Il faut que nous changions de vision du monde : il n’y a pas que les impérialistes pour avoir des lorgnettes dépassées pour comprendre ce qui est en train d’advenir. Nous ne donnerons pas plus des leçons de gouvernance selon notre modèle de modernité capitaliste que selon notre modèle socialiste. C’est bien que certains partis communistes nous précédent sur une telle voie, je pense à Cuba mais aussi à la Chine, mais nous Français avons tout à apprendre. Il y a la paix dans la justice sociale, celle des humbles, des exploités, en tant qu’individus comme en tant que classes et nations, mais il y a aussi l’humilité d’un dialogue dans lequel chacun apprend de l’autre et reconnait son apport dans la voie propre et pourtant commune, le “gagnant-gagnant” d’abord au plan économique mais aussi “civilisationnel”. (note et traduction de Danielle Bleitrach dans histoireetsociete)
Article de RFI •9hLe chef de l’État guinéen, Mamadi Doumbouya, à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, le 21 septembre 2023.© AFP – TIMOTHY A. CLARY
Les débats se poursuivent à l’Assemblée générale des Nations unies. Au total, 17 représentants d’États africains devaient s’exprimer à la tribune ce jeudi. Pour la Guinée, le colonel Mamadi Doumbouya a vécu son baptême du feu à la tribune de l’ONU. Le président de transition s’est fait le porte-parole du continent avec un discours plus tourné vers l’Afrique en général que vers son propre pays.
Le chef de l’État guinéen, plusieurs fois applaudi, a dénoncé un modèle de gouvernance selon lui « imposé » par l’Occident. Un modèle occidental qu’il estime être un échec sur le continent. « L’Afrique souffre d’un modèle de gouvernance qui nous a été imposé, un modèle certes bon et efficace pour l’Occident, qui l’a conçu au fil de son histoire, mais qui a du mal à passer et à s’adapter à notre réalité », a-t-il déclaré devant l’Assemblée générale. « Hélas, j’aimerais dire que la greffe n’a pas pris. »
Le leader de la junte a également dénoncé les « catégorisations » dans lesquelles les autres nations veulent cantonner les États africains. « Nous ne sommes ni pro, ni anti-Américains, ni pro, ni anti-Chinois, ni pro, ni anti-Français, ni pro, ni anti-Russes. Nous ne sommes tout simplement pro-Africains, c’est tout. Nous mettre sous la coupe de telle ou telle puissance est une insulte à une population de plus d’un milliard d’Africains, a-t-il martelé, dont environ 70% des jeunes totalement décomplexés. Des jeunes ouverts sur le monde et décidés à prendre en main leur destin. »
Mamadi Doumbouya a ensuite invité la communauté internationale à « regarder l’Afrique avec les yeux neufs » et à entreprendre avec le continent « une coopération franche dans un esprit de partenariat gagnant-gagnant ».
La communauté internationale doit regarder l’Afrique avec des yeux neufs.
Délaissant exceptionnellement l’uniforme et le béret pour un large boubou blanc et une toque, il s’est défendu d’être « encore un bidasse qui veut tordre le cou à la démocratie, encore un soldat qui veut imposer sa dictature ». « Le putschiste n’est pas seulement celui qui prend les armes, qui renverse un régime », a-t-il dit. « Les vrais putschistes, les plus nombreux, qui ne font l’objet d’aucune condamnation, ce sont aussi ceux qui manigancent, qui utilisent la fourberie, qui trichent pour manipuler les textes de la Constitution afin de se maintenir éternellement au pouvoir », a-t-il dénoncé.
Lui-même dit être passé à l’action en Guinée « pour éviter à notre pays un chaos complet ». « Nous n’avons qu’une seule préoccupation : le bien-être du peuple et le vivre-ensemble, a-t-il assuré. Mon uniforme, je l’ai mis au service de mon peuple. Je vous serai reconnaissant de respecter ces serments. Le Sahel traverse l’une des histoires les plus graves de sa très vieille histoire, mais elle a les ressorts nécessaires pour y faire face. C’est pour cela que la Cédéao, dont la vocation était économique, doit cesser de se mêler de la politique et privilégier le dialogue. »
Il a invoqué à la fois la maturité et la jeunesse d’Afrique pour appeler à rompre avec l’ancien ordre mondial tout en défendant le non-alignement. « L’Afrique de papa, la vieille Afrique, c’est terminé », a-t-il dit. « C’est le moment de prendre en compte nos droits, de nous donner notre place. Mais aussi et surtout le moment d’arrêter de nous faire la leçon, de nous prendre de haut, d’arrêter de nous traiter comme des enfants », a-t-il dit.
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