Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Est-il temps que l’Afrique devienne une nouvelle province de la Chine ? par Konstantin Olchanski

Avec l’ironie russe habituelle – c’est-à-dire un mode de pensée qui s’inscrit par le grotesque en rupture avec tous les stéréotypes mais n’est pas pas non plus destiné à provoquer l’hilarité – l’auteur décrit la manière dont le jeune ministre des affaires étrangères chinois a résolu d’aller a contrario des pratiques occidentales dans le sud. Son expérience d’ambassadeur aux Etats-Unis et en Grande Bretagne, qui a coïncidé avec la détérioration des relations de la Chine avec ces pays, tient de ce fait à une seule règle: traiter l’Afrique différemment en tant que sujet de droit et non objet de pillage. Une description qui ne manque pas d’intérêt quand les néo-colonialistes français se plaignent de voir leur pré-carré menacé alors que c’est surtout leurs méthodes qui exaspèrent. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)

https://svpressa.ru/world/article/362084/

La tournée africaine du nouveau ministre chinois des affaires étrangères – bilan et perspectives

Avant la tournée africaine du ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, le nouveau ministre chinois, Qin Gang, a effectué une tournée similaire. Il a été nommé en décembre 2022 et a immédiatement développé une activité diplomatique intense.

À 56 ans seulement, Qin Gang est l’un des plus jeunes ministres des affaires étrangères de l’histoire de la Chine. Son prédécesseur Wang Yi, par exemple, est devenu ministre des affaires étrangères à l’âge de 60 ans (comme la plupart des ministres des affaires étrangères précédents, de Qian Qicheng à Tang Jiaxuan).

La jeunesse de Qin Gang (selon les critères de la partocratie chinoise) est compensée par sa vaste expérience diplomatique. Il a été diplomate dans les deux pays les plus hostiles – le Royaume-Uni et les États-Unis.

À plusieurs reprises, il a également dirigé le service de presse et de protocole du ministère des affaires étrangères. Son travail en tant qu’ambassadeur de Chine aux États-Unis a coïncidé avec une forte détérioration des relations entre les deux pays. Les Américains ont imposé des sanctions à toutes les grandes entreprises technologiques chinoises – Yangtze Memory Storage, Nvidia, AMD, Zhejiang Dahua, Huawei, ZTE, Hytera, Hikvision et bien d’autres.

L’apothéose de la folie américaine a été le discours de Biden dans lequel il a qualifié le dirigeant chinois Xi Jinping de “dictateur”.

Qin Gang, cependant, ne semble pas avoir beaucoup d’espoir de normaliser les relations avec les Américains. Il renforce les relations avec les pays que les colonialistes américains ont pris l’habitude d’étiqueter négligemment “le tiers monde”. L’Afrique est l’une des priorités du nouveau ministre chinois des affaires étrangères.

L’Afrique n’est pas un champ de bataille mais un marché sans fond

En janvier, le ministre Qin Gang a visité cinq pays africains – l’Éthiopie, le Gabon, l’Angola, le Bénin et l’Égypte. Il a également visité les sièges de l’Union africaine et de la Ligue arabe. Et pour la 33ème année consécutive, l’Afrique a été la première visite à l’étranger d’un ministre des affaires étrangères chinois.

Selon la version officielle, le but de la tournée est d'”approfondir le partenariat stratégique global et la coopération Chine-Afrique”. Derrière ces belles paroles se cache le renforcement du rôle de la Chine en Afrique dans tous les domaines – économique, transport, humanitaire et, bien sûr, militaire.

Qin Gang a déclaré que le continent africain ne devait pas devenir un champ de bataille pour les puissances mondiales rivales.

– L’Afrique devrait être une grande arène pour la coopération internationale, et non une arène de compétition entre les grands pays”, a déclaré M. Qin lors d’une conférence de presse avec Moussa Faki, président de la Commission de l’Union africaine.

