Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Guerre des classes, guerre impérialiste, guerre existentielle… par Denis Parfenov

Oui la révolution bolchevique a été la tentative de transformer l’histoire dans un processus conscient par lequel les classes exploitées privilégiaient leur exigence de paix, de justice et de développement en s’emparant des leviers politiques pour accélérer les tendance objectives qui étaient déjà à l’œuvre dans la transformation des forces productives, la relation des êtres humains à la nature. Il n’y aura jamais de révolution socialiste sans un parti communiste capable de donner les moyens d’émancipation aux exploités, d’en faire les protagonistes de l’Histoire dans une alliance avec toute la créativité humaine. Comme nous le répétons souvent ici la guerre est au cœur de la réflexion des communistes, parce que celle-ci est à la fois insupportable et met à nu jusqu’à la mort la nature de l’exploitation, le développement des forces productives vers l’autodestruction au lieu de la libération. Il y a eu la trahison de la IIe internationale, et il y a aujourd’hui l’appréciation de l’intervention en Ukraine: “l‘action militaire en Ukraine a les caractéristiques d’une guerre de libération, pour protéger les intérêts de la partie russophone et pro-russe de la population ukrainienne contre le régime criminel pro-américain nazi-banderovite de Kiev. Dans le même temps, il n’y a pas lieu d’idéaliser la situation ; les hauts responsables oligarchiques de la Fédération de Russie ont en fait parasité les aspirations de la population du Donbass à s’échapper de la junte ukrainienne pro-occidentale et à revenir dans la famille unie des peuples frères qui a été criminellement détruite en 1991.” Cette analyse dit la complexité mais aussi la nécessité de la lutte pour la paix en Ukraine mais aussi dans un monde multipolaire dont les composantes sont multiples mais où la seule certitude est la nécessité de battre l’OTAN et l’impérialisme dominant sans idéaliser les protagonistes. (note de Danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop)

https://kprf.ru/dep/gosduma/activities/215214.html

Un article qui examine les événements d’aujourd’hui et leur préhistoire dans une perspective matérialiste et de classe.

L’auteur, Denis Parfenov, est secrétaire du comité de la ville de Moscou du KPRF, et député à la Douma d’État.

“L’histoire de toutes les sociétés ayant existé jusqu’à présent a été l’histoire de la lutte des classes”.
Karl Marx et Friedrich Engels, Le Manifeste du Parti communiste (1848)

“Il y a une guerre des classes en cours, et c’est la mienne, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner”[1].
Warren Buffett, extrait d’une interview accordée au New York Times (2006)

Le rapport au Vème Plénum (novembre) du Comité Central du KPRF “Expérience de la démocratie soviétique et tâches du KPRF dans la lutte pour la vraie démocratie, le progrès social et l’amitié des peuples” a soulevé un certain nombre de questions historiques dans leur lien étroit avec la situation actuelle. Dans de nombreuses organisations du parti, le rapport fait l’objet de discussions animées, il est étudié et cité. Le présent article est une tentative de l’auteur de poursuivre la réflexion sur les idées exprimées dans le rapport sous un angle de classe.

Un antagonisme durable

La lutte des classes n’a pas seulement lieu dans le sens familier, presque “quotidien” du terme, sous la forme de luttes de travailleurs individuels ou de leurs groupes organisés sous la forme de syndicats pour de meilleures conditions de travail. La lutte des classes est au moins un processus à double sens. Du côté des salariés (le prolétariat), la lutte de classe au sens étroit du terme est l’effort susmentionné pour améliorer leur situation – réduire les heures de travail, augmenter les salaires, améliorer la protection sociale, etc. Dans un sens plus large, la lutte des classes de la part des travailleurs est une lutte de caractère politique, pour un changement de modèle de gouvernement, et dans sa forme la plus complète et la plus consciente, elle vise un changement de formation, c’est-à-dire un nouveau stade qualitativement plus élevé dans le développement de la société.

En ce qui concerne la classe des propriétaires des moyens de production, la situation est quelque peu semblable à un miroir. Tout comme les travailleurs ne mènent avant tout qu’une lutte économique, les capitalistes s’efforcent également de baisser les salaires, d’allonger la durée du travail, de réduire les garanties sociales, etc. Les employeurs ont, en règle générale, un grand avantage en l’absence d’organisation et de solidarité ouvrières et le fait que le patron agisse comme chef d’une structure déjà organisée lui donne un avantage sur le syndicat qui est encore en cours de formation. Naturellement, la lutte des capitalistes pour leurs intérêts ne se limite pas au niveau des entreprises individuelles et, en règle générale, acquiert un caractère politique sous la forme de tentatives d’influencer la politique de l’État par l’intégration des capitalistes dans les structures de l’État ou par l’intégration de mandataires dans ces structures, ou encore par l’occupation de postes de direction dans les grandes associations capitalistes par des représentants du pouvoir de l’État. Au stade de l’impérialisme, il est déjà tout à fait approprié de parler d’un très haut degré de fusion entre le sommet de l’appareil d’État et la grande entreprise oligarchique privée, qui est l’un des traits distinctifs du capitalisme monopolistique d’État. Lénine l’exprime ainsi : “L'”union personnelle” des banques avec l’industrie est complétée par l'”union personnelle” de ces sociétés et d’autres avec le gouvernement”[2].

En raison de leur relatif petit nombre, les chefs d’État et les grandes sociétés, agissant comme une sorte de “capitaines” de l’ensemble de la classe capitaliste, sont en mesure de se consulter directement et d’élaborer des décisions stratégiques visant à garantir les intérêts à long terme de leur classe. Cela les distingue des larges masses prolétariennes qui, précisément parce qu’elles sont extrêmement nombreuses, ont souvent de grandes difficultés à assurer une action cohérente et à élaborer et mettre en œuvre des solutions.

