Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La réforme cannibale des libéraux a “avalé” 2,4 millions de retraités, par Sergueï Aksionov

Alors que tous les jours les sycophantes et les thuriféraires de notre système de propagande s’ingénient à décrire la Russie en train de s’effondrer en Ukraine et plus généralement la débâcle économique de leurs adversaires, une guerre idéologique qui accompagne le soutien aux armées qu’ils déversent dans les conflits qu’ils ont allumés, ils ne voient pas la vraie ligne de faille qui peut intervenir. Pas dans le résultat de blocus et de sanctions mais quand le peuple est convaincu de l’injustice des effets de l’affrontement. C’est la démonstration du KPRF qui dénonce la violation du pacte passé entre Poutine et le peuple russe : ne pas toucher à certains droits hérités de l’URSS. La question des retraites comme un pacte entre générations est plus qu’une atteinte à des conquis sociaux, elle touche à la cohésion sociale en profondeur, en voici la démonstration (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)

https://svpressa.ru/society/article/389407/

La cohésion sociale est impossible sans l’annulation de la réforme des retraites

Il incombe à l’employé de formaliser son statut de retraité, et les documents doivent être soumis dans un délai strictement défini. Vadim Vinogradov, doyen de la faculté de droit de l’École supérieure d’économie de l’Université nationale de recherche, a expliqué que l’État ne remboursera pas les paiements en retard dus à la faute du citoyen.

Le conseil du représentant de la “Mecque” libérale – l’École supérieure d’Économie (SP a écrit sur le rôle de son fondateur Yevgeny Yasin) semble une moquerie. C’est comme si un citoyen était coupable d’avance devant l’État, d’avoir compté sur une pension et qu’il ne l’avait pas constituée lui-même par ses cotisations.

C’est la direction prise par la politique des retraites depuis le début de la réforme en 2018. Depuis, le nombre de retraités a déjà diminué de 2,4 millions de personnes en raison de l’augmentation de l’âge de la retraite, selon un rapport de l’Académie russe de l’économie nationale et de l’administration publique.

Les auteurs de la réforme des pensions sont apparemment heureux de réduire le nombre de “personnes à charge”. La seule chose qui soit meilleure que cela, c’est peut-être l’extinction des personnes “superflues”. Une sorte de cannibalisme socio-économique…..

Il est intéressant de constater que les représentants de ces deux pépinières qui forment le personnel de l’État voient dans les processus en cours non pas le fait regrettable que les personnes âgées soient obligées de travailler pour joindre les deux bouts, mais les avantages que le marché de l’emploi en tirera.

Le relèvement de l’âge de la retraite a ajouté 1,7 million de personnes au marché du travail. C’est le principal point mis en avant par les vivisecteurs libéraux. Un tel slogan, tracé sur un tissu bleu (pas rouge !) peut être accroché quelque part au ministère de l’économie.

Ce n’est pas l’économie pour l’homme, mais l’homme et sa vie elle-même, son temps pour l’économie. Après tout, elle est dirigée dans les hautes sphères par un petit nombre de personnes et en général en faveur de leur classe socialement proche – les patrons et les entreprises. Toute ressource supplémentaire est donc la bienvenue. Tout entre dans la maison, rien ne sort de la maison.

A qui la faute ?

Les sociologues ont découvert que l’augmentation de la protection sociale est la principale demande des électeurs au futur président de la Fédération de Russie. C’est ce qu’affirment 79 % des personnes interrogées. Parmi eux, 31 % concentrent leur attention sur les pensions. Seuls 8 % des Russes sont satisfaits de tout.

Rêver, comme on dit, ne nuit pas. Il est difficile d’imaginer que les autorités, ayant pris conscience de leur erreur, renonceront à la réforme des retraites, iront jusqu’à la satisfaction des citoyens. D’autant plus que Vladimir Poutine en avait personnellement expliqué le caractère inéluctable à l’époque. Et lui, comme on dit, “ne fait jamais marche arrière”.

