Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Cahiers de vacances : “Erreur ou trahison” gorbatchévienne pour mieux penser le présent et l’avenir… (en prévision des changements. chapitre 3)

Rapidement, avant de vous inviter à réfléchir sur ce que nous dit le livre d’Alexandre Ostrovski par rapport à l’actualité, celle du sommet de l’OTAN, mais aussi la perspective offerte par la stratégie du parti communiste chinois tel que l’explicite dans son importante publication sur l’évolution de l’impérialisme, Jean-Claude Delaunay, le premier article publié hier sous le titre DES ÉTATS-UNIS, DU DOLLAR, DE LA THÉORIE DE LA MONNAIE ET DE L’IMPÉRIALISME CONTEMPORAIN 1-4 (1). Parce qu’il vit en Chine, Jean Claude grâce à son bagage théorique considère non sans raison que l’important est de comprendre la nature de la confrontation d’aujourd’hui et combien elle se situe dans un au-delà de ce moment d’effondrement de l’URSS.

DES ÉTATS-UNIS, DU DOLLAR, DE LA THÉORIE DE LA MONNAIE ET DE L’IMPÉRIALISME CONTEMPORAIN (Partie 1 /4), par Jean-Claude Delaunay | Histoire et société (histoireetsociete.com)

Bien sûr percevoir le mouvement du monde d’aujourd’hui est essentiel y compris pour percevoir les événements d’hier dans leur signification fondamentale, comme le disait Marx il faut partir de formes développées pour en saisir l’embryon et non l’inverse. Mais comprendre ce qui s’est passé à la chute de l’URSS est indispensable selon nous, du moins dans les pays du bloc impérialiste, pour mesurer ce qui fait que nous avons un impérialisme qui a “muté” à partir de son noyau initial décrit par Lénine dans Impérialisme stade suprême du capitalisme. Et le parti communiste chinois a attaché un grand prix à l’analyse de cette chute de l’URSS pour en tirer des leçons stratégiques essentielles.

S’adresser d’abord au militants du PCF, de la CGT me semble prioritaire mais certainement pas exclusif.

Il est indispensable de s’adresser au militants qui restent organisés et se revendiquent plus ou moins comme révolutionnaires. Une sorte de réflexion sur leur propre histoire. Partir de ce qu’a été l’eurocommunisme (erreur ou trahison?), alors que la gauche sur le modèle “démocrate” aux Etats-Unis opérait sa transformation vers la dénonciation de la souveraineté nationale. Comment s’est opéré ce “retournement” “des droits de l’homme” contre les exploités, comment les partis communistes ont été intégrés à cette logique par le biais de l’électoralisme et du parlementarisme? Je voudrais d’ailleurs très rapidement répondre aux critiques de ceux qui me reprochent de m’obstiner à réveiller un “cadavre” et de la vanité qu’il y aurait à attendre du PCF le moindre sursaut révolutionnaire, voyant là une simple adhérence sentimentale existentielle.

Certes cet attachement existe mais il ne se limite pas à cette fidélité, il est le résultat d’un bilan de trente ans de luttes groupusculaires, qui, comme en Italie, n’ont jamais réussi à constituer la moindre force politique au niveau de la nation et couvrant toutes les nuances des divisions secondaires. Ce constat est lié à la volonté de trouver une issue, pour tenter de ne pas laisser notre vieux pays devenir simple siège secondaire de l’impérialisme à la Macron. Si débat il y a sur ce choix de reconquête du PCF, c’est parce que je suis convaincue que pour construire cette issue, il faut partir de la lutte des classes dans sa dimension historique autant que dans les défis d’aujourd’hui. Quel que soit l’état du PCF, il demeure le point d’appui et de rassemblement qui nous reste. Il y a tout un potentiel militant qui demeure sans équivalent, mais je le répète ce qui est mon choix n’exclut pas ceux qui en ont fait un autre de cette réflexion. Nous nous honorons dans ce blog d’accueillir les problématiques anti-impérialistes les plus diverses.

Des monopoles financiarisés, qui sont hors sol et se contentent de rejouer ce qui a créé les conditions de leurs assauts victorieux

Mais je voudrais partir de ce que dit Jean-Claude et que je résume par un constat : à leur stade actuel, les monopoles financiarisés n’ont pas d’outil qui les relient à la réalité, ce que Jean-Claude montre parfaitement à propos d’un outil comme le PIB.

