Un autre monde est possible, d’ailleurs nous y sommes déjà, conférence débat au cercle cubain de Marseille

Les Etats-Unis, peuvent toujours déplacer leur porte-avions nucléaire face à la folie des représailles, le fond est que comme en Ukraine, en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Afrique tout ce dont ils sont capables c’est d’attiser des conflits. La situation n’en est pas encore dans l’attaque de l’Iran, il s’agit simplement d’empêcher la paix et de le faire avec une inhumanité qui a déjà fait ses preuves à Hiroshima, au Chili, et à Cuba. Il s’agit d’empêcher une paix viable basée sur la justice en écrasant une population civile en entraînant des noyaux de haine et d’injustice en attendant une prochaine conflagration jusqu’où et jusqu’à quand ? la seule question est existe-t-il une force en particulier au niveau international capable de s’opposer à cela, apparemment non, mais déjà tout le monde parait en attente et perçoit bien que ces gesticulations relèvent d’un autre monde, que nous avons basculé dans une autre civilisation et chacun parait attendre l’inconnu.

Jeudi 12 octobre, nous avions décidé dans un quartier proche du centre ville de Marseille, d’organiser une petite conférence débat autour d'”un autre monde est possible, En quoi Cuba nous parle-t-il de notre actualité à nous, de celle de la planète?” Nous c’est-à-dire le cercle marseillais des enfants de Cuba, grâce à une brasserie du quartier qui nous a offert les lieux pour la soirée, en particulier une terrasse dans laquelle a eu lieu la discussion avant que nous allions nous restaurer.

Nous nous sommes retrouvés 23, une dizaine de membres du cercle et des amis venus pour la soirée à laquelle il fallait s’inscrire et participer aux frais. Il n’y a pas eu de matériel particulier, simplement le bouche à oreille et je crois que nous serons encore plus nombreux jeudi 19 octobre à la maison des associations 93 avenue de la Canebière (à partir de 17 heures) où nous déciderons des activités et de la programmation de la rentrée. En ce qui concerne Cuba, notons que le vendredi 13, lors de la manifestation du PCF pour la paix, nous avons eu une discussion avec Jeremy Bacchi, le secrétaire fédéral du PCF pour voir le travail que nous pourrions faire ensemble, idem avec l’ANC de Charles Hoareau, on vous tiendra au courant.

Il est difficile pour l’auteur de la conférence, moi en l’occurrence d’en parler, surtout aux lecteurs de ce blog qui sont familiers avec les sujets traités, nous partions de Cuba et bien sûr j’ai tenté de faire partager à mes interlocuteurs la beauté et l’attirance que suscitait cette île enchanteresse. Celle que son poète Nicolas Guillen décrit comme un crocodile aux yeux d’émeraude, à cause de sa végétation luxuriante, ses plages au sable d’argent et sa mer turquoise… Il y a plus encore, il existe certains lieux de la planète qui recèlent une énergie mystérieuse, l’histoire de l’humanité semble à chaque moment y renaître avec un écho planétaire comme ces coquillages où l’on entend la mer… mais ce murmure-là c’est celui de toutes les révolutions… Tous les basculements planétaires… Le lieu même où les idées s’incarnent en action au nom de l’humanité… Comment se fait-il que cette île paraisse celle-là même que Thomas More définissait comme l’île “utopie” et pourtant si pragmatique, si vraie et payant les rêves humains d’un tel prix…

C’est ici que Christophe Colomb découvrit l’Amérique… Il ne découvrit d’ailleurs rien du tout. A cette époque il existait deux villes ayant au moins un million d’habitants et c’étaient Pékin et Mexico. Pour nourrir, nettoyer, apporter l’eau, l’énergie à un million d’habitants au cœur d’une architecture magnifique il fallait avoir des tas de savoirs. A la même époque la plus grande ville d’Europe c’était Londres avec ses 300.000 habitants, elle était sale, périodiquement à cause de cela la proie d’épidémies de peste et de choléra et les maisons brûlaient dans de gigantesques incendies. Pourquoi la petite bande de crasseux, pillards, voleurs que nous étions se sont-ils imposés ? En ce qui concerne l’Amérique parce que nous étions porteurs de maladies qui les ont décimés et que notre “modernité” était basée sur les fusils, l’industrie. L’occident a imposé au monde son industrialisation, ses armes mais aussi “sa logique de bandit” où seule prime la loi du plus fort assortie de discours hypocrites sur le bien et le mal et l’utilisation ignoble de nos propres luttes, celle de nos travailleurs, de nos révolutionnaires derrière leurs drapeaux tricolores, leur Marseillaise, mais aussi leurs drapeaux rouges et l’Internationale, ceux qui tentaient, parfois avec succès, de mettre à terre les exploiteurs du monde et de nous-mêmes. Nous étions cet “air de liberté” et l’union du sabre et du goupillon pour détruire les autres peuples. Est-ce que nous le sommes toujours ?

