Outre le fait qu’existent, en Europe même, d’autres forces que ce ventre mou qu’est devenu le PCF, je trouve deux autres raisons d’espérer que la guerre n’aura pas lieu, même si ce n’est qu’une espérance. C’est ce que nous dit Jean-Claude et personnellement je suis assez d’accord avec lui. Je dirais en plaisantant que si une intelligence artificielle devait se prononcer sur la question et particulièrement à partir des situations européennes (voire de l’étonnante attitude d’une certaine gauche et du PCF), l’affaire serait faite : nous nous dirigeons vers la guerre comme des somnambules. Fort heureusement, il y a dans l’humain des ressources inconnues. Jean-Claude voit dans le fait que ce soit la Russie, pays devenu capitaliste, qui résiste est selon lui une raison d’espérer. Tout à fait d’accord avec sa démonstration, mais j’insisterais sur le rôle des révolutions, en m’appuyant sur ce que Michel Vovelle me disait jadis: “Les rois sont revenus pour ré-installer la féodalité, mais c’était impossible” et la France n’a cessé d’être secouée de luttes des classes y compris jusqu’à voir surgir avec la Commune l’amorce de la Révolution prolétarienne.” C’est dans le fond ce qui nous anime et nous fait supporter le grotesque, jusqu’à la trahison, de la lutte des classes en France aujourd’hui : il est impossible que le peuple français se résigne à un tel panel politique. (note de Danielle Bleitrach, pour histoireetsociete)
Illustration : Laurent Parienti (1)
La première raison est que ce soit un pays capitaliste qui ait osé affronter la tête de file de l’impérialisme, et finalement, tout l’impérialisme.
Cette réalité me paraît inédite par rapport au temps de Lénine. A cette époque, l’impérialisme était un impérialisme de nations et les nations se sont fait la guerre deux fois et à fond. Puis, vers 1970, la crise de suraccumulation du capital est devenus si forte, dans des conditions techniques qui devaient être totalement renouvelées, que l’impérialisme s’est à la fois financiarisé et mondialisé.
Il s’est globalisé, il s’est resserré, en tant que système de l’impérialisme en même temps qu’il cherchait à ouvrir les portes de la globalisation pour le très grand capital monopoliste. Tout en se globalisant, l’impérialisme s’est reconnu un chef, un leader permanent, et ses composantes ont accepté que ce leader devienne de plus en plus envahissant et autoritaire.
Un certain nombre de petits pays capitalistes ont commencé à réagir. Ils ont été écrabouillés. Vers cette époque, l’URSS est tombée dans l’escarcelle de l’impérialisme. Ce fut le délire. Puis la Russie s’est réveillée et a commencé à se développer de manière indépendante, sans penser qu’elle se mettrait à dos les puissances impérialistes. Elle n’a pas le droit, ont dit les Brits. Quand j’entends le mot indépendance, je tire mon gun, a dit le Grand Sam. Les Germains, plus réalistes, ont continué à faire leurs petites affaires avec les Russes. Et puis un jour, il y a un an environ, la guerre a éclaté et les choses sont devenues claires. C’est l’impérialisme tout entier qui ne voulait pas d’une Russie indépendante et souveraine. Ils voulaient la piller, et toutes les républiques alentour, tranquilles, en bavardant entre eux tout en buvant du whisky.
Le problème, pour l’impérialisme, c’est que même «les sous-développés», un jour ou l’autre, se développent et que, un jour ou l’autre, ils produisent non seulement des chaussures et des chapeaux mais des armes modernes. Et ne voilà-t-il pas que ces Russes insupportables, mais quand même héritiers d’une grande nation militaire, ne se laissaient pas faire?
C’est ma première raison d’espérer. On ne fait pas entendre raison à des imbéciles avec seulement des citations de Spinoza. Quand je lis l’article de Christopher Black, je lis notamment ces déclarations des dirigeants de la Russie, à savoir que, si la Grande-Bretagne continue de fournir des armes à l’Ukraine pour tuer des Russes et s’attaquer à la Russie, cela aura des conséquences sur la Grande-Bretagne elle-même.
Les dirigeants de la Russie ont de toute évidence, des nerfs d’acier. Ils sont comme les Chinois. Cela dit, leurs propos ne concernent pas que les Britanniques. Jusqu’à ce jour, l’impérialisme US a fait son bonheur d’être isolé de l’Europe où se réglaient les comptes. J’ose espérer qu’un certain nombre d’entre eux commencent à serrer les fesses. Ils ne seront pas à l’abri eux aussi s’ils continuent à déconner.
