Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Article de Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, «En mémoire de toutes les victimes de l’Holocauste» pour le journal «Rossiyskaya Gazeta»

Ce que révèle cette déclaration est saisissant et effrayant. Nous avons grandi et avons été élevés dans la mémoire des crimes nazis et du sacrifice de millions de personnes pour venir à bout de cette ignominie.

Parmi les victimes du nazisme, comme parmi ceux qui l’ont combattu, il y a toutes sortes de gens, de tous âges, des hommes et des femmes, des gens de toutes nationalités, même des apatrides.

Les juifs ont, parmi les victimes, mais aussi parmi les combattants et les résistants une place particulière, centrale, celle de l’odieux génocide, de la volonté d’exterminer pour exterminer, du massacre planifié et industrialisé. Pour autant, le nazisme ne peut être absous d’aucun de ses crimes et c’est précisément ce que ceux qui sont revenus des camps, ceux qui ont vécu et résisté nous ont toujours enseigné. D’Oradour à Ascq, combien de villages martyrs en France, mais aussi dans tous les pays. Que pourrions-nous dissocier ? Et comme le souligne Maria Zakhkarova, comment oublierions-nous le sacrifice et l’héroïsme des habitants de Leningrad, unis dans un seul et unique combat ?

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La réécriture de l’histoire de la seconde guerre mondiale a commencé avec l’effacement du rôle central de l’Union Soviétique. Aujourd’hui, c’est comme si on nous préparait à faire un sordide tri dans les crimes nazis, à l’idée que, bon, tuer 6 millions de juifs, ce n’était vraiment pas bien et il y a repentance et indemnisation, mais que pour le reste, les plans d’Hitler pour l’Europe étaient tout à fait bien. Et que, d’ailleurs, on peut les mettre en œuvre plus puissamment par l’alliance entre l’Allemagne et les USA et plus habilement grâce aux techniques de manipulation moderne.

Quels sont les résultats de l’évolution de l’Europe (et du monde) sur les 30 dernières années ?
URSS : démembrée en 1991
Tchécoslovaquie : démembrée en 1992
Yougoslavie : démembrée de 1992 à 2003
Serbie : Démembrement en cours
Russie : Démembrement envisagé
Grèce : Humilié et rétrogradée

Relisez cette listes et pensez aux pays qui ont résisté aux plans d’Hitler en Europe …


Il y a aussi, dans de nombreux pays, l’interdiction progressive du communisme et réhabilitation du nazisme (particulièrement en Ukraine, avec la réhabilitation du collabo Bandera). Nous avons aussi comme signe frappant le réarmement accepté de l’Allemagne et du Japon.

Ne voyez-vous rien venir ? (note de Franck Marsal)

En mémoire de toutes les victimes de l’Holocauste

Le refus obstiné de voir la nature nazie du régime de Kiev a des raisons profondes qui sont alimentées par un nationalisme bien ancré en Occident, prenant sa racine dans des idées de supériorité et d’exclusivité.

Permettez-moi de donner un exemple concret.

Des décennies après l’une des pires tragédies de la Seconde Guerre mondiale – le siège de Leningrad – l’Allemagne décide, en 2021, de verser des indemnités aux habitants de la ville.

Comment arrêter le prix de près de 900 jours et nuits, qui ont coûté la vie à un million de personnes, militaires et civils, sachant que la grande majorité des habitants sont morts de faim ? Quelle est la valeur de l’exploit d’une ville entière par rapport à l’exploit d’une nation entière ? Comment payer pour le crime de guerre le plus grave de l’histoire non seulement de la Grande Guerre patriotique, mais de l’humanité tout entière ?

Il semblerait que toutes ces questions pâlissent devant la volonté de repentance affichée par Berlin.

Mais ce n’est pas le cas.

Du point de vue allemand, tout le monde n’a pas droit à une indemnisation. Seuls ceux qui peuvent prouver leur ascendance juive y sont admissibles. Une classification abominable et inexplicable sur la base de l’appartenance ethnique. C’est de la ségrégation, de la nourriture pour le néonazisme.

La Russie a soulevé cette question à plusieurs reprises auprès de l’Allemagne. Près de deux ans se sont déjà écoulés et cette règle “du sang” est toujours en vigueur, malgré nos critiques à l’égard de cet acte de discrimination raciale.

Au cours de ces années terribles, les habitants de Leningrad n’ont pas regardé les pièces d’identité des uns et des autres, ni la coupe des yeux des uns et des autres. Ils ont travaillé ensemble, se sont défendus ensemble, ont partagé des miettes de pain ensemble, ont survécu ensemble. Ils sont morts ensemble aussi.

