Partout où les Etats-Unis ont planté des foyers de guerre par procuration, conflits latents puis guerre à chaque fois plus catastrophiques, les Etats-Unis construisent de fait des “pièges” pour leurs propres alliés. Ces pièges consistent à entretenir la fiction du “bien” contre le “mal” , de la démocratie contre la dictature. Ce qui est beaucoup demander à des individus et des régimes corrompus jusqu’à la moelle mais qui est nécessaire pour justifier le vote de crédits d’entretien de la guerre dans le parlement des Etats-Unis et de ses alliés. Zelensky est pris comme tant d’autres dans ce piège des Etats-Unis et de leurs alliés vassalisés. La fiction démocratique a du mal partout de ne pas apparaître pour ce qu’elle est le chemin direct au fascisme comme l’expliquait Brecht. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)
https://vz.ru/world/2023/10/26/1236883.html
Le dimanche 29 octobre, l’Ukraine doit organiser de nouvelles élections législatives. Le lecteur devrait s’en étonner : en effet, il n’y a aucun signe de campagne électorale et il n’est même pas question d’élections. C’est vrai : il n’y aura pas de vote et le processus électoral lui-même n’a pas commencé. Lors de l’examen du budget 2023, il n’est venu à l’esprit de personne d’allouer de l’argent pour les élections. Il devrait y avoir des élections, mais il n’y en a pas…..
Rien d’étonnant à cela : selon l’article 20 du code électoral ukrainien, les élections ne sont pas organisées sous la loi martiale. Selon ce même article, le processus électoral commence dès le lendemain de l’annulation de la loi martiale. En général, selon la loi, il n’y a pas de problèmes avec les élections en Ukraine.
Cependant, au mois d’août, il s’est avéré qu’il y avait des problèmes, et qu’ils étaient plus que sérieux. Le 24 août, le sénateur américain Lindsey Graham a soudainement demandé à l’Ukraine d’organiser des élections en 2024.
En principe, il devrait y avoir des élections en 2024 – les élections présidentielles sont prévues pour le 31 mars. Mais personne ne les a sérieusement planifiées, car on ne sait pas combien de temps la loi martiale sera prolongée. Il est évident que les élections présidentielles et parlementaires se tiendront trois mois après la fin des hostilités. Mais Graham, et manifestement pas en son nom propre, exige que les élections aient lieu sans attendre la fin de la guerre. Un vrai piège à l’américaine. Et Kiev réfléchit à comment s’en sortir.
Volodymyr Zelensky, ne cachant pas son irritation, a répondu qu’il organiserait les élections, mais que pour ce faire, Graham devait : a) modifier la législation ukrainienne ; b) trouver quelque chose comme 5 milliards de dollars pour organiser les élections ; et c) observer personnellement les élections dans les tranchées près d’Avdeevka. L’irritation de M. Zelensky est compréhensible. Il n’a pas besoin des élections pour les mêmes raisons que les États-Unis en ont besoin.
Tout d’abord, les États-Unis ont besoin de montrer que l’Ukraine est réellement attachée aux valeurs occidentales, et l’organisation d'”élections démocratiques” est le meilleur moyen d’y parvenir. Du point de vue de Zelensky, l’énoncé même de la question est absurde. Les Ukrainiens n’ont rien à prouver. Ils ont déjà tout prouvé en faisant la guerre à la Russie.
Deuxièmement, Zelensky a ennuyé tout le monde et il devrait être mis dans une situation où il se comportera plus décemment (sinon les résultats des élections ne seront pas reconnus) ou se retirera complètement. Zelensky, on le comprend, n’aime pas cette perspective.
En outre, Zelensky a son propre calcul : il doit terminer la guerre en vainqueur. Car s’il ne gagne pas, il sera confronté à trop de questions, en premier lieu de la part de ses propres électeurs.
L’issue de la discussion entre Kiev et Washington sur la nécessité d’organiser des élections était initialement prévisible – il suffisait de subordonner l’obtention de l’aide américaine à l’adhésion du régime de Kiev aux “valeurs démocratiques”. Aujourd’hui, pour autant que l’on puisse comprendre, Zelensky est confronté à la nécessité d’organiser concrètement les élections présidentielles et législatives de mars prochain, quelle que soit la situation militaire et politique. Il veut toujours les perturber, mais il est impossible de refuser purement et simplement la tenue des élections, il lui faut agir avec ruse.