La deuxième raison pour laquelle j’ai quelque espoir pour la paix, c’est ce que fait la Chine. Elle agit pour la paix. Il est clair que sa tournée européenne ne pouvait être conclue par le début du début d’une négociation. L’OTAN veut la peau de la Russie parce que lorsque cette dernière sortira victorieuse de son engagement militaire, c’est tout le monde en train de se développer ou qui voudrait bien se développer, soit 60% de la population mondiale, qui en profitera. Ce sont aussi les pays socialistes, soit 22% de cette population. Au total, les quatre-cinquièmes du monde seront tranquilles et pourront se concentrer sur leur développement.
L’impérialisme ne veut pas de ça parce que la richesse des pays qu’il domine et exploite est le sang lui permettant de vivre.
Les Chinois, qui ont une vue mondiale des problèmes et de leurs solutions, qui par ailleurs n’exploitent et ne dominent personne, vont donc agir pour rassembler, unir davantage, consolider, le camp immense des pays dont les intérêts n’ont rien à voir avec ceux du système impérialiste. Ils ne restent pas les bras croisés, assis dans leur coin. Ils vont déployer une activité diplomatique intense.
Telles sont mes deux raisons d’espérer malgré le ventre mou qu’est le PCF, à savoir d’une part la puissance militaire de la Russie, puissance assise sur une perspective politique novatrice (la mise en place d’un monde multipolaire viable et centré sur le développement), et d’autre part la volonté affichée par la Chine d’œuvrer pour la consolidation et l’élargissement du camp de la paix dans le monde.
(1) Laurent Parienti : Révéler, se connecter, transcender.
Nomade dans l’âme, Laurent Parienti, vit dans un petit village de pêcheurs au bord de la Méditerranée, un endroit isolé et sauvage où il puise son énergie et sa créativité. Il aime révéler l’âme d’un lieu ou d’une personne, et réalise des images en argentique et des films en Super 8. Il travaille depuis quelques années avec une équipe d’ethnologues auprès des MOKEN, un peuple nomade marin vivant au cœur de l’archipel Mergui en Birmanie.
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Jean-luc
L’espoir fait vivre ?
Mais l’analyse est plus utile pour guider l’action. Sans reprendre la thèse honnie des deux impérialismes, qui est à côté de la plaque, prendre pour argent comptant les déclarations d’une classe dirigeante capitaliste sur sa volonté de bienfaisance ne me semble pas aider à la compréhension des enjeux.
Valoriser les atouts de la Russie comme ‘descendants d’une grande nation militaire’ me semble même ajouter à la confusion.
Notre action doit être dans l’explication et l’aide à l’émergence d’un mouvement international et populaire contre la guerre impérialiste.
Ceci dit, merci à Jean-Claude pour sa vision très claire de la ‘mondialisation’ (de l’empire).
Jean-Claude Delaunay
Salut Jean-Luc. Je vais essayer de clarifier mon propos.
Apparemment, ce qui te choque est que je puisse faire confiance à la Russie (au gouvernement russe) et aux déclarations de bienfaisance de la classe capitaliste qui le dirige. C’est l’un des points importants du débat et de l’analyse. D’un côté on note que les impérialistes attaquent un pays capitaliste et que ce pays capitaliste les met en difficulté. Mais d’un autre côté, tu te dis (si j’ai bien compris ta pensée): “Après tout, ils se bouffent entre eux, cela ne peut qu’affaiblir le camp impérialiste dans son ensemble”. Conclusion : “Construisons un mouvement international et populaire contre la guerre impérialiste. La guerre menée par les Russes capitalistes ne nous est d’aucun secours. Ne fondons aucun espoir là-dessus”. Je ne vais pas te répondre. Je n’en ai pas la prétention. Je vais seulement avancer deux types d’arguments.
1) Construisons un mouvement international et populaire contre la guerre impérialiste.
