Je n’ai pas été déçue par ce film dont je vous avais dit qu’il me semblait, au vu des remarques et des interrogations qu’il suscitait, parfaitement correspondre à mon humeur et à l’air du temps. Cette critique que je publie ici est très complète et elle me va, mais je voudrais ajouter à quel point il y a dans ce beau film, un travail de distanciation exigeant dans lequel chacun peut interpréter à l’infini les raisons ou les déraisons des personnages sans s’identifier à une telle absurdité, en se passionnant néanmoins par l’incompréhensible processus du défi. On pense bien sûr à Sean O’Casey puisqu’on est en Irlande, et même Cock-a-doodle Dandy, à cause peut-être de ce côté fantaisie sombre et comique dans laquelle un élément magique, pas une Banshee sorcière annonçant le malheur, mais un coq -tout aussi magique- apparaît dans une paroisse et force les personnages à faire des choix sur la façon dont ils vivent leur vie. Dans le film, les animaux sont sages, compatissants, ils tentent de calmer les angoisses humaines dans ce monde rural irlandais où se joue la lutte entre répression et liberté avec le même anti-catholicisme que chez O’Casey (les moments hilarants du film ayant lieu dans le confessionnal). Pourquoi penser au théâtre alors que c’est d’abord du cinéma ? un moment de beauté et d’intelligence dont on a besoin pour survivre à l’absurdité de notre monde. Le contraire de l’homme tranquille de John Ford et le mâle irlandais joué par Colin Farell est aux antipodes de John Wayne, comme d’ailleurs cette Irlande-là qui vit avec une indifférence résignée la guerre civile sur l’autre rive… Ce cinéma ne nous implique pas et en même temps il nous dit à quel point nous en sommes pris dans cette escalade, pour rien. Nous sommes dans un mélange d’onirisme et de réalisme, dans le jeu des acteurs, dans les paysages, dans cet étrange histoire où comme aujourd’hui personne ne parait mesurer les conséquences de ses actes. (note de Danielle Bleitrach dans histoireetsociete)
L’affiche du film
(Cliquez sur l’image pour agrandir)Réduire
Titre original :The Banshees of InisherinProduction :Film4 Productions Blueprint Pictures TSG EntertainmentDate de sortie USA :Le 21 octobre 2022Genre :Drame | Réalisation :Martin McDonaghMusique :Carter BurwellDurée :114 minutes |
Le synopsis
Réduire
En 1923 sur l’île irlandaise d’Inisherin, alors que le pays connaît une guerre civile, Pádraic Súilleabháin est bouleversé lorsque son ami Colm Doherty, violoniste à ses heures perdues, décide de mettre fin à leur relation et d’ignorer subitement et sans aucune explication son ancien compagnon de boisson. |
La critique
rédigée par Fabien DupontPubliée le 09 décembre 2022
Dans la mythologie celtique irlandaise, une banshee est une fée ou magicienne dont le cri est présage de mort. Martin McDonagh se joue de cette légende dans Les Banshees d’Inisherin pour mettre en scène avec réussite la fin d’une amitié entre deux personnages hauts en couleur interprétés par Colin Farrell et Brendan Gleeson dans le décor immense et majestueux d’une île irlandaise. La banshee n’est alors pas toujours celle que l’on croit.
L’histoire et les personnages aussi universels que singuliers des (Les) Banshees d’Inisherin viennent de l’imagination et du regard du réalisateur britannico-irlandais Martin McDonagh. Né le 26 mars 1970 à Londres de parents Irlandais, il passe ses vacances dans le Comté de Galway dans l’ouest de l’Irlande et ne s’éloigne jamais bien loin de ses racines. S’il affirme préférer nettement le cinéma au théâtre, un art avec lequel il ne parvient pas à se connecter autant, il écrit de nombreuses pièces. Ses six premières, qu’il écrit durant la deuxième moitié des années 1990, voient leur récit se situer dans le Comté de Galway, dont une intitulée The Banshees of Inisheer. Celle-ci n’est cependant jamais publiée, l’auteur ne la jugeant pas suffisamment bonne. Mais rien ne se perd, tout se transforme ; elle sert plus tard d’inspiration très large au long-métrage de 2022, McDonagh étant entre-temps devenu un cinéaste renommé.