Cuba, les Antilles c’est aussi le formidable enrichissement du continent européen avec la traite des esclaves pour les plantations de sucre. Une sacrée affaire : on allait chercher en Afrique des esclaves que l’on traquait ou que les rois du coin vendaient, on les revendait dans les Caraïbes, enfin ceux qui survivaient et les navires repartaient vers l”Europe chargés du pillage des Amériques. Le roi d’Espagne rassemblait dans la baie de la Havane tous les galions chargés de ce qui avait été pris dans ses possessions de toute l’Amérique latine, et ils repartaient chargés d’or mais aussi d’autres marchandises, comme le bois précieux de Cuba, puis le sucre qui était particulièrement recherché. C’est la base de la première accumulation du capital en Europe. Puis aux Etats-Unis.

Quand les galions espagnols partaient, des pirates et des corsaires, des britanniques, des hollandais et des Français tentaient de s’en emparer… la mer des Caraïbes est le lieu de toutes ces épaves, ces légendes…

Cuba et sa voisine Haïti reçurent l’écho de la Révolution française… Il faudrait des pages et des pages pour raconter l’influence de la Révolution française, des Lumières, la franc-maçonnerie y compris celle des esclaves sur le port, l’amorce du syndicalisme et des cultes africains, la musique…

Cuba et la révolution des Barbudos, de Fidel Castro a été précédé des guerres d’indépendance, dans lesquelles esclaves et maitres ont abandonné leur conception du monde pour lutter ensemble et libérer l’île… Tous ceux qui connaissent Cuba savent cela par cœur mais il n’en était pas de même de mes interlocuteurs… et je leur ai raconté tout cela pour atterrir sur aujourd’hui… En ce temps où la petite île utopie toujours torturée par son puissant voisin et un immense pays continent, la plus ancienne civilisation orientale, la Chine qui a elle-même subi la guerre de l’opium, elle dont les enfants dans le nouveau monde ont été traités pires que des esclaves se tendent la main pour envisager un autre destin pour l”humanité, un destin gagnant-gagnant, dans la paix, quand les sciences, l’éducation remplacent les armes et créent la conscience d’une communauté de destin…

J’avais porté le livre découvert en 2004 chez des bouquinistes de la vieille Havane (voir sur la table le livre rouge). Il s’agissait d’un rapport de Fidel Castro aux non alignés en 1983. En résumé Fidel annonçait la crise du capitalisme plus ou moins en ces termes : le capitalisme est entré dans une crise très profonde, et il montrait la croissance poussive et il expliquait que les Etats-Unis et les peuples du nord n’avaient plus la capacité d’impulser le développement dont le sud avait besoin. Tout ce qu’ils feraient ce serait reporter leurs crises, et même l’URSS malgré sa planification n’y résisterait pas. Il fallait d’urgence créer de nouveaux rapports sud-sud pour échapper à l’écroulement de ce monde-là.

Au même moment j’étais très proche de celui que Fidel envoyait pour des discussions en Chine, Jorge Risquet qui avait déjà dirigé les contingents cubains en Afrique et il m’expliquait ce que l’on pouvait en percevoir. Il me disait, la Chine va si vite que ce que tu crois percevoir est déjà dépassé. Pourtant l’essentiel est très simple, si nous Cubains, nous oublions que nous avons le pire ennemi à notre porte, les Etats-Unis et qu’il veut notre perte, nous sommes morts, si les Chinois oublient qu’ils ont un milliard trois cent mille bouches à nourrir ils sont morts. Reste là-dessus et pour le reste apprends, écoute, et ne donne pas de leçons. Ce qui est sans doute le plus difficile pour un Français.

Toujours à la même époque vers 2003, grâce à Chavez, non seulement l’Amérique latine bougeait mais Chavez et Poutine créaient une organisation contre les major du pétrole et commençaient à organiser la résistance des pays pétroliers et de l’OPEP. Là aussi j’avais sur le cœur l’échec de l’URSS, mon monde bien aimé et je voyais ressurgir de là-bas aussi un autre possible. C’était un peu comme après notre révolution le retour apparent des rois et de la féodalité, mais un peuple n’oublie jamais la Révolution, le pouvoir de libération des masses, et la Russie allait avoir sa période napoléonienne, qui demeurerait dans le sens de l’avenir. C’était la réappropriation de ses ressources par rapport à la logique du bandit de l’impérialisme. Chavez en est probablement mort. Donc étant en situation d’observation directe j’ai écrit un livre que personne n’a compris à l’époque et surtout pas mes co-auteurs et qui décrit ce que vous voyez en ce moment.

