Quel que soit le degré de conviction que la propagande occidentale crée en faveur de l’Ukraine, il devrait être difficile pour un juif ashkénaze issu d’Europe centrale de nier ce qu’est la souche du peuple ukrainien, revendiqué, à savoir les cosaques, en matière d’antisémitisme. Quand Lénine a associé le Donbass à cette partie fondatrice de l’Ukraine, il souhaitait donner à cette république une zone réellement prolétarienne qui empêcherait le retour de ce genre de “folklore” qui devient avec les Bandéristes, la base de l’actuel nationalisme ukrainien, le tout agrémenté de quelques mythes nordiques déjà utilisé par les nazis. Qu’il y ait un juif pour “couvrir” tout cela et que celui-ci soit la créature d’un autre juif qui a privatisé l’Ukraine à la tête de voyous nazis, ne me parait pas relever du “tikkoun” cet autre nom de l’ange de l’histoire(1) qui répare les malheurs des vaincus, mais d’une monstrueuse caricature enfantée par le capitalisme. Au hasard des articles de la presse énamourée de l’Ukraine et des débats sur les plateaux on découvre ce qu’est la nationalisme ukrainien et même comment les enfants sont enrégimentés dans la russophobie, mais c’est comme pour les cosaques, il suffit de parler de “héros de la liberté’ pour que cela passe… (note de Danielle Bleitrach pour histoire et société)
Martine Gozlan ©
Si les Cosaques ont traversé le temps dans ma mémoire historique et familiale, du côté de la branche ashkénaze, c’est effectivement comme guerriers mais avec un juif sous les sabots de leurs chevaux.
Je me retiens d’écrire ces lignes depuis une semaine tant le malheur qui s’est abattu sur l’Ukraine depuis son invasion sanglante par le tsar du Kremlin paralyse réflexes et réflexion. J’ai sursauté en effet l’autre matin en découvrant au flanc de tous les kiosques l’affiche du numéro d’Historia titrée « Les Cosaques, guerriers de la liberté ».
Un frisson m’a parcouru l’échine car si les Cosaques ont traversé le temps dans ma mémoire historique et familiale, du côté de la branche ashkénaze, c’est effectivement comme guerriers mais avec un juif sous les sabots de leurs chevaux. Ces valeureux combattants, sous la conduite de leur ataman (« chef ») Bogdan Khmelnitski, se sont en effet illustrés entre 1648 et 1650, lors de leur révolte contre les Polonais, par des massacres d’une telle ampleur et d’une telle férocité que le monde juif en est resté ébranlé bien au-delà du théâtre des atrocités : la nouvelle parvenue jusqu’en Orient aura déclenché une vague de désespoir absolu, de Smyrne à Jérusalem.
#UkraineRussianWar Le mythe Cosaque, ciment culturel et politique de l’#Ukraine revit. Historia fait revivre, derrière le mythe et les idées reçues, l’histoire complexe de ces guerriers de la liberté.
En kiosque et sur https://t.co/Z8uWDHb3oi !▶️ https://t.co/L5wFBtTAWU pic.twitter.com/6mgUr9MpBI— Historia (@historiamag) May 19, 2022
Ukraine : à Babi Yar, 70 ans après, le silence hanté de la “Shoah par balles”
On retrouve la chronique de cette Shoah version cosaque dans les témoignages réunis par Nathan Hannover, un contemporain de l’horreur : Le fond de l’abîme, « Yeven Mezulah » en hébreu, a été traduit en anglais en 1950 puis en français aux éditions du Cerf en 1991. Il est hélas épuisé depuis. Nathan Hannover, mort en 1663, évoque 80 000 victimes, un chiffre énorme pour l’époque. Le détail des supplices inventés par les héros de la steppe – comme les chats cousus dans les femmes enceintes éventrées – a été repris dans toutes les lamentations, à l’égal de la destruction du Temple de Jérusalem et de l’expulsion d’Espagne.
