https://svpressa.ru/war21/article/358970/
Pourquoi le secrétaire adjoint du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie tente-t-il de rassurer l’Occident en affirmant que, même dans une situation désespérée, Moscou n’aura pas la moindre intention d’utiliser ses armes nucléaires ? s’interroge cet article qui ne craint pas de dénoncer Medvedev. Une telle liberté de ton non seulement remet les pendules à l’heure sur la question de la censure en Russie, et sur le niveau de conscience des périls, mais il nous parait fondamental pour comprendre ce qui se passe en Russie ; autant la thèse des deux impérialismes est inadaptée à la réalité de l’affrontement réel, à la mise en évidence de son origine, l’avancée belliqueuse de l’OTAN et le démantèlement de la fédération de Russie, une question de survie, autant faire de la Russie l’équivalent de l’URSS serait erroné. La relation à l’URSS toujours présente, n’est pas simple : d’un côté, un pays qui est né d’une Révolution n’oublie jamais le pouvoir des masses, et d’un autre la Russie est le produit d’une contrerévolution comme l’Ukraine et bien des pays de l’ex-URSS, voire du pacte de Varsovie. A l’intérieur donc d’une “opération militaire” patriotique, défensive, il y a des forces qui sont à la fois unies et en conflit permanent, non seulement elles affrontent ensemble l’OTAN, mais les capitalistes locaux, des oligarques toujours proches de la trahison, des “élites” occidentalisées, mais définir ces gens-là, s’appuyer sur le peuple qui les méprise et redoute leur trahison, fait partie de la situation. Le parti communiste est à la fois prudent et explicite, en particulier nous verrons demain que Ziouganov dénonce ceux qui s’amusent à parler de recours à la force nucléaire ; certains sympathisants communistes comme l’auteur de cet article vont plus loin et ils vont jusqu’à mettre en doute Dimitri Medvedev dont les ralliements bruyants recouvriraient d’autres agissements. Notez là encore la présence du Japon. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)
Certaines des récentes déclarations du chef adjoint du Conseil de sécurité de la Russie, Dmitri Medvedev, sont surprenantes. C’est un euphémisme. Mais d’abord, un mot sur les plus récentes qui les ont précédées.
L’autre jour, l’ancien président russe a décidé de répondre à un avertissement public conjoint du président américain Joe Biden et du Premier ministre japonais Fumio Kishida, selon lequel toute utilisation éventuelle d’armes nucléaires par la Russie en Ukraine constituerait un acte hostile à l’humanité tout entière. Ce que, selon Biden et Kishida, Moscou ne pourrait en aucun cas justifier.
Biden et Kishida ont-ils perdu la tête ? Pourquoi, en effet, les dirigeants des États-Unis et du Japon sont-ils aujourd’hui si terriblement préoccupés par la probabilité qu’une action militaire en Ukraine dégénère en un conflit nucléaire de grande ampleur qu’ils ont décidé de menacer sérieusement du doigt Poutine avant qu’il ne soit trop tard ? Diplomatiquement pour commencer ?
Non, il est tout à fait évident pour nous tous qu’en réalité, des dizaines de rapports très sérieux émanant de divers centres de renseignement et d’analyse américains et japonais sur la dynamique trop rapide de ce qui se passe autour de l’Ukraine sont déposés quotidiennement sur les bureaux des deux auteurs de l’avertissement menaçant adressé à la Russie. Et d’après ces documents, il est certain que la spirale des événements se rapproche de plus en plus non seulement de Kiev, mais aussi de Moscou, du mur, derrière lequel se trouve la question du drame hamlétien dans son intégralité : “Être ou ne pas être”.
Le 12 janvier, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a déclaré sur la Première Chaîne : “Les jeux sont faits. Les enjeux sont trop importants. Et l’Occident a tout misé sur elle (sur l’Ukraine). C’est-à-dire qu’il n’y a plus rien à mettre sur le tapis. Mais les enjeux énormes doivent être garantis. Et ils le seront. Tout d’abord, en maîtrisant l’information. Et ensuite en augmentant continuellement la fourniture d’armes à Kiev”.
La réunion des ministres de la défense occidentaux prévue le 20 janvier à la base aérienne américaine de Ramstein, en Allemagne, promet de devenir un Rubicon dans la bataille russo-ukrainienne en cours. Il est déjà clair que l’Ukraine recevra bientôt des chars de ses alliés. La seule question est : quand exactement et combien ?
Plusieurs centaines, comme le demande le commandant en chef de l’armée ukrainienne, le général Valeriy Zaluzhniy ? Ou simplement quelques régiments de chars ou au moins des bataillons, ce qui, à ce jour, a été promis fermement et conjointement à Vladimir Zelensky par la Pologne, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne ?
