu sur le territoire de la région, même avec un résultat négatif, leur permettrait de revendiquer la légitimité de l’élection présidentielle et de nous considérer comme un sujet ukrainien. Par conséquent, bien que le président de la Fédération de Russie, V.V. Poutine, nous ait demandé de reporter la date du référendum du 11 au 25 mai, nous n’avons pas pu l’accepter.

– Quelles questions ont été posées lors du référendum ?

– Il y avait une seule question : “Soutenez-vous la décision de déclarer l’indépendance de la République populaire de Donetsk ? Il fallait répondre OUI ou NON. Au départ, nous pensions poser sept ou huit questions, puis leur nombre a été réduit, mais même si nous avions laissé deux questions, elles auraient pu recevoir des réponses contradictoires. Nous devions obtenir de nos concitoyens une réponse sans ambiguïté : s’ils sont “pour” ou “contre” la souveraineté. Tout le reste découle de cette réponse. Après de vives discussions, j’ai réussi à convaincre les membres du gouvernement provisoire qu’une seule question devait être soumise au référendum : être ou ne pas être une république.

– Quels fonds ont été utilisés pour l’organiser dans la République populaire de Donetsk ?

– C’était l’une des questions les plus difficiles. Nous avons fait une estimation. Mais il n’y avait pas d’argent ! Nous ne pouvions compter que sur le soutien de la population, sur les fonds du peuple. Les gens nous ont apporté de l’argent. Mais c’était trop peu. Un hasard nous a aidés. Nous avons trouvé 15 tonnes de papier dans les sous-sols de l’administration. Ensuite, nous en avons trouvé environ 5 à 7 tonnes dans le bureau du procureur régional. Le papier trouvé a couvert une part considérable des dépenses, car nous devions imprimer 3 millions 200 mille bulletins, plus de 15 mille formulaires de protocoles, des milliers d’instructions sur le référendum et bien d’autres choses. Nous avons conçu de belles mises en page – nous avons trouvé des gens qui l’ont fait tout à fait gratuitement. Au départ, dix imprimeries se sont portées volontaires pour nous aider. Cependant, sous la pression, elles ont toutes soudainement refusé ! La pression était d’ailleurs énorme, le SBU et la police travaillaient toujours, arrêtant les gens, les attrapant dans la rue, nous avons changé d’appartement, dormi dans différents endroits. Nous étions sidérés. Que faire ? Il restait trois semaines avant le référendum et l’imprimerie n’avait pas commencé. Je dois reconnaître le mérite de notre comité régional de Donetsk du parti communiste ukrainien, bien qu’il y ait eu des moments difficiles à la direction du comité régional. Les communistes de niveau intermédiaire et les communistes de base étaient d’accord, alors que la direction était très hésitante. Nous avons fait appel à l’Obkom [instance régionale, NdT] du parti à l’époque. Nous avons pris quatre risographes, plusieurs imprimantes et organisé notre propre imprimerie directement au sein de la Commission électorale centrale. Le hall où se trouvait notre imprimerie était gardé par la milice populaire, personne n’était autorisé à entrer sauf ceux qui imprimaient.

Le travail était effectué 24 heures sur 24, en trois équipes, sans jours de repos, les gens vivaient littéralement sur place. Les tubes étaient changés toutes les 4 à 5 heures. Une semaine avant la date du référendum, nous avions imprimé tous les bulletins de vote et commencé à les répartir dans les villes et les villages. Mais même là, il y a eu des provocations. Permettez-moi de vous donner un exemple. Nous avons transporté les bulletins de vote à Kramatorsk, où il y a environ cent mille électeurs, dans plusieurs voitures. Au même moment, une vidéo YouTube est apparue, affirmant que le service de sécurité ukrainien avait intercepté un grand nombre de bulletins déjà remplis en faveur du référendum – une pure provocation. Cependant, ils n’ont pas réussi à tromper les gens : les bulletins montrés avaient l’air tout à fait différents.

– Aviez-vous une expérience de l’organisation d’un référendum ? Sur quoi vous êtes-vous appuyé sur le plan législatif ?