Son premier film, le court-métrage Six Shooter (2004) avec Brendan Gleeson, décroche en effet l’Oscar du Meilleur Court-Métrage, lui permettant d’obtenir le financement par Focus Features de son premier long-métrage, Bons Baisers de Bruges (2008), nommé à l’Oscar du Meilleur Scénario Original. Brendan Gleeson y retrouve le réalisateur et joue déjà aux côtés de Colin Farrell, les deux hommes interprétant des tueurs à gages irlandais envoyés se faire oublier au sein de la cité belge. Après Sept Psychopathes (2012), encore avec Farrell, il signe chez Searchlight Pictures 3 Billboards – Les Panneaux de la Vengeance. Le film est acclamé par la critique et reçoit quatre récompenses aux Golden Globes ainsi que des nominations aux Oscars du Meilleur Film et du Meilleur Scénario Original. En 2022, McDonagh retrouve donc Searchlight Pictures, le studio de films indépendants appartenant désormais à The Walt Disney Company, pour Les Banshees d’Inisherin.
Le metteur en scène profite alors de son film pour mettre en lumière de manière magnifique son pays, l’Irlande, ou plus exactement les îles de ses souvenirs d’enfance, dans l’ouest du pays, qui servent de décor à l’île fictive d’Inisherin. McDonagh met ainsi en avant la beauté de ces paysages ; une beauté froide, grise et pluvieuse au travers de laquelle la lumière se fait parfois perçante. Le directeur de la photographie, Ben Davis (Les Gardiens de la Galaxie, Captain Marvel), livre un travail formidable et parvient à trouver une esthétique tranchant avec cette histoire d’amitié rompue dans la souffrance. La quiétude et la paix de l’île contrastent d’ailleurs avec le quotidien de « l’île principale » de l’Irlande, où les coups de canons pleuvent dans une guerre civile que paraissent ignorer largement la plupart des insulaires.
L’Irlande est également omniprésente dans les patronymes et accents des personnages de ce film qu’il convient plus que tout autre de visionner en version originale sous-titrée, ainsi que dans la stout et le whisky remplissant les verres du lieu de rencontre incontournable des habitants de l’île, le pub. Sans jamais tomber dans le cliché, ces éléments donnent un caractère dépaysant au long-métrage, qui transporte également le spectateur dans la légende irlandaise. En effet, et sans jamais aller jusqu’au surnaturel, le scénario joue avec la peur de la faucheuse, ou plutôt de la banshee qui annonce son arrivée. Semblant au premier regard être personnifiée par Mrs. McCormick, jouée par Sheila Flitton, elle pourrait en réalité bien être présente au pluriel, comme l’indique le titre de l’œuvre.
L’esthétique du film accentue également le sentiment d’isolement au sein d’un espace immense et éloigné de toute forme de civilisation classique, une thématique placée au cœur du scénario. La paix tant recherchée par les uns paraît parfois revêtir la forme d’une malédiction, l’inconnu si effrayant semblant la seule voie vers l’épanouissement et le bonheur. Les paysages sont donc aussi tristes que beaux, aussi désertés qu’habités par une présence pesante que cherche d’ailleurs à fuir Colm Doherty, le personnage de Brendan Gleeson.
La thématique centrale du scénario est ainsi constituée par l’opposition entre la solitude et la compagnie, et par la difficulté engendrée par la recherche de ces contraires au sein d’une relation. Alors que Colm aspire à la paix et au silence offerts par la solitude afin de se plonger dans ses compositions musicales, son ami Pádraic Súilleabháin (Colin Farrell) ressent lui un besoin irrésistible de partager quotidiennement des discussions anecdotiques. Le drame s’engage donc dès lors que le premier explique subitement au deuxième qu’il souhaite rompre totalement leur relation amicale, estimant que ces moments passés ensemble sont une perte de temps. Le chagrin frappe alors en pleine face Pádraic, qui s’avère incapable de saisir les motivations de son ancien compère. La promiscuité – paradoxale au regard de l’immensité des espaces – instaurée par la vie sur une île où chacun croise les mêmes voisins chaque jour conduit à rendre la situation insupportable pour les deux hommes et engendre des réactions aberrantes qui apportent tout son sel au long-métrage. Colm menace ainsi Pádraic de se couper un doigt à chaque fois que ce dernier tentera de lui adresser la parole !