En fait, de l’extérieur, cela ressemble au début d’une bagarre entre petites frappes :
– Eh bien, essaye de me frapper !
– D’accord !
– Eh bien, vas-y !
– Et oui que je vais te frapper !
Du point de vue du journal américain The Hill, “Nous (l’Occident) voulons que Zelensky gagne. Mais nous ne voulons certainement pas que Poutine perde si cela signifie le pousser au bord du nucléaire.”
La même publication cite un avis des services de renseignement américains développant ce point : “Si la Russie commence à perdre cette guerre, il y a un réel danger que Poutine se sente acculé et décide d’utiliser des armes nucléaires sur l’Ukraine”.
En d’autres termes, le monde avance presque à l’aveuglette dans un bourbier politico-militaire, n’ayant aucune idée derrière quelle motte de terre commence le marécage fatal au-delà. Dont personne ne peut s’échapper. Et chacun, tremblant de peur, encourage lâchement son partenaire à avancer au moins d’un pas avant lui, pliant sous le poids d’une responsabilité sans précédent dans l’histoire.
La principale chose que nos ennemis jurés aimeraient deviner aujourd’hui sans aucun doute est : “Poutine va-t-il vraiment décider ? Osera-t-il, s’il le faut, envoyer à lui seul l’humanité en enfer en appuyant sur le fameux bouton de sa “valise nucléaire” ?”
Un grand nombre de personnes aux États-Unis et en Europe occidentale ne semblent pas le croire. Et c’est pourquoi ils font tourner la spirale de l’escalade en Ukraine de manière plus rapide, plus téméraire et plus abrupte. Ils ont depuis longtemps renié leurs propres promesses de ne pas fournir d’armes offensives à Kiev. Ignorant toutes les “lignes rouges” que le Kremlin tente vainement de tracer devant eux sur et autour du champ de bataille.
Dans un environnement de plus en plus critique, que devons-nous faire ? La seule chose que nous puissions entreprendre est de faire comprendre à l’ennemi enhardi que nous avons déjà reçu notre ordre stalinien 227, mieux connu dans l’histoire militaire sous le nom de “Pas un pas en arrière”. Que si nous en arrivons là, notre main ne vacillera pas. Poutine, tout d’abord, bien sûr.
Après tout, quel sort attend le citoyen Poutine dans une situation qui est absolument impossible de son point de vue et du nôtre, mais absolument nécessaire du point de vue de l’Occident : un défilé solennel des troupes victorieuses de l’OTAN sur la Place Rouge ?
Une cellule de prison à La Haye pour les condamnés à perpétuité, où l’ancien président de la République fédérale de Yougoslavie Slobodan Milosevic est mort en 2006 ? Et cela, dans le cas le plus bénin. Ou peut-être comme Saddam Hussein, qui a fini ses jours, si vous vous souvenez bien, au bout d’une corde. Ou, pire encore, comme le colonel Kadhafi, lynché dans sa Libye natale par une foule en colère de ses anciens fidèles. Car tout le monde le sait depuis longtemps : malheur aux vaincus !
Sur cette base, je ne comprends personnellement pas ceux qui ne croient pas que la “valise nucléaire” de Poutine n’est pas simplement transportée autour du monde 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 par deux officiers désignés pour les besoins d’un beau rituel. La question est de savoir comment insuffler à l’Occident la même foi dans l’inévitabilité de représailles totales. Pour qu’il ralentisse au moins en Ukraine ?
Et à ce stade, il est grand temps de revenir à notre Dimitri Anatolievitch. Pour être plus précis – à sa réaction à l’avertissement de Biden et Kishida selon lequel, en toutes circonstances, il est absolument inacceptable que la Russie utilise ses armes nucléaires.
Je suis sûr que le secrétaire adjoint du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie a réagi aux préoccupations des opposants de la Russie de manière exactement opposée à ce qu’aurait dû dire, dans la situation actuelle, un homme politique national responsable. Pensez-vous qu’il a proclamé avec fermeté et sans ambiguïté : “Oui, messieurs, si vous continuez dans cette voie, nous frapperons ! N’osez même pas douter ! Ou mieux encore, lisez avant de vous coucher la Doctrine militaire de la Fédération de Russie. Ou même ensemble avec “Notre Père”.
Non, Medvedev a écrit : “C’est une honte tellement monstrueuse que je ne ferai même pas de commentaires sur la paranoïa concernant les plans nucléaires de notre État. Imaginez. Le chef du gouvernement japonais débite des absurdités sur la Russie dans une extase d’allégeance humiliante, trahissant la mémoire des centaines de milliers de Japonais qui ont été brûlés dans les incendies nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki”.