– Selon la Constitution de l’Ukraine, le peuple a le droit à un référendum, mais il n’y avait eu pas de loi à ce sujet pendant les 23 années d’existence d’ “indépendance”. Tous nos appels recevaient la même réponse : lorsque la loi sera adoptée par la Verkhovna Rada, nous reviendrons sur cette question. Par conséquent, la majorité des membres de la CEC n’avaient aucune expérience de l’organisation de référendums. En fait, seuls les communistes avaient une telle expérience. Nous avions déjà organisé un référendum panukrainien contre l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Pourtant, nous avons réussi à réunir une équipe de juristes et de personnes ayant une grande expérience des campagnes électorales, nous avons fouillé dans la base législative – russe, ukrainienne et soviétique – et, sur cette base, nous avons rédigé un règlement temporaire sur l’organisation d’un référendum dans la région de Donetsk, en Ukraine, qui a été adopté lors d’une réunion du gouvernement provisoire.

– Mais vous avez dû équiper les bureaux de vote et former les commissions électorales par vos propres moyens. Comment avez-vous fait face à cette situation ?

– Bien sûr, la CEC ukrainienne était traditionnellement divisée en commissions de circonscription. Cependant, les autorités locales, forcées de naviguer entre les intérêts des électeurs et les autorités de Kiev, ont officiellement refusé de nous aider presque partout. Nous avons donc trouvé un moyen : les directeurs des écoles et des Maisons de la Culture où se déroulaient traditionnellement les élections, qui ont accepté de nous rencontrer, ont appelé la police le matin du jour de l’élection et ont signalé l’ “occupation”. La police a noté le fait dans le journal de bord, mais ne s’est pas rendue sur place. Cependant, le matin du jour suivant le jour du scrutin, nous devions débarrasser le plancher. Les autorités locales ont fait exprès de regarder ailleurs – il était important pour elles de montrer qu’elles n’avaient rien à voir avec cela, que ce n’était pas leur faute, qu’il y avait même une inscription dans le registre. Quant à la police, elle expliquait son inaction par le grand nombre d’appels auxquels elle ne pouvait pas répondre rapidement. Ainsi, nous avons réussi à ouvrir 1677 bureaux de vote ordinaires et 135 bureaux de vote spéciaux.

– Quels ont été les résultats du référendum ?

– Nous nous attendions à un bon résultat, mais il a dépassé toutes nos espérances.

Plus de 75 % des électeurs ont participé au référendum, ce qui est sans précédent à l’heure actuelle. La situation dans la société était très tendue et s’aggravait de jour en jour. Le référendum a vraiment été organisé à l’initiative de la population. Il n’était pas nécessaire de s’agiter, il y avait suffisamment d’agitateurs parmi la population. Les gens se pressaient constamment près des bureaux de vote : après avoir voté, ils ne partaient pas, mais restaient debout et regardaient les autres qui allaient voter. Certains ont fait le tour des cours et des appartements pour demander à ceux qui avaient hésité de venir dans les bureaux de vote.

89,7 % des électeurs ont répondu positivement à la question sur la nécessité pour l’oblast de Donetsk d’obtenir la souveraineté. Apparemment, ceux qui étaient contre ne sont tout simplement pas venus dans les bureaux de vote. C’est leur droit. Ils avaient la possibilité d’exprimer leur opinion.

– Quelle était la situation dans le pays à l’époque ?

– Les hostilités étaient déjà en cours. Le 2 mai, des événements tragiques ont eu lieu à Odessa, le 9 mai à Marioupol. C’est pourquoi, dans certaines localités – Marioupol, Slavyansk, etc. – nous avons envisagé la possibilité d’un vote anticipé, deux ou trois jours avant la date prévue, afin que les personnes qui avaient peur de se rendre dans les bureaux de vote le 11 mai puissent malgré tout exprimer leur volonté. Le jour du vote, la situation n’était pas calme non plus. Dans le quartier de Chiroki – à la périphérie de Donetsk, sur l’autoroute de Marioupol – des tirs provenaient du côté du champ à l’approche du bureau de vote. Le Secteur droit tentait de s’y introduire. Nous avons envoyé des unités de sécurité sur place pour empêcher les envahisseurs de pénétrer sur le territoire de Donetsk afin que les gens puissent aller voter.

Et il y a eu de nombreuses tentatives de s’emparer de nos bulletins de vote. Dans chaque ville, nous avons créé des escouades chargées de protéger la volonté des citoyens.

– Et qui était présent dans les bureaux de vote pour compter les voix ?

