Quand on sait que Yoon représente le courant traditionnellement pro-US de la classe dirigeante (le People Power Party qu’il dirige est l’hériter du Saenuri de Lee Myung-bak et Park Geu-hye) par opposition au parti dit Démocratique (de Moon Jae-in), plus enclin à considérer l’importance pour la classe dirigeante des liens économiques et géostratégiques avec la Chine, cela montre que la mainmise des USA sur la péninsule est de plus en plus sérieusement affaiblie. C’est un mouvement qui avait commencé avec la démission forcée de Park Geun-hye (la fille du dictateur Park Cheung-hee) autour de l’installation des THADS. Le sens des sanctions toutes symboliques de la Chine à l’époque avaient été bien compris à Séoul. Si ce mouvement se développe dans la direction de l’histoire, on pourra même disent certains (1) alors envisager à terme la réunification de la Corée sous l’aile tutélaire du grand frère voisin. Une hypothèse qui inquiète sérieusement le Japon et les USA qui trouveront bien le moyen de s’y opposer, efficacement ou non, nous le saurons bientôt. C’est dans ce sens que le destin de la (des) Corée(s) est intimement lié à la situation à Taiwan.
le Japon n’a, au final, pas du tout réservé le même sort que Seoul à Pelosi, puisqu’elle a rencontré Kishida, et que, à l’issue de leur petit-déjeuner, ils se sont exprimés négativement sur les actions de la Chine. le gouvernement japonais, fidèle à lui-même, se range corps et âme derrière la provocation US et a bien sûr paraphé la déclaration du G7. Il profite d’ailleurs de la situation pour avancer son agenda de révision de la constitution pacifique et ses revendications sur les îles Diaoyu/Senkaku, dont la possession est disputée entre le Japon, la Chine et même Taiwan. Il semble que les 5 missiles que le Japon déclare avoir amerri dans sa ZEE ont en fait fini leur course à proximité de ces îles. La définition de cette zone comme ZEE japonaise est unilatérale.(note et traduction de Jean-Luc Picker)
Alors que les tensions régionales sont à leur maximum, Yoon Suk-yeol snobe Pelosi plutôt que de risquer de froisser la Chine
Global Times staff reporters, 4 Août 2022
https://www.globaltimes.cn/page/202208/1272267.shtml
L’adjointe du porte-parole du ministère des Affaires Etrangères Coréen, Ahn Eun-ju, lors d’une conférence de presse à Seoul, Corée du Sud, le 4 Août 2022. Elle a confirmé que le gouvernement en place soutient le principe d’une seule Chine. Photo VCG
Le président de la Corée du Sud Yoon Suk-yeol n’a ‘malheureusement’ pas pu rencontrer la présidente de la chambre des représentants états-unienne Nancy Pelosi pendant sa visite à Séoul. Pour beaucoup d’experts Chinois, cette ‘absence’ s’explique par le souhait du gouvernement Sud Coréen de ne pas se trouver dans une situation embarrassante. La visite de Pelosi à Seoul était organisée à la suite de sa visite à Taiwan qui a suscité une vive réaction de la part de la Chine et a résulté en une aggravation des tensions dans la région. Il est probable que les dirigeants Sud Coréens aient réalisé que quiconque déroulerait le tapis rouge à Pelosi en ce moment critique risquait de provoquer la Chine.
Pelosi aura finalement été reçue par Kim Jin-pyo, le président de l’Assemblée Nationale Sud Coréenne, accompagné d’une délégation parlementaire. Elle a pu ensuite échanger par téléphone avec Yoon sur des questions bilatérales telles que l’alliance entre les deux pays et leurs politique étrangères respectives. Yoon était en vacances cette semaine, et Park Jin, son ministre des affaires étrangères en déplacement au Cambodge pour les rencontres de l’ASEAN.
Selon le Financial Times, Yoon était chez lui à Séoul. Il s’est rendu au théâtre et a dîné avec les acteurs alors que Pelosi atterrissait dans la capitale.
Pelosi et sa délégation sont arrivés en Corée du Sud mercredi soir directement de Taiwan où sa visite non confirmée a été fermement condamnée par la Chine et la communauté internationale.
Lors de sa dernière visite à Séoul en 2015, elle avait rencontré la présidente Park Geun-hye et son ministre des affaires étrangères Yun Byung-se.
Selon le Korea JoonGang, la conversation téléphonique entre Yoon et Pelosi a duré 40 minutes. Ils ont réaffirmé leur attachement à l’alliance entre les deux pays et émis des vœux pour le développement d’une alliance stratégique globale et inclusive.
