L’organisation pourrait devenir un élément important dans un monde multipolaire, mais il est peu probable qu’elle fasse concurrence à l’OTAN. “Pendant que la Maison Blanche réfléchissait à ce qu’il fallait encore fermer, interdire et saccager dans le monde, l’Argentine et l’Iran ont demandé à rejoindre les BRICS”, a dit la porte-parole russe du ministère des affaires étrangères russe. Il ne s’agit pas d’une “contre-alliance” face à celle fomentée par les USA mais d’un tout autre système qui ne cherche pas à imposer une adhésion idéologique mais à créer les conditions d’une pleine souveraineté de ses membres instituant aujourd’hui une manière d’échapper aux diktats US, au chantage économique et militaire et à la loi du plus fort. Près de la moitié de la population mondiale appartient aux BRICS mais cette organisation encore informelle est en pleine gestation et se pose la question des autres liens, en particulier des pactes avec les USA ? La Chine parait prête à s’engager plus qu’elle ne l’a jamais fait. Incontestablement l’affaire ukrainienne si elle a resserré les liens politiques de sommet de l’UE et de l’OTAN – tout en aggravant les contradictions sociales internes et externes – a créé les conditions d’une avancée sur l’organisation d’un monde multipolaire, qui tendrait plus vers un non alignement défensif. (note de Danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop)
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L’Argentine et l’Iran ont officiellement demandé à rejoindre les BRICS après le sommet de l’organisation qui s’est tenu du 23 au 34 juin. Le porte-parole du ministère iranien des affaires étrangères, Saeed Khatibzadeh, a été le premier à l’annoncer le 27 juin, expliquant que la demande avait été soumise et que, par conséquent, le président chinois Xi Jinping avait invité le président iranien Ebrahim Raisi à participer au sommet des BRICS, où il a prononcé un discours. M. Raisi a indiqué que Téhéran était prêt à mettre ses capacités à la disposition des pays du BRICS pour atteindre de nouveaux marchés et répondre aux besoins énergétiques.
Quant à l’Argentine, le président Alberto Fernandez a également déclaré, lors de la réunion des BRICS+, que son pays souhaitait devenir un membre à part entière de l’association, qui comprend déjà le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud.
Dans la soirée du 27 juin, la porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, Maria Zakharova, a confirmé l’intention des deux États de devenir membres.
“Pendant que la Maison Blanche réfléchissait à ce qu’il fallait encore fermer, interdire et saccager dans le monde, l’Argentine et l’Iran ont demandé à rejoindre les BRICS”, a-t-elle écrit sur son canal Telegram.
La Russie n’est pas opposée à l’élargissement des BRICS, mais avant cela, elle doit définir les exigences relatives aux candidats et élaborer les procédures nécessaires, a déclaré le 27 juin Youri Ouchakov, conseiller présidentiel russe.
“Nous avons un avis positif de principe sur l’éventuelle expansion de cette association, même si nous comprenons que ce problème doit être abordé de manière très, très prudente, avec précaution. Que suggérons-nous ? Tout d’abord, nous devrions déterminer les procédures et les exigences applicables aux éventuels candidats à l’adhésion aux BRICS. L’essentiel est de définir les règles d’une éventuelle expansion, puis d’envisager des candidats spécifiques”, a-t-il déclaré.
Selon M. Ouchakov, Moscou compte sur une coopération plus étroite avec les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine dans le cadre du format BRICS+, ce qui implique la création d’un cercle permanent d’amis de l’association.
Vladimir Poutine lui-même, s’exprimant lors du sommet des BRICS, a déclaré que le leadership des pays des BRICS dans l’environnement actuel revêt une importance particulière pour la formation d’un système multipolaire de relations interétatiques. Il a également noté l’expansion de la présence de la Russie dans les États membres. Au premier trimestre 2022, les échanges avec ces pays ont augmenté de 38 % pour atteindre 45 milliards de dollars.
Et Xi Jinping a explicitement déclaré au cours du sommet que les États membres devaient accélérer le processus d’intégration de nouveaux pays partageant les mêmes idées dans l’association, notant que ces dernières années, un certain nombre de pays ont exprimé le désir de rejoindre les BRICS.
“En injectant du sang neuf dans notre association, nous apporterons une nouvelle vitalité aux BRICS”, a-t-il déclaré.
Outre l’Iran et l’Argentine, l’Indonésie, la Turquie, l’Égypte, le Nigeria, la Syrie et le Bangladesh sont souvent cités comme des membres potentiels des BRICS. L’élargissement des BRICS à l’Iran et à l’Argentine, et éventuellement à d’autres pays, serait peut-être la première étape de leur transformation d’un club d’intérêts informel en une organisation plus institutionnalisée et plus influente. D’autre part, il semble que les membres des BRICS eux-mêmes n’aient pas encore décidé de ce qu’ils veulent en faire : un club informel comme le G7, un forum comme le G20, une association économique comme l’UE, ou même un bloc politico-militaire à part entière, rival de l’OTAN.
En 2018, le ministre du Développement économique de l’époque, Maxim Oreshkin, qui assistait au sommet des BRICS en Afrique du Sud, et à qui l’on demandait pourquoi aucune décision n’avait été prise pour élargir l’organisation, a répondu par une boutade : “Je suppose qu’ils n’ont tout simplement pas encore trouvé un bon nom”. C’est d’ailleurs une question intéressante – avec l’inclusion de l’Argentine et de l’Iran, deux voyelles supplémentaires seront ajoutées au nom, ce qui ouvre un espace d’imagination allant d’ABRIKIS à BARSIKI [les Petites Panthères, NdT].