– Pour travailler sur le référendum, nous avons tout d’abord fait appel à des connaissances, des parents, des collègues, en leur disant franchement que nous faisions quelque chose de grand, d’important et de risqué. La plupart des femmes ont répondu à l’appel. En outre, chaque jour, sur les places et par l’intermédiaire des chaînes de télévision que nous avons reprises, nous avons invité ceux qui avaient l’expérience du travail dans les commissions électorales. Et nous avons trouvé ces personnes ! Cependant, il n’y avait pratiquement pas de membres de commissions territoriales et régionales parmi eux. Il n’y en avait littéralement que quelques-uns. Mais il y avait beaucoup de passionnés. Plus de 21 500 personnes et plus de 10 000 observateurs ont travaillé en tant que membres de commissions.

Je tiens à souligner que notre référendum a été organisé sur le territoire de l’ensemble de la région de Donetsk. Ses résultats sont le fruit de l’expression de la volonté de l’ensemble de la population de la région de Donetsk.

– Que devait présenter un électeur pour participer au référendum ?

– Un passeport confirmant le lieu de résidence. Mais en tenant compte de la situation militaire actuelle : beaucoup de gens étaient dans les bataillons de milice populaire, il y avait des réfugiés d’autres districts, il y avait déjà des hostilités et beaucoup de gens s’étaient retrouvés dans la ville de Donetsk. Deux bureaux de vote ont été organisés pour les citoyens vivant sur le territoire de la République de Donetsk mais ne résidant pas à Donetsk, deux bureaux de vote ont été organisés – les bureaux de vote dits “zéro”, l’un d’entre eux se trouvant juste à côté des barricades près du siège du gouvernement.

– Que s’est-il passé après la fermeture des bureaux de vote ?

– La nuit a été mouvementée. Les premiers résultats des bureaux de vote des districts voisins ont commencé à arriver après 1 heure du matin. Puis le flux s’est arrêté, nous avons réussi à dormir quelques heures – dans des fauteuils, sur des chaises, sur des tables. À l’aube, l’afflux de bulletins de vote s’est intensifié. Nous avons collecté des bulletins de presque partout, à l’exception de deux districts – Alexandrovsky et Veliko-Novoselkovsky. Le fait est que le même jour, le 11 mai, sur le territoire des districts d’Alexandrovsky et de Veliko-Novoselkivsky, l’oligarque ukrainien Kolomoisky, chef de l’administration régionale de l’État de Dnipropetrovsk, a organisé un pseudo-référendum sur le rattachement de ces districts à la région de Dnipropetrovsk. Des personnes armées de fusils automatiques sont entrées dans les maisons rurales – et ces districts sont essentiellement des zones rurales – et ont poussé les gens dans la rue pour qu’ils votent. L’idée a échoué, mais nous n’avons pas reçu de protocoles de ces districts. Les habitants de ces localités se sont rendus dans le district voisin et ont voté partout où ils avaient la possibilité d’exprimer leur volonté.

Tout a été compté manuellement. Cependant, à 12 heures, le bilan du référendum avait déjà été tiré. Nous avons eu plusieurs groupes de dépouillement, puis j’ai synthétisé le tout dans une base de données unique. En principe, les procès-verbaux provenaient des commissions électorales territoriales, qui étaient plus de 40, et c’est à elles qu’incombait la plus grande partie de la charge. Parfois, les protocoles provenaient directement des commissions de circonscription, principalement situées dans les localités où le danger subsistait – Kramatorsk, Slaviansk, Artemovsk, etc. Dans ce cas, elles se sont réunies, ont tout compté, ont fait la synthèse et ont signé le protocole territorial. Dans les districts particulièrement dangereux, les résultats ont été transmis par téléphone ou par voie électronique.

Nous, les membres de la Commission électorale centrale, étions dans un état de tension permanent, craignant que quelqu’un n’accoure et ne dise qu’une attaque ou un bombardement avait commencé. Même si nous étions sous la protection de gardes armés, le sentiment de “Maintenant, nous allons être arrêtés” ne nous quittait pas. Mais l’ennemi, je pense, ne savait pas dans quelle pièce nous nous trouvions. Nous nous sommes camouflés jusqu’à la dernière minute, et lorsque nous avons commencé à préparer le protocole final, nous nous sommes séparés en deux groupes. Certains membres de la CEC sont restés dans le bâtiment où nous nous trouvions, d’autres sont allés dans une salle secrète du sous-sol pour rédiger le protocole final. L’impression avait été confiée aux membres de la commission qui étaient descendus au sous-sol, mais j’avais tout sur l’ordinateur.