Ce qui est étrange est que ma deuxième raison d’espérer est ce que fait la Chine, actuellement, et qui consiste à créer un mouvement international d’Etats contre cette guerre impérialiste. Or de cela tu ne dis pas un mot. Les Chinois font ce qu’ils peuvent et c’est déjà pas mal. Ils s’adressent aux Etats et aux gouvernements, lesquels, déjà, mais de manière dispersée, font savoir que cette guerre n’est pas leur guerre et qu’elle doit cesser. Les Chinois se proposent de rassembler ces énergies et, de manière concrète, de faire avancer la cause de la paix. Après ça, on peut imaginer (et il le faut) d’autres actions. Danielle fait souvent état ici de nécessaires réunions de PC européens à propos de cette guerre. Ce devrait être une action. Il y en a d’autres et tu peux certainement les mentionner dans ta prochaine intervention. Cela dit, dans l’instant, ce n’est pas le PCF qui va être à l’initiative de quoi que ce soit là-dessus.
2) Les dirigeants russes sont des capitalistes. On ne peut pas croire ce qu’ils disent.
Je m’avance peut-être mais sur ce point et sur ce site, les choses sont claires. Ces dirigeants ont mis beaucoup, beaucoup de temps avant de réagir. Ce sont des capitalistes.
Mais deux questions quand même;
La première : Est ce que la Russie, ce sont uniquement des capitalistes? Voici ma réponse, à la hache. D’autres complèteront. C’est un pays où le KPRF fait “officiellement” 20% des voix et dont l’audience est supérieure à 20%. C’est un pays dont une partie de la population a connu concrètement le socialisme de type soviétique et qui sait ce que fut la lutte contre les nazis et ce que fut le rôle de Staline, contrairement à nous, Français, qui pleurnichons sur “le stalinisme”. C’est un pays dont la population soutient très majoritairement le combat actuel mené contre l’OTAN, mais qui sait ce qu’elle représente, indépendamment des capitalistes russes. Au total, je trouve que tu vas bien vite en considérant que les discours de Poutine et ses actions ne sont que du vent capitaliste.
La deuxième : Est ce que ta position, qui rappelle celle du Parti ouvrier sur l’affaire Dreyfus, ne sous-estimes tu pas ce qui pousse les classes dirigeantes capitalistes de pays en développement à prendre ses distances avec l’impérialisme, à savoir que les peuples veulent aujourd’hui le développement. Mon hypothèse (et c’est vrai qu’il faudrait plus qu’une hypothèse) est que le mouvement d’indépendance des bourgeoisies nationales est porté par les exigences populaires. Il n’y a rien de tel pour pousser au cul des dirigeants, quels qu’ils soient, que la population. Moi, à mon avis tu sous-estimes ce phénomène.
Fraternelles salutations
Xuan
Si on compare cette guerre « hors limites », c’est-à-dire non exclusivement militaire, avec les deux guerres mondiales précédentes, on pourrait les caractériser ainsi :
La première guerre mondiale était une guerre inter-impérialiste pour le repartage du monde.
La seconde guerre mondiale opposait d’une part une tentative de domination mondiale de l’Axe, et d’autre part l’URSS et les puissances impérialistes. C’était pour une part une guerre anti fasciste et pour la défense du socialisme, et pour une autre part une guerre inter impérialiste, où les puissances impérialistes opposées au fascisme constituaient un élément important du front uni mondial anti fasciste. Mais dans cette guerre, excepté en Chine, l’émancipation des peuples et des nations colonisés n’était qu’une promesse formulée par les USA visant aussi à briser les empires français et anglais.
La troisième guerre initiée par les USA pour préserver leur hégémonie s’oppose actuellement à la Chine Populaire, aux pays émergents, et même aux autre pays impérialistes.
Les pays émergents et du tiers monde poursuivent la révolution démocratique nationale de type nouveau (celle qui appartient à l’ère du socialisme et non plus à l’ère des révolutions démocratiques nationales bourgeoises d’avant 1917). L’indépendance politique doit s’accompagner de l’indépendance économique et technologique, du développement économique et social.
Tandis que les autres pays impérialistes, relégués à des positions de second couteau, soutiennent les USA ou ne s’y opposent que très timidement. Même s’ils s’opposaient sérieusement à l’hégémonisme pour défendre leurs intérêts capitalistes, ils ne pourraient en aucun cas occuper un rôle dirigeant dans le front uni mondial anti hégémonique. C’est ce que résume la position de « troisième voie » de Macron, parfaitement illusoire car l’hégémonisme US ne la tolère pas.
De ce point de vue l’issue de cette nouvelle guerre ne peut pas reproduire l’issue de la seconde et déboucher sur un nouveau partage impérialiste du monde ou d’une partie du monde. De plus aucune des anciennes puissances impérialistes ne pourrait prendre la place d’un hégémonisme mondial.