Les classes et la société

Les classes ne considèrent pas la tâche d’améliorer la société comme une fin en soi, comme une abstraction. Pour elles, cette tâche est en général concrète et consiste à améliorer la société dans la mesure seulement où cela peut améliorer leur propre situation. Autrement dit, les capitalistes sont prêts à investir dans la science, les innovations, les inventions, à contribuer au développement de l’intellect et de la santé des gens, à améliorer leur niveau et leur qualité de vie, dans la mesure où toutes ces activités sont couvertes par des besoins solvables. S’il n’y a pas de besoins solvables, il n’y a pas de demande ; s’il n’y a pas d’opportunité pour le capitaliste de faire du profit, une personne talentueuse, une entreprise prometteuse, ou même une branche entière de la connaissance ou de la production ne recevra pas un centime d’investissement et sera vouée à la décadence.

Pour la même raison, le prolétariat est plus intéressé que quiconque, et à l’époque actuelle plus que jamais, par le progrès social total, puisque celui-ci est la condition pour assurer non seulement un avenir décent, mais l’existence même de cet avenir, c’est-à-dire la possibilité de la survie élémentaire de la grande majorité du peuple. Le capitalisme a déjà créé des industries et des sciences suffisamment avancées pour offrir des moyens de destruction de l’homme lui-même et de son environnement sans précédent par leur puissance et leur rapidité. En ce sens, le prolétariat a intérêt à maîtriser au maximum les moyens de gestion et de développement social afin de transformer son potentiel en une direction constructive. Le moment où il prend le pouvoir, déclenchant ainsi la réorganisation de la société dans son ensemble et créant une nouvelle formation, constitue l’essence de la révolution sociale.

Mais qu’est-ce qui différencie notre révolution, la révolution communiste (le socialisme, car le socialisme est la première phase du communisme), des autres ? C’est l’influence plus grande que dans les époques précédentes d’une direction intentionnelle, délibérée, sur la transformation révolutionnaire. Ce fait est objectivement préparé même dans la phase capitaliste du développement et est une conséquence de la formation de monopoles et de grandes entreprises, qui peuvent avoir une grande influence sur l’économie de pays entiers et même à l’échelle mondiale. En d’autres termes, sous le règne des monopoles, “la zone des lois économiques fonctionnant automatiquement se rétrécit et la zone de régulation consciente par les banques s’étend énormément, de sorte que la responsabilité économique nationale de quelques dirigeants s’accroît également énormément”[3]. C’est précisément cette gestion consciente par quelques-uns sous le capitalisme dans l’intérêt de la classe capitaliste et, surtout, de sa croûte supérieure des propriétaires les plus grands et les plus influents des moyens de production. C’est cette même gestion consciente de toutes les forces et ressources productives, mais dirigée pour le bien de la société, qui constitue la différence fondamentale entre le pouvoir de la majorité ouvrière et la domination des oligarques.

Pour la classe capitaliste et ses fleurons, la tâche d’assurer et de maintenir leur domination de classe est primordiale. La nécessité d’actions offensives constantes et vigoureuses, tant en termes de repartage du monde et d’assurance de toujours plus d’influence et de profits pour les capitalistes les plus puissants qu’en termes de suppression constante des tentatives des travailleurs de changer leur position dans la société, est l’essence de la lutte des classes de la part du grand capital.

En même temps, il peut aussi y avoir des luttes au sein des classes avec des résultats différemment orientés. La lutte au sein du prolétariat, c’est-à-dire entre les représentants de la majorité des travailleurs pour une place au soleil (sous la forme de briseurs de grève, de soumission au patronat, de non-participation aux actions de solidarité, de division des travailleurs selon des lignes nationales, de rejet de l’internationalisme, de scissions au sein du mouvement de gauche, etc.), conduisant à un affaiblissement de l’ensemble du mouvement ouvrier, est indirectement une forme de lutte de classe entre exploiteurs et exploités. Les luttes au sein de la classe capitaliste (résistance du capital national à l’empiètement des entreprises internationales, guerres commerciales, et même opposition énergique à l’expansion des puissances impérialistes) peuvent, dans une certaine mesure, être bénéfiques au prolétariat.

En d’autres termes, une plus grande solidarité et cohésion entre les prolétaires est utile à la cause de l’émancipation de la classe ouvrière et nuisible aux exploiteurs. Moins de solidarité et de cohérence entre les prolétaires, le conflit d’intérêts au sein du prolétariat entre différents groupes de travailleurs, est nuisible à la cause de l’émancipation de la classe ouvrière et utile aux exploiteurs. De même, une plus grande solidarité et cohérence entre les capitalistes est nuisible à la cause de l’émancipation de la classe ouvrière et utile aux exploiteurs. En revanche, une solidarité et une cohérence moindres entre les capitalistes, ces derniers se disputant les sphères d’influence et les profits, peuvent être bénéfiques à la cause de l’émancipation de la classe ouvrière et préjudiciables aux exploiteurs. Cela ne veut pas dire qu’un travailleur individuel ou un groupe de travailleurs pourrait être mieux loti suite à l’interruption de la grève ou à la défaite des luttes révolutionnaires, tout comme un capitaliste individuel ou une alliance de capitalistes pourrait bien être mieux loti suite à une série de fusions et d’acquisitions conflictuelles, ou même suite à une guerre. Le point est que la mesure ultime de tout événement donné est d’être capable d’identifier les intérêts sous-jacents d’une classe ou d’une autre, et de comparer la dynamique de l’équilibre changeant du pouvoir entre les classes dans la totalité des circonstances. En d’autres termes, il faut distinguer le gain ou la perte que la classe capitaliste obtiendra, le bénéfice ou le dommage que la classe prolétarienne obtiendra, et seulement ensuite faire des évaluations.

