Cette semaine du 29 novembre est celle de la sortie du film que Wim Wenders consacre au Japon, à ses rituels apparemment esthétiques mais ici il s’agit d’un projet mettant en valeur des initiatives sociales liées à l’architecture. Il s’est intéressé à celle singulière d’un renouvellement des toilettes publiques de la ville, conçues par des architectes renommés, notamment une de ses connaissances, Tadao Ando. Perfect Days se concentre autour d’Hirayama, employé municipal méthodiquement consacré à l’entretien des toilettes, veillant particulièrement à ce qu’elles soient rutilantes, deviennent quasiment des lieux de recueillement. C’est ce type de démarche qui lie art de masse, avec commande publique à ce besoin de vie intérieure et de recherche de respect qu’il faut peut-être considérer comme la spécificité encore inconnue du socialisme du XXIe siècle… celle qui tranche avec les trognes invraisemblables, les mégalomanes destructeurs dont le capitalisme nous impose l’ultime loi et la vulgarité insupportable en l’attribuant aux prolétaires qui n’y sont pour rien… (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
Un film de Wim Wenders
Drame | Japon | 2h05 | Sortie le 29 novembre 2023
Hirayama travaille à l’entretien des toilettes publiques de Tokyo. Il s’épanouit dans une vie simple, et un quotidien très structuré. Il entretient une passion pour la musique, les livres, et les arbres qu’il aime photographier. Son passé va ressurgir au gré de rencontres inattendues. Une réflexion émouvante et poétique sur la recherche de la beauté dans le quotidien.Les séances du film
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Wim Wenders a beau être l’éternel représentant du cinéma d’auteur allemand, il n’a en fait jamais cessé d’être un voyageur. Nombre de ses films témoignent d’une fascination pour l’ailleurs, entre récurrences américaines (d’Alice dans les villes, 1973, à Don’t Come Knocking, 2005 en passant par évidemment Paris, Texas, 1984) ou carrément un film planétaire comme Jusqu’au bout du monde, 1991 et autres étapes de sujets ou de tournages en Espagne ou au Groënland. Dans cette cartographie globe-trotteuse, le Japon tient pour autant une place particulière.
Au milieu des années 80, Wenders y fait une parenthèse avec deux documentaires, consacrés à un maître du cinéma Yasujiro Ozu (Tokyo-Ga, 1985) et au couturier Yohji Yamamoto (Carnet de notes sur vêtements et villes, 1989). Deux films empreints d’une curiosité pour ce pays et son mode de vie. Pour autant, Wenders aura attendu plus d’une trentaine d’années pour aller y retourner un long-métrage. Qui plus est, Perfect Days est né d’une commande : la municipalité de Tokyo l’a contacté pour participer à un projet mettant en valeur des initiatives sociales liées à l’architecture. Il s’est intéressé à celle singulière d’un renouvellement des toilettes publiques de la ville, conçues par des architectes renommés, notamment une de ses connaissances, Tadao Ando. Initialement, le principe était celui d’une série de courts-métrages sur ces nouveaux lieux d’aisance. Wenders a failli y renoncer avant qu’une idée germe dans son esprit.
Lors de son séjour d’observation à Tokyo, il a fait le constat d’un nouveau rapport de ses habitants à leur ville, une réappropriation après la période d’enfermement, particulièrement drastique, des Tokyoïtes, confinés par le COVID. Wenders aura surtout été frappé par l’importance de nouveau acquise du quotidien et de ses rituels, de la prise de conscience locale d’une nécessaire préservation des biens communs là où la sortie de la pandémie en Europe semble faire resurgir individualisme social et repli sur soi. La commande documentaire muera donc en fiction.
Perfect Days se concentre autour d’Hirayama, employé municipal méthodiquement consacré à l’entretien des toilettes, veillant particulièrement à ce qu’elles soient rutilantes, deviennent quasiment des lieux de recueillement. Pour un peu, cet homme semblerait maniaque à respecter scrupuleusement les rituels de sa vie solitaire. Des rencontres et la réapparition de membres de sa famille laisseront penser qu’Hirayama s’est reclus par culpabilité. Fausse piste : Perfect Days est à l’inverse un film de libération, appelant à savoir se recentrer sur les choses motrices, celles qui rendent le quotidien lumineux et apaisé, permettent de redevenir soi-même.
Wenders applique cette philosophie à son film, par une structure qui n’est répétitive, monastique qu’en apparence, chaque jour d’Hirayama laissant apparaître la joie des petits plaisirs, chaque séquence délestant le réalisateur de toute lourdeur psychologique ou sursignifiante, Perfect Days se faisant chronique radieuse d’un retour à l’essentiel de la vie : l’épanouissement intérieur.
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Chabian
Merci ! J’ai un peu du chercher avant de trouver la référence du billet derrière votre mot “cinéma” : c’est un site d’amoureuses.&eux du Japon. Il est tenu par deux femmes et l’article signé A.M. est sans doute de Annabel Mora, une d’entre elles. Billet très pertinent.
Ensuite, votre phrase “C’est ce type de démarche qui lie art de masse, avec commande publique, à ce besoin de vie intérieure et de recherche de respect qu’il faut peut-être considérer comme la spécificité encore inconnue du socialisme du XXI e siècle… celle qui tranche avec les trognes invraisemblables, les mégalomanes destructeurs dont le capitalisme nous impose l’ultime loi et la vulgarité insupportable en l’attribuant aux prolétaires qui n’y sont pour rien…” est un peu sibylline ! Deux questions : Quels prolétaires ainsi caricaturés et “clichés” évoquez-vous ? Et dites nous un mot de cette “spécificité encore inconnue du socialisme du XXI e siècle” que serait l”a recherche de vie intérieure et le besoin de respect”, si je vous suis bien.