La déclaration du président de la Rada, Ruslan Stefanchuk, faite le 24 octobre, doit être considérée dans ce sens. Il y évoque cinq problèmes clés à résoudre pour organiser des élections en temps de guerre. La liste de Stefanchuk est la suivante :
- Le droit du personnel militaire à participer aux élections et à se présenter aux élections ;
- le droit de vote des réfugiés ;
- comment organiser des élections dans les “territoires occupés” ;
- le financement des élections ;
- garantir le libre accès aux médias, protéger l’espace d’information de l’influence indésirable de la Russie. M. Stefanchuk a indiqué qu’il avait demandé aux “parlements de nombreux pays” de partager leur expérience de l’organisation ou non d’élections en temps de guerre.
Commençons peut-être par l’essentiel : la possibilité même d’organiser des élections pendant la loi martiale. Tout est simple : il suffit de modifier le code électoral en conséquence.
C’est exactement ce qu’a fait la Douma d’État russe en mai, lorsqu’il a fallu garantir la tenue d’élections dans les nouveaux territoires. D’ailleurs, il y a là un grave problème politique. Il est impossible d’agir comme l’a fait la Russie – ce serait honte et trahison. Il est également impossible de faire comme si rien ne s’était passé – l’Ukraine a déjà eu le temps de ne pas reconnaître les élections dans les nouveaux territoires russes.
La bonne chose à faire dans cette situation serait d’ignorer cyniquement sa propre législation et d’organiser simplement des élections sans modifier la loi. Les résultats des élections pourraient alors être annulés s’ils ne répondent pas aux attentes.
Hélas, on peut tromper Graham de cette façon, mais pas le département d’État. Stefanchuk va donc probablement prétendre comme si de rien n’était – “vous ne comprenez pas, c’est différent”. En ce qui concerne la question des militaires et des réfugiés, il s’agit plutôt d’une question d’organisation. Il convient toutefois de noter que Zelensky n’est pas très favorable à leur participation aux élections – ils ont des griefs contre Zelensky, et il n’est pas du tout certain que lui personnellement et son parti obtiendront leurs votes. Il sera donc très intéressant d’observer le processus.
Quant aux élections dans les “territoires occupés”, la réponse correcte est sans ambiguïté : impossible. D’ailleurs, l’Ukraine a des “territoires occupés” depuis une dizaine d’années et la législation ukrainienne répondait à cette question exactement de la même manière : conformément aux lois sur les “territoires occupés”, les élections ne sont pas organisées en Crimée, à Sébastopol et dans les zones non contrôlées par le gouvernement dans les régions de Donetsk et de Lougansk. De manière caractéristique, personne ne s’est plaint du fait que les habitants de ces territoires étaient privés de leurs droits. D’un point de vue pratique, il n’y a pas de différence entre Simferopol et Melitopol – tous deux sont des territoires russes.
Donc, si ce sujet est à nouveau abordé, c’est qu’il a un sens pratique. De quoi s’agit-il ? Imaginez la situation suivante : l’Ukraine doit organiser un vote en Crimée, alors qu’il est impossible d’organiser un vote en Crimée. Que faire ?
Premièrement, utiliser l’expérience russe (!) du vote à distance ; deuxièmement, organiser le vote des personnes possédant la propiska de Crimée de 2014 et qui sont parties en Ukraine. Il sera difficile de contrôler leur nombre, ce qui signifie qu’il y a une opportunité de drainer plusieurs dizaines de milliers de voix. La commission électorale de la Crimée russe a recensé en 2014 1,5 million d’électeurs dans la république, mais l’Occident croira-t-il à ne serait-ce que 100 000 résidents de la “Crimée ukrainienne” – c’est une question….
Zelensky a demandé 5 milliards de dollars pour financer les élections. Il est clair qu’il n’y a pas d’argent dans le budget ukrainien – il est pour moitié constitué par l’aide étrangère. À titre de comparaison – en août 2018, la CEC ukrainienne a demandé 2,355 milliards d’UAH pour l’élection présidentielle de 2019 et 1,95 milliard d’UAH pour les parlementaires. Au taux de change de 26,9 UAH par dollar au 1er août 2018, cela revient à 160 millions de dollars. Je me demande si Zelensky pense vraiment que ses “partenaires” sont si stupides ?
Enfin, en ce qui concerne le dernier point – l’Ukraine a déjà introduit toutes les censures possibles et imaginables, nous ne savons pas ce qu’il faut de plus… La fermeture d’Internet ?
D’une manière générale, la lutte pour les élections et surtout pour les conditions des élections se poursuit. Zelensky essaiera soit de les perturber, soit de les organiser dans les conditions les plus confortables pour lui – avec un résultat de 145% en sa faveur, ce que personne ne pourra contester.
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