Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La France veut fournir à l’Ukraine des avions d’ancienne génération, par Valeria Verbinina

Il y a chez le petit bourgeois une sorte de Janus, d’un côté le sordide calcul, la recherche du profit dans chaque détail, de l’autre ces eaux glacées du calcul égoïste sont masquées par l’emphase idéaliste, le coeur en écharpe. Dans la livraison d’avions non par la France, mais par ce médiocre qui se prend pour Napoléon et qui n’est que la caricature du bonapartisme, la tare française, on voit que sous les grandes envolées humanistes en faveur de la petite Ukraine que l’on soutiendra jusqu’à la mort du dernier Ukrainien, il y a le double profit du marchand d’armes. Gonfler le carnet de commandes et se débarrasser des invendus en s’économisant la nécessité et le coût de leur destruction. Savoureux et malheureusement tout à fait réaliste. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)

https://vz.ru/world/2023/1/30/1197052.html

30 janvier 2023
Photo : Keystone Press Agency/Global Look Press

Un autre fabricant d’avions de combat modernes, la France, a soudainement rejoint la discussion sur la fourniture d’avions de chasse à l’Ukraine. Les chasseurs Rafale ont récemment été extrêmement populaires sur le marché mondial de l’armement, mais l’approvisionnement d’autres appareils beaucoup plus anciens fait l’objet de discussions. Quelles sont les chances que Kiev puisse disposer de tels avions ?

Alors que le monde “progressiste” discute sérieusement d’un éventuel transfert de chasseurs, en premier lieu des F-16 américains, vers l’Ukraine, les Français ne pouvaient rester à l’écart. Il ne s’agit pas seulement du fait que la France, avec ses “Rafales” et ses “Mirages”, est traditionnellement considérée comme l’un des leaders de l’industrie. La guerre est une excellente occasion de se débarrasser des vieux armements et de remplir les usines militaires de commandes de nouvelles armes. Et le comportement des autorités françaises en est la meilleure illustration.

Selon la chaîne d’information française BFM, se référant à une source anonyme au sein du gouvernement du pays, “les livraisons de l’avion de combat Rafale à l’Ukraine semblent être exclues à ce stade”. Cependant – et c’est tout aussi important – des négociations ont été entamées entre Kiev et Paris concernant d’éventuelles livraisons de jets Mirage 2000″.

La France est l’un des fournisseurs d’armes les plus actifs de l’Ukraine. Elle a déjà fourni à Kiev des systèmes d’artillerie automoteurs Caesar, des obusiers tractés TRF1, des lance-roquettes multiples LRU et des systèmes de missiles sol-air Crotale. Emmanuel Macron a également promis de fournir au gouvernement de Zelensky des chars légers à roues AMX-10 RC. Il serait logique que les Français, par générosité, partagent également les avions.

L’expert français Patrick Sauce, chargé par devoir d’expliquer la politique étrangère aux masses, a déclaré : “Février sera le mois des avions. Dans presque toutes les chancelleries, les discussions vont bon train.” Il a également ajouté qu’il ne suffit pas de livrer des avions, il faut aussi former les pilotes et veiller à ce que les avions soient correctement entretenus en territoire étranger, ce qui sera encore plus difficile que dans le cas des chars.

Plus significatif encore, l’expert observe que les Mirages sont en train d’être remplacés dans l’armée française par les Rafales, plus modernes, et qu’ils ne seront bientôt plus utilisés.

Le transfert de vieux avions vers l’Ukraine résout plusieurs problèmes à la fois pour la France : il lui permet de se débarrasser du ballast, de se présenter comme les champions du bien et du lumineux, et, peut-être aussi, de gagner beaucoup d’argent.

Mais il s’avère que tout n’est pas si simple ici non plus. “Nous devons nous demander si le transfert des Mirages aux Ukrainiens réduira notre propre flotte d’avions de combat. Il y a une période, surtout en 2023-2024, où nous retirons les Mirages du service, mais nous n’avons pas un nombre équivalent de chasseurs Rafale pour les remplacer. Et dans ce cas, il serait plus approprié de garder les Mirages pour nous”.

Par ailleurs, il convient de noter que, déjà à ce stade, M. Sauce a fait l’éloge des défenses aériennes russes ainsi que de la qualité des avions de combat russes. “Les positions russes sont bien protégées contre les attaques aériennes… Et en 2023, le Mirage devra faire face aux MiG et aux Su, que la Russie a considérablement perfectionnés.”