La conférence de presse finale, à laquelle plus de 400 journalistes avaient été accrédités, était prévue pour le 12 mai à 13 heures et devait avoir lieu dans une des salles du bâtiment où se trouvait la CEC. Et voilà que l’heure du début de la conférence approche, et ceux du sous-sol sont toujours absents. Tout le monde est inquiet. Les correspondants demandent de commenter les résultats du référendum, de donner des chiffres exacts. Je pense au deuxième groupe, je me demande s’il est vivant, s’il n’a pas été arrêté. En effet, il n’y a pas de communication.

Cinq minutes avant la proclamation, Denis Poushiline et moi nous dirigeons vers la scène. Nous nous asseyons – j’ouvre mon ordinateur portable, car j’y ai tous les chiffres, mais je n’ai pas le protocole avec un tampon. Il reste trois minutes, deux minutes. Et soudain, littéralement une minute avant l’heure, Roman Liaguine apparaît de quelque part sous le bras d’un correspondant avec un protocole dans les mains. Les secondes comptaient : le protocole serait-il là à l’heure prévue ou non ? Bien sûr, je l’aurais lu sur l’ordinateur, mais ce n’aurait pas été la même chose. Toute l’attention était concentrée sur lui, il commençait à annoncer les résultats, on commençait à prendre des photos du protocole, à tout filmer avec des caméras. C’est ainsi qu’ils ont proclamé les résultats du référendum. Ils l’ont proclamé et se sont déchargés d’un tel fardeau de responsabilité qui pesait sur eux. Malheureusement, plus tard, le susnommé Roman Liaguine repenti s’est rendu en Ukraine, mais selon les informations disponibles, l’Ukraine ne lui a pas pardonné.

– Quels changements le référendum a-t-il apportés à la vie de la république ?

Avant le référendum, nous avions un gouvernement provisoire, qui était appelé à résoudre les tâches immédiates les plus urgentes – gérer l’érection des barricades, fournir de la nourriture à la population, préparer et organiser le référendum. Immédiatement après les résultats du référendum, le 13 mai, nous avons commencé à former un gouvernement. Andrei Pourguine est devenu vice-premier ministre. J’ai été nommé “ministre du Conseil des ministres” – responsable des affaires du Conseil des ministres. Nous nous réunissions presque tous les jours – il y avait beaucoup de problèmes.

Denis Pouchiline a été élu président du Conseil suprême. Notre parlement était composé de 150 personnes – des activistes, principalement ceux qui étaient inscrits dans la salle lors de l’adoption de la déclaration de souveraineté. La logique était simple : ils ont voté, qu’ils en assument la responsabilité.

Les événements ont pris un tour violent. Plusieurs tentatives d’assassinat sont perpétrées à l’encontre de Pouchiline. Une fois, sa voiture a explosé près du bâtiment de l’administration. La seconde fois, c’est le minibus dans lequel il se trouvait qui a été attaqué ; quatre de ses gardes ont été tués, et ce n’est que par pur hasard que Pouchiline ne s’y trouvait pas. Pendant un certain temps, le Parlement est dirigé par son adjoint Markovitch.

La situation au Parlement devenait de plus en plus tendue et on m’a proposé de diriger le Parlement – et j’étais député, tout en étant directeur des affaires du Conseil des ministres.

À cette époque, et après ces événements, de nombreuses attentats ont été commis par les ennemis de notre république contre les dirigeants et les activistes du soulèvement populaire. Des héros de la DNR sont morts aux mains de tueurs à gages : le premier chef de la République Alexandre Zakharchenko, les célèbres commandants de la milice populaire Arsen Pavlov “Motorola”, Mikhail Tolstykh “Givi”, Oleg Mamiev “Mamai”, Vladimir Zhoga “Vokha” et bien d’autres encore. Le Donbass et la Russie honoreront toujours la mémoire des héros qui ont défendu le peuple dans la lutte contre le néofascisme, pour le pouvoir du peuple et la justice sociale.

