Il faut bien mesurer que la plupart des indicateurs de la violence de la crise, à commencer par celle financière face au dollar se multiplient et comment dans une telle situation les autorités fédérales de régulation cherchent délibérément à éliminer un indicateur du niveau de risque que présentent certaines institutions financières. Dans ce contexte, avec la montée des mécontentements populaires, la seule réponse de Biden, et encore plus dérisoire celle de Macron est la fuite dans la guerre. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
rédigé par Tho Bishop 15 février 2024
L’emprunt est bien pratique pour camoufler une situation financière peu stable.
Dans un article publié le mois dernier, Bloomberg rapporte que les autorités fédérales de régulation préparent une proposition de loi visant à contraindre les banques américaines à utiliser la fenêtre d’escompte de la Réserve fédérale en prévision des crises bancaires à venir.
L’objectif, selon l’auteur de l’article, est de mettre fin à la stigmatisation associée à l’utilisation de cette bouée de sauvetage financière, en particulier après la faillite de plusieurs banques régionales d’envergure l’année dernière.
Cette nouvelle politique n’est pas sans rappeler la décision des autorités financières durant la crise de 2007 d’encourager l’ensemble des grandes banques à utiliser la fenêtre d’escompte de la Fed, c’est-à-dire d’emprunter des capitaux directement auprès de la Réserve fédérale, afin de permettre aux banques réellement en danger de faire de même et d’emprunter plus facilement.
L’hésitation des institutions financières à avoir recours à ce mode de financement est justifiée. Si le grand public apprend qu’une banque a besoin du soutien de la Fed, il est logique que les déposants prennent peur et décident de retirer leurs liquidités de l’établissement concerné.
L’objectif affiché de la Fed, afin de prévenir de nouvelles paniques bancaires, est de permettre aux banques les plus à risques de bénéficier d’une forme de camouflage. Les paniques bancaires représentent en effet un risque inhérent à notre système bancaire moderne basé sur le mécanisme de réserves fractionnaires.
Mais en forçant ainsi la main des banques les plus solides, la Fed risque d’aggraver l’aléa moral et de rendre les déposants plus vulnérables. Les autorités cherchent délibérément à éliminer un indicateur du niveau de risque que présentent certaines institutions financières.
Les inquiétudes des régulateurs concernant la fragilité de certaines banques sont justifiées.
Pendant des années, la Fed a maintenu les taux d’intérêt au plancher. Alors les institutions financières à la recherche de placements peu risqués étaient obligées d’accepter de très faibles rendements sur les bons du Trésor dans lesquels elles investissaient. Lorsque les pressions inflationnistes sont réapparues, entraînant une hausse des taux d’intérêt, les cours des bons du Trésor sur le marché ont décliné et la demande s’est reportée sur les nouvelles émissions obligataires offrant de meilleurs rendements. C’est cette chute de la valeur des bons du Trésor qui est à l’origine de la faillite de la Silicon Valley Bank, l’année dernière.
La situation du marché de l’immobilier commercial représente un facteur de risque supplémentaire pour les banques régionales, puisqu’elles portent près de 80% des encours de prêts adossés à cette catégorie d’actifs. Lorsque nous étions encore dans un environnement de taux bas, les investisseurs percevaient l’immobilier commercial comme « le paradis pour les investisseurs à la recherche de rendement stable ».
Malheureusement, cette période a également été marquée par des évolutions profondes dans le comportement des consommateurs. La vente en ligne, le travail à distance, et les espaces de coworking ont pris leur essor, au détriment de la demande de bureaux et de locaux commerciaux traditionnels. La politique de confinement n’a fait qu’amplifier cette tendance.
Par conséquent, les prêts hypothécaires adossés à des actifs immobiliers commerciaux sont aujourd’hui considérés comme l’une des catégories d’actifs financiers les plus dangereuses, et les banques régionales de tout le pays sont les premières à en détenir à leur bilan.
Ces tensions financières expliquent non seulement cette nouvelle politique que souhaitent mettre en œuvre les régulateurs fédéraux, mais aussi l’ampleur de leur réaction à la crise bancaire de l’an dernier.
Suite à la faillite de SVB, la Fed a mis en place un programme de soutien aux banques commerciales et coopératives les autorisant à utiliser les bons du Trésor et d’autres actifs sécurisés qu’elles détiennent comme collatéral pour emprunter des liquidités. L’ampleur de ces mesures d’urgence reflète les craintes des autorités que la crise se propage à d’autres établissements bancaires fragilisés. La Fed a signalé sa volonté de laisser le programme expirer au mois de mars, avec pour objectif de pousser les banques à avoir davantage recours à la place à la fenêtre d’escompte de la Fed.
Bien que les actions de la Fed et des régulateurs reflètent clairement de réelles inquiétudes concernant la solidité des banques américaines, ces mêmes institutions continuent de tenir des discours optimistes au sujet de la situation économique quand elles s’adressent au grand public.
Le directeur de la Fed, Jerome Powell, et la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, n’ont cessé au cours des derniers mois de décrire l’économie américaine comme « robuste » – une vision des choses que la majorité des Américains ne partagent pas.
De plus, Powell a affirmé au mois de décembre que la bataille contre l’inflation était sur le point d’être gagnée, en dépit du fait que les outils de mesure privilégiés par la Fed indiquent tous que l’inflation se maintient au-dessus de sa cible de 2%. Cette déclaration est à l’opposé de ses précédentes interventions au cours desquelles il insistait sur la nécessité de mener une politique agressive de lutte contre l’inflation afin que celle-ci ne s’installe pas durablement.
Il est évidemment difficile d’imaginer que ces déclarations optimistes des responsables gouvernementaux sur la situation économique ne soient pas en grande partie le produit d’influences politiques, en particulier avec les élections présidentielles qui se profilent à l’horizon. Cependant, ces déclarations visant à donner l’image d’une économie solide peuvent également s’expliquer par une volonté de réarmer la Fed en élargissant son arsenal de politiques monétaires.
Bien que les responsables de la Fed présentent leurs projections de baisse des taux en 2024 comme la conséquence d’une poursuite de l’amélioration de la situation économique, la vérité est que la Fed souhaite avoir la possibilité de réduire les taux d’intérêt en cas d’aggravation des tensions dans le système financier. La Fed a montré à maintes reprises que si elle avait le choix entre forcer les Américains à souffrir des conséquences de l’inflation ou renflouer le système financier, elle opterait toujours pour la seconde option.
En pleine campagne pour l’élection présidentielle de 2024, les Américains seront constamment bombardés de messages de propagande politique et de fausses promesses, pas seulement de la part des politiciens, mais également d’agences gouvernementales et de la banque centrale. Bien qu’on risque au cours des dix prochains mois de continuer d’entendre en boucle à quel point l’économie est robuste, les actions initiées en coulisses par les autorités racontent une histoire très différente.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.
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