La littérature yiddish palpite de ces douleurs, de La charrue de feu d’Eli Chekhtman, à La corne du bélier (1933) d’Isaac Bashevis Singer où l’écrivain retrace le vertige messianique des hérésies de Sabbatai Tsevi puis de Jacob Frank qui s’empara des communautés juives, en réaction aux massacres des Cosaques.
La chasse continua durant les siècles suivants et jusqu’à la guerre civile des années 1917. Dans La garde blanche (1925) l’écrivain ukrainien Mikhaïl Boulgakov décrit sa nausée devant l’assassinat d’un passant juif par un cavalier cosaque.
À LIRE AUSSI : Ukraine : en Israël, les accusations continuelles de nazisme et le recours à la Shoah passent mal
Est-ce vraiment le bon moment pour faire remonter cette boue sanglante à la surface d’une histoire immédiate, elle aussi jalonnée de cauchemars infligés au peuple ukrainien, où le despote russe se sert de l’insulte « nazi » pour justifier son agression ?
Mon hésitation devant l’affiche d’Historia rejoint ma fatigue, sur cette grande place de Kiev, quelques jours avant la guerre, quand j’ai vu sur son socle la statue de Bogdan Khmelnitski, « le » héros national. Je savais depuis longtemps et, par ailleurs, comme me le répétaient mes amis, « c’est du passé et nous avons un président juif ! ». Honneur, donc, à Volodymyr Zelensky, le descendant de siècles de survie acharnée aux incendies et aux cavalcades, ce petit juif à qui revient la charge paradoxale d’incarner l’Ukraine, légende cosaque comprise ! Cela doit faire partie du « Tikkoun », la réparation du monde, cette aspiration mystique chantée sur toutes les lèvres juives des terres de sang.
Le grondement de l’histoire est plus fort que nous. Pour autant, chers confrères d’Historia, est-il nécessaire de la réécrire ?
(1) Hier j’ai été fascinée par la manière dont Staline et plus généralement les Russes se rapprochaient de la conception de la théologie ou du messianisme de l’Histoire que l’on trouve dans la mystique juive mais aussi chez certains marxistes, comme Ernst Bloch, Lukacs et walter BENJAMIN, d’origine juive avec l’influence de HEGEL; Le tikkoun olam, ou tikkun olam en anglais, en hébreu : תיקון עולם, « réparation du monde », est un concept issu de la philosophie et de la littérature juive, recouvrant en grande partie la conception juive de la justice sociale ou de réparation dans les courants libéraux, réformateurs et sécularisés, et celui de restauration, d’homéostasie ou d’intégrité dans les courants juifs orthodoxes. C’est un concept que l ‘on trouve à la fois dans la kabbale et dans le hassidisme- Tant dans la Kabbalah que dans le Hassidout, le Tikkoun Olam ne concerne pas seulement un Monde renouvelé mais aussi une amélioration individuelle à travers la Techouva ou précisément avec l’augmentation de la spiritualité en termes de paix, de bonté et de justice- chez LEVINAS comme chez BHL mais aussi dans un courant juif new yorkais trés progressiste. Le tikkoun est un processus collectif et individuel qui est un travail sur la matière, par une extraction des étincelles de la lumière divine qui est prisonnière et dispersée dans les réalités naturelles. « tout objet, tout lieu dans l’espace, est porteur d’étincelles lumineuses qui attendent depuis le commencement des temps une libération » remarque Mopsik. « Isaac Louria, fondateur du concept, distinguait partout dans la nature, dans les sources d’eaux vives, les arbres, les oiseaux, des âmes de justes et des étincelles de lumière aspirant à la délivrance, il entendait leur appel et tout son enseignement visait à exposer les moyens de contribuer à l’œuvre rédemptrice universelle». La libération prônée par Isaac Louria n’est pas politique ou nationale, mais concerne toutes les créatures, selon Mopsik. « La libération est loin d’être une tâche d’intellectuels ou d’experts dans les pratiques mystiques. Elle doit être l’œuvre de tous pour advenir, même si la doctrine qui la décrit exige pour être comprise des études approfondies».
Vues : 402