Et l’hypothèse que je voudrais défendre, c’est que l’impérialisme monopoliste financiarisé a tendance à rejouer ce qui a réussi à leur centre : qu’il s’agisse de la mise en place d’institutions au niveau international, après la deuxième guerre mondiale ou de l’effondrement de l’URSS. Simplement dans un nouveau contexte qu’ils sont incapables d’appréhender, cela ne donne pas les résultats escomptés. Et par exemple le dernier sommet de l’OTAN autant que le rejet de la politique de Macron, la crise démocratique est là pour le prouver. Je signale à ce propos le parallélisme étonnant entre la réflexion théorique de Jean-Claude Delaunay et celle du camarade ouvrier dont nous avons publié récemment une analyse relevant de sa formation et de son instinct de classe qui montrait la marginalisation non seulement de la classe ouvrière mais d’une partie de la bourgeoisie nationale. (1)

Mais l’analyse du Chapitre 3 nous permet d’aborder l’actualité d’une manière encore plus immédiate y compris à travers l’important éclairage théorique de Jean-Claude Delaunay sur la nature de l’impérialisme. aujourd’hui.

A propos du récent sommet de l’OTAN, je vous invite donc à une lecture attentive du chapitre 3 du livre d’Ostrovski, cette enquête sur la fin de l’URSS. Ce chapitre s’intitule : en prévision des changements (p.99)

Le livre d’Ostrovski dans ce chapitre 5 démarre sur le contexte de la réunion de Reykjavik

Je rappelle pour mémoire ce que nous avons découvert précédemment dans notre lecture :

Il existe un problème en URSS, une stagnation du développement des forces productives par rapport à l’essor scientifique et technique des Etats-Unis et de l’occident. Alors que l’URSS a connu un essor fantastique dans ce domaine, comme l’a connu la Chine, et ce malgré la terrible saignée et destruction de la seconde guerre mondiale.

Que va faire Gorbatchev face à ce problème, je résume: 1) pour l’essentiel il ne répond pas au problème et crée au contraire les conditions d’une désorganisation qui ne peut que l’aggraver. 2) Au même moment l’administration Reagan lance son pseudo programme de la guerre des étoiles. Les scientifiques soviétiques jugent que c’est du bluff pur et simple. On les fait taire et au contraire on exagère la force de l’adversaire et la nécessité de négocier à n’importe quel prix la paix et le désarmement. 3) On chasse de l’appareil d’Etat tous les militants communistes convaincus, on organise la rupture avec le contrôle du parti sur l’appareil gouvernemental et ceci à tous les niveaux. 4) On remplace les responsables par des gens parfaitement cyniques qui ne croient plus à ce qu’ils disent et sont convaincus qu’il faut en finir avec le communisme. L’analyse de la nomination de E.Chevardnadze (à partir de la page 52, chapitre 2 est très démonstrative).

Ce que j’affirme pour l’avoir vécu et en avoir rendu compte dans mes mémoires publiées chez Delga c’est que ce mode d’action est également appliqué non seulement dans les différentes républiques soviétiques, dans les pays du pacte de Varsovie, mais également dans les partis qui ne sont pas au gouvernement et qui en Europe occidentale ont été déjà préparée à un tel “travail” par l’Eurocommunisme, voici un point de discussion important. Et qui a ses prolongements aujourd’hui à travers la permanence de secteurs comme l’International, la presse, la formation des militants.

Le livre qui peut se lire comme un roman policier, va montrer à travers de FAITS comment va s’organiser ou plutôt les écueils de la rencontre de Reykjavik : cette rencontre ratée de Reykjavik de 1986 entre Reagan et Gorbatchev sur l’abolition des armes nucléaires témoigne à sa manière des appétits réels des USA. L’échec des négociations entre les deux anciennes superpuissances qui n’ont pas réussi à s’entendre, témoigne de ce qui a été exigé de l’URSS et plus ou moins refusé en 1986 pour être totalement acquis après l’avancée de la destruction interne de l’URSS. Malgré l’apparent accord des deux parties pour une rencontre au sommet, la réunion en question a du être reportée.

Les relations entre l’URSS et les Etats-Unis sont restées tendues tout au long de l’été 1986. Ce que décrit le livre est clair et doit être médité sur les buts réels de l’impérialisme hier comme aujourd’hui.