Non-guerre et non-paix

Tout phénomène tend à avoir plusieurs dimensions. Cela est vrai tant pour la vie et les actions des individus que pour les grands systèmes politiques. C’est d’autant plus vrai en ce qui concerne les événements à grande échelle tels que les guerres. Beaucoup de choses ont été dites sur la guerre depuis l’Antiquité, du célèbre traité de Sun Tzu sur l’art de la guerre aux textes hiéroglyphiques mayas déchiffrés relativement récemment, en passant par l’héritage de Clausewitz et le concept actuel de guerre réseau-centrée du Pentagone. Il convient de noter que dans ses ouvrages et “dans ses revues militaires, Engels apparaît comme un grand spécialiste militaire, un expert profond de l’histoire militaire et de l’état des forces militaires modernes”[4]. D’autres figures du mouvement communiste international, dont K. Marx, V.I. Lénine, I.V. Staline et d’autres, ont également abordé ces sujets.

      L'attention considérable portée par les communistes aux guerres n'est pas un hasard. Le capitalisme est né dans le feu des guerres - civiles et interétatiques - contre les anciennes monarchies féodales et les révolutions bourgeoises, et en se renforçant et en atteignant le stade impérialiste de son développement, il a rendu les guerres mondiales possibles.

Il est bien connu que les intérêts du grand capital ne se limitent en aucun cas aux frontières nationales. Cherchant à accroître leurs profits et à développer de nouveaux marchés, surtout après la phase dite de mondialisation, la formation d’un marché mondial de facto des biens et services et des capitaux d’emprunt, les États bourgeois et leurs alliances, travaillant main dans la main avec les plus grandes sociétés transnationales, luttent continuellement pour la redistribution des sphères d’influence. Cette redistribution est possible, comme Lénine l’a souligné à juste titre, principalement sur la base de la force, c’est-à-dire qu’il existe une menace constante de passage d’une lutte relativement pacifique (par le biais de fusions et d’acquisitions, d’espionnage industriel, de corruption, d’actions des services secrets, etc.) à une lutte directement non pacifique, qui a lieu par des moyens militaires. “Les cartels internationaux <…> ne nous montrent-ils pas un exemple de division et de redistribution du monde, de passage d’une division pacifique à une division non pacifique et inversement ? Le capital financier américain et autre, qui a divisé le monde entier pacifiquement, avec la participation de l’Allemagne, <…> ne redistribue-t-il pas maintenant le monde sur la base de nouveaux rapports de force, en changeant de manière totalement non pacifique ?”[5]. Pour la classe capitaliste, de telles guerres, même mondiales, sont aussi une lutte de classe, menée à l’échelle internationale et visant à la réalisation de la domination de classe des plus grands propriétaires des moyens de production – les entreprises et les gouvernements les plus puissants des pays impérialistes.

Toute l’histoire des 20e et 21e siècles prouve de manière concluante que les puissances impérialistes poursuivent une politique d’expansionnisme extrêmement agressive. Les grandes crises du capitalisme ont déjà conduit à deux guerres mondiales qui ont entraîné des dizaines de pays et des centaines de peuples dans le carnage mondial, et fait des dizaines de millions de victimes. La politique de l’impérialisme mondial à l’égard de notre pays est devenue extrêmement agressive, dès les premiers jours de l’émergence de la Russie soviétique et tout au long de l’histoire de l’URSS jusqu’à son dernier jour, – littéralement pas un seul instant la pression étrangère, la menace militaire, les sanctions, la préparation d’opérations de reconnaissance, subversives et autres, le déploiement de la guerre informationnelle-psychologique n’ont cessé.

Les guerres passées et présentes exigent une réflexion et des évaluations appropriées de la part des partis communistes et ouvriers du monde entier, car c’est à travers les attitudes envers la guerre que la loyauté des partis à la cause de l’émancipation des travailleurs de l’exploitation a souvent été testée. Le célèbre effondrement de la IIe Internationale, accompagné de la trahison des intérêts du prolétariat par la plupart des forces sociales-démocrates européennes par leur retrait de la propagande active contre la guerre et leur soutien aux prêts de guerre, a révélé la grave vulnérabilité du mouvement de gauche en temps de guerre. Déjà à l’époque, les capitalistes de chacun des États-nations ayant pris part à la Première Guerre impérialiste mondiale mettaient en effet la gauche devant le choix d’affronter toute la force de l’appareil répressif des États bourgeois, d’être accusée de trahison nationale, de collaborer avec des puissances étrangères et d’être alors soumise aux persécutions les plus sévères, ou de maintenir les structures de parti durement acquises et de continuer à travailler dans le cadre légal. Une sorte de “choix entre réputation et organisation”. Un choix similaire doit être fait par la gauche dans un certain nombre de pays post-soviétiques au capitalisme temporairement victorieux.

La complexité du phénomène de la guerre elle-même découle du caractère complexe des acteurs qui y prennent part. Derrière les affrontements entre États se cachent les complexités des intérêts de grands groupes sociaux et de classes sociales, au sein desquels de graves conflits d’intérêts peuvent également survenir.

Les subtilités et la dualité de la SVO

De ce point de vue, les événements de ces derniers mois, lorsque la campagne en Ukraine a été menée comme une opération militaire spéciale, ont une fois de plus montré à quel point le processus de lancement des opérations militaires peut être complexe. L’auteur de cet article a déjà abordé les événements qui ont débuté le 24 février 2022 dans un article intitulé “Les nations ont besoin de paix !”[6]. En bref, son contenu peut être transmis comme suit : la campagne militaire dans le Donbass, initiée par les dirigeants russes, a une double nature.

Premièrement, les événements en direction de l’Ukraine sont une conséquence directe de la destruction tragique de l’URSS, lorsque le pays a été divisé artificiellement en traçant des frontières qui ne correspondaient pas aux réalités historiques, démographiques ou politiques, le pays a été littéralement déchiré vivant, et cette vieille blessure ne pouvait que se faire sentir, ce qui est arrivé.

Deuxièmement, l’action militaire en Ukraine a les caractéristiques d’une guerre de libération, pour protéger les intérêts de la partie russophone et pro-russe de la population ukrainienne contre le régime criminel pro-américain nazi-banderovite de Kiev. Dans le même temps, il n’y a pas lieu d’idéaliser la situation ; les hauts responsables oligarchiques de la Fédération de Russie ont en fait parasité les aspirations de la population du Donbass à s’échapper de la junte ukrainienne pro-occidentale et à revenir dans la famille unie des peuples frères qui a été criminellement détruite en 1991.