L’histoire d’amitié contrariée des (Les) Banshees d’Inisherin est en effet narrée par Martin McDonagh dans le registre de la tragi-comédie noire, dont l’auteur et réalisateur s’est fait spécialiste. Rappelant souvent le cinéma des frères Coen (O’Brother, Ladykillers), le film offre pléthore de dialogues absurdes véritablement bien sentis et de réactions disproportionnées de la part de personnages ne mesurant que très partiellement les conséquences de leurs actes. Malgré l’aspect dramatique des événements, l’humour y est présent à de nombreuses reprises lorsque le comique de situation s’ajoute à des dialogues écrits au cordeau. Les scènes de confessionnal entre Colm Doherty et le représentant local du clergé, interprété par David Pearse, sont notamment hilarantes. McDonagh est visiblement aussi à l’aise dans l’écriture que dans la direction de ses acteurs qui prennent de toute évidence beaucoup de plaisir à jouer.
Au-delà de l’humour, le cinéaste parvient à émouvoir son auditoire, plusieurs personnages connaissant pour des raisons différentes, parfois liées entre elles, un profond désespoir provoquant une empathie naturelle. Le choix de l’absurde, s’il permet le rire ou même l’horreur, empêche cependant le public de ressentir durablement des sentiments pour les personnages, ou du moins pour ceux chez qui la surenchère s’exprime. Ce parti pris, cohérent avec le ton du long-métrage et parfaitement louable car correspondant à la vision du cinéaste, atténuera sans doute l’héritage du film dans la perception du spectateur, quand bien même celui-ci aura été profondément touché par plusieurs séquences.
Il convient bien de garder à l’esprit que Les Banshees d’Inisherin est une fable, dont les personnages – aussi réussis soient-ils – sont moins importants que la morale qu’ils portent. Celle-ci n’en est pas pour autant simpliste et Martin McDonagh est exigeant vis-à-vis de son public, ne lui servant pas tout sur un plateau et procédant par une approche subtile faite d’allusions, de non-dits au sein des dialogues ou de plans composés astucieusement. Les enseignements qui peuvent en être tirés ne sont par ailleurs pas évidents, chaque spectateur pouvant être, en fonction de son caractère ou de son état du moment, tenté par l’une des aspirations diverses des personnages.
En ayant parfois des allures de farce, le long-métrage questionne des sujets aussi complexes et insolubles que l’amitié et ce que chacun y recherche, les aspirations profondes d’une vie ou de quelques années ou, comme déjà évoqué, le compromis impossible entre solitude et vie sociale.
Martin McDonagh s’appuie, pour narrer sa vision, sur des personnages excellemment interprétés par un casting évidemment irlandais conduit par Colin Farrell et Brendan Gleeson.
Colin Farrell interprète le premier rôle du long-métrage, celui de Pádraic Súilleabháin. Né le 31 mai 1976 à Castleknock dans la banlieue de Dublin, il souhaite devenir acteur après avoir admiré la performance de Henry Thomas dans E.T., l’Extra-Terrestre (1982). Il quitte rapidement l’école de comédie de Dublin au sein de laquelle il étudie après avoir été recruté pour jouer dans la mini-série de la BBC Ballykissangel (1996-2001). Il découvre ensuite le cinéma et joue notamment dans Phone Game (2002) et Daredevil (2003) avant sa première collaboration avec McDonagh dans Bons Baisers de Bruges, (2008) qui lui vaut d’obtenir le Golden Globe du Meilleur Acteur dans un Film Musical ou une Comédie. Il retrouve le metteur en scène dans Sept Psychopathes (2012), avant de voir saluée sa performance de père alcoolique de P. L. Travers dans Dans l’Ombre de Mary – La Promesse de Walt Disney (2013). Il renoue avec le label Disney ainsi qu’avec un rôle de père déboussolé dans le Dumbo de Tim Burton (2019).