Jean-Claude Delaunay
Je souhaite préciser ce que j’ai voulu dire en notant que ma première raison d’espérer était que l’impérialisme s’attaquait à un pays capitaliste. Tout en ayant la conviction que le socialisme est l’ennemi principal et permanent de l’impérialisme, j’ai noté que, aujourd’hui, non seulement ce système vise à détruire le socialisme, mais que en plus, il s’attaque à des pays capitalistes, l’Iran, la Syrie, l’Irak, la Lybie, la Russie, le Vénézuela…J’ai donc cherché à indiquer que, selon moi, le niveau des contradictions économiques et politiques auxquelles le système impérialiste avait à faire face s’était élevé. La raison en serait que ce capitalisme, assis sur des structures sociales différentes des structures europénnes, est à la recherche du développement économique. Dans ce lot de pays capitalistes que l’impérialisme ne supporte plus, la Russie est certainement un cas à part et les remarques de Michel Vovelle sont certainement appropriées. Ce qui aura des conséquences sur le reste. Mais pour les autres, se développer selon des structures capitalistes qui devront tenir compte de la situation (en particulier l’intervention publique et les aspirations basiques des masses populaires), sera l’équivalent d’un bond en avant considérable. Ensuite, les peuples décideront.
Bref, ma modeste réflexion vise à être un peu plus précise sur quatre points que ce que je lis habituellement sur les changements en cours. Notre époque n’est pas seulement à la recherche de la mutipolarité. Elle est d’abord à la recherche de la coexistence du capitalisme et du socialisme. Le socialisme a droit à l’existence. Elle est ensuite à la recherche de l’élimination du système impérialiste formé par ceux des capitalistes veulant empêcher cette évolution. L’impérialisme et les rapports sociaux qui le structurent doivent être neutralisés et définitivement éliminés. Elle est ensuite encore la recherche du développement économique généralisé, ce que le capital monopoliste refuse. Elle est enfin la perspective offerte aux plus pauvres (10% de la population mondiale) de sortir, ou plus exactement d’être sortis de la merde noire dans laquelle ils sont plongés sans espoir. Je crois que si l’on a ces quatre points en tête on est plus précis que si l’on parle seulement de multipolarité.
jean-luc
Eh bien, ma boutade aura déclenché un débat des plus intéressants 🙂
Un grand merci à Jean-Claude pour avoir pris la peine de répondre à mon court billet, et à Xuan pour la contribution.
Tout d’abord, pour qu’il n’y ait pas d’équivoque, je garde un point de vue trotskyste sur le stalinisme, loin des ‘pleurnicheries’ auquelles tu fais référence, mais basé sur le débat de fond qui a existé entre l’opposition de gauche et le courant stalinien, qui entamait alors sa bureaucratisation.
Ce point a bien sûr son importance lorsque l’on veut parler de la situation actuelle en Russie, pays capitaliste de type particulier, à cause, comme tu le soulignes, de son expérience du socialisme encore fraîche, qui impose des figures de style particulières aux élites capitalistes confrontées à une crise existentielle. N’oublions pas la proximité historique de fait entre ces élites et le KPRF (ou le contraire).
Nous sommes tous ici d’accord pour analyser le conflit en cours comme une agression de l’impérialisme mondialisé sous l’hégémonie états-unienne contre un axe Chine-Russie qui n’accepte pas sa domination. Comme le souligne encore Xuan, il ne s’agit pas d’un conflit inter-impérialiste pour le partage du monde. Pour l’instant du moins. Car l’hégémon ne s’est pas encore résolu au partage.
Je suis aussi très sensible au fait que la Chine représente, pour l’instant, un facteur de paix objectif, en premier lieu parce qu’elle en a besoin, et peut-être à cause de son histoire, ancienne et récente.
Pour l’instant, d’un point de vue communiste, le combat de défense de la Fédération de Russie contre les visées hégémoniques de l’impérialisme états-unien, joue un rôle positivement objectif, en ce qu’il serait beaucoup plus difficile de remettre en cause les rapports de production capitalistes dans un monde entièrement pacifié par cet hégémon. Le soutien que la Chine apporte à ce combat, pour discret qu’on puisse le juger, reste capital. Et il est heureux pour l’humanité -sans laquelle il ne peut y avoir d’émancipation- que ce soutien prenne la forme d’un combat pour la paix et la multipolarité. Comme tu le soulignes, la Chine réprésente seule vraie opposition à l’épidémie de bellicisme dont le patient zéro se nomme Etats-Unis d’Amérique. Cette approche prudente est peut-être la seule façon de nous éviter l’anéantissement, l’Armageddon potentiel qui forme la toile de fond de la lutte que l’empire mène pour sa survie. Et je crois que nous serons ici tous d’accord également qu’éviter cette conclusion prend la priorité sur toute autre lutte.
