Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Survivre à l’enfer : comment les habitants de Severodonetsk surmontent l’épreuve, par Dmitri Rodionov

S’il y a une chose d’intolérable, outre la bêtise et la fausse expertise de nos amuseurs de plateaux de télévision, c’est la manière dont ils pleurent sur les malheurs des civils ukrainiens en n’ayant eu jamais un mot sur ce que vivent depuis près de dix ans les habitants du Donbass qui n’ont pas accepté le coup d’Etat du maïdan. N’avoir jamais rendu compte des souffrances des femmes, des enfants, des vieillards, traités par leur compatriotes armés par l’OTAN, en chair à canon, ce qu’on a voulu leur imposer de négationnisme non seulement de leur langue mais de l’histoire de leurs parents ; il y a là sans doute propagande russe, comment n’en serait-il pas ainsi, mais ce que rapporte ce reportage est hélas bien réel et pour avoir voulu le dire depuis 2014 dans le consensus médiatique TOTAL, je puis affirmer que ce qui se dit en France est complètement faux et digne de Goebbels. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop pour histoire et société)

https://svpressa.ru/society/article/359321/

Les habitations vides, qui célèbrent leur premier Nouvel An sans leurs propriétaires, se regardent les unes les autres avec les yeux vides de leurs fenêtres brisées.

Il se trouve que depuis le début de la SVO, je n’avais jamais pu me rendre au Donbass. Le soir du Nouvel An, je préparais un nouvel envoi humanitaire, que j’ai décidé de livrer moi-même. J’ai profité de l’occasion pour visiter des territoires libérés où je n’étais jamais allé auparavant – cela en valait la peine. Sans doute, en cette période de Nouvel An, la plupart des Russes étaient plus préoccupés par leurs propres problèmes et soucis, sans aucune idée de la façon dont vivaient les nouvelles régions de Russie, que nous soutenions tous en paroles et en actes.

L’une des villes que j’ai visitées après huit ans d’occupation ukrainienne est Severodonetsk, libérée fin juin. La ligne de contact s’est éloignée de la ville au cours de l’été, mais il n’est toujours pas facile d’y accéder, à moins d’être un résident local, un bénévole, un humanitaire ou un journaliste accrédité des médias fédéraux. Il était hors de question de pénétrer dans Lissitchansk, Kremennaïa ou Svatovo, qui se trouvent directement sur la ligne de contact, soumis à des bombardements constants et à la menace d’une contre-attaque de l’AFU. Mais Severodonetsk donne également une image complète de la façon dont vivent les personnes qui se trouvent à la pointe du conflit armé.

La bataille pour la ville a duré du début du mois de mars à la fin du mois de juin, soit presque cinq mois. Pendant cette période, la ville a subi de terribles destructions. Contrairement à Lissitchansk, où le commandement de l’AFU a eu le bon sens de se retirer pour éviter des pertes massives, Severodonetsk a été un véritable enfer.

Je regarde de vieilles photographies de la ville et il me semble que ce n’était pas du tout la même ville. L’un des principaux centres industriels du Donbass, la plus grande agglomération de 380 000 personnes, une ville de chimistes, de constructeurs de machines et d’instruments de précision. Pendant l’occupation ukrainienne, elle était la capitale temporaire de la région de Lougansk. Les photos montrent de beaux édifices, des boulevards, des ruelles, des boutiques, des cafés, des clubs et des hôtels.

En chemin, je savais que je ne verrais pas tout cela. Loin de la ville, les traces des combats sont encore nettement visibles. Les routes sont défoncées, mutilées par les véhicules blindés, et les restes calcinés de ces mêmes véhicules blindés sont partout – ils font déjà partie du paysage local. Des galeries et des tranchées dans les bois et dans les cours d’immeubles résidentiels – l’offensive n’était pas facile, les nazis résistaient obstinément, empilant les cadavres sur le chemin de nos combattants. Fragments et morceaux d’obus, ailettes de missiles dépassant de l’asphalte fissuré, débris de chenilles de chars…

Le long de la route, la forêt a brûlé. On dit que les combattants de Bandera, en se retirant, y ont mis le feu. Soit pour créer un écran de fumée pour échapper à l’avance de l’ennemi. Ou simplement pour causer à la ville autant de souffrance que possible – bien qu’ils considèrent ce territoire comme le leur, ils sont partis en utilisant la tactique de la “terre brûlée”.

C’est la même chose avec les maisons. Il y a des quartiers entiers brûlés dans la ville – les habitants disent que les nazis les ont simplement incendiés pour que personne ne puisse y vivre plus tard, qu’ils les ont bombardés avec des tanks, de l’artillerie – avec tout ce qu’ils pouvaient. Ils avaient fait de même à Marioupol et, sept ans auparavant, à Debaltsevo.

En partant, ils ont laissé pas mal de “surprises” derrière eux – ils ont tout miné, y compris des objets gisant sur le sol, dans l’espoir que quelqu’un essaierait de les déplacer. Même les cadavres abandonnés de leurs propres frères d’armes. Et le plus horrible et le plus cynique, les aires de jeux pour enfants, les vélos, les trottinettes, les jouets…

Les bombardements barbares n’ont pas cessé même après leur départ – c’était comme s’ils se vengeaient sur ceux qui étaient restés et ne s’étaient pas enfuis avec eux. Lorsqu’il y a eu un référendum sur l’adhésion à la Russie à la fin du mois de septembre – ils ont frappé le bâtiment où se trouvait l’un des bureaux de vote avec des Himars, sachant très bien qu’il y aurait beaucoup de monde, que la plupart des habitants restants de la ville viendraient dire à l’Ukraine : “Plus jamais ça !”….

