No comment cet article du journal Marianne qui a le mérite de balancer un certain nombre de vérités, demain si j’ai le temps, je vous dirai plus clairement ce que je pense du cirque politico-médiatique et de la question qui n’a rien de subsidiaire d’une liste autonome communiste aux élections européennes. Je ne suis pas sûre que ma position en faveur de cette liste corresponde à la doxa mais en tous les cas elle prétend au moins aller au-delà de ce cirque (note de Danielle Bleitrach histoireetsociete)
© Bertrand GUAY / AFP
L’ode dithyrambique à Jean-Pierre Elkabbach, mort à 86 ans, confirme que le petit monde de la bulle politico-médiatique sait reconnaître les siens, y compris lorsqu’ils finissent leur carrière chez Vincent Bolloré. Le susdit, qui a longtemps œuvré à Europe 1 et CNews, était en effet le conseiller de celui qui est présenté comme l’ennemi juré de la liberté de la presse. Pourtant, ce « détail » est souvent oublié par la cohorte d’éditorialistes et de responsables politiques qui en font le modèle du journalisme libre et indépendant. Cherchez l’erreur.
« La mort transforme la vie en destin », disait André Malraux. Aux yeux des habitués des couloirs médiatiques, Jean-Pierre Elkabbach est une icône intouchable. L’inévitable Alain Duhamel, qui fut à Elkabbach ce que Hardy était à Laurel, est venu chanter ses louanges à France Inter.
La fascination pour le pouvoir
Logique : les deux hommes avaient la même passion pour le pouvoir. On a donc pu entendre Alain Duhamel raconter l’époque bénie où les deux compères partaient en hélicoptère avec François Mitterrand, alors président de la République, pour aller visiter tel ou tel lieu historique, avant de partager ensemble un bon repas. C’était le bon temps. En connaisseuse, Apolline de Malherbe, qui officie sur BFM, a jugé sur X (ex-Twitter) ce moment « émouvant et magnifique », avant de saluer « ces deux immenses journalistes ». On a les idoles qu’on peut.
Outre sa fascination pour les grands de ce monde, Jean-Pierre Elkabbach avait le don inné d’étaler son mépris pour les petits, les sans-grade, ou les esprits iconoclastes. C’était même devenu sa marque de fabrique. La généralisation du procédé a tellement inspiré le milieu journalistique qu’elle a fait de cette profession l’une des plus détestées de France. Encore bravo. Cela mérite incontestablement d’être salué.
Laurence Haim, ancienne correspondante de Canal + aux États-Unis, a noté sur X : « Il adorait travailler tout le temps, déjeuner chaque jour chez Edgard à Paris pour voir la classe politique et des jolies femmes badiner… ». Un homme délicat, assurément. Et d’ajouter : « Il voulait toujours avoir en premier ceux qui comptent… » Pour ceux qui ne comptent pas, il y a les poubelles de l’histoire.
Offrandes en boucle
L’ex-ministre socialiste Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, a écrit : « Interviewer hors pair, il était vibrant, bouillonnant, irritant parfois, il savait tout, s’intéressait à tout de la politique, de la France, du monde… Un géant, une institution du journalisme disparaît. » Il fallait un géant de la politique pour le rappeler.
Bernard-Henri Lévy, autre monument national, qui se reconnaît en lui, a su le dire avec des mots simples, dénués de toute emphase : « Vitalité indomptable. Curiosité insatiable. Voulait, à 20 ans, être « Camus ou rien » et devint ce prince du journalisme rêvant de mettre la beauté, la connaissance, le savoir, la vérité, à la portée de tous ». C’est beau comme un film de BHL faisant un bide dans les salles.
Nicolas Sarkozy, devant lequel Jean-Pierre Elkabbach a toujours su se prosterner avec respect et déférence, ne pouvait manquer l’occasion de saluer « un grand du journalisme ». Non sans humour, l’ex-Président a donc rendu hommage à un « intervieweur pugnace et sans concession », ce qui ne manquera pas d’étonner tous ceux qui se rappelle les échanges courtois auxquels se livraient les deux compères sur les plateaux de télévision.
Tout le monde y est allé de son offrande au pape des médias. Fabien Roussel, leader du PCF, a même repris un extrait d’un débat télévisé où son prédécesseur, Georges Marchais, était obligé de rappeler à Jean-Pierre Elkabbach qui l’interviewait, qu’il était lui aussi doté d’un cerveau, et qu’à l’occasion, il savait s’en servir. Le face-à-face avait inspiré le comique Thierry Le Luron, inventeur de la fameuse répartie : « Taisez-vous Elkabbach ! »
Nombre de journalistes sont encore persuadés que la saillie a été formulée par Georges Marchais. Ce dernier, en effet, n’avait pas sa langue dans sa poche. Il était même l’un des rares à ne pas plier devant les oukases de celui qui a longtemps fait la pluie et le beau temps (surtout la pluie) dans l’univers médiatique.
Saluer son talent, sa pugnacité et sa force de travail, c’est une chose. Oublier qu’il fut le symbole de l’entre-soi élitiste, du mépris de caste et de la pensée unique, c’en est une autre, fort dommageable.
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