Farrell est aussi excellent que bouleversant en interprétant le rôle de Pádraic Súilleabháin, celui d’un homme profondément gentil et un peu simple, peinant à comprendre les raisons pour lesquelles celui qu’il perçoit comme son meilleur ami souhaite rompre toute relation. Profondément heurté par le choix de Cole, il plonge progressivement dans le désespoir même si son innocence le pousse à tenter à de multiples reprises de transformer cette décision irrévocable en marque de colère fugace et en mauvais souvenir. L’histoire de Pádraic est celle d’une tragédie qui voit celui qui craint la solitude être de plus en plus seul, les conséquences de ses actions d’abord bien intentionnées ajoutant à son désespoir pour instiller chez lui des notes de méchanceté qui lui étaient étrangères. Colin Farrell crève l’écran avec ce personnage singulier éloigné du reste de sa filmographie, sa prestation étant si marquante que le spectateur se surprend à s’interroger sur la localisation du personnage lorsqu’une séquence se déroule sans lui à l’écran.
Pour faire face à Colin Farrell, Brendan Gleeson incarne avec brio le taciturne Colm Doherty. Né le 29 mars 1955 à Dublin, l’acteur débute sur les planches et connaît le succès au cinéma relativement tardivement. Il assure de nombreux rôles secondaires, notamment dans Gangs of New York (2002) et Kingdom of Heaven (2005) ou la saga Harry Potter (2001-2011), et se voit salué pour des rôles principaux dans les films indépendants L’Irlandais (2011) et Calvary (2014) ainsi que pour Bons Baisers de Bruges. Il signe également des apparitions remarquées à la télévision, notamment dans The Comey Rule (2020) où il interprète avec brio Donald Trump.
Gleeson signe une interprétation réussie évoluant au fur et à mesure du film, non tant en raison de l’évolution du personnage comme pour Pádraic, mais plutôt à mesure que le scénario dévoile ses aspérités. Initialement parfaitement fermé, Colm s’ouvre en effet progressivement au spectateur qui découvre un musicien s’épanouissant dans la création, un homme véritablement empathique mais aussi un être heurté par le désespoir capable des gestes les plus radicaux tout en restant néanmoins conscient de la valeur de la vie.
Aux côtés de ce duo extraordinaire, Kerry Condon assure le premier rôle féminin des (Les) Banshees d’Inisherin : Siobhán Súilleabháin, la sœur de Pádraic. La comédienne née le 9 janvier 1983 à Thurles en Irlande retrouve Martin McDonagh après avoir joué dans ses pièces The Lieutenant of Inishmore et The Cripple of Inishmaan. Sa carrière la voit donc jouer sur scène, au cinéma (Intermission, 2003, avec Colin Farrell) ainsi qu’à la télévision (Rome, 2005-2007 ; Better Call Saul, 2015-2022). Au sein du Marvel Cinematic Universe, elle assure la voix de F.R.I.D.A.Y., l’intelligence artificielle assistant Tony Stark.
L’interprétation de Kerry Condon est ici fantastique, celle-ci jouant à merveille le rôle d’une femme coincée sur une île aux côtés de son frère quand sa curiosité et son appétence à en apprendre toujours plus, notamment au travers de la lecture, placent son destin sur la rive d’en face. La comédienne restitue parfaitement les sentiments de devoir, de culpabilité, de désir et de doute qui étreignent son personnage. Une scène la voyant exprimer son désespoir est notamment déchirante. Au-delà de la performance de Condon, l’écriture du personnage par McDonagh est à saluer : alors que le spectateur pourrait initialement penser à un rôle de sœur, faire-valoir au service de Pádraic dans le scénario, elle s’émancipe progressivement et constitue au final un membre à part entière du trio de personnages principaux du long-métrage.
En outre, Les Banshees d’Inisherin regorge d’une riche galerie de personnages secondaires. Barry Keoghan (Dunkerque, 2017) incarne Dominic Kearney, fils de l’agent de police d’Inisherin qui le bat et l’humilie en permanence, faisant de sa vie un cauchemar. Apparaissant d’abord comme un jeune homme simple insistant lourdement pour avoir des amis ou une compagne, Dominic provoque progressivement l’empathie au fur et à mesure que le film avance, bénéficiant de l’excellente prestation de Keoghan. Son père, Peadar Kearney, joué par Gary Lydon (L’Irlandais, 2011), est un policier abusant de son pouvoir tant à la maison que dans ses fonctions, aussi ridicule que menaçant.
