Comment la conscience vient aux masses : vaste question sans laquelle il est pourtant malaisé de penser la révolution, le changement de société. En ce moment même où il est question d’une trêve pour le Noël orthodoxe, et où nous avons parfois le plus grand mal à démêler ce qui relève de l’Union soviétique et du mysticisme grand russe, il m’a semblé avoir compris quelques bribes de cette histoire lors de notre voyage en 2015 et en particulier notre rencontre avec l’homo sovieticus du Donbass dont nous avons reproduit l’interview dans notre livre et dans ce blog. Cette perception de la subjectivité d’un peuple a beaucoup à voir avec le cinéma et je voudrais vous parler de Dziga Vertov, sa symphonie du Donbass. Entre les images, le terrain ce qu’il nous révélait à Marianne et moi, nous avons fini par interpeller Merkel qui feignait de vouloir conserver de bonnes relations avec la Russie, tout en soutenant “l’intégrité territoriale de l’Ukraine” en lui disant : Meckel ment, elle défend sa vision des intérêts capitalistes allemands. Il y a une certaine contradiction entre l’intérêt de bonnes relations commerciales avec la Russie et la domination politique et économique de l’Europe centrale et orientale, qui est le vieux rêve impérialiste allemand, et qui suppose d’assurer une forme de protection des pays de l’est, donc la défense de la politique de l’OTAN… Ce à quoi résiste une nouvelle fois le Donbass… Et c’est cette résistance qui transfigure les nationalismes, les mysticismes en antifascisme… Pour combien de temps et selon quelles lignes de fractures ultérieures ? L’histoire continue : voilà sans changer un mot, une virgule, ce que j’écrivais le 29 août 2016 pour expliquer la trahison obligée de Merkel et l’entité historique, trois d’ailleurs le Donbass, Kiev et Moscou en train de naître mais aujourd’hui j’y ajouterais encore beaucoup plus, y compris la France … (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
29 AOÛT 2016
Comme souvent je voudrais partir d’une image, d’un film celui que Dziga Vertov a consacré au Donbass, la lutte entre les rouges et les blancs, le refus du mysticisme russe… Puis ma rencontre avec Constantin à Nikolaïev, celui que j’ai baptisé l’homo sovieticus, un des hommes les plus intelligents et les plus lucides sur la situation. Celui qui m’a initiée au franchissement de l’époque soviétique vers d’autres temps et qui m’a incitée à regarder autrement cette révolte marquée indélébilement par l’Union soviétique mais qui cherche aussi d’autres alliances. Le moment clé ne se situe pas dans le Donbass mais dans ce jour où Eltsine, le secrétaire du parti communiste de la fédération de Russie après avoir détruit l’union soviétique avec ses deux complices biélorusse et ukrainien, le noyau russe a vendu le pays à la CIA qui en a organisé les privatisations, l’oligarchie… Donc quand pour achever le crime en 1993, il a fait tirer sur la Douma en révolte. Il est né de ces moments, des années de trouble avec le paroxysme de cet attentat quelque chose d’autre, dont le Donbass est l’illustration.
J’ai tout de suite perçu l’étrangeté de cette insurrection, antifasciste mais renouant avec le mysticisme orthodoxe… Peut-être mon amour pour la culture, l’histoire russe et pas seulement celle de l’Union soviétique m’a-t-elle aidé, je voyais bien que cela n’avait rien à voir avec les rouges bruns chez nous, les négationnistes racistes que je combats, il y assumée une contradiction entre le spiritualisme russe et le matérialisme… C’est proche d’un Pasolini… et en même temps différent parce que la Russie n’a rien à voir avec l’Italie marquée par la papauté… J’ai eu la chance là encore d’une discussion avec un ami espagnol, communiste athée, qui m’a confirmé ce que je sentais confusément … Voici notre échange sur le nationalisme mystique, républicain, communiste du Donbass.