Mais près de 80 ans plus tard, le gouvernement allemand a décidé que certains des rares vétérans survivants, témoins de ces terribles événements, sont plus dignes que d’autres, parce qu’ils ont dans leurs veines du sang présentant des caractéristiques génétiques différentes. Cela ne vous rappelle rien ? C’est justement le terrain propice à la réincarnation du nazisme et du fascisme.

En établissant une hiérarchie des survivants du siège de Leningrad basée sur leur ethnie, l’Allemagne rémunère en même temps les vétérans de la Wehrmacht et même, dans certains cas, ceux qui ont servi dans les unités punitives de la SS. Ainsi, le cas de Heinz Barth, un ancien officier SS nazi âgé de 80 ans qui purge une peine de prison à vie dans un pénitencier allemand pour sa participation au massacre de centaines de civils dans la ville française d’Oradour-sur-Glane en juin 1944, est bien connu. Il a été condamné par un tribunal de la RDA, mais après la réunification allemande en 1990, il a eu droit à un paiement mensuel de 450 dollars parce qu’il avait perdu une jambe pendant la guerre. En fonction du grade et du mérite, les pensions des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale se chiffrent en centaines et en milliers d’euros. Il s’est avéré récemment que Berlin paie aussi officiellement les anciens combattants-collaborateurs, c’est-à-dire ceux qui ont volontairement collaboré avec le Troisième Reich et les autorités d’occupation. Selon les informations obtenues par l’AFP, en Europe, les bénéficiaires de ces pensions se chiffrent à 1532 personnes, dont 573 en Pologne, 184 en Slovénie, 101 en Autriche, 94 en République tchèque, 71 en Croatie, 54 en France, 48 en Hongrie, 34 en Grande-Bretagne, autant aux Pays-Bas, 18 en Belgique.

Une fois de plus : l’Allemagne du XXIe siècle paie les collaborateurs qui ont livré des Juifs et des partisans à la police des forces d’occupation, mais ne veut pas payer les survivants du siège de Leningrad.

Il est d’autant plus effrayant de lire une nouvelle interview de Michael Brodsky, l’ambassadeur d’Israël en Ukraine, dans laquelle il disculpe une fois de plus le régime néonazi de Kiev.

Savez-vous ce qui rend cette interview particulièrement effrayante ? Le fait que les mots concernant les “héros Bandera et Choukhevitch” sont prononcés non seulement par un Juif, mais aussi par un habitant de Leningrad.

Oui, Michael Brodsky est né et a grandi à Leningrad.

Et voici ce qu’il dit : “Personne n’a le droit de m’enseigner, à moi ou à d’autres responsables israéliens, la meilleure façon de préserver la mémoire de l’Holocauste et de traiter les questions de mémoire historique. Nous votons à 90 % en faveur de l’Ukraine aux Nations Unies et dans d’autres organisations internationales. Nous envisageons de rejoindre la plate-forme de Crimée. Je n’exclus pas qu’à un moment donné, Israël décide de rejoindre la plateforme de Crimée. A l’heure qu’il est, Israël participe activement au transfert d’un système d’alerte précoce à l’Ukraine, qui, je l’espère, sera opérationnel dans un avenir proche. En septembre, une partie au moins de ce système devrait fonctionner”.

Mais pourquoi personne ne devrait-il pas osé enseigner à d’autres comment garder vivante la mémoire de l’Holocauste ? L’Holocauste est la persécution et l’extermination massive de membres de divers groupes ethniques et sociaux par les nazis.

C’est ainsi qu’il est consigné dans les documents internationaux les plus importants.

Résolution A/RES/60/7 de l’Assemblée générale des Nations Unies : “L’Holocauste, qui s’est traduit par l’extermination d’un tiers du peuple juif et d’innombrables membres d’autres minorités, demeurera à jamais pour tous les peuples un rappel des dangers de la haine, de l’intolérance, du racisme et des préjugés”.

Résolution 34C/61 de l’UNESCO : “La Conférence générale rappelle que l’Holocauste, qui s’est  traduit par l’extermination d’un tiers du peuple juif et d’innombrables membres d’autres minorités, demeurera à jamais pour tous les peuples un rappel des dangers de la haine, de l’intolérance, du racisme et des préjugés”.

Déclaration de Berlin de l’OSCE : “Les États participants s’engagent à promouvoir la mémoire de l’Holocauste et, le cas échéant, faire connaître cette tragédie ainsi que l’importance du respect de tous les groupes ethniques et religieux”.