Pat Shortt est amusant en tant que tenancier du pub, dépassé par cette crise entre deux de ses plus fidèles clients au milieu de laquelle il ne sait comment réagir. Bríd Ní Neachtain fait également rire en tant que gérante d’une épicerie à la curiosité bien prononcée. David Pearse contribue à deux excellentes scènes en tant que prêtre. Enfin, Sheila Flitton glace le sang en jouant le rôle de Mrs. McCormick, une femme âgée que chacun essaye d’éviter, et pour cause tant elle semble se prendre pour une banshee !
Afin de mettre en musique les pérégrinations de ces personnages, la partition des (Les) Banshees d’Inisherin est signée par Carter Burwell, collaborateur habituel des frères Coen et de Martin McDonagh. Il reçoit d’ailleurs une nomination aux Golden Globes pour la bande originale de 3 Billboards – Les Panneaux de la Vengeance. Le compositeur est également connu chez Disney pour les musiques de Dingo et Max (1995) et The Finest Hours (2016) ainsi que celle, chez 20th Century Studios, de Buffy, Tueuse de Vampires (1992).
Pour Les Banshees d’Inisherin, Burwell expérimente et tente de s’éloigner d’une musique de film irlandais traditionnel, à la demande de Martin McDonagh. Trouvant la personnalité de Pádraic enfantine, il se met alors en tête de composer une musique de conte de fées avec notamment Cendrillon à l’esprit. Bien sûr, l’histoire de Pádraic s’éloigne du conte et la bande son le traduit rapidement, non sans ironie. L’utilisation de harpes, de flûtes, de cloches et d’un célesta est réussie et s’adapte à chaque situation et personnage. Il convient de noter que les morceaux joués au violon par Brendan Gleeson à l’écran ont été composés par les soins de l’acteur, dans des scènes tantôt émouvantes, tantôt réjouissantes.
La réception des (Les) Banshees d’Inisherin est exceptionnelle et quasiment unanime, la critique s’accordant pour saluer l’un des meilleurs films de Martin McDonagh et les performances de Farrell et Gleeson. La capacité du long-métrage à présenter l’histoire tragique d’une amitié avec une touche d’humour est mise en avant, tandis que Variety considère que l’histoire tend vers le mythique. Le long-métrage est acclamé au Festival International du Film de Venise, où il reçoit une standing ovation après sa projection le 5 septembre 2022. Colin Farrell et Martin McDonagh repartent respectivement de la cité lacustre avec la Coupe Volpi de la Meilleure Interprétation Masculine et le Prix Osella du Meilleur Scénario. Le film atteint ainsi l’excellent score de 97% de critiques favorables sur l’agrégateur Rotten Tomatoes, qui ne recense néanmoins que 75% d’avis favorables de la part du public. Les Banshees d’Inisherin est en effet un film exigeant qui peut laisser de côté certains spectateurs et demande à être digéré pour saisir pleinement l’ensemble de ses réussites. Ann Hornaday résume sans doute son principal souci dans le Washington Post en considérant que si « McDonagh est un maître dans la construction d’univers, […] le fait de savoir si vous souhaitez vivre dans ces univers pour deux heures de votre vie est une question de goût personnel ».
En conséquence, le succès commercial du film reste modeste et ne lui permet pas de se distinguer parmi les films indépendants après avoir seulement généré 17 millions de dollars dans le monde un mois après sa sortie. Reste l’espoir pour le film de réunir un public plus nombreux dans les pays où sa sortie est décalée, comme en France où il atteint les écrans le 28 décembre 2022, avant une potentielle relance de sa carrière par les Oscars. En tout état de cause, Les Banshees d’Inisherin mérite d’être vu pour ses nombreuses qualités et marquera nécessairement les spectateurs qui lui auront laissé pleinement sa chance et se surprendront à repenser au film dans les jours suivant leur séance.
En présentant la rupture amicale de l’excellent duo formé par Colin Farrell et Brendan Gleeson, Les Banshees d’Inisherin propose une fable puissante et ironique magnifiée par la prestation de Kerry Condon ainsi que par les paysages des îles irlandaises. Maîtrisant tant la mise en scène qu’un scénario parfaitement peaufiné dont l’absurde empêche sans doute une totale identification aux personnages mais autorise des questionnements existentiels et bouleversants, Martin McDonagh signe une œuvre aussi réussie que marquante !
Vues : 205