Dziga Vertov, la lutte des rouges contre l’obscurantisme dans le Donbass
Dziga Vertov (en russe : Дзи́га Ве́ртов), de son vrai nom David Abelevich Kaufman (Białystok, 2 janvier 1896 – Moscou, 12 février 1954), Dziga Vertov est un cinéaste soviétique d’avant-garde, d’abord rédacteur et monteur de films d’actualité, puis réalisateur de films documentaires et théoricien. Son manifeste « Kinoks-Révolution » (Ciné-Œil), publié dans la revue LEF en juin 1923, affirme sa volonté de fonder un cinéma totalement affranchi de la littérature et du théâtre, écartant le recours à un scénario, montrant grâce à la caméra, « œil mécanique », « la vie en elle-même », et formant des « hommes nouveaux » réconciliés avec la machine. Sa « théorie des intervalles » permet d’établir des relations temporelles et spatiales entre les images. Son film le plus connu, L’Homme à la caméra (1929), se veut l’illustration de ces thèses.
Ici il nous décrit la symphonie du Donbass en 1931… S’opposent l’ancien, le monde de l’illusion et de la l’aliénation religieuse… le travailleur brute ivre à la naissance de ce monde nouveau…
Voir ce court documentaire alors même que le Donbass se révolte à nouveau, se mêle le souvenir du passé glorieux de l’Union soviétique et de l’assaut de Lénine, la grande guerre patriotique à d’autres relents plus anciens ici décriés… et qui ressurgissent dans l’espace postsoviétique…
…Discussion avec le camarade Josafat Sanchez Comin
Voici ce que nous a envoyé le camarade Josafat Sanchez Comin qui traduit en espagnol les textes des communistes russes, ukrainiens, etc sur le site CCCP, alors que nous lui avions transmis l’interview de l’homosovieticus, à savoir le camarade Constantin qui disait que le Donbass était le peuple en révolte et qu’il y avait de tout, depuis le meilleur jusqu’au bandits et même des individus que lui le « stalinien » estimait « louches ». Il approuvait cette remarque et disait qu’
« en commençant par Paul Gúbarev, sur le site de novorrosia http: // novorossia.su/node/2466 il y avait un extrait d’interview qui m’a éclairé d’un coup. On l’interrogeait s’il avait eu une relation dans le passé avec le mouvement Russkoe Natsionalnoe Edinstvo (Unité nationale russe de Barkashov), à quoi il répond que oui, il y a 12 ans de cela et il s’excuse en disant qu’il était alors jeune et passionné… Mais il peut aussi les remercier parce qu’il a appris là tout ce que ne lui a pas enseigné l’armée ukrainienne .. Tout de suite après il se définit lui-même comme nationaliste russe, pas d’un point de vue ethnique mais humaniste, spirituel, et appartenant au « centre – gauche » (avec tous les guillemets que l’on peut mettre à ce terme parce que Ziugánov (le secrétaire du Parti communiste de la Fédération de Russie) lui aussi dit que la Russie a besoin maintenant d’un gouvernement de centre-gauche comme celui qui a sauvé la Russie de la crise de 98… )
En résumant, alors elles seraient vraies les photos qui circulaient de lui où il apparaissait avec un groupe de nazis russes et que j’attribuais à la propagande ukrainienne, en pensant qui si cela était tel on ne pourrait pas lui accorder l’audience qui lui était attribuée dans les médias publics russes…
Maintenant son guide spirituel (de lui et de beaucoup d’autres visages visibles dans les nouvelles républiques) pourrait être Alexánder Duguin ou Alexánder Prokhanov lui-même (que je suis depuis des années dans ses nombreuses interventions à la radio et maintenant dans la télévision). Chacun d’eux apparait dans tous les programmes de débat des canaux russes sur la situation dans le sud-est ukrainien en ce qu’ils représentent ce mélange étranger idéologique qui peut être vu seulement en Russie, de nationalisme russe, eurasisme, prosoviétisme stalinien et poutinisme, le tout recouvert d’un mysticisme orthodoxe.
Comme le dirait que Prokhanov dans Novorrosia s’est réincarné l’esprit de ceux qui sont tombés en défendant le Soviet Suprême en octobre 93. Ce sont des gens avec qui j’ai plaisir à parler et avec qui tu peux être d’accord en grande partie sur ce qu’ils disent, moi le communiste et l’athée invétéré tel que l’on me voit….
Et puisque je mentionne octobre 93, le meilleur exemple serait Alexánder Boroday, le premier ministre de la RPD, qui reçut des coups en défendant la « maison blanche » il y a 20 ans, Predniestrovie, la Tchétchénie… Maintenant il est l’ « intellectuel » du gouvernement, le fils du philosophe fameux Yuri Boroday, et s’identifie à la ligne idéologique de Prokhanov.