Pourquoi Dmitri Anatolievitch a-t-il décidé d’apaiser nos opposants et de leur donner ainsi une indulgence pour faire ce qu’ils veulent en Ukraine ? Pour que tout le cauchemar puisse s’y développer et même s’y propager ?
Au contraire, il est dans notre intérêt de convaincre le monde entier le plus rapidement possible que la situation est au bord du gouffre. Comment y arriver ?
Nous devons faire frémir les plus sceptiques en leur donnant la sensation d’un frisson mortel. Ou peut-être commencer à préparer nos forces nucléaires pour une utilisation réelle, ouvertement et sans aucun secret, dès maintenant, avant le prochain “Ramstein”. Pour l’instant uniquement sur Novaya Zemlia. Pour ainsi dire “à des fins de formation”. Pour instruire l’Occident trop irréfléchi.
Peut-être même commencer à évacuer de façon démonstrative et urgente les civils des colonies de Belushya Guba et Rogachevo sur cet archipel. Déclarer simultanément que la Russie lève le moratoire sur les essais nucléaires, qui, comme il s’avère maintenant, a été institué de manière trop désinvolte par Mikhail Gorbatchev en octobre 1991. C’est d’autant plus facile à faire que cette démarche de notre pays était unilatérale.
Puis dénoncer rapidement le traité d’interdiction complète des essais nucléaires, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies en 1996 et ratifié par la Russie en 2000. D’autant plus que ce document n’est toujours pas entré en vigueur, car un certain nombre d’États clés, les États-Unis en tête, n’ont pas suivi notre exemple.
Si tous ces avertissements diplomatiques ne donnent pas de résultats, une véritable explosion nucléaire se produira sur Novaya Zemlia pour la première fois depuis des décennies. On pourrait faire exploser une arme nucléaire tactique. On peut aussi suivre les conseils du lieutenant général Andrei Gouroulev, ancien commandant de la 58e armée, aujourd’hui membre de la Douma d’État.
L’autre jour, ce général a écrit dans son canal télégram : “Devons-nous commencer par la reprise des essais d’armes nucléaires ? Si oui, comme sous Khrouchtchev : lâcher “la mère à Kouzma” sur Novaya Zemlia, de sorte que la Terre entière frémisse. Et frapper le couvercle du cercueil pour la deuxième fois… Mais il faut le dire clairement : encore une fois et ça viendra ! Toutes les conditions préalables sont réunies. Les missiles sont suspendus aux avions. Vous pouvez le voir : l’armée de l’air se déploie. Et ensuite tout ce dont nous avons parlé”.
Il faut en convenir : c’est tout le contraire du mode de pensée de Medvedev avec la “honte monstrueuse” et la “paranoïa à propos des plans nucléaires”. Ce n’est pas de la paranoïa. C’est une dernière grenade pour un combattant encerclé dans sa tranchée. Pour que les ennemis triomphants ne le fassent pas prisonnier.
Extrait du dossier “SP”
“La grandiose bombe thermonucléaire, index AN602, explosée par l’Union soviétique sur Novaya Zemlia en 1961, est entrée dans l’histoire, grâce à Nikita Khrouchtchev (“Nous allons vous montrer la mère à Kuzma !”, [une expression qui signifie en gros “vous allez voir ce que vous allez voir”, et que les traducteurs n’ont jamais réussi à traduire vraiment, NdT]). Sa puissance a été estimée par les experts à 58 mégatonnes d’équivalent TNT. C’est environ trois mille fois plus puissant que la bombe atomique larguée par les États-Unis sur Hiroshima en 1945.
Les effets de l’explosion ont été monstrueux. La vague sismique a fait trois fois le tour du globe. Le rayonnement lumineux était capable de provoquer des brûlures au troisième degré à une distance de 100 kilomètres. Le grondement de l’explosion a été entendu dans un rayon de 800 kilomètres. En raison des effets ionisants, les communications radio ont été perturbées pendant plus d’une heure en Europe.
Cependant, le test a été étonnamment propre. La radioactivité dans un rayon de trois kilomètres de l’épicentre, deux heures après l’explosion, n’était que de 1 milliroentgen par heure.
(1) je ne saurais trop recommander à nos lecteurs de signer la pétition en faveur de la paix dont Marianne est une des initiatrices et que j’ai signé puisqu’elle est désormais ouverte à tous… comme d’ailleurs de participer et de faire de la publicité à toute initiative en faveur de la paix (je pense en particulier en février à la manifestation initiée par le PRCF et l’ANC à Paris, mais nous y reviendrons note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete) :
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