Cependant, le président a dû donner des explications depuis l’écran de télévision pour une raison très claire. “Je suis contre l’augmentation de l’âge de la retraite. Et tant que je serai président, aucune décision de ce type ne sera prise”, avait promis un jour le chef de l’État aux Russes en direct à la télévision et à la radio.

Le FMI a recommandé de relever l’âge de la retraite par voie législative dans notre propre intérêt. Mais qui est le FMI ? Le patron du Kremlin ? En effet, lorsque Poutine est arrivé au pouvoir, il a imposé le paiement des intérêts sur les prêts d’Eltsine, éliminant ainsi la dette. Il a donc compris que les promesses du FMI étaient un piège.

On peut raisonnablement supposer que la réforme des retraites a constitué une sorte de concession à la classe libérale du gouvernement et du pays, dans le cadre de l’éternelle quête d’équilibre du président. Vous avez soif du sang des gens ? Étouffez-vous avec. Apparemment, ils n’ont pas réfléchi aux conséquences politiques de ce “cadeau”.

C’est le sentiment de culpabilité devant les compatriotes qui peut expliquer l’augmentation spradique, mais toujours constante, du montant absolu des pensions après 2018. Ainsi, à partir du 1er octobre de cette année, les pensions des militaires et des anciens membres des forces de l’ordre ont connu une augmentation record de 10,5 %.

En 2024, les pensions des retraités non actifs en Russie devraient être indexées de 7,5 % supplémentaires. Cette mesure a déjà été soutenue par les membres de la Commission tripartite russe pour la régulation des relations sociales et de travail, qui comprend les plus grandes associations syndicales. C’est toujours bon à prendre.

Cependant, les retraités qui travaillent sont toujours laissés pour compte. Les fonctionnaires estiment que, puisque certaines personnes âgées sont encore capables de travailler, elles n’ont pas droit à l’indexation des pensions. Ils se réfèrent souvent à la pratique soviétique. Si l’on suivait cette pratique pour tout le reste, il n’y aurait pas lieu de se plaindre.

Il est frappant de constater que sur la chaîne officielle Tg lancée par le Cabinet des ministres, les fonctionnaires eux-mêmes donnent des conseils sur la manière de contourner la situation de faibles pensions des retraités actifs qu’ils ont créée : en accord avec leurs patrons, ils quittent leur emploi, le FIS recalculera leurs pensions, puis ils retrouvent un emploi.

Que faire ?

Il faut recourir à des schémas fictifs lorsque la loi a des ratés. Mais même lorsque tout semble correct, la réalité est un véritable gâchis. Toutes les indexations, même si elles sont élevées, ne changent rien à l’essence de la réforme des retraites : cinq années de vie sans travail ont été volées aux gens.

En Russie, les hommes vivent en moyenne 67-68 ans. Ayant pris leur retraite à 65 ans, ils n’ont plus qu’à se préparer pour l’autre monde. À ce propos, où vont les cotisations de retraite accumulées au cours de leur vie ? Le bon sens suggère que le débit et le crédit dans le système de comptabilité des pensions de la Fédération de Russie ne concordent pas très bien.

À quoi sert une pension élevée si la personne ne vit pas jusque là ou si, ayant atteint l’âge de la retraire, elle n’en profite que pendant quelques années ? Il est possible de repousser l’âge de la retraite à 80-90 ans, en faisant miroiter des paiements hyper élevés pour quelques-uns. Ce n’est pas un argument.

Si, avant le début de la SVO, les conséquences de la réforme des pensions étaient, peut-être, le seul sujet social aigu, aujourd’hui, les problèmes se sont multipliés. Il est donc peut-être logique, en raison de circonstances de force majeure, d’abandonner la réforme cannibale, en gagnant la compréhension et le soutien de la société ?

Ce n’est pas un péché de le faire, à la fois pour des raisons morales (on y croit encore, oui !) et pour des raisons politiques tout à fait pragmatiques. En 2024, les élections sont essentielles pour le pays, et les personnes âgées restent les principaux électeurs. Ne devrions-nous pas les respecter ? Ou bien la solidarité publique et le soutien des autorités ne sont-ils plus nécessaires ?

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