Ceci posé, il faut garder présent à l’esprit que la classe capitaliste à la tête des affaires dans la Fédération de Russie est une classe capitaliste. Son combat n’est pas mené pour les intérêts des travailleurs ni de la FR ni des autres pays. Sa victoire éventuelle lui offrira d’autres opportunités qu’elle n’a jusqu’à maintenant que pu convoiter ou au mieux goûter. Comme toute classe capitaliste, son stade suprême, si elle l’atteint, c’est l’impérialisme. Et je ne suis pas sûr que le KPRF pourra lui barrer le chemin.
En ce qui concerne la caste dirigeante chinoise, qui n’a pas pris les atours de la classe capitaliste d’une façon aussi nette que chez son voisin du nord, je sens ton optimisme à son égard, et je le comprends, dans un monde ou la conscience et la force révolutionnaire de la classe prolétarienne s’est délitée d’une façon si dramatique, y compris dans les mouvements nationaux des pays laissés pour compte. Mais si beaucoup d’aspects des rapports de production en Chine gardent aujourd’hui une composante socialiste, il est difficile de prédire ce qui en arrivera en cas de défaite ou de mise au pas de l’hégémon impérialiste à l’issue du conflit global en cours. Une accélération du socialisme, voire, enfin, la marche vers le communisme? ou le contraire, la négation de l’héritage socialiste et la capture des moyens de production par la caste aux manettes, achevant ainsi sa mutation en classe capitaliste. Avec elle aussi son stade suprême? (voir à ce sujet l’article publié par Danielle hier sur les études chinoises de la révolution française sur lequel je me suis aussi permis un petit commentaire)
En résumé, la direction chinoise et même la classe capitaliste russe sont des alliés circonstanciels du mouvement d’émancipation du prolétariat mais ne représentent pas forcément l’expression organisée de ce mouvement.
Elles ont toutefois le mérite de peser sur le cours de l’histoire, ce qui n’est pas vraiment le cas aujourd’hui de ceux qui continuent à se réclamer de l’héritage des auteurs du Manifeste et de Que faire?
Ce qui amène à une deuxième réflexion. Pour peser sur le cours de l’histoire, il est nécessaire de créer des formes organisées capables de transformer les révoltes en conscience de classe. L’opposition des classes travailleuses à la guerre est un terreau naturel pour ce travail d’organisation. Avons-nous les moyens de nous y atteler?
Les Eparges
Bonjour,
Pour ma part je pense qu’il y plusieurs capitalismes .
Au moins deux : un dérégulé , sans contrainte, livré à des groupes transnationaux où tout est permis et le seul, objectif est le profit .Le Règne de l’individualisme et de la démesure .
Un autre qui a existé , plus axé sur la production , avec des règles fondamentales comme les lois anti monopoles ,….,…. contrôlant la monnaie , les circulations de capitaux , de marchandises , des populations , avec une supervision démocratique a minima possible , cad une adhésion, une participation populaire à la gestion politique de l’entité territoriale concernée . Qui suppose aussi un certain équilibre entre secteur public et secteur privé ….
Xuan
Les notions de mondialisation et d’empire sont très répandues et tout autant galvaudées.
La « mondialisation impériale », depuis la chute de l’URSS, est une forme contemporaine et spécifique de la mondialisation. Elle n’en est qu’un aspect.
Au sens général la mondialisation date des premiers échanges, peut-être entre les humains et les néanderthaliens ?
Depuis elle a connu de nombreuses péripéties, les premières routes de la soie, les caravanes, le commerce vénitien, les épidémies, la ligue hanséatique, les grandes découvertes, la colonisation, l’impérialisme, les guerres mondiales, etc. et j’en passe.
Sa forme contemporaine a été modelée par le développement du capitalisme financier, particulièrement par les USA et suivant un objectif hégémoniste. C’est une étape particulière, actuelle de la mondialisation. Mais après elle, la mondialisation se poursuivra, sous d’autres formes.