Qu’est-ce que vous voyez ?

L’empire US, celui qui impose l’impérialisme, la logique du bandit, l’égoïsme, l’individualisme jusqu’à l’asphyxie et la haine repose sur trois piliers :

Le premier c’est l’armée la plus importante du monde, à elle seule elle représente plus que toutes les armées du monde, y compris celles de ses alliés complices qu’elle intègre dans des alliances comme l’OTAN mais c’est une étrange armée construite non sur la nécessité de se défendre avec ses citoyens, comme son vainqueur lors de la baie des Cochons, c’est une armée faite pour porter la guerre ailleurs qui a plus de 700 bases dans le monde, c’est une armée qui est construite pour le profit des marchands d’armes qui dirigent le pays, dont on protège les soldats par l’attaque et le siège des populations civiles, comme le siège imposé à Cuba, l’entretien malgré sa volonté d’une base lieu de torture et de non droit qu’est Guantanamo, alors que tout cela est défendu au nom de pseudo droits de l’homme.

Le second c’est le dollar, la monnaie universelle surtout depuis qu’il ne repose plus sur l’étalon or. Et depuis que dans les années 70 a été institué le pétrodollar, c’est-à-dire que toute l’énergie s’achète en dollar et chaque pays doit acheter des dollars pour commercer et pour acheter son énergie. Les Etats-Unis utilisent ce pouvoir en “militarisant” le dollar c’est-à dire qu’ils inventent sanctions, blocus pour asphyxier les peuples. Ils ont même raffiné c’est-à dire que leurs lois ne s’appliquent pas qu’aux Etats-Unis mais partout, il suffit qu’un produit ait un boulon produit aux Etats-Unis pour mettre l’embargo. C’est l’asphyxie qu’ils font vivre à Cuba depuis soixante ans et que Trump a encore aggravé.

Le troisième pilier c’est la maitrise de l’information, cinéma, presse, télévision tout est soumis à leur propagande.

Qu’est-ce qui a changé : la montée de la Chine qui est à la fois la plus vieille civilisation et qui a subi l’humiliation coloniale, non seulement avec le socialisme elle a connu un développement sans précédent, mais lors de la crise des subprimes en 2008 elle a sauvé l’économie mondiale, elle a racheté des masses de dollars.

Mais cette crise de 2008 est aujourd’hui repartie de plus belle… nous sommes devant un possible effondrement cataclysmique du Dollar américain et d’une perte de son statut de réserve mondiale, ce qui inquiète de nombreux économistes, il ne faut pas oublier que les inquiétudes à propos du Dollar reposent sur un fait très concret : Les États-Unis sont, de très loin, le pays le plus endetté au monde. Avec une dette totale qui dépasse désormais les 33.500 milliards de dollars, les États-Unis sont en effet plus endettés que la Chine, le Japon et l’Allemagne (à la 2ème, 3ème et 4ème positions des pays les plus endettés au monde) cumulés.

Cependant, il est indéniable que la situation budgétaire du gouvernement américain est intenable, alors que l’administration Biden a ajouté plus de 500 milliards de dollars à la dette du pays rien que sur le mois d’août.

Le pays est en effet confronté à une avalanche de facteurs adverses, tels qu’une dette galopante, des déficits massifs et une baisse des recettes fédérales. Or, il ne semble y avoir aucune volonté politique de réduire substantiellement les dépenses, alors que le pays, en plus de ses dépenses internes, participe à l’effort de guerre en Ukraine, et participera sans doute à l’effort de guerre en Israël et sur toute la planète. Selon l’administration Biden, “le déficit cumulé entre 2023 et 2032 s’élèverait à plus de 14 000 milliards de dollars américains, en supposant qu’il n’y ait pas de récession ou de baisse de l’emploi”. Sur le seul mois d’août 2023, “le maintien de la dette coûtera 808 milliards de dollars, soit 15 % des dépenses fédérales totales, selon le Trésor américain”, face à des “taux d’intérêt (qui) augmentent en même temps que le gouvernement rejette toute contrainte budgétaire”, ce qu’il a qualifié de “bombe à retardement monétaire”.