Ces jours-ci, nous célébrons le 10e anniversaire des événements qui ont secoué une grande partie du monde. Le KPRF a été à nos côtés pendant tout ce temps. L’assistance et le soutien politiques, humanitaires et méthodiques de Guennadi Ziouganov, le travail personnel avec nos républiques de Kazbek Taïsaev, les efforts colossaux de toute l’équipe des dirigeants du KPRF et de tous les communistes nous ont aidés à résister dans la lutte contre le mal mondial.

Après huit années de résistance à la junte de Kiev et à ses maîtres, notre statut d’État a été reconnu par la Russie sur l’insistance des députés du KPRF à la Douma d’État de la Fédération de Russie. Ensuite, après le référendum qui a déterminé notre futur statut, nous sommes devenus un sujet à part entière de la Fédération de Russie. Notre principal objectif a été atteint : nous avons commencé à faire revivre notre patrie commune, la Russie. Notre lutte a montré que ce n’est qu’avec la Russie que les peuples de l’espace eurasien ont un avenir. Ensemble, nous pouvons défendre notre souveraineté nationale, et parvenir à la conclusion que nos peuples ne peuvent aller vers l’avenir que sur la voie du socialisme. Nous n’avons pas d’autre choix.

***

ACTE

sur la proclamation de l’autonomie de l’État

RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE DONETSK

Donetsk 07.04.2014.

En Ukraine, avec le soutien des autorités législatives, exécutives et judiciaires, un coup d’État a été commis par des formations paramilitaires illégales.

Le nouveau gouvernement cherche fébrilement protection et soutien en Amérique et en Europe, auprès de ceux qui dirigent virtuellement notre pays depuis 2005. Les dirigeants de l’État signent des accords de servitude avec des organisations internationales. Le pays est entraîné dans l’OTAN.

Les relations fraternelles séculaires avec les peuples slaves et les peuples de la Communauté des États indépendants ont été détruites.

La censure la plus brutale a été introduite dans le pays. Une psychose anti-russe est alimentée et l’image de l’ennemi du peuple russe frère est en train de se former. Une dictature nationaliste pro-fasciste est en train de se mettre en place en Ukraine avec le soutien du capital oligarchique.

Les habitants de la région de Donetsk et de nombreux députés de tous niveaux, qui se soucient de l’avenir de notre terre et de ses habitants, qui se soucient de l’amitié et de la coopération avec les pays de l’Union douanière, s’opposent catégoriquement à la coopération avec le gouvernement criminel et ne reconnaissent pas ses décisions illégales.

Exprimant sa grande inquiétude et sa préoccupation face à la tension croissante et aux contradictions insurmontables entre les différentes parties de l’Ukraine, sur la base de la volonté du peuple de la région de Donetsk, confirmant la priorité des valeurs humaines universelles, l’adhésion aux principes et aux normes universellement reconnus du droit international,

Le Congrès des représentants des collectivités territoriales, des partis politiques et des organisations publiques, proclame la création d’un

État souverain

– LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DU DONETS.

La République populaire de Donetsk établira ses relations avec les autres États conformément au droit international, sur la base des principes d’égalité et de coopération mutuellement bénéfique. Le territoire de la RÉPUBLIQUE NATIONALE DU DONETSK, dans les limites administratives reconnues, est indivisible et inviolable. La présente loi entrera en vigueur à partir du moment où elle aura été approuvée par le référendum obligatoire.

***

DÉCLARATION

sur la souveraineté de la République populaire de Donetsk.

Le Congrès des représentants des collectivités territoriales, des partis politiques et des organisations publiques de la région de Donetsk, se fondant sur les dispositions de la Charte des Nations unies et d’un certain nombre d’autres documents internationaux consacrant le droit des peuples à l’autodétermination,

– exprimant la volonté du peuple multinational de la région de Donetsk ;

– Conscients de la responsabilité historique de l’avenir de la région de Donetsk et de son peuple ;

– Respectant les droits souverains de tous les peuples et la volonté des peuples sur la voie de leur développement ;

– se fondant sur les valeurs humaines universelles, la Déclaration universelle des droits de l’homme et d’autres actes juridiques internationaux universellement reconnus ;

– s’efforçant de créer un État populaire, de droit, démocratique et souverain ;

PROCLAME :

L’établissement de l’État souverain de la République populaire de Donetsk.

La souveraineté de l’État de la République populaire de Donetsk garantit la suprématie, l’indépendance, l’unité et l’indivisibilité du pouvoir d’État de la République sur son territoire, l’indépendance et l’égalité dans les relations extérieures.