La Chine n’a jamais perçu l’Afrique de cette façon – contrairement aux États-Unis ou à la France, par exemple. La Chine n’a pas d’aspirations colonialistes : Pékin ne siphonne pas les ressources des autres, mais s’occupe plutôt de développement.

Ce n’est pas un hasard si Qin Gang a commencé sa visite en inaugurant le nouveau siège du Centre africain de contrôle des maladies (CDC), construit par des ingénieurs chinois à Addis-Abeba. La construction a été annoncée pour la première fois par Xi Jinping en 2018 lors d’un sommet à Pékin. Le siège du CDC a été le troisième projet chinois le plus important sur le continent après le siège de l’Union africaine en Éthiopie et le centre de conférence de l’Union africaine en Zambie.

La Chine ne laissera pas l’Occident pratiquer un “colonialisme 2.0”.

Lors de la conférence de presse, Musa Faki ne s’est jamais lassé de remercier la Chine pour son généreux soutien. Et il a rappelé que c’est la Chine qui a toujours soutenu l’Afrique dans sa lutte pour l’indépendance et la libération nationale.

Les projets de construction chinois en Éthiopie et en Zambie ont démontré le modèle selon lequel Pékin est prêt à travailler avec les pays africains. Le siège du CDC, par exemple, a été non seulement construit, mais aussi entièrement équipé. Aux frais des Chinois.

La Chine fournira même des experts qui travailleront avec leurs homologues africains pour identifier les menaces biologiques.

L’installation a été construite par China Civil Engineering Construction Corp (CCECC). Il s’agit d’une société d’État qui gère les projets de construction chinois à l’étranger, d’Israël à la Colombie. En Afrique, les plus grands projets chinois à ce jour ont été les chemins de fer au Nigeria (entre la capitale Lagos et Kano, la deuxième ville du pays), en Zambie et en Tanzanie (la route TAZARA, qui a permis à la Zambie d’exporter davantage de minéraux et a stimulé l’urbanisation du pays).

Ce sont bien sûr des ingénieurs chinois qui réalisent ces projets. Mais la main-d’œuvre est locale. Par exemple, le siège du CDC à Addis-Abeba a été construit par plus d’un millier de locaux – et la société chinoise leur a fourni toutes les conditions, y compris la formation.

Le “soft power” de Pékin contre la “main de fer” de Washington

– La Chine ne fait pas de promesses vides, et encore moins de pressions sur les autres contre leur propre volonté”, a déclaré Qin Gang lors d’une conférence de presse. Et il a promis que le siège du CDC sera entièrement placé sous l’autorité de l’Union africaine, sans aucune interférence de la Chine.

Et il n’est d’ailleurs pas nécessaire d’intervenir – le “soft power” chinois est déjà à l’œuvre. Par la formation du personnel, la fourniture d’équipements et les conseils d’experts. Et la Chine agit avec une ruse et une sophistication extrêmes, contrairement à la franchise de la “main de fer” des États-Unis.

À la veille de la tournée de Qin Gang, de nombreuses publications occidentales ont publié des articles et des commentaires d’experts en colère, affirmant que la Chine pratiquait une diplomatie du “piège de la dette” en Afrique. C’est manifestement faux : l’année dernière, Pékin a effacé 23 prêts de 17 pays africains.

Et lors de sa visite en Éthiopie, Qin Gang, rencontrant le Premier ministre Abiy Ahmed, a annoncé que la Chine effaçait une partie de la dette du pays. L’Éthiopie a emprunté près de 14 milliards de dollars à la Chine depuis 2000 – et depuis la guerre civile du Tigré, elle a demandé une aide ciblée.

Pour la Chine, l’annulation d’une partie de la dette n’est pas essentielle. Mais l’importance symbolique de ce geste est énorme. Les élites africaines ont une fois de plus vu qui était leur véritable ami et qui ne faisait que déverser la bile de Washington dans une colère impuissante.


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