AP a rapporté que, selon le cabinet présidentiel, ni Pelosi, ni les membres de sa délégation, ni Yoon n’ont abordé la question de Taiwan. La question n’a pas été abordée non plus durant la réunion entre Pelosi et Kim Jin-Pyo, pas plus que la réaction de la Chine à ce propos. Les deux côtés se sont contentés de parler de sécurité régionale et de coopération économique.
Pour les experts, le président Sud Coréen a préféré ne pas rencontrer Pelosi pour éviter de se mettre en position délicate par rapport à la Chine. Il est clair que la Chine ne verrait pas d’un bon œil qu’un pays accueille avec trop de ferveur une dirigeante états-unienne qui vient d’enflammer les tensions à travers le détroit de Taiwan.
Lü Chao, expert de la péninsule coréenne à l’Académie des Sciences Sociales de Liaoning, explique au Global Times que « le Président de Corée du Sud et son ministre des Affaires Etrangères risquaient de se trouver dans une position inconfortable si, lors d’une rencontre avec Pelosi, la question de Taiwan avait été soulevée par leur interlocuteur. C’était une vraie possibilité, étant donné le sillage de réactions qu’elle a laissé derrière elle après avoir quitté l’Île. ». « Seoul n’est pas prêt à s’attirer les foudres de la Chine, et ne veut pas non plus se retrouver en porte-à-faux avec les Etats-Unis, sur la question de Taiwan. La solution de demander au président de l’Assemblée Nationale de rencontrer Pelosi alliait ainsi politesse et défense des intérêts nationaux »
Beaucoup d’observateurs de la Corée du Sud partagent cet avis. Pour Kim Heung-kyu, directeur de l’institut des relations Chine-U.S.A. à l’université d’Ajou, le Président et le ministre des Affaires Etrangères auraient certainement voulu avoir une rencontre avec le N°3 de la hiérarchie politique états-unienne dans d’autres circonstances, mais ils ont préféré ne pas lui donner trop d’importance politique à ce moment précis pour ne pas irriter inutilement la Chine (propos rapportés par le Guardian).
Certains analystes pensent aussi que l’organisation de la réception de Pelosi montre que la pression des Etats-Unis pour que la Corée du Sud choisisse son camp dans leur confrontation avec la Chine a mis le gouvernement Yoon dans l’embarras. Suivre de trop près les U.S.A. dans leur politique anti-chinoise mettrait en danger leur relation avec la Chine et ne serait pas forcément dans leur meilleur intérêt.
A la question de savoir si la position de la Corée du Sud était susceptible de changer après la visite de Pelosi à Taiwan, la porte-parole du ministère des Affaires Etrangères à répondu lors de la conférence de presse de jeudi que la Corée du Sud avait toujours adhéré au principe d’une seule Chine. Elle a ajouté que le gouvernement monitorait de près les développements dans le détroit de Taiwan.
Le Korea Daily News a rapporté les propos de l’Ambassadeur de Chine en Corée du Sud, Xing Haiming. Il a affirmé ce mardi que la visite de Pelosi à Taiwan est une attaque sérieuse contre la stabilité de la situation régionale et aurait des conséquences et des suites extrêmement sérieuses.
Certains experts pensent également que, au-delà de la question de Taiwan, une rencontre au sommet aurait ajouté à la pression des U.S.A pour que la Corée du Sud rejoigne l’alliance qu’ils cherchent à mettre en place, connue sous le nom de ‘Chip4’ et qui réunirait les U.S.A., le Japon, la Corée du Sud et Taiwan. Il est communément acquis que cette alliance cherche à s’opposer à la Chine, les ‘chips’ étant une des grandes exportations de la Corée vers la Chine.
Les Etats-Unis sont l’allié principal de la Corée du Sud alors que la Chine est un partenaire économique capital et un voisin proche. La question de l’articulation des relations avec ces deux pays pour préserver les intérêts nationaux est devenue l’une des questions les plus épineuses à laquelle le gouvernement Yoon doit répondre.
(1) Qu’il me soit permis de noter que c’est ce mouvement qui est à l’œuvre dans le cinéma coréen y compris le dernier dont nous avons fait la critique ici (Decision to leave) et qui selon nous a été incompris par la critique française et occidentale de plus en plus coupée de la réalité du mouvement du monde et des cinémas qui eux conservent leur ancrage national, même s’ils doivent encore jouer avec les manifestations internationales et autres biennales. (note de Danielle Bleitrach)
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