  1. les Etats-Unis multiplient les provocations : intrusion du croiseur nucléaire Arkensas, à plusieurs reprises, dans les eaux territoriales soviétiques. Annonce du retrait américain de l’accord Salt 2.
  2. ce qui est recherché n’est pas la coexistence pacifique mais bien de mettre à genoux l’URSS pour que la négociation n’intervienne que comme un reddition. Le fait est confirmé par Reagan dans ses mémoires: “au début de 1986, nous étions de plus en plus convaincus que l’économie soviétique était en train de s’effondrer. J’ai compris que si aucun miracle ne se produisait un nouveau cycle de récession économique obligerait Gorbatchev à signer un traité de réduction des armements qui nous conviendrait à tous deux”.

Ostrovski proteste comme il ne cesse de le faire tout au long du livre : l’économie soviétique était loin de l’effondrement. Je voudrais souligner ce qu’un tel diagnostic de la part de Reagan révèle encore aujourd’hui d’abord sur la difficulté pour les dirigeants impérialistes d’apprécier l’état réel de résistance de leurs adversaires et en particulier face aux économies socialistes, mais également face à des bourgeoisies nationales et on peut classer la Russie de Poutine dans un mixte entre reste de l’URSS et bourgeoisie nationale. Ils ont tablé sur l’effondrement de la Russie à travers leurs sanctions, et ils ne cessent de nous décrire la faillite imminente de la Chine. Il y a ce qui relève de la propagande mais il y a aussi l’incapacité à percevoir l’état réel désormais de l’adversaire. Dans le cas du discours de Reagan il y a plus. Alors que l’on ne cesse de nous expliquer que l’effondrement de l’URSS a stupéfait l’occident, il n’en a rien été. Mais l’essentiel de la démonstration d’Ostrovski c’est la manière dont Gorbatchev et l’équipe qu’il a constituée et qui doit de moins en moins de comptes au parti, va désormais s’employer à travers la perestroïka en particulier à créer les conditions d’une désorganisation qui livre l’URSS au monopoles étrangers, crée les conditions d’une privatisation avec la constitution d’une oligarchie. La Glasnost ou transparence va être l’occasion d’un débat dans lequel la question de l’impérialisme et la dimension de classe vont disparaître et un révisionnisme généralisé devient la loi.

Là encore, on ne peut pas isoler ces mouvement contrerévolutionnaires de leurs conséquences réelles. Je propose donc que ceux qui sont d’accord pour se nourrir à la fois du travail de Jean-Claude dont nous publions le deuxième volet et le livre d’enquête sur la fin de l’URSS dans le chapitre III nourrissent le débat de leurs interventions.

Marianne et moi prenons non pas des “vacances” mais tentons au contraire des expériences de “débat” sur le terrain, nous avons produit dans ce blog un grand nombre de textes et nous allons continuer à le faire, mais il est temps que des interventions prennent le relais de la fin juillet et début août.

Danielle Bleitrach

(1) à titre d’hypothèse, je pense que cette approche encore esquissée de ce camarade, qui montrait la marginalisation non seulement de la classe ouvrière mais d’une partie de la bourgeoisie nationale aboutissait à définir une contradiction “secondaire” exprimant parfois l’affrontement de la lutte des classes alors que celle-ci reste embryonnaire mais déjà portant sur le développement des forces productives. Il se passerait d’une manière analogique à ce que Vernant et d’autres marxistes travaillant sur l’antiquité notaient ; l’esclave est une force productive, mais pas un sujet politique, en Grèce et dans les débuts de l’empire romain, la contradiction politique est donc entre petits propriétaires démocrates, la plèbe et aristocratie. Mais il arrive un stade, représenté pour Marx par Spartacus et la révolte armée des esclaves, qui va avoir sa caisse de résonance dans l’avancée des peuples barbares dans lesquels Rome puise ses esclaves mais qu’elle charge de plus en plus de garder ses frontières, de devenir ses armées, qui marque réellement la fin de l’empire romain esclavagiste. L’esclave est devenu sujet politique, passé de l’en soi au pour soi, ce que traduit le christianisme, et c’est la fin du mode de production même si cela dure quelques siècles. Paul Boccara, comme souvent avait tracé une piste en montrant l’alternance du marchand et du non marchand dans la manière dont la contradiction forces productives rapport de production devient la base de la constitution d’une classe révolutionnaire.

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