Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

20.000 ouvriers démissionnent dans la plus grosse usine chinoise : contre ou pour la politique zéro Covid du gouvernement ?

Nos médias présentent un grand mouvement de protestation ouvrier dans une des plus grandes usines du monde à Zhengzhou comme l’illustration de la colère des Chinois qui ne voudraient plus de la politique anti-covid du gouvernement chinois. Cet amalgame ne correspond pas à la réalité. Exemple : le Nouvel Observateur y va fort dans sa campagne anti-chinoise.

Le mécontentement des Chinois face à la politique zéro Covid selon l’hebdomadaire

Premièrement, il semble vrai que le confinement provoque des mécontentements mais le Nouvel Observateur qui fait le point sur ce qu’il n’est pas loin de qualifier comme un événement historique doit se contenter de ce constat : “Des centaines de personnes sont descendues dans la rue ce week-end pour protester contre la politique « zéro Covid » draconienne des autorités chinoises. Des manifestants selon lui auraient même exprimé ouvertement leur hostilité envers le régime du président Xi Jinping.” Que diable des centaines de personnes en Chine est-ce une foule ?

Deuxièmement, l’insistance mise sur des protestations de ce type aujourd’hui est bien commode pour masquer le fait saillant du jour à savoir le vote taiwanais dont nous parlons par ailleurs, celui-ci signifie que la population taiwanaise a sanctionné l’équipe au pouvoir à la fois pour sa politique sur le COVID et aussi parce qu’elle ne veut pas d’un affrontement avec la Chine. Dans le problème du jour, le fait que le groupe qui gère l’usine Appel de Zhengzhou soit taiwanais n’est certainement pas indifférent et l’arbitrage dans le conflit entre l’entreprise et les salariés en est certainement préoccupé, mais cela n’intéresse pas les médias occidentaux occupés à leur propagande anti Chine aussi superficielle que venimeuse. Combiné avec la visite du président japonais tout cela va plutôt dans le sens d’une détente telle que la recherche la Chine.

Troisièmement, le Nouvel Observateur glisse de l’exagération jusqu’à la “désinformation” puisque s’il note que “la Chine poursuit inlassablement une politique sanitaire « zéro Covid », qui implique de stricts confinements, des quarantaines pour les personnes testées positives et des tests PCR quasi quotidiens, suscitant une grogne croissante de la population “(ce qui est peut-être vrai mais ne provoque que des “manifestations de centaines de personnes”), l’hebdomadaire ne craint pas d’affirmer que ce mécontentement se serait “transformé en véritable mobilisation mercredi 23 novembre. Des centaines d’employés de Foxconn ont manifesté leur colère contre leurs conditions de vie dans la plus grande usine d’iPhone au monde, propriété du sous-traitant taïwanais Foxconn et soumise à de fortes restrictions anti-Covid. Confrontée depuis octobre à une hausse de cas de coronavirus, l’entreprise est confinée.

Les événements dans L’usine de Zhengzhou qui est le plus grand site d’assemblage d’iPhone au monde.

Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a eu et il y a encore des grèves dans les entreprises étrangères ou leurs filiales, mais le plus souvent les ouvriers chinois font grève parce que les entreprises étrangères ou leurs sous-traitants ne respectent pas le droit du travail légal qui est appliqué dans les entreprises nationalisées.

L’entreprise en question, une filiale taiwanaise de Appel a une réputation détestable en Chine (1)

Les conditions de travail sont de plus en plus mal supportées par les travailleurs chinois qui désertent ce type d’entreprise étrangère. Face aux difficultés de recrutement, l’entreprise a fait des promesses.

Ces promesses divulguées dans toute la Chine ont attiré un grand nombre d’ouvriers et d’ouvrières. Voici d’ailleurs comment CNN décrit la situation. La chaine fait état de vidéos montrant des centaines de travailleurs affrontant des agents des forces de l’ordre, dont beaucoup en combinaison blanches de protection face au Covid, sur le campus de Foxconn dans la ville de Zhengzhou, dans le centre de la Chine. mais ces images seraient maintenant supprimées. La chaine explique que dans les vidéos on pouvait entendre certains des manifestants se plaindre de leur salaire et de leurs conditions sanitaires.