Sa forme « impériale » est aussi spécifique dans la mesure où elle a elle-même provoqué son propre contraire, le développement des nations prolétaires que décrit Jean-Claude en parlant des « sous développés ». C’est-à-dire qu’elle se divise en deux. D’une part une mondialisation hégémoniste et d’autre part une mondialisation opposée à l’hégémonisme, ou encore une mondialisation multipolaire. Celle-ci se développe maintenant sous la forme des BRICS + et des diverses associations commerciales des pays du sud, de l’Asie ou de l’Eurasie.
Sous cet angle, la Russie occupe une place particulière dans la mesure où elle est devenue un pays capitaliste développé, et en même temps un pays producteur de matières premières et d’énergie. On en a mesuré les effets lorsque Lemaire nous a décrit la grande stratégie du boycott du gaz russe.
Et bien que la Russie soit militairement engagée dans un conflit qui englobe aussi le commerce, la monnaie, la technologie, ce n’est pas elle qui est à la tête de la nouvelle mondialisation. Depuis des décennies la Chine Populaire travaille à l’unité d’un front mondial contre l’hégémonisme, et le conflit en Ukraine n’est qu’un aspect du conflit général entre l’hégémonisme et le monde multipolaire.
D’autre part la mondialisation hégémoniste se divise encore en deux.
Comme l’a montré Jean-Claude :
« Tout en se globalisant, l’impérialisme s’est reconnu un chef, un leader permanent, et ses composantes ont accepté que ce leader devienne de plus en plus envahissant et autoritaire.
Un certain nombre de petits pays capitalistes ont commencé à réagir. Ils ont été écrabouillés ».
Les anciennes puissances impérialistes ont dû se plier. Ce sont des alliés des USA mais des alliés dominés, des alliés que l’hégémonisme US utilise comme sous traitants, sanctionne quand ils n’obéissent pas, qu’il pille et dont il détruit toute forme de concurrence. L’Allemagne vient d’en faire les frais aussi.
Peut-on parler d’alliés dans ces conditions ? Non c’est l’unité des contraires.
Si on se fie aux déclarations officielles, tous sont alignés sur Washington. Mais dans les faits chacun tire à hue et à dia, parce que chacun considère ses propres intérêts.
Tout récemment il s’agissait de boycotter les diamants russes. Unanimité totale, sauf pour les diamantaires anversois, de sorte que le boycott s’est transformé en suivi de l’origine des pierres. Mais Anvers continuera à vendre des diamants russes. Echec.
Sur le plan des idées, l’unité paraît totale, la presse unanime. Mais si on compare l’état d’esprit des masses aujourd’hui et à la veille de 1914, qui autour de nous est prêt à partir la fleur au fusil pour faire la peau des russes ou des chinois ? On peut se battre pour sa patrie, mais pas pour le roi de Prusse. Et si les nervis recruteurs de Kiev doivent emmener de forces les jeunes gens à la boucherie, quelle sorte de mobilisation pourraient espérer les USA en Europe, combien de pays y pratiquent encore la conscription ? Même les abonnés de Libé, du Point, du Monde et de l’Obs iraient se cacher dans une ferme écolo du Diois.
En pratiquant le découplage avec des pays producteurs, en imposant le boycott, en exportant sa dette dans le monde entier et en provoquant la guerre, l’hégémonisme US s’oppose non seulement à la paix mais aussi au développement des forces productives mondiales. Au fond, et si on considère les intérêts matériels des peuples, des nations – y compris des pays capitalistes et impérialistes occidentaux – les Etats Unis sont l’ennemi n° 1 du monde entier. Ce projet sans avenir n’est même pas comparable à l’Axe nazi car il n’a pas d’alliés sûrs. C’est un combat perdu d’avance.
jean-luc
100% d’accord avec tout ce que tu écris ici.
J’ai utilisé le terme de ‘mondialisation’ dans le sens restreint et restrictif qui lui a été conféré par les chantres du néo-libéralisme à partir de l’écroulement de l’Union Soviétique. Cet élément de langage était utilisé synonymement au terme de ‘globalisation’. Il décrivait le processus de division du monde entre pays exploités pour leurs ressources et leur main d’oeuvre bon marché, régentés par des caporaux sous-impérialistes (voir l’article de Justin Poder https://histoireetsociete.com/2023/04/02/sous-imperialisme-et-multipolarite-le-dilemme-du-bresil/), et pays de la cour impérialiste en tirant les prébendes. Il cachait surtout la mise au pas finale du camp impérialiste par l’hégémon états-unien (comme l’explique si bien Jean-Claude).