Troisièmement, les hostilités montrent les signes d’une redistribution impérialiste des sphères d’influence, car un État capitaliste plus faible, représenté par la Fédération de Russie, tente d’arracher l’Ukraine à l’orbite d’influence d’un adversaire plus fort – l’Occident collectif et le bloc militaire et politique agressif de l’OTAN, dirigé par le principal prédateur impérialiste de la planète – les États-Unis d’Amérique.

De cette double nature du conflit en question découle également la dualité de la position de la gauche, qui est tout à fait évidente, y compris dans la sphère publique. Un certain nombre d’organisations et de personnalités ont déclaré leur opposition à la “non-guerre” et ont accusé la gauche patriotique qui la soutenait de chauvinisme social et de déviation des intérêts de la classe ouvrière, établissant des analogies directes avec les événements de la Première Guerre mondiale déjà mentionnés. Une autre partie du segment “rouge” du champ politique, plus patriotique, à gauche, menée par le KPRF, parle d’un soutien critique à l’opération spéciale et envoie même certains de ses camarades au front pour combattre les criminels nazis et leurs mécènes de l’OTAN. Une partie de la gauche appelle même ouvertement à soutenir le gouvernement actuel, en fermant les yeux sur la perniciosité du système capitaliste, l’aggravation de la crise du capitalisme et les problèmes internes de la Russie.

Il semble que cette dualité du phénomène lui-même, entraînant une dualité de perception et d’interprétation, doive être surmontée et que des options de compréhension des événements actuels et de traitement de ceux-ci, acceptables pour la majorité des camarades en lutte contre le capitalisme, doivent être élaborées.

Il est important de ne pas oublier que le Printemps russe de 2014 est une série d’événements qui ont les caractéristiques d’une révolution populaire de nature nettement de gauche. Les communistes ont été directement impliqués dans la création de la DNR et de la LNR. En particulier, B. A. Litvinov, chef du Parti communiste de la RPD et désormais membre du KPRF et chef du comité régional de Donetsk du KPRF, était l’un des auteurs de la constitution de la RPD. Le Parti communiste de la Fédération de Russie a soulevé la question de la reconnaissance de l’indépendance des républiques de Donetsk et de Lougansk au printemps 2014, à la suite des référendums sur le statut des républiques. Malheureusement, la suite des événements a montré que les administrateurs du Kremlin ont réussi à saper assez efficacement les tentatives de création des républiques populaires sur de véritables principes socialistes, et de nombreux commandants et dirigeants de terrain sont ensuite morts dans des tentatives d’assassinat ou ont été tués au combat.

Des brigands poltrons

La bourgeoisie russe se trouvait dans une position extrêmement intéressante. D’une part, pour un bon nombre d’entreprises en Russie, même le retour de la Crimée dans son port d’attache a été une source de sérieux désagréments en raison des sanctions occidentales. Un certain nombre de grandes entreprises (comme les opérateurs de téléphonie mobile ou la Sberbank) n’ont jamais commencé à opérer en Crimée, même des années après son rattachement à la Russie. Cela montre clairement que l’orientation vers l’Occident et l’interaction avec les partenaires commerciaux des États-Unis et de l’UE sont bien plus prioritaires pour la bourgeoisie russe que la protection des intérêts du pays. Rien n’a changé en ce sens après le 24 février 2022, et ce qui est encore plus évident, c’est le désir des capitalistes russes de sauver autant que possible leurs actifs des sanctions occidentales fortement accrues, ce qui est clairement visible dans le comportement de certains oligarques comme Roman Abramovitch, qui, selon les médias, donne des iPhones aux nazis libérés de captivité, ou Oleg Tinkov, qui s’est débarrassé de certains actifs russes et fait des déclarations fracassantes. Cela n’a rien de surprenant, puisque la Fédération de Russie elle-même, sous sa forme bourgeoise actuelle, est étroitement liée au capital mondial à bien des égards, en raison de cette politique expansionniste agressive de l’Occident et de la destruction de l’Union soviétique qui lui est étroitement associée. Intégrés dans l’économie capitaliste mondiale avec le droit peu enviable d’être un appendice des matières premières, le pays et sa bourgeoisie locale, notablement renforcée au cours des “grasses années 2000″, sont devenus de plus en plus affirmatifs quant à leurs intérêts nationaux (sous le capitalisme, ces intérêts sont généralement remplacés par ceux de la classe dominante) et revendiquent des positions plus convaincantes dans le prestigieux club des grandes puissances. Cependant, dès qu’il s’est agi – certes indirectement, mais déjà d’une confrontation musclée avec l’Occident, dont le régime nazi d’Ukraine est aujourd’hui une sorte d’avatar – il est apparu que la bourgeoisie russe était faible et vulnérable. L'”élite” intérieure est fidèle à son propre rôle de gestionnaire des ressources naturelles du pays, une sorte de vendeur pour les maîtres étrangers sur le territoire sous leur mandat. C’est pourquoi une partie considérable de l'”élite” est lâche et prête à abandonner même les intérêts de son propre État bourgeois, juste pour garder une partie du butin du peuple et conserver le droit de s’asseoir sur les flux d’argent et de marchandises.

En d’autres termes, le paradoxe de la situation est que l’entreprise qui se cache derrière les politiciens bourgeois, généralement intéressée à mener des guerres impérialistes dans un but de pillage et de profit colonial, s’est avérée, dans le cas de la Russie, tellement dépendante de ses contacts et de ses mécènes étrangers, et donc craintive et docile, qu’il est de loin préférable pour elle d’échanger les ressources et les intérêts du pays “contre la paix” plutôt que de se comporter comme un brigand impérialiste classique.