CNN note que ces scènes sont survenues quelques jours après que les médias d’État chinois aient rapporté que que plus de 100 000 personnes s’étaient inscrites pour pourvoir les postes annoncés dans le cadre d’une campagne de recrutement massive organisée pour l’usine Foxconn de Zhengzhou. A la veille de Noël, Apple (AAPL) a été confronté à d’importantes contraintes de chaîne d’approvisionnement sur le site d’assemblage et s’attendait à ce que les expéditions d’iPhone 14 soient touchées au moment même où la saison des achats des Fêtes commence, selon les commentaires que CNN a obtenus de l’usine.

Une épidémie de Covid le mois dernier avait semble-t-il éclaté et le site avait prétendu enfermer le personnel, ce qui avait conduit certains ouvriers d’usine anxieux à fuir. Des vidéos de nombreuses personnes quittant Zhengzhou à pied étaient devenues virales sur les médias sociaux chinois au début novembre, obligeant Foxconn à intensifier les mesures pour récupérer son personnel. Pour tenter de limiter les retombées de cette fuite, l’entreprise a déclaré qu’elle avait quadruplé les primes quotidiennes pour les travailleurs de l’usine ce mois-ci.

Sur les mêmes vidéos, on a entendu les travailleurs se plaindre de l’insuffisance des mesures anti-Covid, affirmant que les travailleurs testés positifs n’étaient pas séparés du reste de la main-d’œuvre.

Foxconn a déclaré dans le communiqué anglais que les spéculations en ligne sur les employés positifs au Covid vivant dans les dortoirs du campus Foxconn à Zhengzhou sont « manifestement fausses ».
« Avant que les nouveaux employés n’emménagent, l’environnement du dortoir est soumis à des procédures standard de désinfection, et ce n’est qu’après que les locaux ont passé le contrôle du gouvernement que les nouveaux employés sont autorisés à emménager », a déclaré Foxconn.

Le fait est que nous avons effectivement une colère ouvrière qui est liée à des conditions salariales et sanitaires mais aux antipodes d’une protestation contre une politique de zéro covid, c’est même le contraire.

S’il y a eu protestation à cause du COVID, ce n’est pas contre les précautions du gouvernement mais pour qu’elles soient appliquées par l’entreprise Appel défaillante.

Visiblement les précautions contre le Covid ne sont pas suffisantes et la colère s’explique aussi en découvrant qu’on les obligeait à cohabiter avec des gens ayant le COVID. 20.000 employés qui s’estimaient grugés ont été pris de panique et se sont rués dehors pour partir. On peut y voir un effet de la politique gouvernementale et de la véritable phobie que suscite la maladie mais on ne peut en aucun cas l’identifier à une protestation contre les rigueurs de la politique gouvernementale en la matière, la fuite a lieu devant l’exploitation, les promesses non tenues et la non application des mesures sanitaires. Nous sommes dans une situation de protestation contre les entreprises étrangères qui sont de plus en plus accusées de se conduire mal avec leurs employés alors que les travailleurs des entreprises nationalisées jouissent d’un meilleur sort. Il y a beaucoup d’inconnus dans cette affaire. Si les comportements émotifs paraissent fréquents en Chine en particulier chez les gens venus de la campagne, on ne sait pas s’il existe dans cette usine une présence organisée du parti communiste ce qui est de plus en plus fréquent et le rôle qui y est joué. On ne voit qu’un corps chargé de gérer les problèmes liés à l’épidémie et qui tente de la contrôler vu les pratiques de l’entreprise.

Face à cette colère qui s’est traduite par un exode massif des travailleurs, plus de 20.000 sur les 200.000, bousculant ceux qui voulaient les retenir il semble qu’il y ait eu une tentative d’arbitrage dont la direction de l’entreprise a fait état de la manière suivante :

« En ce qui concerne les comportements violents, la société continuera à communiquer avec les employés et le gouvernement pour éviter que des incidents similaires ne se reproduisent », a déclaré Foxconn dans un communiqué en chinois.

Mercredi, les travailleurs entendus dans la vidéo protestaient en disant que Foxconn n’avait pas honoré sa promesse d’une prime attrayante et d’un package salarial après leur arrivée à l’usine. De nombreuses plaintes ont également été publiées anonymement sur les plateformes de médias sociaux, accusant Foxconn d’avoir modifié les salaires précédemment annoncés.

