Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

CENSURE À LA SORBONNE – Soutien à Annie Lacroix-Riz – Déclaration du secrétariat national du PRCF – 6 octobre 2023

J’ai écrit pour apporter mon soutien non seulement à Annie, mais à Remy Herrera dont le séminaire vient de fait d’être interdit. Ce qui devrait provoquer une indignation qui irait bien au-delà des rangs des marxistes mais concerner tous ceux qui refusent la censure et les autodafés. A diffuser largement et à signer. Ce qu’il faut bien mesurer c’est à quel point la manière dont tout est fait pour substituer au débat public une hystérie indignée autour du “bien” et du “mal” couvre en fait l’avancée de la censure et de la répression politique. Annie à qui j’ai dit aussitôt mon soutien, m’a expliqué à quel point le silence apeuré régnait dans les milieux universitaires, pourtant les nouvelles alarmantes se multiplient : “le pouvoir a démissionné la présidente du jury de Capes de philosophie.” (note de Danielle Bleitrach)

6 octobre 2023 

Alors que son intervention était dûment programmée et annoncée dans le cadre académique du Séminaire « Marx au XXIème siècle » de la Sorbonne (créé par le regretté Jean Salem), l’historienne émérite Annie Lacroix-Riz, autrice d’un grand nombre d’ouvrages scientifiques parmi lesquels figurent Le choix de la défaite et, à paraître très prochainement chez Armand Colin, Aux origines du plan Marshall, vient de recevoir un message écrit de l’organisateur de ce Séminaire institutionnellement tenu dans le cadre de la Sorbonne : il lui apprend qu’il se voit contraint de supprimer cette conférence sous la pression d’un comité occulte d’universitaires (non nommés) qui, par ailleurs, réclameraient aussi la suppression d’autres conférences, voire menaceraient l’existence à moyen ou à court terme du Séminaire Marx. Au moment même où nous adoptons ce communiqué, nous apprenons du reste que l’organisateur du Séminaire annonce la suppression de toutes les conférences annoncées, c’est-à-dire de facto la fin du Séminaire. Il termine d’ailleurs son communiqué par une phrase de Marx condamnant la censure. 

Le tollé général que provoque cette censure caractérisée ne constitue pas seulement un soutien encourageant et mérité à notre camarade historienne Annie Lacroix-Riz pour la qualité mondialement reconnue de ses recherches d’histoire contemporaine, pour sa méthodologie rigoureuse et pour sa fréquentation assidue des archives et de ce qu’elles révèlent de notre histoire véritable à rebours de la doxa historiographique percluse de négationnisme anticommuniste, de préjugé antisoviétique systémique, de conformisme euro-complaisant, d’aliénation linguistique anglo-béate, de courbettes atlantico-formatées et d’adhésion soi-disant « postmoderne » aux idéologies contre-révolutionnaires. Le soutien qu’elle reçoit vise avant tout à défendre la liberté d’expression en général et les libertés académiques gravement menacées dans notre pays : en effet, « notre » grande bourgeoisie devenue archi-réactionnaire et pseudo « libérale » piétine désormais ouvertement et grossièrement le précepte attribué à Voltaire : « je suis en désaccord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire ». 

Il faut ajouter que, dans la dernière période, notre éminente camarade a été ciblée, voire harcelée, par plusieurs campagnes déshonorantes pour leurs auteurs, que ce soit pour les pseudo « journalistes » bâillonneurs de Médiapart réclamant mezzo voce que tel média ou tel éditeur cesse de publier notre camarade, sans oublier la récente campagne infâme de « Conspiracy Watch » qui suspecte Annie de complotisme parce que, archives à l’appui, elle établit que la notion de « synarchie » regroupant des milieux pro-hitlériens de l’entre-deux-guerres ne relève nullement du fantasme mais qu’elle comporte des bases factuelles (si c’est faux, que les adversaires d’ALR ne lui opposent-ils pas leurs PREUVES au lieu de chercher à la bâillonner ?). Des rumeurs encore plus scandaleuses, et dont les auteurs se dissimulent encore plus lâchement, insinuent aussi qu’ALR, une militante communiste, internationaliste, républicaine, antifasciste, antinazie et syndicaliste de toujours, serait « antisémite » (!!!), alors que les quatre grands-parents d’Annie sont juifs, que l’un de ses grands-pères est mort à Auschwitz et que l’une de ses motivations profondes pour faire de l’histoire contemporaine et pour s’inspirer de la méthodologie marxiste à cette fin, aura toujours été, pour conjurer les risques pressants de retour en force paneuropéen des nostalgiques d’Hitler, de Bandera et autres Laval, de comprendre scientifiquement, pour mieux les détruire, les ressorts de classe profonds de l’extermination hitlérienne des juifs. 