Toutefois, il ne faut pas croire que les capitalistes russes sont des nigauds et qu’ils manqueraient une occasion de profiter des territoires acquis. Les quatre nouvelles régions comptent environ 8 millions d’habitants, des terres arables fertiles et une industrie sérieuse (l’oblast de Donetsk a généré à lui seul environ 16 % du PIB de l’Ukraine jusqu’en 2014). Il y a donc là aussi un potentiel d’exploitation considérable.

L'”étrangeté de la guerre” a suscité et continue de susciter de nombreuses questions : les premières discussions dans le domaine public par les autorités au sujet de frappes sur les infrastructures et les centres de décision (des attaques que les dirigeants russes promettent depuis longtemps, mais auxquelles ils ne parviennent toujours pas à se décider) n’ont eu lieu qu’environ un mois et demi après le début de la SVO, et les frappes elles-mêmes seulement 7 mois plus tard et seulement après l’attaque du pont de Crimée. Dans le même temps, le bombardement plus ou moins sérieux de l’infrastructure énergétique de l’ennemi a commencé, et les principales voies de transport – chemins de fer, dépôts, ponts, tunnels, ports, oléoducs, etc. sont restées en grande partie intactes, assurant le flux ininterrompu de marchandises de l’Ukraine vers l’Ouest et d’armes de l’Ouest vers l’Ukraine. Toutefois, si nous gardons à l’esprit le lien organique entre l’oligarchie russe et ses maîtres occidentaux, une “drôle de guerre” impliquant une utilisation très limitée des capacités militaires russes pour une guerre directe ne semble plus si étrange. Il est difficile de s’attendre à une action militaire vigoureuse à pleine puissance de la part d’un pays dont une partie considérable de la classe dirigeante est plus étroitement liée aux intérêts des néo-colonisateurs étrangers qu’à ceux d’une bourgeoisie, même à orientation nationale, et encore moins aux intérêts du peuple.

Ce qu’ils professaient, ils l’ont obtenu.

L’annonce de la soi-disant “mobilisation partielle” a également provoqué une grande confusion dans l’esprit du public russe. Pour une partie non négligeable des citoyens vivant dans le cadre d’un contrat social tacite “nous sommes nous-mêmes et les autorités sont elles-mêmes” (c’est-à-dire que nous ne nous intéressons pas à la politique et essayons de survivre comme nous le pouvons), la nécessité inattendue de prendre une part active au destin du pays a provoqué une tempête d’émotions. Pour des centaines de milliers de personnes, la meilleure solution était de quitter immédiatement le pays, ce qui a été fait. De nombreux “archi-patriotes”, et ceux qui étaient qui se sentaient simplement concernés, ont été choqués par cet exode, et des voix se sont fait entendre pour accuser directement nos compatriotes de les trahir dans un moment aussi difficile.

Mais faut-il inclure indistinctement tout le monde dans les rangs des renégats ? Pendant les 30 années post-soviétiques, l’idéologie non déclarée du fondamentalisme de marché quasi-libéral a régné en maître dans le pays. L’un de ses éléments importants est l’imposition constante à la société de fausses valeurs sur la nécessité d’une lutte permanente pour la survie, que “l’homme est un loup pour l’homme”, qu’il faut “enfoncer la tête sous l’eau à celui qui se noie”, que la mesure du succès est l’argent, etc. De telles choses ont été diffusées d’une manière ou d’une autre par tout l’arsenal de la propagande bourgeoise, des médias au système éducatif. La célèbre déclaration de l’ancien ministre russe de l’Éducation et de la Science et actuel assistant présidentiel A.A. Foursenko est très typique dans ce sens : “La principale erreur de l’école soviétique est d’avoir élevé un homme-créateur, et la tâche de l’école d’aujourd’hui est d’élever un consommateur qualifié” [7]. Faut-il s’étonner que si les gens ont subi un lavage de cerveau par des mensonges bourgeois pendant 30 ans, une partie de la population ne peut s’empêcher d’en être affectée. En fait, l’État a obtenu quelque chose dans lequel il a investi de l’argent – des personnes dotées d’un certain état d’esprit et d’un certain caractère, habituées à vivre avant tout pour elles-mêmes. Il n’y a donc rien de surnaturel dans le départ de certains citoyens du pays sur fond d’annonce de mobilisation. Si les autorités veulent vraiment trouver le coupable, il leur suffit de se regarder dans le miroir.

Il en va tout à fait de même en ce qui concerne la logistique des mobilisés. Le fait que la grande puissance, que sans aucun doute la Russie peut et doit être, s’est avérée ne pas être entièrement préparée à accueillir 300 000 hommes dans l’armée ne peut que parler de la plus grave dégradation du système de gestion et de la plus grave corruption. Les excès dans le travail des bureaux d’enregistrement et d’enrôlement militaire, les cas d’arbitraire et d’anarchie de la part de ceux qui étaient censés fournir un soutien organisationnel à la mobilisation et le respect des droits des citoyens sont également des signes indubitables d’une profonde décomposition du pouvoir.

Une conséquence implicite du début de la SVO est l’action forcée de l’élite dirigeante dans le développement de la production industrielle. Il est clair que la politique économique indigente dans ses principales caractéristiques est toujours en place, mais l’accent se déplace lentement mais partiellement vers les besoins du front, qui ne peuvent être atteints sans un essor de l’industrie. La conséquence en sera inévitablement une augmentation des rangs du prolétariat, surtout de la partie la plus avancée du prolétariat – les ouvriers industriels. En même temps, le niveau d’exploitation augmentera inévitablement, car les capitalistes ne seraient pas eux-mêmes si, même en temps de guerre, ils n’essayaient pas d’exiger trois peaux du travailleur. Il s’agit là d’une des conditions préalables importantes aux changements sociopolitiques futurs, car avant que la question du dépassement du capitalisme puisse être sérieusement posée, la bourgeoisie devra d’abord renforcer involontairement son fossoyeur, le prolétariat.