Dans un communiqué en anglais, Foxconn a déclaré mercredi que « l’indemnité a toujours été versée sur la base d’une obligation contractuelle » après que de nouvelles embauches sur le campus de Foxconn à Zhengzhou aient été annoncées par l’entreprise concernant l’indemnité de travail mardi.

Nouvelles mesures prises par le groupe Taïwanais sous-traitant d’Apple

Face au problème d’Apple qui n’est pas celui de nos médias tentant de créer la confusion entre les protestations limitées contre la politique zéro covid du gouvernement et la colère des employés de la plus grande usine de montage, mais bien de ne pas rater les ventes de Noël et de se voir de ce fait mal coter en bourse, le groupe taïwanais annonce verser un complément de 13 000 yuans (1800 $) par mois, en décembre et janvier, pour les travailleurs arrivés avant début novembre. La décision a été communiquée aux collaborateurs de l’entreprise chinoise ce week-end, assure Bloomberg qui relaye l’information.

Cette prime exceptionnelle intervient donc moins d’une semaine après la révolte de plusieurs travailleurs de Foxconn, le mercredi 23 novembre. Les salariés dénonçaient des conditions de travail dégradées liées à la politique Covid-19 de l’entreprise qui ne respecte pas les règles sanitaires établies par le gouvernement et l’absence de paiement de plusieurs primes. Le groupe avait déjà versé un bonus de 10 000 yuans (1400 $) aux personnels de l’usine pour qu’ils mettent fin à la contestation et ne quittent pas l’entreprise.

Le versement de cette nouvelle prime illustre le manque de personnel pour assurer la production des iPhone. Depuis plusieurs mois, le principal fournisseur d’Apple accuse de nombreux retards. La politique zéro Covid impulsée par le gouvernement chinois a effectivement impacté sévèrement la chaîne de production parce que les travailleurs exigent d’être protégés.
Le groupe américain annonce s’intéresser aujourd’hui à l’Inde, où l’attractivité économique et technologique connaît une forte croissance, j’ajouterai et où peut-être du moins dans certains États les conditions de surexploitation sont plus attrayantes.

En effet ce site industriel constitue une plaque tournante vitale pour Apple


L’usine de Zhengzhou est le plus grand site d’assemblage d’iPhone au monde. Il représente généralement environ 50% à 60% de la capacité mondiale d’assemblage d’iPhone de Foxconn, selon Mirko Woitzik, directeur mondial des solutions de renseignement chez Everstream, un fournisseur d’analyse des risques de la chaîne d’approvisionnement.


Apple a donc prévenu au début du mois de la perturbation de sa chaîne d’approvisionnement, affirmant que les clients ressentiraient un impact.


« Nous nous attendons maintenant à des livraisons d’iPhone 14 Pro et d’iPhone 14 Pro Max inférieures à ce que nous avions anticipé », a déclaré le géant de la technologie dans un communiqué. « Les clients devront attendre plus longtemps pour recevoir leurs nouveaux produits. »


La semaine dernière, le temps d’attente pour ces modèles avait été de 34 jours aux États-Unis, selon un rapport d’UBS.

Conclusion : il est facile pour nos vertueux en occident de dénoncer les conditions d’exploitation qui règnent dans certaines grandes usines manufacturées en Chine, sans jamais noter à quel point ce sont comme en Inde ou dans d’autres pays du tiers monde les capitalistes occidentaux et leurs soustraitants asiatiques qui les imposent. Sans jamais se souvenir des conditions de l’accumulation primitive de “la modernité” industrielle occidentale non seulement les enfants dans les mines, les horreurs de l’usine pour leur propre classe ouvrière mais celles de la colonisation qui s’étalent sur plusieurs siècle. La Chine a franchi tout cela au pas de course, sans porter la guerre à l’extérieur, par le seul travail des Chinois qui l’a fait passer en cent ans du niveau de vie du Zimbawe à celui d’une “societe de moyenne aisance”, en tentant de résoudre les contradictions décrites par Marx dans l’idéologie allemande entre la ville et la campagne, entre travailleurs manuels et intellectuels, en abordant dans des conditions nouvelles la révolution informationnelle. Il y a là non un modèle mais une expérience qui mérite une autre analyse que les petites perfidies du Nouvel Observateur et d’une presse qui se déshonore de jour en jour.