Sur le PCU, mon opinion personnelle est que les communistes qui vivent maintenant dans la République du Donbass s’ils ne veulent pas rater le train de l’histoire, devraient assumer la nouvelle réalité avant que la phase en soit à son paroxysme. Le discours fédéraliste n’est plus suffisant, ni ne tient compte de ce qui est intervenu depuis le 11 mai. Ils devraient se dissoudre comme KPU et se constituer en parti communiste de Novorossia, s’ils souhaitent peser en tant que force politique dans les événements dans les prochaines années. , »
EN CONCLUSION
Ce qui est en train de naître dans le Donbass est une entité nationale avec sa personnalité propre, l’accumulation des strates historiques… je ne sais ce qu’il en adviendra, mais ce sera le produit de l’histoire dans ses différents temps, réinterprétée par une lutte de libération nationale. Qui comme chacun sait transforme également la métropole colonialiste, ici elles peuvent être deux : Kiev et Moscou… je me demande si Merkel quand elle défend « l’intégrité territoriale de l’Ukraine », se rend bien compte de ce qui actuellement met le plus en péril et ce définitivement la dite intégrité : c’est-à-dire l’opération punitive contre son propre peuple de leur boucher favori, Porochenko… Quand on se conduit contre son peuple comme un colonialiste, qui pour prendre une terre et ses ressources, massacre les populations considérées comme des sous-hommes, quand on tire à l’aveuglette sur les civils, quand on les affame par des sièges immondes, que reste-t-il du sentiment national? Mais comme la logique historique et celle des appétits le laisse penser: Merkel n’en a rien à f. de l’unité de l’Ukraine. Elle défend sa vision des intérêts capitalistes allemands. Il y a une certaine contradiction entre l’intérêt de bonnes relations commerciales avec la Russie et la domination politique et économique de l’Europe centrale et orientale, qui est le vieux rêve impérialiste allemand, et qui suppose d’assurer une forme de protection des pays de l’est, donc la défense de la politique de l’OTAN… Ce à quoi résiste une nouvelle fois le Donbass… Et c’est cette résistance qui transfigure les nationalismes, les mysticismes en antifascisme… Pour combien de temps et selon quelles lignes de fractures ultérieures ? L’histoire continue…
Danielle Bleitrach
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Michel BEYER
Quelques réfléxions après la lecture du film “Symphonie du Donbass”
D’abord une question: comment juger une oeuvre sur sa qualité? Sur quels critères se baser?
Point n’est besoin d’être membre de l’Académie Française pour juger que des livres comme “Les Misérables” ou Guerre et Paix” sont des ouvrages majeurs dans le domaine de la littérature. La subjectivité y est relative dans la perception.
En peinture, ou en musique, il en va tout autre pour moi. C’est le ressenti, je suis incapable de dire sur quoi je me base pour dire “j’aime” ou “j’aime pas”. J’adore la peinture, j’adore la musique, jazz ou classique m’apportent le même plaisir. Je suis en pleine subjectivité.
En cinéma, la scène du film d’Eisenstein, le landau dévalant le grand escalier d’Odessa ou bien la poursuite automobile dans les rues de San Francisco, avec Steve MacQueen, sur fond musical de Michel Legrand me font la même impression. Je vais peut-être faire hurler les cinéphiles, mais pour moi le western “Il était une fois dans l’Ouest” est un très bon film.
Je reviens à “La Symphonie du Donbass”. J’ai pris énormément de plaisir à suivre ce film. Les images sont parlantes. Pas besoin de traducteur, malgré quelques paroles en russe je suppose. De l’opium du Peuple ” la religion”, à la construction du socialisme, électricité, mines, le rail, les usines, les ateliers, les aciéries etc…tout y est pour mettre en chantier le grand pays que fut l’URSS.
J’ai beaucoup apprécié la musique de ce film. B; Lavilliers chante : la musique est un cri qui vient de l’intérieur . Tout est musique dans ce film, même les bruits dans les usines.
Je ne suis pas qualifié pour juger de ce qui est chefd’oeuvre ou pas. Je le répète, c’est mon ressenti.