1. Les citoyens de toutes les nationalités de la République populaire de Donetsk constituent son peuple, qui est le détenteur de la souveraineté et la source du pouvoir d’État. La souveraineté du peuple est exercée sur la base de la Constitution de la République populaire de Donetsk, à la fois directement et par l’intermédiaire d’organes représentatifs élus.

Le pouvoir de l’État dans la République est exercé selon le principe de la division en pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

Seul le Conseil suprême de la République peut parler au nom du peuple de la République populaire de Donetsk.

Les questions d’État les plus importantes liées au développement de la République et à ses relations avec les autres États sont soumises à un débat national ou à un référendum.

2. Le territoire de la République ne peut être modifié sans le consentement de ses citoyens.

Le Soviet suprême de la République décide de toutes les questions relatives à la structure administrative et territoriale.

3. La République garantit l’égalité des droits et des libertés à tous les citoyens vivant sur son territoire, indépendamment de leur nationalité, de leur origine sociale, de leurs convictions politiques et de leur attitude à l’égard de la religion.

4. Le peuple de la République populaire de Donetsk a la propriété exclusive de la terre, de son sous-sol, de l’espace aérien, de l’eau et des autres ressources naturelles situées sur le territoire de la République.

Le potentiel économique, scientifique et technique créé sur le territoire de la République est sa propriété, la base matérielle de sa souveraineté et est utilisé dans l’intérêt de ses citoyens.

Les entreprises, institutions, organisations et installations d’autres États et organisations internationales ne peuvent s’installer sur le territoire de la République populaire de Donetsk et utiliser ses ressources naturelles qu’en conformité avec la Constitution et les lois de la République.

La République assure les conditions du libre développement et de la protection des formes de propriété reconnues par la Constitution, qui excluent l’appropriation des résultats du travail d’autrui, en accordant une importance prioritaire aux formes collectives ;

5. La République détermine de manière indépendante son statut économique, mène une politique financière, de crédit et d’investissement, élabore son budget d’État, établit la procédure de formation et d’utilisation de la monnaie et d’autres fonds.

6. La République établit de manière indépendante l’ordre de protection de la nature sur son territoire et l’utilisation des ressources naturelles, surveille la situation écologique.

La République a le droit d’interdire la construction, d’arrêter le fonctionnement de toutes les entreprises, institutions et organisations, ainsi que d’autres objets qui constituent une menace pour la sécurité de l’environnement.

7. La République est indépendante dans la résolution des questions relatives à la science, à l’éducation et au développement culturel et spirituel. Les citoyens de toutes les nationalités vivant sur le territoire de la République se voient garantir le droit au libre développement national et culturel, à l’utilisation et au développement global des langues nationales.

La présente déclaration entrera en vigueur dès son adoption et servira de base à l’élaboration de la Constitution de la République populaire de Donetsk, à la participation à la préparation et à la conclusion de traités avec d’autres républiques et États.

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7 Commentaires

  • Salvans Véronique.
    Salvans Véronique.

    Je désirerais recevoir a nouveau vos articles car ils ne me parviennent plus depuis quelques mois.
    Merci d´avance.
    Véronique.

    Répondre
    • admin5319
      admin5319

      le service ne fonctionne plus, il est donc nécessaire que vous fassiez l(effort de venir sur le ste merci

      Répondre
  • Martine Garcin
    Martine Garcin

    Enfin un article correct sur l’Ukraine dans l’Humanité, c’est ce vendredi 12 avril 2024, entretien avec un économiste américain, réalisé par Pierre Barbancey.

    Répondre
    • Xuan

      À marquer d’une pierre blanche :

      Guerre en Ukraine : « Le gouvernement américain manque de bon sens », affirme l’économiste Jeffrey Sachs
      L’économiste américain Jeffrey Sachs revient sur les raisons du conflit, l’attitude de la Russie et la politique étrangère des États-Unis.

      https://www.humanite.fr/monde/etats-unis/guerre-en-ukraine-le-gouvernement-americain-manque-de-bon-sens-affirme-leconomiste-jeffrey-sachs

      Publié le 11 avril 2024
      Mis à jour le 11 avril 2024 à 18:37

      Pierre Barbancey

      Réunion de l’OTAN à Bruxelles, le 4 avril 2024.
      © Omar Havana / Getty Images / AFP
      La guerre en Ukraine a officiellement éclaté il y a deux ans, en février 2022. Cela aurait-il pu être évité ?

