Un temps ailleurs pour respirer, par Danielle Bleitrach

Je dois dire que j’ai beau être totalement convaincue de la naissance d’un monde nouveau, le niveau du débat en France est tel que j’ai beaucoup de mal à poursuivre sur les possibles qu’une telle ouverture nous offrirait puisque nous sommes si peu à penser en ces termes. Nous en sommes au déchaînement de toutes les stupidités, les haines et c’est assez épouvantable tant cela n’a plus rien voir avec la réalité mais tout à voir avec l’effondrement du monde en train de mourir. Est-ce parce que nous sommes tellement le cœur historique de cet ancien monde que cela se passe ainsi ? *

Alors aujourd’hui 31 décembre 2023, il n’y aura pas de blog et je ne sais quand il reviendra en 2024 parce qu’honnêtement je suis en décalage . Trop vieille ou trop jeune peu importe: même si pour certains l’idée que l’ancien est en train de mourir les mène à un conflit de génération larvé, c’est une erreur se tromper une fois de plus d’adversaire… Certains d’entre nous ont des savoirs qui leur seraient bien utiles, d’autant plus que la famille, les liens les plus basiques sont ceux qui ont souvent encore quelque résistance, même si on leur en demande trop. La non transmission générationnelle est un problème de la modernité capitaliste et elle prend des proportions inattendues.

Ce pseudo féminisme qui dans la vague conservatrice qui monte au lieu de se rassembler, de former collectif, s’offre en victime hystérique à la volupté voyeuriste médiatique. Cet égotisme enfantin et qui se retournera contre les femmes est en rupture avec tout ce qu’être une femme combattante m’a appris… Résultat, comme toutes les faiblesses de ceux en qui j’espère, la situation est telle que ceux qui se débattent le font dans une telle charpie, une telle perte d’énergie, surtout d’efficacité qu’à les contempler j’éprouve inquiétude, désarroi devant les souffrances qui s’offrent ainsi au mépris et de la colère devant ces dévoiements. On les conduit exactement là où on cherche à nous réduire, à nous anéantir.

Je suis sociologue et je ne parle pas de moi mais de la manière dont acteurs nous devenons simples agents en souffrance. Il y a des poids que l’on ne peut pas soulever et on glisse dans ce qu’on cherche à éviter. Pour moi cela s’est traduit par un étau sur la poitrine que je croyais être une crise cardiaque et qui était un phénomène totalement inconnu mais dont j’ai découvert qu’il était très fréquent : une crise d’anxiété qui m’a terrassée les trois jours qui ont suivi la Noël. En ce qui me concerne cela a disparu en allant vers les autres et en découvrant à quel point ils étaient à bout. C’était dans nos têtes une manière de hurler…

C’était étrange, tous ces gens avaient tenu bon pour qu’il reste dans des conditions difficiles une coexistence pacifique du quotidien et il s’avérait que cette absence de trêve partout rejaillissait sur cet espace personnel qu’ils avaient cru pouvoir préserver. Ce doit être ça la fin d’un empire, d’une civilisation. Accrochez-vous à nous, nous crient ceux qui ont encore la force de canoter dans les rapides, mais même la Chine est obligée de mesurer qui elle peut traîner dans son sillage. Alors nous les vieux…

J’ai en moi trop de curiosité et d’envie de vivre pour continuer à alimenter ce qui a besoin de patauger dans tous les caniveaux, il y ce racisme visage le plus impitoyable de l’impérialisme qui divise les pauvres gens leur rend insupportables plus malheureux que soit, des gens dont on été détruites les conditions de vie, pas vous, pas moi, la guerre, ceux à qui elle rapporte, les pillards, et qui deviennent les boucs émissaires des peurs de ceux que l’on prive du pouvoir de raisonner… mais il n’y a pas que ça on crée les conditions d’une promiscuité, d’accumulations de problèmes tels que le cri de ceux qui n’acceptent plus de subir n’est pas seulement du racisme… que faire alors ? Sommes-nous en train de compter les places dans les canoés de sauvetage ?

J’ai été pourquoi le cacher étranglée par l’antisémitisme qui utilise des pauvres gens et des salauds d’extrême droite qui ne sont pas plus juifs que leurs propres salauds sont chrétiens pour ressurgir immondes tel que je l’ai vécu enfant. Comment se fait-il que moi qui ait toujours soutenu la cause des Palestiniens, qui n’ai jamais mis les pieds en Israël et qui comme bien des juifs sommes réellement malades face aux crimes de Netanyahou nous sentions chez vous ce vieil antisémitisme, ce côté franchouillard qui en fait se fout des Palestiniens mais jouit à l’idée de se faire des juifs ? Si vous arrivez à provoquer cela chez quelqu’un comme moi vous devriez réfléchir, mais de cela aussi vous devenez incapables ? Comme vous êtes incapables de voir à quel point la Nation française est elle-même impliquée dans tout cela et que tout la hargne que vous mettez à dénoncer l’Etat juif, le nazisme de ceux qui ont subi l’holocauste (sous-entendu ils l’ont bien mérité ces sales juifs), le verbe isréaliser, sans jamais vous interroger sur votre propre État français et ce que vous pourriez utilement faire pour qu’il cesse de cautionner le maitre étasunien, y compris reconnaitre l’État palestinien.