La capitulation ne peut être défendue

L’une des raisons qui nous obligent à considérer la SVO comme une guerre à part entière contre l’Occident collectif avec tout le sérieux voulu est la nature particulière de la guerre qui est apparue depuis le milieu du vingtième siècle environ. La Seconde Guerre mondiale, la création de la théorie de la supériorité raciale, l’élévation de cette dernière au rang de politique d’État et la création de machines pour la destruction industrielle des êtres humains – ont ouvert une nouvelle page dans l’histoire de la guerre. Désormais, l’ennemi pouvait venir dans un pays étranger non seulement pour asservir la population et imposer sa culture, mais aussi pour exterminer le peuple uniquement sur la base du sang. Même après la défaite des pays de l’Axe et l’abandon formel de la théorie raciale, les idées nazies n’ont pas disparu, mais sont seulement passées de mode et sont passées de la proclamation ouverte à la profession secrète. Les impérialistes américains, en fait, ont adopté les fondements de cette doctrine, couvrant leurs aspirations agressives de déclarations de “lutte pour la liberté, la démocratie et les droits de l’homme” et pour la “prospérité de la civilisation mondiale”. L’hystérie russophobe généralisée qui se déchaîne actuellement dans un certain nombre de pays, associée à la stigmatisation de la population russe pour des raisons nationales et culturelles, confirme de manière éclatante que les idées nazies n’ont pas seulement pris racine dans les cercles dirigeants de l’Ukraine, mais qu’elles empoisonnent l’esprit de nombreuses personnes en Europe et au-delà avec leurs miasmes. La volonté des adversaires de la Russie de ne pas se contenter d’abattre le pays militairement ou économiquement est un moyen d’abattre les gens qui l’habitent. À cet égard, la grave catastrophe démographique qui se poursuit depuis presque toutes les années post-soviétiques ajoute un caractère particulièrement tragique à la situation. La population de la Russie est déjà en baisse constante. En 2018, après l’augmentation de l’âge de la retraite, il y a eu une accélération de la réduction et de l’extinction de la population, et dans la période post-soviétique, il y a eu un taux choquant d’environ 1 million de personnes chaque année. En ce sens, l’impact du capitalisme sur notre pays est des plus évidents : sous l’oppression des gestionnaires de capitaux étrangers sous la forme d’une oligarchie locale, la population diminue progressivement, dépeuplant le vaste pays, et en cas de défaite de la Russie dans la confrontation globale avec l’Occident et d’arrivée au pouvoir de partisans encore plus ardents de ce dernier, la vitesse de la disparition des peuples russes et autres ne fera qu’augmenter, entraînant encore plus rapidement la disparition finale d’une puissance mondiale. En ce sens, le soutien des patriotes de gauche à l’opposition active aux tentatives de l’Occident d’assurer la défaite militaire de la Russie par le biais de l’Ukraine est l'”achat” de temps supplémentaire pour essayer de changer le système socio-économique de la Russie en un système socialiste, qui est la seule chose qui puisse interrompre la tendance à l’extinction de la nation et à l’extinction du pays.

Anticipant probablement sa condamnation historique, le système de pouvoir russe résiste désespérément à toute tentative de faire bouger la classe dirigeante. Ces dernières années, la tendance à “serrer la vis” s’est nettement accentuée avec l’apparition de mesures anticovid, suivies d’actions militaires. La SVO est déjà devenue une excuse commode pour la classe dirigeante pour restreindre de nombreux droits et libertés : il est devenu difficile d’organiser des manifestations de rue, même sous la forme de réunions avec les députés (et les récents amendements à la loi sur les agents étrangers restreignent encore ces possibilités, rendant les manifestations de rue illégales dans presque 100% des cas), et pendant un certain temps en 2022, la tenue même des élections a été mise en doute. La manipulation de la volonté des électeurs et la fraude électorale par le vote électronique sont devenues extrêmement effrontées et cyniques, les poursuites pénales contre la dissidence et la répression des protestations des travailleurs sont devenues de plus en plus dures. La nature de plus en plus virulente de la dictature de la bourgeoisie, qui est l’une des conséquences de l’entrée en guerre de la Russie, ne doit pas seulement être sévèrement condamnée par les forces patriotiques de gauche, mais doit aussi être dénoncée sans relâche comme l’une des menaces les plus graves pour la société. En combattant le nazisme et le fascisme en Ukraine, les autorités russes elles-mêmes exposent les caractéristiques de plus en plus hideuses de la domination de classe du grand capital, dans laquelle on peut facilement voir certains éléments de la fascisation du régime politique. C’est le devoir sacré de toutes les forces saines de la société de s’y opposer.