Aujourd’hui encore, les nazis bombardent Severodonetsk, y compris avec des Himars – tirant sur des bâtiments civils, sur des infrastructures qui commencent à peine à être reconstruites. La ville ne connaît aucun répit, c’est pourquoi aucun travail de construction à grande échelle n’a lieu ici, comme à Marioupol. Ici ou là, quand il suffit de rafistoler un toit ou de boucher un trou dans un mur suite à un impact direct d’obus, c’est le maximum de ce que l’on peut faire.

La ville n’est pas en état d’hibernation, la ville vit et respire. Les transports publics fonctionnent, les magasins, les marchés fonctionnent, les gens vont au travail…

Bien sûr, leur vie ne sera plus la même dans un avenir proche. Mais l’essentiel est que le cauchemar de l’occupation est terminé. Les habitants locaux que j’ai rencontrés le disent. Ils croient et espèrent que tout ira bien. Et tout cela sur fond de ruines – certains quartiers ressemblent tout à fait à Stalingrad sur les photos de guerre. La plupart des immeubles ont été gravement endommagées ou brûlées, les rendant inhabitables.

“Bonjour, ma poupée !” peut-on lire sur le graffiti de l’un d’eux, apparemment réalisé avant le début des combats. Presque personne n’aurait eu le sens de l’humour noir pour faire une telle chose maintenant. Il faut le voir. D’énormes morceaux de “préfabriqués” calcinés semblent avoir été enfoncés dans le sol, amoncelés par les explosions et parsemés de fragments d’obus, de douilles de différents calibres et de vestiges de ce qui était autrefois le mode de vie d’une population ordinaire.

Les immeubles eux-mêmes se dressent comme des monuments, comme des pierres tombales au milieu de la terre fatiguée, sous un ciel gris et maussade qui suinte la pluie froide de l’hiver – c’est le sud ici, et la température, même en janvier, est au-dessus de zéro. On peut y lire leur biographie : des années de vie insouciante et des mois de martyre.

Les entrées sont vides, brisées, jonchées de détritus. Certaines portes d’appartement sont fermées à clé ou condamnées, d’autres sont grandes ouvertes, ou il n’y a tout simplement plus de portes. Un appartement ordinaire de gens ordinaires. Tout ce qui a de la valeur a été emporté il y a longtemps, mais de nombreux objets ménagers sont restés, comme s’ils avaient vécu là hier. Cuisinières, réfrigérateurs, lits, meubles, étagères, tables de cuisine, tables de chevet, lampes de table, chaises, jouets d’enfants, articles d’habillement sur le sol. Dans l’une des pièces, apparemment, les nazis avaient un poste de tir – il y a des sacs de sable sur les rebords des fenêtres et des douilles de balles éparpillées sur le sol. Les forces armées ukrainiennes sont tout simplement entrées dans les appartements, en ont expulsé les occupants (au mieux, quand elles les ont pas simplement tués) et y ont installé leurs positions.

Apparemment, ils s’amusaient bien – il y avait une caisse pleine de bouteilles de cognac vides sur le sol. Et puis ils sont partis, ou bien on les a chassés de là et les logements ont brûlé… Les habitations vides, qui accueillent la première nouvelle année sans leurs propriétaires, se regardent avec les yeux vides de leurs fenêtres brisées, par les ouvertures béantes desquelles, déchirés en lambeaux par les débris de verre, les rideaux voltigent.

Il ne semble pas qu’il puisse y avoir de vie ici, mais cette impression est trompeuse. Des personnes vivent dans certains blocs, comme en témoignent les panneaux à la craie ou à la peinture. Le toit est indemne, l’appartement n’a pas brûlé, aucune eau ne coule des tuyaux arrachés. L’essentiel est qu’il y ait de l’électricité – le rétablissement de l’alimentation électrique a été la première tâche des nouvelles autorités après le nettoyage des rues et l’enlèvement des cadavres.

S’il y a de l’électricité, cela signifie que le chauffage peut être allumé. Certains chauffent les locaux avec des poêles à bois, qui, comme les calorifères, sont apportés en grande quantité par des bénévoles. Des camions-citernes apportent régulièrement de l’eau au pied des immeubles. C’est dur, mais on peut vivre. La situation ne sera pas pire qu’avant, à moins que les Ukrops n’essaient à nouveau de monter une attaque massive sur la ville.

автора

Les gens le comprennent, et personne ne se plaint. Personne n’est désespéré ou amer. Au contraire, l’esprit et l’optimisme des habitants de la ville en ruines font plaisir à voir, pas comme ces enfants gâtés de Moscovites, qui se plaignent toujours de la dépression et pleurnichent sur le manque de quelque chose. Ces gens savent exactement ce qu’ils veulent dans la vie. Ils connaissent la valeur de cette vie et la valeur de la liberté. Ils ont survécu à l’enfer pour rentrer chez eux en Russie, et ils méritent le droit d’être russes bien plus que beaucoup de ceux qui ont reçu un passeport russe par droit de naissance. Ce sont eux qui maintiendront la cohésion de la Russie. Une nouvelle Russie, une nouvelle nation est en train de naître quelque part ici, au milieu d’une terrible tragédie et d’une foi inébranlable en la Victoire, pour laquelle il faudra payer un prix encore plus grand qu’il ne l’a déjà été…


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1 Commentaire

  • Daniel Arias
    Daniel Arias

    Dans ce tableau tragique à quoi servent les munitions de l’OTAN et de la France ?

    2 morts suite à des tirs de HIMARS et d’obus Excalibur, selon un témoin les marques sur l’obus indiques qu’il s’agit de munitions françaises.

    Un autre témoin confirme que les chars ukrainiens se cachaient entre les maisons.

    https://youtu.be/DvXToSpOe_U

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