Et cela accompagne parfois une rancœur aigrie que vous prenez pour de l’internationalisme, mais qui ne voit pas ce qui nait du côté de la Chine, la “thèse” stupide des deux impérialismes, ou encore des gens qui ne portent aucun projet, aucune perspective, sinon la répétition du même, tout détruire, ne voir que ce qui pourrit et jamais ce qui pourrait naitre.

Ou alors il y a ceux qui soutiennent de fait l’OTAN dans l’Humanité et le crétin qui a cru inaugurer le centenaire de la mort de Lénine par le texte le plus inculte, le plus maniéré qui se puisse imaginer…

Et quand cela en arrive à la décomposition des réseaux sociaux là l’anomie impérialiste rejoint parfois la maladie mentale, de l’état dépressif chronique du pauvre type qui ne sait plus que voir le mal et s’y vautre obsessionnellement espérant créer collectif à travers cette négation permanente de lui et des autres. A ce titre les anti vaccins et même anti-masques sont allés très loin dans la démonstration. Tous ces gens qui parfois feignent d’être communistes sont incapables de proposer, d’aller vers la vie, ils ne portent en eux que le néant et la mort, une éructation digne de Céline en moins talentueux. Sous prétexte que tout n’est pas parfait, ces gens qui sont eux-mêmes tarés, étroits, sectaires, haineux, incultes, proposent l’abstention et faire la grève de tout engagement voire de détruire si possible ce qui est le plus proche d’eux.

J’étouffe dans ce marigot je suis trop vieille ou trop jeune pour ne pas le refuser. Je ne veux pas d’une autre année de ce type. Parce que dans le fond de cette année c’est qu’à travers la politique devenue faits divers en ne s’opposant pas aux véritables forces destructrices mon peuple français a fait monter le danger fasciste et il continue !

J’ai connu des temps où l’on aurait cru impossible qu’il en soit ainsi à gauche et chez ceux qui se disent communistes. J’ai eu beaucoup de chance qu’il s’agisse de l’amour, de l’amitié, de la camaraderie, je garde de ma vie un souvenir lumineux et je suis à cause de cela convaincue qu’un autre monde est possible mais ce qui se passe aujourd’hui me fait douter que je reverrai des temps semblables, des individus semblables. J’en rencontre ça et là et ils me donnent espoir mais aussitôt une vague d’horreur et de médiocrité nous submerge et autour de moi il n’y a plus que des visages grimaçants qui prétendent être les successeurs de tous ceux qui ont éclairé ma vie d’une lumière bienveillante et si riche, si pleine.

Comme le disait José Martí des Etats-Unis, des gens si avides, si jaloux que dans le soleil ils ne voient que les tâches. Et nous sommes en train de devenir les Etats-Unis… L’incapacité à s’organiser sur des bases politiques non il s’agit seulement d’identification mythiques, le même, mais qui à la moindre différence crée secte ; ça aussi c’est la manière dont a été bloquée toute la lutte des classes aux Etats-Unis. Il y a aussi l’incapacité à s’organiser à faire ce qui a été décidé, d’ailleurs rien n’est jamais décidé et l’organisation n’est pas suivie. Ce savoir-là est perdu ? Et c’est sur ces incapacités que plane un vol d’oiseaux de mauvaise augure qui ne voient que le mal… et s’en repaissent.

Bon c’est vrai je suis vieille même si je suis aussi incroyablement jeune, pas le moindre médicament, une capacité de travail à peine déclinante, une activité qui épuiserait un sexagénaire, le secret de cette forme insolente est génétique mais pas seulement, c’est le désir de vivre, connaitre, cette curiosité intense et le refus de tout ce qui est mortifère. Être communiste en était la traduction politique et j’espérais jusqu’à la dernière heure de ma vie avoir une utilité à la mesure de mes forces… Aujourd’hui, je doute de l’apport et le prix qu’il exige pour si peu de résultats, je n’ai plus aucun désir de perdre une seule seconde dans une telle atmosphère. Il y a suffisamment de textes dans ce blog pour au moins une semaine ; textes que certains commentent sans prendre la peine de les lire, tellement ils sont désireux de nous infliger leur haine, leurs stupidités, les trois lignes de citation qui suppléent au travail nécessaire intellectuel et que jadis même les ouvriers qui devenaient communistes avaient la patience de digérer avant d’oser commenter…

Je souhaite néanmoins une bonne année à tous les amis qui font de ce blog un lieu à part une véritable équipe dites-vous bien que si après des vacances bien méritées Marianne et moi nous revenons ce sera pour vous retrouver parce que vous êtes un îlot de dignité, il y a disons une centaine de personnes qui ont un autre espoir, ce blog nous a permis de les rencontrer et de penser qu’autre chose était possible. Cette année là il y a eu des lueurs, la principale est la raclée que prend partout l’impérialisme et que tente de masquer la propagande dont nous sommes abreuvés. Il y a eu une amorce de reconstruction du parti, une liste d’un candidat communiste aux Européennes, la mise en route d’actions en faveur de Cuba, des rapprochements possibles mais ces derniers jours la marée d’immondices et de souffrances (parce qu’il y a de la souffrance derrière cette impuissance, cet art tel le scorpion de se détruire soi-même) a été telle que j’ai besoin d’aller respirer.

Il y a sans doute la limite d’un monde virtuel et la nécessité d’une rencontre et d’une action collective que dans tout mon voyage en Occitanie j’ai rencontré.

Donc je souhaite une bonne année à tous ceux qui m’ont permis dans ces temps obscurs de croire qu’il existait des gens bienveillants et prêts à combattre autre chose que leur voisin.

Danielle Bleitrach