Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Dollarisation: avec le candidat Milei, une option à risque revient tenter les Argentins

L’intégration de l’Argentine dans les BRICS a une logique, celle de mettre ce pays et avec lui le mercosur dans une autre alternative que celle proposée par le candidat pro-Etats-unis, d’extrême-droite qui propose de dollariser l’économie, une pratique déjà en cours face à l’inflation, mais que les argentins ont déjà connue et qui s’est terminée dans le sang et le drame.

Article de AFP •

Et si pour en finir avec la fièvre on changeait de thermomètre ? Etranglés par l’inflation et une monnaie -le peso- se dépréciant à vue d’oeil, les Argentins sont tentés par un remède radical : dollariser l’économie, solution prônée par le libéral-libertaire Javier Milei, vainqueur surprise des primaires à la présidentielle.Le taux de change pratiqué dans un magasin de Buenos Aires pour des dollars américains, des euros et des reais brésiliens, le 14 août 2023© JUAN MABROMATA

“En finir avec l’inflation, c’est possible, il suffit d’ôter aux politiciens l’arme monétaire”, proclame Milei, un économiste de 52 ans, polémiste grandi sur les plateaux télés, mué depuis 2 ans en politicien “anti-caste politique”, aux formules incendiaires et idées radicales. Et qui a pris un soudain profil de présidentiable avec 30% des voix, en tête à la primaire.Le député argentin et candidat à la présidence Javier Milei lors d’une conférence à Buenos Aires le 24 août 2023© LUIS ROBAYO

En finir (“dynamiter”, a-t-il dit) avec la Banque centrale et sa “planche à billets (de pesos) au service des politiciens”, et laisser circuler le dollar comme monnaie de transactions -au lieu du contrôle des changes actuel-, est une de ses idées phares.

Elle secoue le débat politico-économique, dans un pays englué à 113% d’inflation, où le peso, dévalué mi-août de 20% est passé en un an de 138 à 350 pour un dollar au taux officiel (plus du double au taux parallèle).

Des millions d’Argentins qui voient leur portefeuille gonfler par des billets valant de moins en moins et leur pouvoir d’achat fondre, aspirent plus que tout à une monnaie “calme”, quelle qu’elle soit. Une sorte de “pourquoi pas, après tout” ?

– Souvenir doux-tragique de 2001- 

“Ce serait bien de dollariser. Avec cette instabilité du taux de change, je vends moitié moins que d’habitude. Les seuls qui gagnent sont les spéculateurs” contre le peso, grince Ivan Abl, un détaillant en tissu depuis 30 ans dans le quartier porteño de Once. Avant de réflechir : “Mais dans ce cas-là, c’est les +Yanquis+ (Americains) qui contrôleraient tout, non ?”

C’est que le dollar-roi éveille des souvenirs à la fois doux et douloureux. L’Argentine ne “dollarisa” pas à proprement parler son économie, comme ont pu le faire Panama ou Equateur. 

Mais elle a déjà par le passé “ancré” sa monnaie sur le billet vert dans la décennie 1990, instaurant la convertibilité “uno por uno” (1 dollar = 1 peso), pour sortir des hyperinflations de 1989-1990 à 2.000-3.000%.

Epoque remémorée comme une trompeuse opulence –inflation asséchée, classe moyenne subitement riche en dollars– qui s’écroula et finit dans le sang.

Dans une économie tout à coup ouverte et dérégulée, les importations en masse vinrent tarir les devises, tandis que les exportations s’effondraient. Des pans entiers d’activité, donc l’emploi, se délitèrent. 

Puis des chocs externes, et un dollar fort, engendrèrent une trop forte demande de dollars pour l’offre, amenant une faillite bancaire, le gel des retraits. Panique, pillages, émeutes, firent 39 morts en décembre 2001, sans doute la crise qui a le plus traumatisé les Argentins depuis la dictature de 1976-1983.

– Dollariser sans dollars ? –

Car un problème de fond du pays (“des niveaux de réserve de change dangereusement bas” a rappelé mi-août le FMI), reste aigü, mordant. “Dollariser avec une pénurie de dollars, ça craint un peu”, résume l’économiste Ivan Werning, co-auteur avec deux collègues du Massachusetts Institute of Technology d’une récente étude “Chronique d’une dollarisation annoncée”. 

Il y prédit qu'”avant d’engendrer une basse inflation à long terme, une dollarisation annoncée à l’avance” pourrait -dans le cas de l’Argentine- “exarcerber” l’inverse à court terme, avec “une dévaluation immédiate, un saut inflationniste”, et un coût “inquiétant à court terme”.

D’ailleurs “d’où vont-ils sortir les dollars pour dollariser ?” interpelle le ministre de l’Economie Sergio Massa, qui se débat pour rester dans les clous de maîtrise budgétaire du FMI pour le refinancement de la dette argentine. Et en même temps, porte la bannière gouvernementale (centre-gauche) pour la présidentielle d’octobre : il est arrivé 3e à la primaire avec 27% des voix.

Faux problème, répliquent les économistes autour de Milei, à l’instar d’Emilio Ocampo, puisque “la dollarisation s’est déjà faite”, de facto, les dollars sont là. Selon des données de la Banque centrale, les Argentins disposent de près de 245 milliards de dollars “sous l’oreiller”, marque d’un pays qui depuis longtemps vit le billet vert comme valeur refuge.

“Les Argentins ont déjà choisi leur monnaie”, répète à l’envi Javier Milei.

edm-pbl/ial/

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