mais la superficialité de l’analyse de notre presse dont témoigne le Nouvel Observateur nous empêche de voir les déterminants essentiels de la politique chinoise et de sa relation à la guerre économique. En effet, l’essentiel n’est-il pas aujourd’hui dans la manière dont taiwan détient les clés des technologies de pointe sur lesquelles les Etats-Unis prétendent peser? Comment peut-on prétendre éclairer les choix de la Chine, de l’inde sans voir ce niveau où se joue la “modernisation” de la Chine, le passage à une société socialiste dévelopée selon ses planificateurs ?

Danielle Bleitrach

(1) Il y a eu en 2016, un reportage publié sur divers sites. Dejian Zeng, un étudiant new yorkais avait profité de ses vacances d’été pour se faire engager sur une chaîne d’assemblage en Chine. Il a raconté son quotidien à Business Insider. Il s’est fait embaucher sur une chaîne d’assemblage d’iPhone, il a travaillé six semaines, 12 heures par jour en 2016. Son travail commençait à 7h30 et se poursuivait pendant 12h, repas et pauses compris. Un travail routinier et monotone, puisque chaque travailleur effectue le(s) même(s) geste(s) chaque jour sur la chaîne de montage. Dans le travail à la chaine, la productivité est la clé. « Pour Zeng, cela pourrait se traduire par insérer une vis dans le dos d’un iPhone pendant 12 heures », indique The Next Web. Zeng a ainsi travaillé sur une chaîne d’assemblage d’iPhone 6S puis est passé sur une chaîne d’assemblage d’iPhone 7. Les conditions de travail sur les tests de production s’apparentaient à de la “torture” selon Zeng. Lors de la production expérimentale, seuls 5 téléphones sont généralement produits. Il peut se passer des heures avant de se voir confier un autre téléphone. Durant ce laps de temps, il n’est pas souvent permis de parler ou de bouger de son poste, même pour aller aux toilettes. Un téléphone est assemblé et les ouvriers doivent attendre deux heures, en silence, qu’un autre téléphone leur soit confié. Un véritable supplice pour Zeng, d’autant qu’il est difficile de ne pas s’endormir. Si un ouvrier cède à la tentation, il est réprimandé et sa chaise lui est ôtée, le forçant à rester debout en attendant l’arrivée du prochain téléphone. Zeng expliquait également que les mesures de sécurité ont été renforcées sur ces chaines de tests : la sensibilité des détecteurs de métaux a été augmentée, ce qui a conduit certaines femmes à devoir se changer lorsque l’armature de leur soutien-gorge déclenchait les dispositifs. Les objets contenant du métal, tel que les briquets ou les téléphones, sont confisqués à l’entrée. Une fois la journée de travail terminée, les ouvriers retournent à leur dortoir pour dormir. Zeng partageait le sien avec 7 autres travailleurs. Les bons jours, ils avaient de l’eau chaude pour pouvoir se doucher. Certains jours, ils n’avaient pas d’eau chaude, d’autres jours pas d’eau du tout. Et comme le précise The Next Web, si les repas sont corrects ils coûtent tout de même entre 5 et 8 yuans, soit entre 0,76 et 1,16 dollar (entre 0,71 et 1,1 euro), et jusqu’à 2,90 dollars (2,7 euros) si les ouvriers prennent leurs repas à l’extérieur de l’usine. Si ces coûts peuvent nous paraître dérisoires, ils sont significatifs sur le salaire mensuel de ses ouvriers. Sans compter les coûts supplémentaires, comme l’internet au sein du dortoir ou l’examen médical à passer avant de commencer à travailler. Interrogé par Business Insider, Apple assurait que dans 99 % des cas les ouvriers ne travaillent pas plus de 60 heures par semaine et ceux fabriquant les produits Apple, pas plus de 43 heures en moyenne.

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1 Commentaire

  • Jean-Luc
    Jean-Luc

    Merci Danielle pour cet éclairage important et documenté.

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