Il est encore difficile de dire quelle sera la force de la structure une fois les nouveaux membres admis. Ces dernières années, les discussions sur l’élargissement n’ont pas abouti, en grande partie en raison d’une certaine amorphie de l’organisation. En outre, les experts ont souligné de sérieuses contradictions entre ses membres, comme l’Inde et la Chine.
Néanmoins, selon le politologue Youri Svetov, les négociations de ces dernières années n’ont pas été vaines, et les événements de l’année dernière ont encouragé certains pays à envisager plus activement la perspective de rejoindre les BRICS. Toutefois, pour ce faire, ils devront peser soigneusement le pour et le contre.
– L’élargissement des organisations internationales n’est pas un processus simple. Comme nous pouvons le constater, les BRICS sont à cet égard une organisation plus sérieuse que l’Union européenne, qui viole facilement ses propres principes en acceptant de nouveaux membres pour des raisons politiques. L’Ukraine et la Moldavie ont été annoncées comme candidates à l’adhésion à l’UE, tandis que la Géorgie a été rejetée. A la Serbie, qui est également candidate, le chancelier de la RFA Olaf Scholz dit : “Reconnaissez le Kosovo, réglez les problèmes territoriaux, et nous vous accueillerons”. Mais pourquoi les mêmes exigences ne s’appliquent-elles pas à l’Ukraine et à la Moldavie, voire à la Géorgie ?
L’adhésion à toute organisation internationale comporte des nuances. Pour devenir membre des BRICS, qui se positionnent désormais comme l’un des centres d’influence sur les affaires mondiales, il faut peser le pour et le contre, et notamment comprendre ce à quoi il faudra peut-être renoncer. Par exemple, le Mexique dit depuis longtemps qu’il aimerait rejoindre les BRICS. Mais ils ont un accord de libre-échange avec les États-Unis. Que va-t-il advenir de cet accord ? On ne sait pas, donc le Mexique s’abstient pour l’instant.
C’est la même chose avec l’Argentine qui, d’une part, dit qu’elle veut rejoindre les BRICS ; d’autre part, elle est prête à se substituer à la Russie pour les ressources énergétiques à destination de l’Europe ; et enfin, elle ne veut pas avoir de conflit avec les États-Unis. Jusqu’à présent, les BRICS ne constituent pas un impératif inconditionnel, où les États qui ont adhéré reçoivent immédiatement de nombreux avantages qui compensent ce qu’ils ont perdu du fait du refroidissement des relations avec les autres.
Par exemple, l’Iran fait déjà l’objet de sanctions américaines. Il y a actuellement des négociations à six pour un traité de coopération global, mais les Américains y font obstacle. Pour Téhéran, rejoindre les BRICS signifie en fait qu’il restera sous sanctions, et il doit en tenir compte.
La bonne nouvelle, c’est que l’on a déjà commencé à penser à l’expansion des BRICS et qu’il y a de vrais prétendants. Xi Jinping a clairement dit avant le dernier sommet qu’il soutenait l’idée d’élargir l’organisation. Cela signifie, entre autres, que la Chine est prête à compenser les pertes éventuelles que subiraient les nouveaux États membres.
Et l’Iran a d’autres adversaires puissants que les États-Unis. Il y a Israël, qui est encore plus intransigeant à l’égard de l’Iran, allant même jusqu’à éliminer ses scientifiques impliqués dans la recherche nucléaire. C’est aussi la Turquie, qui est en concurrence avec l’Iran sur la scène régionale.
L’Argentine, pour sa part, revendique un rôle de leader en Amérique du Sud, mais il y a aussi le Brésil. Les relations internationales ne sont pas un processus facile dans lequel il n’y aurait pas de jeux à somme nulle, et les membres potentiels des BRICS évaluent le pour et le contre. Quant au nom, ce n’est pas un problème. Si d’autres États les rejoignent, ils pourront trouver un autre nom.
SP : – Et quel est l’avenir de cette organisation, pourrait-elle devenir un bloc économique à part entière ?
– Jusqu’à présent, il s’agit d’un club informel aux principes très attrayants. Ses membres prônent l’égalité de tous les États du monde, s’opposent aux sanctions et estiment que leur tâche consiste à promouvoir les relations entre les États plutôt que les conflits. En même temps, les BRICS ne prétendent pas à un rôle global dans le monde et ne vont pas dicter leurs conditions et leurs règles à tout le monde, comme le font les Américains.
Mais il a de grandes perspectives. Il s’agit du rôle croissant des économies de la Chine, de l’Inde, de la Russie, du Brésil et de l’Afrique du Sud et de son énorme population. Près de la moitié de la population mondiale vit dans ces pays. Le G7 prétend être une sorte de gouvernement mondial. Mais il n’inclut pas la Chine, l’Inde ou la Russie. La Chine et l’Inde représentent à elles seules 2,5 milliards de personnes. La Russie est le plus grand pays du monde en termes de territoire. Et puisque ces pays ne font pas partie du G7, cela paraît tout à fait ridicule. Comparons au moins l’Italie et la Chine, qui sont membres du G7.
SP : Les BRICS peuvent-ils se transformer en un bloc militaro-politique ?
– Bien sûr, on peut se rappeler l’expression de Vladimir Lénine selon laquelle la politique est l’expression concentrée de l’économie. Mais pour l’instant, il s’agit d’une alliance purement économique. Parmi les principes politiques, ils sont guidés par un seul – c’est l’égalité. Les BRICS ne constituent en aucun cas un contrepoids à l’OTAN. Imaginez où se trouvent ces États. La Russie ne partage une frontière qu’avec un seul d’entre eux, la Chine. La Chine partage également une frontière avec l’Inde. Le Brésil et l’Afrique du Sud ne partagent pas de frontière avec l’un des membres des BRICS. Et quel genre d’alliances militaires peut-il y avoir sans frontières communes ?
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