Jean Luc Picker m’envoie ce texte, avec le commentaire suivant : “je te transmets une traduction de cette déclaration très intéressante de membres de l’ILWU. Cette déclaration a le grand mérite de rappeler que c’est la classe travailleuse qui doit se placer au centre de l’opposition anti-impérialiste. Elle nous montre aussi que l’opposition à la guerre impérialiste de l’OTAN est bien présente dans les couches populaires, comme on l’a vu également au port de Gênes plus tôt cette année. Espérons que le mouvement syndical en France et à l’international entende cet appel d’une rare clarté, et s’oppose à son tour au bellicisme de nos impérialismes qui a clairement démontré son objectif de classe avec le vote de la loi 5371 par le parlement Ukrainien. Quel regret que nos partis politiques dits de gauche restent pour l’essentiel sourd à ces évidences et n’osent pas, par opportunisme aussi stupide que celui de nos dirigeants européens à la traîne de leurs maîtres états-uniens, se saisir du potentiel énorme qui existe dans les couches qui seront les plus broyées par les conséquences de l’aventure militaire otanesque” Oui je suis bien d’accord et je crois que tous dans ce blog, ce modeste lieu noyé dans une débâcle que l’on croit générale mais qui n’est sans doute qu’illusion, nous pensons qu’il devrait en être ainsi. Un mot encore, l’histoire est essentielle, dans ce blog nous le savons, mais l’hstoire n’est jamais finie et les combats d’aujourd’hui créent à chaque fois les conditions d’une ré-appropriation. (note de J.L.Picker et danielle Bleitrach , traduction de J.L.Picker)
Texte du 15 décembre 2022, publié dans Defend Democracy le 24 décembre 2022
Nous, adhérents actifs ou retraités de l’ILWU[i], exprimons ici notre désaccord avec le communiqué publié le 3 mars 2022 par le Coast Committee[ii] au sujet de la guerre en Ukraine. Ce communiqué diverge profondément des positions d’opposition à la guerre qui ont si souvent caractérisé notre syndicat, même quand il était impopulaire de s’y opposer. L’ILWU a toujours manifesté son opposition aux guerres de l’OTAN. Depuis la fin de la guerre, nous nous sommes opposés aux guerres et coups d’état menés en Corée, au Vietnam, en Angola, en Serbie (ancienne Yougoslavie), à Cuba (Invasion de la Baie des Cochons), au Salvador et au Nicaragua.
Lors de la fête du travail du 1er Mais 2008, l’ILWU a fait fermer tous les ports de la côte Ouest en opposition aux « guerres impérialistes en Iraq et en Afghanistan » pour reprendre les mots de la résolution du caucus. Nous avons porté l’action contre les guerres des Etats-Unis et contre le gouvernement d’apartheid d’Afrique du Sud jusqu’au centre de la production. Nous avons refusé de charger les cargaisons militaires à destination des juntes militaires anti-communistes du Chili et du Salvador. Nous sommes fiers de cet héritage. La section Européenne du Conseil International des Dockers a publié un communiqué en février réclamant l’arrêt de la guerre en Ukraine. L’ILWU doit faire de même.
Nous faisons face à une guerre de classe chez nous et à une guerre entre deux pays capitalistes à l’étranger. C’est le rôle des syndicats de combattre les millionnaires comme Jeff Bezos, propriétaire d’Amazone ou John Fisher, propriétaire d’Oakland A qui cherche à construire un parc d’attractions au plein milieu du port d’Oakland. ILWU se bat contre les plans d’automatisation de L’Association Maritime du Pacifique[iii] et pour des négociations tenant compte de l’inflation. Pendant ce temps, les populations de Jackson dans le Mississipi et de Flint dans le Michigan ne disposent pas d’eau potable. Plus grave encore, la police et l’ICE[iv] imposent une terreur létale contre les communautés noires et métis. En 2003, la police a attaqué les dockers du port d’Oakland qui manifestaient en scandant que « les guerres sont pour le profit, les travailleurs peuvent les arrêter ! »
En 1967, pendant la guerre du Vietnam, Martin Luther King Junior a condamné les Etats-Unis comme étant « la plus grande source de violence dans le monde ». Son discours a conduit la section locale 10 de l’ILWU à lui accorder le statut de « membre honoraire » et à prendre la parole devant l’assemblée des membres. Une année plus tard, il devait être assassiné. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ont toujours été dans un état de guerre permanent. La guerre en Ukraine, provoquée par l’agression des Etats-Unis et de l’OTAN, est un conflit préliminaire qui fait courir un risque immense de contamination nucléaire à la centrale de Zaporijia, la plus grande du monde, et de troisième guerre mondiale avec la Chine.