Bien entendu, il y a des pays qui restent sans réaction face à de nombreuses résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies. Ces documents ne sont pas contraignants et ceux qui ne sont pas d’accord avec eux ne sont pas obligés de les respecter. Mais en l’occurrence, Israël et la Russie figuraient parmi les principaux initiateurs de la résolution. Plus de 100 États l’ont coparrainée. De plus, la résolution a été adoptée par consensus, c’est-à-dire par tous les pays, sans vote. Ainsi, personne ne remet en cause la définition de l’Holocauste telle qu’elle est énoncée dans le texte.

Ces dispositions universelles et approuvées à l’unanimité nous guident face aux manifestations évidentes de haine ethnique, de ségrégation et de xénophobie en Ukraine, avec le soutien de l’Occident.

Par ailleurs, dans notre pays, nous ne divisons pas la victoire sur le fascisme ou la tragédie de l’extermination de personnes par les nazis sur la base de l’ethnie. Tout comme notre victoire est “une pour tous”, nous commémorons, lors de la Journée du souvenir et du deuil, tous ceux qui ont été torturés à mort par les nazis, indépendamment de leur ethnie, de leur religion ou de toute autre appartenance. Après tout, les monuments aux libérateurs de l’Europe du nazisme, érigés sur les tombes des soldats de l’Armée rouge dans les pays de l’UE, ne sont défendus que par la Russie et par des activistes individuels d’autres pays, sans que leur mémoire ne soit découpée en morceaux ethniques, géographiques ou religieux.

Par ailleurs, le terme “Holocauste” a une signification bien établie dans l’historiographie mondiale et son contenu ne se réduit pas à la caractérisation des atrocités commises par les nazis à l’encontre de la population juive exclusivement.

Prenons, par exemple, la définition de Britannica :

Holocaust, Hebrew Shoʾah (“Catastrophe”), Yiddish and Hebrew Ḥurban (“Destruction”), the systematic state-sponsored killing of six million Jewish men, women, and children and millions of others by Nazi Germany and its collaborators during World War II.

C’est-à-dire l’assassinat systématique, parrainé par l’État, de six millions d’hommes, de femmes et d’enfants juifs et de millions d’autres personnes par l’Allemagne nazie et ses collaborateurs au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Ou celle du dictionnaire de Cambridge :

The Holocaust was the systematic murder of many people, esp. Jews, by the Nazis during World War II.

L’Holocauste est donc le meurtre systématique de nombreuses personnes, en particulier (mais pas exclusivement) des Juifs, par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Et voici la définition du dictionnaire américain Webster :

usually the Holocaust : the mass slaughter of European civilians and especially Jews by the Nazis during World War II.

Holocauste : le massacre en masse des civils européens et en particulier des Juifs par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Maintenant, quelles étaient ces “innombrables membres d’autres minorités” ? Rien n’est à inventer. Tout est dans les documents du Tribunal de Nuremberg. Ne considérons qu’un seul groupe : les Slaves.

Le concept du Generalplan Ost (1942) prévoyait la “réinstallation” de plus de 30 millions de Slaves et la “germanisation” de l’Est européen jusqu’à l’Oural. Ce plan est associé à la “solution finale de la question juive” : à la conférence de Wannsee, le 20 janvier 1942, il est question de l’extermination de 11 millions de Juifs européens.

Voici le contenu d’un des documents clés de Nuremberg – un mémorandum d’un fonctionnaire du ministère des Territoires de l’Est datée du 19 août 1942, contenant des instructions de Martin Bormann (document de Nuremberg R-36, US-699) : “Les Slaves doivent travailler pour nous, si nous n’avons plus besoin d’eux, qu’ils meurent. Les vaccinations et les soins de santé allemands sont donc inutiles. La fertilité des Slaves n’est pas souhaitable, qu’ils utilisent des préservatifs ou se fassent avorter, plus il y en a, mieux c’est. L’éducation est dangereuse. Il suffit qu’ils sachent compter jusqu’à cent. Le maximum autorisé est une éducation qui nous donne des mercenaires utiles”.

L’Allemand Heinrich Himmler, dont l’Allemagne moderne ne veut apparemment pas être tenue pour responsable des paroles et des actes, a également tenu des propos révélateurs sur les Slaves : “On sait ce que sont les Slaves. Un Slave n’a jamais été capable de construire quoi que ce soit. Les Slaves sont un peuple mixte basé sur une race inférieure avec des gouttes de notre sang, incapable d’ordre et d’autonomie. Ce matériel humain inférieur est tout aussi incapable de maintenir l’ordre aujourd’hui qu’il l’était il y a 700 ou 800 ans lorsque ces gens avaient convié des Varègues, lorsqu’ils avaient invité les Riourikides. Nous serons corrects avec ces animaux humains. Mais ce serait un crime devant notre propre sang que de les soigner et de les endoctriner avec un quelconque idéal et de rendre ainsi encore plus difficile leur traitement par nos enfants et petits-enfants” (Ce discours de Posen de Himmler est également inclus dans le corpus des documents de Nuremberg).