Le changement mondial

Malgré tout, nous pouvons sentir une augmentation évidente du sentiment de gauche sur la planète. Les succès des politiciens de gauche en Amérique du Sud, où des politiciens de gauche sont au pouvoir au Brésil, en Bolivie, à Cuba, au Venezuela et au Nicaragua, etc. ne font que confirmer que la crise mondiale croissante du capitalisme – économique, politique, morale, idéologique, culturelle, etc. – pousse inévitablement les gens à chercher une alternative. Dans ce contexte, l’hégémonie américaine s’affaiblit. Si l’Occident est certainement encore assez fort pour défendre vigoureusement son droit à la domination mondiale, il est de plus en plus talonné par la puissante Chine rouge, et d’autres parties du monde, de l’Inde au continent africain, aspirent à se développer de manière indépendante. La phase “chaude” de la confrontation entre la Russie et l’Occident, sous la forme de la SVO en Ukraine, qui a débuté dans de telles circonstances, n’est qu’un élément de cette mosaïque. Les principaux acteurs mondiaux vont s’affronter dans le cadre du processus de redistribution des sphères d’influence et de la recherche d’un nouveau format de relations internationales et de sécurité plus conforme à l’évolution de l’équilibre des pouvoirs économiques. Le mouvement d’éloignement d’un monde unipolaire est évident. Pour l’impérialisme mondial, ce qui se passe en Ukraine est une guerre pour maintenir sa suprématie de classe, une guerre de classe, une guerre désespérée, une guerre que le capital mondial peut, sous certaines conditions, étendre de manière significative. Dans ce contexte, la lutte contre l’OTAN apparaît comme une cause importante pour l’ensemble de l’humanité, car l’opposition à la plus puissante alliance militaro-politique des impérialistes dans le monde est en soi une noble cause. Lénine a fait remarquer qu'”il est essentiel pour l’impérialisme que plusieurs grandes puissances se disputent l’hégémonie, c’est-à-dire qu’elles s’emparent de territoires non pas tant pour elles-mêmes directement, que pour affaiblir l’ennemi et saper son hégémonie” [8]. Ainsi, même dans la logique de l’escalade du conflit inter-impérialiste, il faut chercher des opportunités pour la réalisation des idées communistes dans chacun des pays participant à cette confrontation. Les problèmes les plus graves, qui ne sont pas toujours apparents pour la société en temps de paix relatif, deviennent clairement visibles en temps de guerre et la politisation forcée de la population sur fond d’opérations militaires et de mesures de mobilisation conduit inévitablement, tôt ou tard, à de graves changements dans la conscience publique, dont la plupart sont dirigés contre le système existant. Les mobilisés sont pour la plupart des représentants du peuple travailleur. En fait, l’armée mobilisée est une armée d’ouvriers et de paysans. Tôt ou tard, ces gens devront revenir du front. Ils ne peuvent guère espérer que la patrie les accueillera avec autre chose que des hausses de prix et de tarifs, la pauvreté et la privation de droits, des élections malhonnêtes et des politiciens fourbes – ces attributs de la société bourgeoise et bien d’autres qui leur sont chers. Dans de telles circonstances, il n’est pas surprenant que les personnes qui ont déjà acquis des compétences en matière de maniement d’armes et une expérience du combat aient des questions raisonnables à poser aux autorités, questions qui ont toutes les chances de recevoir des réponses peu convaincantes. C’est pourquoi une responsabilité particulière incombe aux forces patriotiques de gauche, dont la tâche est de profiter d’un tel environnement pour mener la propagande la plus vigoureuse contre le capitalisme.

Les mots de G.A. Ziouganov tirés du rapport au Vème Plénum (novembre) du Comité Central du KPRF “Expérience de la démocratie soviétique et tâches du KPRF dans la lutte pour la vraie démocratie, le progrès social et l’amitié entre les peuples” sont d’une justesse frappante : “La “question ukrainienne” n’est pas une raison pour le KPRF de se solidariser avec le groupe dirigeant. En outre, les travailleurs de Russie ne feront que souffrir si les résultats de la lutte contre le fascisme sont utilisés par les autorités pour renforcer le régime bourgeois et maintenir le modèle économique pervers”.

Les adversaires du KPRF doivent de plus en plus souvent se rallier au point de vue du parti. Même dans la bouche des dirigeants du pays, on entend de plus en plus souvent des propos jusqu’alors inhabituels sur l’épuisement du modèle existant du capitalisme [9] et même qu’il n’y a rien de mal à l’idée socialiste [10]. Et récemment, V.V. Poutine a en fait reconnu directement la justesse du Parti communiste en ce qui concerne le Donbass – le président a déclaré que l’annexion du Donbass aurait dû avoir lieu plus tôt.
De l’avis du président, cela aurait pu réduire le nombre de victimes. Mais Moscou “poursuit sincèrement” l’idée que “Lougansk et Donetsk pourraient être réunifiés avec l’Ukraine dans le cadre des accords de Minsk”[11]. Cette phrase a une note d’auto-dénonciation du gratin bourgeois russe – en fait, c’était un aveu que pendant des années, les autorités russes ont essayé de pousser la RPD et la RPL de sous la belle bannière du “monde russe” et de les repousser dans l’étreinte étouffante des nazis et des banderistes de Kiev. Ce faisant, Poutine a été contraint de le reconnaître, la reconnaissance immédiate par la Russie de l’indépendance du Donbass, c’est-à-dire ce sur quoi le Parti communiste a constamment insisté pendant plusieurs années et qu’il a exigé de toutes les tribunes, s’est avérée être non seulement juste mais aussi la ligne de conduite la plus correcte. Il ne serait pas exagéré de dire que dans toutes les autres questions clés, de la nationalisation des industries clés et de l’économie planifiée à l’introduction du contrôle ouvrier et à la participation massive des travailleurs à la gestion de l’État, les communistes avaient également raison.

Maintenant que le pays est dans une situation désespérée, et que cette situation ne peut que s’aggraver à l’avenir, la question principale reste la suivante : qui et quelle image de l’avenir la Russie est-elle prête à offrir ? Le capital oligarchique ne peut offrir aux peuples russe et ukrainien rien de fondamentalement nouveau, si ce n’est la pauvreté et la privation de droits. Oui, pour différents groupes au sein de la classe dirigeante, la question est celle des différents degrés d'”occidentalisation” – une reddition complète et rapide du pays à l’Occident dans le cas de la partie franchement cosmopolite et défaitiste de la bourgeoisie, ou une mort lente et progressive du pays dans l’agonie d’une crise permanente du capitalisme dans le cas de la bourgeoisie soi-disant “orientée nationalement”.

Les patriotes de gauche doivent maintenant poser avec la plus grande acuité la question de la dé-oligarchisation de l’économie et du pouvoir, de la lutte contre le nazisme et le fascisme par la destruction de leur système générateur – le capitalisme.

Seule une voie alternative, celle du socialisme, s’appuyant principalement sur ses propres forces et ses alliés les plus proches, peut donner à la Russie une chance historique de survie. Seuls les communistes, soutenus par des représentants conscients et organisés de la classe ouvrière, dirigeant la majeure partie de la population, la majorité ouvrière, peuvent être les créateurs de cette voie. La lutte pour un changement de formation, pour l’obtention du plein pouvoir politique, ne reste pas seulement d’actualité, elle crie littéralement de chaque phénomène de notre vie. Repousser la bande des super-riches loin des leviers du gouvernement du pays, réprimer les tentatives d’élaborer un “accord” avec l’Occident qui nuit aux intérêts du peuple pour sauver les capitaux des salauds oligarchiques, tel est le devoir sacré de tous les patriotes de gauche.