Le statut de monnaie de réserve, et potentiellement la survie du Dollar sont en jeu, ce qui apparait c’est que le pilier armée américaine au coût phénoménal est défait partout, en Irak, en Afghanistan, en Ukraine. Si ce château de cartes tient toujours debout, c’est parce que le statut du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale permet au gouvernement américain de s’en tirer à bon compte, ce qui donne aux Américains un faux sentiment de sécurité.

De surcroit la plupart des pays commencent à être inquiets parce que les Etats-Unis se sont mis à s’approprier les trésors de ceux qu’elle veut sanctionner. En effet comme la France détient les trésors nationaux de l’Afrique, les USA détiennent les trésors de la plupart des pays. Et outre les sanctions, les blocus, dernièrement les USA se sont emparés du trésor du Venezuela, de l’Afghanistan, de la Russie, etc…

Bref à partir de 2008 où apparaissent les BRICS commence un mouvement qui devient de plus en plus important avec un certain nombre de pays émergents, rejoints récemment par ceux qui détiennent le pétrole et en contrôlent l’approvisionnement qui tentent de se protéger à la fois des sanctions liées à la militarisation du dollar et à son possible effondrement, une catastrophe planétaire annoncée.

Je leur ai présenté les dates d’évolution des BRICS, depuis le BRIC et l’évolution cette année en leur montrant comment chaque guerre, chaque crise correspondait à une mutation de cette organisation.

Ces derniers mois ont montré que de nombreux pays, y compris la Chine, se débarrassent plus ou moins massivement de leurs avoirs en dollars US, y compris en bons du Trésor. De plus, on a pu observer au cours de l’année une forte progression de la volonté des BRICS de s’affranchir de la domination du Dollar.

En d’autres termes, la confiance qui donne son statut de supériorité au dollar ne semble plus tenir qu’à un fil. Or, lorsque la confiance dans la monnaie s’effondre, l’impact est soudain et insurmontable, comme l’ont montré plusieurs cas au cours de l’Histoire…

Après avoir analysé ce mouvement qui n’est pas “idéologique”, j’ai analysé le mouvement parallèle des peuples qui subissent de plus en plus les effets d’un tel effondrement, des guerres, des épidémies… Et qui se traduit partout par des crises de la démocratie. Là il faut étudier d’autres initiatives venues du sud et qui tendent à créer d’autres organisations internationales, à transformer et à investir les anciennes.

Ce qui nous conduit à un autre aspect de cette transformation, celle de l’intervention de ceux qui ont intérêt au changement, à savoir les peuples du sud et la classe ouvrière, le rôle des partis communistes et progressistes. Ce qui nous ramène au rôle de Cuba, avec des événements comme la conférence de la Havane, la réunion du G77 avec un retour des non alignés parallèle à celui des BRICS, de la route de la soie, des nouveaux rapports de forces au plan international.

Et de nos luttes en France… Un monde nouveau est déjà là… pendant trente ans et plus nous avons vécu une contrerévolution la tendance s’inverse mais nous ne le mesurons pas encore…

Nous sommes encore dans l’horreur d’un monde qui meurt avec l’accumulation de désastres, tout est fait pour nous faire peur, nous interdire de bouger, nous isoler dans l’individualisme, les épidémies, l’inflation incompréhensibles, les guerres qu’il faudrait alimenter, la haine, les racismes, et maintenant les punaises de lit… le sens de cette rencontre c’est de réfléchir ensemble à la manière dont on peut voir les possibles, agir pour les faire grandir, parce que ce monde a besoin de nous.

A ce résumé de la conférence, il faut ajouter le débat très animé qui a suivi et qui m’a étonnée au moins sur trois points :

• chacun était très conscient qu’effectivement nous étions entrés dans une autre civilisation, faites l’expérience autour de vous, c’est étonnant chacun est tout à fait conscient de ce seuil franchi et si mon intervention surprenait par son optimisme elle disait bien ce que chacun éprouvait devant un monde autre, inconnu et dont les règles paraissaient avoir rompu avec ce qui était le plus fondamental hier.
• mais en général, comme c’est l’inconnu, chacun ne voit de solution que dans le local, la famille, le voisinage, alors même que les processus sont globaux aussi…
• Le troisième c’est la capacité d’écoute, de dialogue, et comment sortir de l’isolement pour poursuivre? Est-ce un hasard que tout ce qui pouvait diviser, je pense en particulier à ce qui se passe en Israël Palestine n’a même pas été évoqué alors que je connaissais les positions antagonistes de divers participants. Non pour cacher ces opinions mais pour construire.

Nous on va continuer le jeudi 19 octobre à la maison des associations 93 la Canebière de 17 h à 20 h pour définir un programme de travail ensemble avec en son centre Cuba, faire connaitre, aider mais aussi la paix.