Le climat général dans lequel s’inscrit cette offensive maccarthyste et anticommuniste est celui d’une marche générale de l’Europe en général et de la France en particulier vers une fascisation idéologique accentuée sur fond, non seulement de remontée en flèche de l’anticommunisme d’État (cf. les Résolutions successives des parlements européen et français criminalisant l’URSS à l’égal des nazis, que l’URSS a pourtant centralement contribué à vaincre), mais de poussée paneuropéenne des extrêmes droites, d’alignement sur les pratiques académiques censoriales venues de certains milieux nord-américains ; sans parler du climat général de russophobie et d’antisoviétisme à retardement qui se déploie autour de l’union sacrée euro-atlantique pour soutenir le régime pronazi de Kiev, tenter de prendre une revanche tardive sur le pays de Stalingrad, voire préparer la guerre étatsunienne contre la Chine populaire. 

Tout cela, s’agissant de la France, se met en place dans une ambiance sociopolitique liberticide où le syndicalisme de classe est matraqué, où les gilets jaunes sont éborgnés, où les médias sont verrouillés par la Macronie et/ou par des milliardaires d’extrême droite pendant que Macron institue son Service national universel pour formater idéologiquement la jeunesse, que le ministre Attal prétend mettre au pas le jury du CAPES philosophie et l’ensemble des enseignants de l’Éducation nationale, que la Compagnie Jolie Môme est menacée d’expulsion du théâtre de la Belle Étoile à Saint-Denis et que le département de l’Allier prend prétexte d’un dispositif d’État pour tenter d’imposer aux élèves « à titre expérimental » un « uniforme » arborant… la prétendue fleur de lys du ci-devant « Bourbonnais ». 

Bref, la haine contre-révolutionnaire qui se déchaîne depuis quarante ans contre l’héritage glorieux de Stalingrad et d’Octobre 17 atteint de plus en plus l’héritage idéologique et civilisationnel des Lumières et de la Révolution française avec d’énormes dangers pour tous les intellectuels et pour tous les démocrates qui veulent simplement faire leur travail et penser par eux-mêmes, qu’ils soient communistes ou non. 

Dans ces conditions,

a) le PRCF assure sa camarade Annie de sa totale solidarité humaine et politique à l’occasion de la grotesque censure inouïe qui la cible, ainsi que d’autres intellectuels jugés dérangeants et invités (ou même pas invitables ?) au même Séminaire ;

b) exige que les pressions exercées pour censurer ces intellectuels et, a fortiori, pour liquider le Séminaire Marx de la Sorbonne soient révélées et assumées au grand jour par leurs méprisables auteurs dans l’intérêt de la liberté d’expression de tous et de la dignité de l’Université française ;

c) se joindra à toute action démocratiquement concertée pour mettre en échec l’entreprise maccarthyste en cours dans notre pays, y compris par ex. par une pétition nationale de masse, par le prononcé en place publique, le jour des conférences censément supprimées, desdites conférences, voire l’idée d’un congrès et/ou de manifestations populaires contre l’euro-maccarthysme en marche. Voire, si le Séminaire Marx était bel et bien supprimé, comme ce semble être le cas, ou s’il continuait ou reprenait sous une forme autre de celle qui avait su se développer et qui serait indigne de porter le nom de Marx, la mise en place d’un nouveau Séminaire Marx libéré retrouvant totalement l’esprit d’ouverture du séminaire fondé par le défunt Jean Salem, digne fils d’Henri Alleg, dans une démarche sainement fédératrice.

Bref, faisons en sorte que la censure se retourne contre les censeurs, comme l’interdiction des peintres impressionnistes refusés au Salon institutionnel de Napoléon III s’est finalement transformé en discrédit des « officiels » et en triomphe des « refusés ». 

Pour le PRCF –

Léon Landini, président du PRCF, officier de la Légion d’honneur au titre de la Résistance, ancien FTP-MOI ;

Pierre Pranchère, vice-président du PRCF, ancien maquisard FTPF, ancien député de la Nation ;

Hermine Pulvermacher, ancien agent de Liaison FTPF, chevalier de la Légion d’honneur, ancienne secrétaire générale du groupe communiste à l’Assemblée nationale ;

Jean-Pierre Hemmen, fils de Résistant, directeur de publication d’Étincelles. 

Fadi Kassem, secrétaire national du PRCF, agrégé d’histoire ; 

Georges Gastaud, agrégé de philosophie, directeur politique d’Initiative communiste, fils de Résistant ;

Gilda Guibert, agrégée d’histoire, animatrice des Cafés marxistes ;

Aymeric Monville, écrivain ;

Gilliatt de Staerck, syndicaliste des transports, responsable de la JRCF.

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1 Commentaire

  • Sefta
    Sefta

    Une excellente dénonciation d’une censure inadmissible non seulement au niveau universitaire mais de la nation toute entière. Nous avons si peu d’universitaires comme Annie Lacroix Riz et la liberté d’expression doit être maintenue pour éviter le naufrage vers le fascisme grave.

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