Après la chute de l’Union Soviétique, le secrétaire d’état James Baker avait promis de ne pas menacer la sécurité de la Russie en étendant l’OTAN vers les frontières de la Russie au travers du recrutement des pays qui formaient le bloc de l’Est. Cette entente a été foulée aux pieds par les Etats-Unis en dépit des avertissements de la Russie.
En accord avec son héritage, nous sommes convaincus que l’ILWU doit prendre une position claire sur le sujet de la guerre en Ukraine. Au niveau international, les dockers ont les moyens d’arrêter cette tuerie. Nous ne pouvons pas attendre des gouvernements réactionnaires de Russie et d’Ukraine qu’ils le fasse.
En 2014, le coup d’état dirigé par les Etats-Unis, dit du Maidan, a renversé un gouvernement élu et a conduit à l’incendie criminel de la maison des syndicats à Odessa ou 48 personnes ont péri. En réaction à ce coup d’état, les provinces russophones de Donetsk et Lougansk en Ukraine orientale ont fait sécession. En vertu du droit démocratique à l’autodétermination, nous devons reconnaître le droit de ces populations à se séparer du gouvernement nationaliste de Kiev qui leur interdit l’usage de la langue russe.
La brigade néo-nazie Azov a ouvert le feu sur les deux nouvelles républiques du Donbass, au prix de 15000 morts civiles. Les Africains immigrés en Ukraine ont été victimes de discriminations raciale de la part du gouvernement de Zelensky lorsqu’ils ont tenté de fuir la guerre. Plus, ce gouvernement néo-libéral capitaliste a entériné récemment la loi 5371. Selon les termes de cette loi, 70% des travailleurs d’Ukraine ne pourront plus négocier des conventions collectives à travers leurs syndicats ni s’opposer aux licenciements imposés par les employeurs. La Fédération d’Ukraine des Syndicats s’oppose à cette loi anti-syndicale. La loi martiale imposée par Zelensky interdit aux travailleurs de s’opposer par la grève aux législations contre le monde du travail.
L’ILWU doit appeler à l’arrêt de cette guerre. Plus spécifiquement, nous devons appeler à l’action le Conseil International des Dockers dans les ports et la Fédération Internationale des Travailleurs du Transport à refuser de prendre en charge les cargaisons militaires dans le monde. Ces deux fédérations se sont opposées l’an dernier au massacre des Palestiniens par le régime sioniste. Elles sont aujourd’hui en mesure d’appeler à l’arrêt de la guerre en Ukraine et de l’imposer au moyen de l’action internationale des travailleurs contre la prise en charge des cargaisons militaires.
Angela Davis (membre honoraire), Brian McWilliams (ex-président international de l’ILWU), Larry Wright (adhérent retraité), Clarence Thomas (adhérent retraité), Dan Coffman (ex-président de section locale), Jack Heyman (adhérent retraité), David Newton (adhérent), Michael Vawter (adhérent retraité) Stephen Barlow (adhérent), Leith Jasinowski-Kahl (adhérent), James Curtis (adhérent retraité) Jack Mulcahy (adhérent retraité) Marcus Holder (adhérent retraité), Keith Shanklin (ex-président de section locale), Michael Sullivan (adhérent retraité), Russ Miyashiro (adhérent), Aaron Wright (adhérent), Kevin Gibbons (adhérent).
Jean-luc
[i] L’International Longshore and Warehouse Union est le grand syndicat des dockers nord-américains qui contrôle l’ensemble des installations portuaires de la côte pacifique des Etats-Unis et du Canada.
[ii] L’instance dirigeante de la division principale de l’ILWU
[iii] La PMA est la société d’exploitation des ports de la côte Pacifique des Etats-Unis
[iv] Immigration and Custom Enforcement, police de l’immigration.
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