Je voudrais rappeler les paroles du grand écrivain soviétique Daniil Granine, habitant de Leningrad, prononcées d’ailleurs à la tribune du Bundestag allemand : “Sur les murs du Reichstag, on pouvait encore lire les inscriptions de nos soldats, parmi lesquelles je me souviens d’une inscription remarquable : “Allemagne, nous sommes venus à toi pour que tu ne viennes pas à nous”. La haine est un sentiment sans issue, sans avenir. Il faut savoir pardonner, mais il faut aussi savoir se souvenir. Il est pénible de se souvenir des années de guerre, toute guerre est faite de sang et de boue. Mais la mémoire des millions, des dizaines de millions de nos soldats qui sont morts est nécessaire. Presque tous mes compagnons d’armes et mes amis sont morts à la guerre, ils ont perdu la vie sans savoir si nous serions capables de défendre le pays, si Leningrad tiendrait, beaucoup sont partis avec un sentiment de défaite. Je voudrais leur dire que nous avons gagné et qu’ils ne sont pas morts en vain. A la fin, c’est toujours la justice et la vérité qui triomphent, pas la force”.

Tant Michael Brodsky que les Allemands, qui ont une fois de plus décidé de diviser les gens en fonction de leur ethnie, se verront demander, si ce n’est par leurs contemporains, du moins par leurs descendants : comment ont-ils pu trahir la mémoire du passé ?

Comprenez-vous pourquoi nous devons nous souvenir de l’Holocauste ? Non pas parce que les nazis ont tué une ou plusieurs ethnies spécifiques, mais parce que, en principe, il n’est pas permis de discriminer des personnes sur la base de leur ethnie, qu’il s’agisse de violence psychologique à l’encontre d’une seule personne ou de meurtres en masse de millions de d’hommes.

D’ailleurs, cela est également écrit dans la résolution A/RES/60/7 de l’Assemblée générale des Nations Unies : “L’Holocauste demeurera à jamais pour tous les peuples un rappel des dangers de la haine, de l’intolérance, du racisme et des préjugés”. Par conséquent, partout où l’on glorifie les nazis, où l’on assassine des personnes sur la base de leur appartenance ethnique, où l’on interdit l’identité nationale, il faut se souvenir de l’Holocauste. Il est nécessaire de s’en souvenir, car il a été inscrit dans le droit international à cette fin… Mais de plus en plus souvent, on ne s’en souvient pas. L’Holocauste n’est pas seulement une date par an. C’est notre code culturel commun, conçu pour nous rappeler le danger de la déshumanisation.

Malheureusement, aucun génocide n’a rien appris à l’humanité. Mais le plus horrible, c’est qu’aujourd’hui, les descendants des victimes eux-mêmes se font les avocats des bourreaux de leurs ancêtres. Et ce n’est qu’une étape avant l’apocalypse.

Et pour en revenir à la réticence de l’Allemagne à indemniser les survivants du siège de Leningrad non juifs, je voudrais souligner qu’en humiliant les victimes de l’Holocauste par la ségrégation, Berlin s’enfonce rapidement dans un nouveau gouffre de l’enfer nationaliste.

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2 Commentaires

  • sun tzu
    sun tzu

    “Mais près de 80 ans plus tard, le gouvernement allemand a décidé que certains des rares vétérans survivants, témoins de ces terribles événements, sont plus dignes que d’autres, parce qu’ils ont dans leurs veines du sang présentant des caractéristiques génétiques différentes.”

    le membre de phrase souligné est extrêmement gênant car on pourrait croire que cette position est partagée par Maria Zakhorova alors qu’elle fait référence aux présupposés raciaux allemands justifiant la politique de la RFA.
    une mise au point s’impose

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    • Marianne
      Marianne

      Moi aussi j’ai dû relire la phrase deux fois, mais si on lit bien, Maria Zakharova dit ce qu’elle dit, et c’est extrêmement clair et elle a raison de dénoncer la monstruosité de la position allemande. Il faut aller jusqu’au bout de la réflexion pour comprendre, car en effet c’est tellement monstrueux que l’on voudrait presque ne pas comprendre car il faudrait en tirer les conséquences. Les Russes ont compris.

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