Une telle clairvoyance fait penser qu’en fait tout est déjà décidé et que Monsieur Sauce, comme beaucoup d’autres experts, prépare l’électorat occidental à ce qui va se passer dans un avenir proche. Si les Mirages sont livrés à l’Ukraine et qu’ils ne donnent pas le meilleur d’eux-mêmes, on peut toujours rejeter la faute sur les défenses aériennes de l’ennemi ou sur des avions ennemis plus perfectionnés. Si les chasseurs se comportent bien et aident la contre-offensive ukrainienne, cela constituera une excellente publicité pour l’armement français et augmentera le nombre de commandes. En tout état de cause, la France ne risque pratiquement rien.

Le général de l’armée de l’air française Patrick Dutartre, invité à intervenir sur la chaîne en tant qu’expert, s’est toutefois montré plus réservé quant aux perspectives des Mirages français. En tant que praticien, il a souligné que même un pilote expérimenté ne peut être recyclé en quelques semaines pour utiliser un avion de combat d’un système différent.

En France, il faut beaucoup de temps pour devenir pilote militaire : 17 semaines de formation initiale à l’école de l’armée de l’air de Salon de Provence, suivies d’une formation pratique sur des bases militaires, dont une au nom fastueux de Cognac. Le résultat final est de quatre ans et quatre mois jusqu’à l’obtention du diplôme, à condition de réussir initialement tous les tests, de se montrer digne d’être un pilote militaire et de signer un contrat de service militaire de dix ans.

Réaliste, le général Dutartre est bien conscient de tous les risques. “Tout d’abord, il faut du temps aux pilotes pour s’habituer à un nouveau type d’avion. Théoriquement, il est possible de se recycler en quelques mois si l’entraînement se déroule dans des conditions idéales… Mais ce n’est pas tout, car un certain nombre de problèmes logistiques et autres doivent être résolus. Je pense que la bonne chose à faire serait de fournir aux Ukrainiens le MiG-29, car c’est un avion qu’ils connaissent”, a conclu le général.

Après quoi, il a préconisé, de manière peu patriotique, qu’une fois la réserve de MiG épuisée, les pilotes ukrainiens soient recyclés dans l’utilisation du F-16, car il s’agit du chasseur “le plus populaire” en Europe. En d’autres termes, le Mirage ne semble pas optimal pour l’Ukraine, même aux yeux des militaires français.

Certains des problèmes mentionnés par le général sont la nécessité d’assurer la maintenance d’un type particulier d’avion, la fourniture de pièces de rechange, l’installation de nouveaux équipements et d’autres choses qui ne seraient pas si faciles à mettre en place dans un environnement de guerre. En comparaison, lorsque la France a essayé de vendre 18 chasseurs Mirage 2000-5F à la Colombie en 2015, les appareils eux-mêmes devaient coûter 350 millions de dollars, mais la maintenance et les services connexes étaient évalués à pas moins de 150 millions de dollars.

Cependant, dans un environnement de guerre, tout ce qui concerne la maintenance, et plus largement, l’adaptation de l’infrastructure existante pour accueillir un nouveau type d’avion, nécessiterait un sérieux effort supplémentaire. Par conséquent, en tant que praticien strict, le général de l’armée de l’air conseille de ne pas réinventer la roue et de remettre les MiG, qui restent en Europe de l’Est, aux Ukrainiens. Mais dans ce cas, les Français n’auront rien à y gagner – d’où la volonté de leurs autorités, sous couvert d’assistance, de se débarrasser des modèles dépassés de leurs chasseurs (le tout dernier “Rafale”, rappelons-le, est hors de question).

“Un avion ne se transfère pas aussi facilement qu’un char”, a fait remarquer le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de Défense Nationale. Il a également précisé que, selon le ministère français de la défense, le pays dispose de 113 Mirage 2000 en stock, dont 55 en cours de modernisation. En outre, selon le général, nous parlons de différentes modifications du chasseur, qui ont des caractéristiques différentes. Selon le général, le Mirage 2000-5 est un modèle obsolète. Le Mirage 2000-D est bien meilleur.

Le général a également noté que même si le gouvernement français ne décide pas à envoyer des avions dans la zone de guerre maintenant, cela ne signifie pas qu’il ne le fera pas à l’avenir. “La question de la fourniture d’avions pourrait se poser à nouveau dans les mois et les années à venir, car l’Ukraine devrait avoir une capacité suffisante pour se défendre contre la Russie”.

Le plus important dans ce passage est la clause concernant les années, ce qui signifie que l’Europe et l’Amérique se préparent à une guerre de plusieurs années avec la Russie. À cette fin, l’éventail des fournitures militaires à l’Ukraine s’élargit, pour ainsi dire, en même temps que l’éventail des sanctions. L’OTAN a finalement fait le pari de la guerre. Ce qui signifie que la vraie bataille ne fait que commencer.


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