      Cette escalade aurait pu être évitée si les États-Unis avaient accepté de négocier avec la Russie le projet d’accord de sécurité russo-américain proposé par le président Vladimir Poutine, le 15 décembre 2021. La guerre aurait pu se terminer par un accord de paix entre la Russie et l’Ukraine, en mars 2022, mais les États-Unis l’ont bloqué.

      On peut aussi estimer que la guerre a réellement débuté en février 2014, avec le coup d’État soutenu par les États-Unis contre le président ukrainien Viktor Ianoukovitch. Il s’agissait d’une opération typique de changement de régime de Washington, à laquelle l’Europe a participé. Depuis ce coup d’État, la guerre fait rage et s’est considérablement intensifiée à partir de février 2022.

      Quel est l’enjeu de cette guerre ?

      L’élargissement de l’Otan fait partie des buts politiques. Les États-Unis n’auraient jamais dû pousser l’avancée de l’Alliance atlantique à l’Ukraine et à la Géorgie, lors du sommet organisé à Bucarest, en 2008. Cela a été le déclencheur de la guerre entre Tbilissi et Moscou, en 2008, et le premier pas d’un conflit entre l’Otan et la Russie depuis février 2014.

      Cette volonté d’étendre continuellement l’organisation militaire vers l’Est et notamment à l’Ukraine était imprudente. Quelle serait la réaction des États-Unis si la Russie ou la Chine décidaient d’installer des bases militaires au Mexique ? Le gouvernement américain manque de bon sens. Et l’Europe ne dispose d’aucune indépendance vis-à-vis des États-Unis.

      Quel est le véritable objectif de la Russie ?

      L’objectif principal de la Russie est de garder l’Amérique « hors de son cou ». Cela signifie que Moscou ne veut pas que les États-Unis soient installés à proximité de leur frontière comme en Ukraine. Les autorités russes ne souhaitent pas que Washington soit engagé dans des opérations de changement de régime dans des pays limitrophes de la Russie ou à l’intérieur du pays.

      Tout est compréhensible quand, depuis au moins 175 ans, la grande stratégie britannique et américaine reste de combattre ce pays et qu’il a été envahi à plusieurs reprises. C’est pourquoi chacun développe sa propre prudence. L’Ukraine devrait être une zone neutre pour la Russie.

      Comment parvenir à un accord de paix et arrêter la guerre ?

      Retirer les forces russes d’Ukraine, arrêter l’élargissement de l’Otan, accepter la Crimée comme faisant partie de la Russie, mettre fin aux sanctions économiques, dégeler les actifs, fournir des garanties de sécurité de l’ONU et finaliser les conditions sur les questions de territoire, d’accords nucléaires et des futurs arrangements de sécurité.

      Quand Macron a dit que la Russie doit être vaincue et que l’Ukraine doit retourner aux frontières de 1991, c’est la recette pour continuer la guerre. Pire, cet objectif peut aboutir à la destruction totale du pays ou à une escalade nucléaire. Elle n’amène en rien la paix.

      Qu’est-ce qui guide la politique étrangère américaine ?

      L’arrogance, l’ignorance et le complexe militaro-industriel annuel de plus de 1 000 milliards de dollars. Les États-Unis ont plus de 700 bases militaires à l’étranger dans 80 pays. C’est absurde, tragique, inutile et tout à fait provocateur. Cela conduit à des guerres non-stop. Mais ce lobby demeure très puissant avec tout l’argent qu’il génère et reçoit

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      • Blanc
        Blanc

        Merci pour cet article ! Et enfin, c’est bien de le dire “depuis au moins 175 ans, la grande stratégie britannique et américaine reste de combattre ce pays (…) envahi à plusieurs reprises”. Mais ce furent aussi les Suédois, les Teutoniques, les Polono-lituaniens, les Français, les Mongols/Tatars, les Allemands… “Où sont les frontières de la Russie ? Où on veut” dit une blague russe…

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  • Falakia
    Falakia

    L’Histoire se répète .
    Ingérence et la guerre contre le type de régime communiste et un avertissement aux pays limitrophes par l’occident et les USA .

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  • Falakia
    Falakia

    ( Guerre contre le type de régime communiste au Vietnam )

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