[1] Traduction de l’auteur, original : “Il y a une lutte des classes, d’accord, mais c’est ma classe, la classe des riches, qui fait la guerre, et nous sommes en train de gagner”. Source : https://www.nytimes.com/2006/11/26/business/yourmoney/26every.html

[2] V.I. Lénine, Œuvres, 5e édition, vol. 27, pp. 337-338.

[3] V.I. Lénine, Essais, 5e édition, vol. 27, p. 335. 335. V.I. Lénine cite la source suivante :
Schulze-Gaevernitz. “Die deutsche Kreditbank” dans Grundriß der Sozialökonomik. Tüb., 1915, p. 101.

[4] K. Marx et F. Engels. Essais, vol. 5, vol. 11, p. 22

[5] V. I. Lénine, Essais, tome 27, vol. 5, p. 394

[6] Numéro spécial du journal Pravda Moskva, mars 2022 : https://msk.kprf.ru/2022/03/28/214418/

[7] Par souci d’objectivité, il convient de mentionner qu’actuellement A.A. Fursenko interprète ses propos de manière quelque peu différente : https://ria.ru/20210520/shkola-1733101604.html.

[8] V.I. Lénine, Œuvres, 5e édition, vol. 27, p. 389.

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4 Commentaires

  • Michel Berdagué
    Michel Berdagué

    Encore une fous et ce n’ est pas la dernière vous faîtes un travail extraordinaire de formations et d’ enseignement . Merci Danielle et Marianne . Je me suis précipité de faire un commentaire et de relire posé cette intervention analyse du Camarade Denis Parfenov à mettre en relation en différence avec A.A. Fursenko .Cela rappellera les débats et interventions à Marx au XXI e siècle et Jean Salem .

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    • admin5319
      admin5319

      merci, fort heureusement nous commençons à être quelques uns, ici et ailleurs. Il y a en particulier le travail de Franck Marsal, celui de Xuan, daniel Arias,Picker, Girard, je ne vais pas tous vous citer et pourtant il le faudrait puisqu’il m’arrive de découvrir à l’occasion d’une rencontre que l’on me parle y compris de la rubrique cinéma, d’un livre… Hier nous nous sommes réunis avec France Cuba dans un magnifique village du Vaucluse, entre le matin et l’après midi nous étions plus d’une cinquantaine, le cercle vauclusien avait fait une dizaine d’adhésion depuis un an, nous étions venus à quatre de notre cercle de solidarité marseillais pour écouter des membres de l’association de retour de Cuba, nous avons eu la suprise de découvrir une section entière du PCF totalement allergique au secteur international du PCF grâce à un jeune militant d’une trentaine d’années Johnatan, qui a diffusé nos textes… Celui qui conduisait notre voiture c’était étoile rouge et il a fait selon son habitude une intervention contre l’état réel du secgteur bancaire, l’UE et la perte de notre souveraineté… Abram, notre copain ethiopien a expliqué aux camarades du Vaucluse à quel point partout en Afrique les Etats-Unis avaient tout détruit, créé la haine et comment il voyait la France gangrenée à son tour… Tous ces gens étaient plus ou moins immunisés à la propagande qui se déverse sur les plateaux de télévision et c’est vrai que sans Marianne son obstination, il n’y aurait rien de tout cela… Mais désormais fort heureusement nous sommes plus nombreux… et l’un des participants a conclu! le meilleur moyen d’aider Cuba c’est de combattre ici contre les mêmes qui l’oppriment, le 7 mars il faut la grève partout.

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      • Michel Berdagué
        Michel Berdagué

        Oui Danielle nous sommes plus nombreux et nombreuses que nous le pensons grâce au militantisme aux formations multiples et communistes dans le Parti . Quant au secteur International pendant le nouveau Congrès et les votes une nouvelle responsabilité lui incombera avec des nouvelles têtes et orientation car c’ est très Stratégique et fondamental , comme le secteur financier et tous les trésoriers à tous le niveaux . Au fait il faut que je règle ma situation …depuis la mise au chaud de mes cotisations du fait des 500 000 euros de créances en errance à récupérer quand il y avait le F d G . Cela aussi alimentera les caisses de grève .

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  • Michel Berdagué
    Michel Berdagué

    C’ est un écrit une analyse très importants . En effet une fois la Paix revenue ….les contradictions de cette bourgeoisie russe avec tous le salariat en Russie vont apparaitre au grand jour dans les consciences . Même si le gouvernement actuel et la présidence ont dirigé cette opération spéciale qui se transforme en guerre contre l’ OTAN/NATO l’ impérialisme US et les sous fifres bêlant en faisant et gesticulant plus que leur maître , l’ UE qui en sortira sera complètement rétamée ou malmenée à un tel point que les Peuples et son Prolétariat seront à mène d’ entreprendre une révolution socialiste à direction communiste . De plus avec le résultat de la Paix , les Peuples de chaque pays auront la possibilité de regarder les BRICS avec une grande confiance dans un monde multipolaire où les pays auront passé une étape non pas impérialiste de domination US et caniches impériaux moindres .mais vers une réalisation de transactions en dehors du dollar roi avec des échanges non seulement donnant donnant ,mais vers une conscience de respect et de confiance …sans sanctions pathologiques à la clé : donc une Libération ! Autrement dit ça va bouger.
    . Et comme l’ impérialisme en chef et ses caniches comme à leur habitude de par leur nature et leur fonction utilisent la guerre mondiale pour se maintenir au pouvoir l’ enjeu de la guerre totale et nucléaire même si ils l’ ont en tête les rend quand même un peu prudent quant à leur propre destruction !

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